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Consommation de drogues licites et illicites chez l adolescent : une situation alarmante qui impose une prévention précoce
RAPPORT
1er octobre 2019 - La consommation de drogues licites et illicites est responsable de la perte annuelle de 130 000 vies humaines en France et d un coût sanitaire et social considérable. La dépense directe des finances publiques s élève à 22,1 milliards d euros, soit près de 1 % du PIB. Le niveau élevé d usage de ces substances à l âge adulte s explique par une entrée très précoce dans leurs consommations, puis par des progressions régulières, comme le montrent les trois séries d enquêtes de prévalence
réalisées entre 2010 et 2017 chez des adolescents de 11 à 17 ans. Ces consommations constituent donc un problème majeur de santé publique auquel il semble important d apporter des réponses prioritaires. Parmi 35 pays, pour ce qui est de la consommation des jeunes de 16 ans au cours des 30 derniers jours, la France occupe la 1re place pour le cannabis, la 3e pour les autres drogues illicites, la 11e pour le tabac et la 15e pour l alcool. L adolescence constitue une période de vulnérabilité toute particulière aux addictions du fait de l absence de maturité neuropsychologique. De nombreux facteurs peuvent faci- liter la transition vers l addiction, qu ils soient génétiques, environnementaux, liés à une vulnérabilité psychiatrique ou aux traits de la personnalité. D une manière générale, la consommation de drogues à l adolescence est susceptible d induire de nombreux troubles. Afin de la prévenir, des informations et des actions de prévention des conduites addictives doivent être engagées précocement, voire dès l école maternelle, puis tout au long du processus éducatif. Des interventions variées visant au déve- loppement des compétences des enfants, et/ou des parents, des stratégies à compétences multiples, voire réglementaires ont également montré leur efficacité. L Académie nationale de médecine propose un certain nombre de recommandations pour répondre à ces questions.
Rapporteurs Jean-Pierre GOULLÉ Françoise MOREL
Afin de prévenir la consommation de drogues licites et illicites chez l adolescent, l Académie nationale de médecine recommande :
d augmenter significativement les ensei- gnements consacrés aux sciences de la vie et de la terre, afin d y intégrer dès l école primaire et jusqu à l université, une information régulière sur les dangers de ces drogues ;
de promouvoir des actions collectives de sensibilisation sur les risques des drogues licites et illicites, à destination prioritairement des parents, des femmes enceintes, du corps médical, des enseignants, des milieux profession- nels et politiques. Ces actions devraient pouvoir s appuyer sur les résultats d enquêtes déclaratives de prévalence auprès des adolescents et sur des dépistages anonymes et aléatoires des consom- mations. Les résultats des enquêtes disponibles
sur la fréquence d usage chez les adolescents indiquent l urgence à mettre en place une étude d évaluation des comorbidités psychiatriques (trouble grave de la personnalité, troubles cogni- tifs, troubles émotionnels, symptômes psycho- tiques...) chez les adolescents usagers ;
de maintenir l interdiction du cannabis, de rendre dissuasif l accès au tabac en poursuivant l augmentation des prix, en faisant respecter l interdiction de vente de l alcool et du tabac aux mineurs, et de limiter leur publicité et promotion ;
de donner explicitement mission aux méde- cins scolaires dont le nombre doit être accru, avec le concours des infirmières des établissements scolaires et universitaires, d assurer un repérage médical de consommation de produits addictifs chez l adolescent ; afin de les orienter vers une prise en charge médicale adaptée.
Recommandations
Couverture santé universelle : utopie aujourd hui, réalité de- main. Qu apporte l expérience française ?
RAPPORT Rapporteur Didier HOUSSIN
15 octobre 2019 - La mise en place de la couver- ture santé universelle (CSU) est un des principaux objectifs du développement en santé. Le système d assurance maladie, peu à peu mis en place dans un pays développé, ne peut pas être transposé tel quel dans un pays en développement. Cinq exigences principales ont été identifiées : la volonté politique; l effectivité de l offre de soins ; la largeur de la population couverte, l obligation assurantielle ; le contrôle des dépenses liées aux soins.
A ce jour, au moins la moitié de la population mondiale n a toujours pas accès aux services de santé essentiels. En outre, quelques 800 millions de personnes consacrent plus de 10 pour cent du budget de leur ménage aux soins de santé et une centaine de millions de personnes plongent chaque année dans la misère du fait des dépenses directes des ménages. Un milliard de personnes de plus bénéficiant de la couverture-santé universelle d ici 2030 est l objectif la communauté internationale
La volonté politique
En raison de son impact sur la société, de ses enjeux professionnels, et de son poids financier, la mise en place d une couverture-santé universelle ne peut être abstraite du contexte politique dans lequel elle s inscrit et des principes qui sont liés à ce contexte et s est d emblée présentée comme une modalité de protection sociale organisée par les organisations patronales et des salariés sous le contrôle de l Etat. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, l Etat doit être assez fort pour garantir une collecte rigoureuse des fonds, appuyée si besoin sur le renfort de la justice, et une impec- cable gouvernance de leur gestion.
Les exigences qui sous-tendent l effectivité d une offre de soins, appuyée sur la diversité des offreurs et leur mise en concurrence
En France, l effort financier collectif que récla- mait la mise en place de la CSU était d autant mieux accepté qu il était justifié par l efficacité que les patients pouvaient alors attendre des soins mis en œuvre par des professionnels de santé, déjà nombreux et bien formés, et par des établisse- ments de santé publics et privés déjà suffisamment équipés. Cet effort était aussi encouragé par l es- prit de solidarité dans lequel il s inscrivait. L effort financier général ne peut être acceptable et accepté que si, parallèlement, les structures et acteurs du
soin, notamment publics, sont à même d apporter un réel service de santé aux malades et que si cet effort financier général répond aux attentes en termes de justice sociale.
Une des caractéristiques du dispositif français est la mixité du dispositif d offre de soins (public et privé), même si leur champ de tarification diffère de celui des établissements de santé publics, les cliniques privées voient leurs tarifs fixés par l Etat.
Il est plus difficile de s inspirer de l exemple fran- çais, dans les pays en développement dans lesquels coexistent deux systèmes différents avant la mise en place d une couverture-santé universelle.
La largeur de la population couverte plutôt que l exhaustivité des soins pris en charge
Pour accroître l effet de protection et ainsi favo- riser l adhésion à la protection sociale qu offre la CSU, il importe que la population couverte soit la plus large possible. Néanmoins le caractère parti- culièrement généreux d un tel dispositif peut faire oublier ce que sont les soins essentiels. Dans un pays en voie de développement, il est préférable, dans la phase initiale d une CSU, d assurer une couverture large de la population, mais de limiter les catégories de soins pris en charge.
L indispensable obligation assurantielle et sa contrepartie
Le caractère obligatoire de la couverture-santé est apparu en France comme une étape essentielle du processus de mise en place de la CSU. Cette adhésion est menacée dès qu émergent des doutes quant à la pertinence des soins prescrits, quant à de possibles remboursements injustifiés et quant au sens des responsabilités des assurés, sinon quant à d éventuelles fraudes.
Le difficile et nécessaire contrôle des dépenses liées aux soins
La mise en place de la CSU est une entreprise qui, avec le temps, peut se révéler extraordinairement coûteuse, à même de mettre en péril les finances publiques d un pays. La grande générosité du système français constitue sans doute une limite maximale de ce qui peut être visé.
Entre les deux jalons que sont la taille de la population d un pays et la limite maximale que constitue la gratuité totale des soins, la mise en