2726
2 avril 2019 - Dans son introduction, Pierre BRISSOT, organisateur de la séance, souligne que le fer est indispensable à la vie et potentielle- ment mortel car le corps ne synthétise pas de fer et est incapable de gérer une surcharge en fer. Le corps est sensible au manque comme à l excès de fer; il les compense par le maintien d un double équilibre : un équilibre systémique grâce à une hormone, l hepcidine, et une régulation intracel- lulaire grâce au récepteur de la transferrine, à la ferritine et à la ferroportine. Le fer est une cible thérapeutique émergente dans diverses situations; trois d entre elles font l objet de cette séance: les maladies neurodégénératives, les cancers en prenant l exemple particulier du cancer du sein et l acéruloplasminémie héréditaire.
Nouvelle stratégie de neuroprotection basée sur la chélation conservatrice du fer dans la maladie de Parkinson. David DEVOS
Un des processus pathologiques conduisant à la maladie de Parkinson est une accumulation anormale de fer dans la substance noire cérébrale, responsable à terme de la mort des neurones dopa- minergiques. Agir sur cette dyshoméostasie du fer par chélation pourrait être une stratégie théra- peutique neuroprotectrice utilisant la molécule prototype défériprone; une étude pilote, comparant défériprone versus placebo, a montré une réduction significative du taux de fer dans la substance noire cérébrale, l effet bénéfique persistant pendant toute la durée du traitement. Ces résultats prometteurs ont conduit à la mise en place d essais cliniques randomisés de phase II actuellement en cours. La découverte récente d un nouveau mécanisme de mort cellulaire, non nécrotique et non apoptotique dépendante du fer, appelé ferroptose, permettrait à la fois d expliquer le mécanisme d action de la chélation du fer tout en ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques de molécules anti-ferroptotiques.
Fer et cancers : l exemple du cancer du sein. Céline CALLENS
L homéostasie du fer subit des dérégulations dans les cellules tumorales, hautement prolifératives
afin de s adapter à leurs besoins augmentés, jouant un rôle d initiateur de la tumorigenèse et un rôle de facteur de croissance. Dans les cancers du sein, la privation en fer au moyen des chélateurs, en ralen- tissant la croissance tumorale, semble une approche transposable en pratique clinique. La combinai- son des chélateurs du fer avec la chimiothérapie potentialise les effets de celle-ci accentuant les mécanismes de mort cellulaire et pourrait être un traitement intéressant dans les cancers du sein triple négatifs (absence d expression des récepteurs aux hormones et de surexpression d HER2) de pronos- tic défavorable. D autres approches thérapeutiques pourraient utiliser les anticorps humanisés inhi- biteurs ciblant le récepteur de la transferrine ou l hepcidine. Ainsi, la privation en fer pourrait être étendue à tous les sous-types des cancers du sein et, plus largement à tous les cancers, posant la ques- tion de la pertinence de la supplémentation en fer des patients atteints de cancers et anémiés.
Fer et surcharge génétique : l exemple de l acéruloplasminémie. Olivier LORÉAL
L acéruloplasminémie héréditaire est une maladie génétique de transmission récessive se manifestant par deux groupes de symptômes: anémie micro- cytaire et diabète, symptômes neurologiques et rétinite pigmentaire; elle est liée à des mutations, dans le chromosome 3, du gène codant la céru- loplasmine. Ces mutations conduisent, du fait de la perte de l activité ferroxidasique de la protéine, au développement d une surcharge parenchymateuse en fer touchant le foie, le pancréas mais également le cerveau. La particularité du phénotype hépatos- plénique, qui épargne les macrophages hépatiques et spléniques, et la présence d une accumulation intracérébrale de fer rendent compte de l existence de mécanismes complémentaires concourant à cette maladie. Leur compréhension permettra d améliorer la prise en charge de ces patients mais aussi celle des patients présentant une accumula- tion anormale de fer au sein du système nerveux central dans d autres pathologies neurodégénéra- tives beaucoup plus fréquentes comme les mala- dies de Parkinson et d Alzheimer.
