Communication scientifique
Séance du 28 novembre 2006

Syndromes dépressifs et pronostic des maladies cardiovasculaires

MOTS-CLÉS : cardiopathies ischémiques. infarctus du myocarde.. insuffisance cardiaque. trouble dépressif
Influence of depression on the prognosis of cardiovascular diseases
KEY-WORDS : congestive. coronary disease. depressive disorder. heart failure. myocardial infarction

Jean-Paul Bounhoure, Michel Galinier, Daniel Curnier, Marc Bousquet***, André Bes****

Résumé

La dépression nerveuse, les cardiopathies ischémiques et l’insuffisance cardiaque sont des affections très fréquentes après 60 ans, réduisant la qualité de vie et représentant une lourde charge au plan économique pour la société. Quelques études épidémiologiques et observationnelles ont montré que les syndromes dépressifs étaient un facteur de risque indépendant à l’égard des cardiopathies ischémiques et de l’insuffisance cardiaque. L’insuffisance coronaire est plus fréquente chez les sujets déprimés que chez les non déprimés et après un infarctus du myocarde un syndrome dépressif est un facteur de surmortalité et de complications. Les syndromes dépressifs sont aussi fréquents au cours de l’insuffisance cardiaque et ils constituent un facteur de mauvais pronostic, étant associés à des complications et une surmortalité. Plusieurs facteurs semblent relier la dépression aux complications cardiovasculaires et à une surmortalité : une dépression nerveuse entraîne une mauvaise observance des traitements cardiologiques et a des conséquences nerveuses et biologiques délétères. On a constaté une stimulation neuroendocrinienne importante, une dysfonction endothéliale, une faible variabilité du rythme cardiaque et une altération de la fonction plaquettaire chez les patients déprimés atteints de cardiopathies. Des travaux récents évoquent une prédisposition génétique à l’association des deux pathologies. Les traitements pharmacologiques psychiatriques de la dépression améliorent la qualité de vie mais on s’interroge sur les risques cardiovasculaires des médicaments antidépresseurs prescrits chez les patients cardiaques. Chez eux, les inhibiteurs de la sérotonine semblent préférables aux antidépresseurs tricycliques à cause de leur meilleure tolérance et de l’absence d’effets secondaires rythmiques et tensionnels.

Summary

Coronary artery disease, heart failure and depression are all highly prevalent after 60 years of age. They significantly affect quality of life and represent a major economic burden for society. Some epidemiological and observational studies suggest that depression is an independent risk factor for the onset and progression of ischemic heart disease and heart failure. Patients with depression are more likely to develop ischemic heart disease, and they are more likely to die or to have a recurrence after myocardial infarction. Heart failure is frequently associated with depression, and this combination carries an increased risk of complications and mortality. Several factors seem to link depression with cardiovascular events and poor outcome, including poor adherence to treatment, sympathetic stimulation, endothelial dysfunction, low heart rate variability, and abnormal platelet function. There is strong evidence that depressive symptoms are a negative prognostic factor in patients with heart failure and coronary heart disease. Treatment of depression improves quality of life, but its impact on the outcome of heart diseases is controversial. Selective serotonin reuptake inhibitors seem preferable to tricyclic antidepressant for depressive patients with cardiac diseases, because of their good tolerability and lack of cardiovascular effects.

Les relations entre les syndromes dépressifs, l’évolution et le pronostic des cardiopathies suscitent beaucoup d’intérêt et sont aujourd’hui un thème d’actualité. Les maladies cardiovasculaires et les dépressions, fréquentes après 60 ans, paraissent intimement liées, le choc psychologique des affections cardiaques graves, mettant en jeu le pronostic vital, facilitant l’apparition d’un syndrome dépressif. Chez ces patients dépressifs, la prévalence, les complications et la mortalité des cardiopathies ischémiques et de l’insuffisance cardiaque s’élèvent [1, 2]. La survenue d’une dépression au cours d’une cardiopathie est un facteur de mauvais pronostic, favorisant la mauvaise observance du traitement, accélérant l’évolution de la cardiopathie, facilitant les complications et causant une surmortalité. Compte tenu de la forte prévalence des deux entités pathologiques au delà de 60 ans, le problème est de savoir s’il s’agit d’une relation purement fortuite ou si des interactions délétères s’établissent entre les deux syndromes. La prévalence d’un syndrome dépressif au cours d’une cardiopathie ischémique varie, selon les études, de 15 à 20 % et de 25 à 30 % chez les insuffisants cardiaques, en fonction des modalités du diagnostic retenues [3, 4]. L’évaluation du pronostic de ces atteintes cardiaques associées à un syndrome dépressif, demande un suivi de plusieurs années. Aussi nous ne pouvons pas faire encore état d’une étude entreprise cette année chez des coronariens et insuffisants cardiaques, en réadaptation, dont les résultats ne seront connus que dans deux ou trois ans. Il nous a paru intéressant d’analyser la littérature publiée sur ce thème en ne retenant que des études comportant des délais d’observation prolongés.

Aspects et prévalence des syndromes dépressifs

En pratique médicale courante, et en cardiologie, les syndromes dépressifs, comme l’athérosclérose coronaire, très courants après 60