Le fer comme cible thérapeutique : nouveaux horizons
SÉANCE Communications Pierre BRISSOT, David DEVOS, Céline CALLENS, Olivier LORÉAL
9 avril 2019 - Introduction Antoine DURRLEMAN
La Cour des comptes est compétente depuis la réforme constitutionnelle de 2008 pour effectuer des évaluations de politiques publiques. Son évaluation vise à apprécier l impact d une politique et à émettre un jugement sur la valeur de cette politique, au regard de ses effets constatés par rapport aux objectifs que les pouvoirs publics lui ont assignés. Ces évalua- tions peuvent être conduites de la propre initiative de la Cour ou sur demande du Parlement ou du Gouvernement. La sixième chambre de la Cour des comptes est compétente pour le secteur de la santé, le secteur médico-social et la sécurité sociale. Elle s est préoccupée de la politique de lutte contre le tabagisme en 2012, contre la consommation nocive d alcool en 2016, et de la prise en charge de l autisme en 2018. Des enquêtes ont également été menées, en particulier sur la politique vaccinale en 2017. Les mesures prises par les pouvoirs publics, suite aux recommandations de la Cour, font apparaître des résultats contrastés de ces évaluations d une politique à l autre.
L évaluabilité des politiques Nicolas BRUNNER.
Toutes les politiques de santé ne sont pas à même d être évaluées et la question de l « évaluabilité » présente des aspects spécifiques. La « faisabilité » doit préalablement être mesurée : dix critères concer- nant cette politique sont pris en compte, parmi lesquels -avoir des objectifs connus et définis, -avoir des résultats mesurables, -avoir débuté depuis quelques années et se poursuivre encore, -ne pas faire l objet de blocages institutionnels ou politiques identifiables, -ne pas faire l objet d évaluations similaires, en cours ou récentes, par d autres institutions. La limitation des objectifs a par exemple exclu pour l alcool d abor- der les politiques de soutien à la viti-viniculture. La présence de blocages institutionnels et de dissensions dans la société a ainsi fait renoncer la Cour, après l avoir fortement envisagé, à évaluer la politique de lutte contre la consommation de cannabis.
Le « conseiller-expert en évaluation de santé » à la Cour a un rôle déterminant dès l étude de faisabilité. Il doit répondre à des questions précises, par exemple éthiques, déontologiques ou faisant appel à des
connaissances médicales spécialisées (pathologies du neuro-développement dans les syndromes du trouble autistique, traitement des addictions à l alcool, phar- macovigilance, ). Le Premier président a considéré indispensable que sa légitimité et son expérience soient indiscutables. C est pourquoi il a fait le choix de nommer pour cette mission essentielle un membre de l Académie nationale de médecine.
Une préoccupation dans le choix des évaluations est de ne pas faire double emploi aves les rapports et/ou recommandations de Santé Publique-France, du Haut Conseil de la Santé Publique, de la Haute Autorité de Santé, des agences : Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail (ANSES),
Les méthodes d évaluation Esmeralda LUCIOLLI
Phase d instruction : dans le cadre des évaluations en santé, la Cour est plus particulièrement confrontée à des difficultés liées aux sources de données, qu elles soient quantitatives ou qualitatives. Les bases de données en santé les plus couramment utilisées sont celles du Système national d information inter-ré- gimes de l assurance maladie (SNIIRAM), et notam- ment le programme de médicalisation des systèmes d information (PMSI). Mais la prévalence de facteurs de risque tels que le tabac et l alcool ne fait l objet
d aucun recueil systématique, et n est repérable que par des enquêtes spéci- fiques (tels que les baromètres santé), dont la périodicité ne permet cepen- dant pas un suivi régulier. Ainsi, pour le tabac et l alcool, les prévalences de consommation font-elles l objet de plusieurs enquêtes menées par des
acteurs différents. Parmi les jeunes, trois enquêtes, dont deux menées au plan européen, renseignent sur les consommations à un moment et à un âge donnés.
Le « comité d accompagnement » joue un rôle important et a pour fonction principale de faciliter la conduite de l évaluation. La composition du comité fait l objet d une réflexion approfondie car il s agit de rassembler des experts pouvant exprimer un point de vue contributif et dénué de conflits d intérêt. Ils se positionnent en contributeurs contradicteurs pour le bien public et sont associés étroitement à l élabo- ration des conclusions et des recommandations du
L évaluation des politiques de santé publique : la contribution de la Cour des comptes
SÉANCE Communications Antoine DURRLEMAN, Nicolas BRUNNER, Esmeralda LUCIOLLI, Patrick LEFAS
« La France en retard sur la promotion
des politiques de prévention. »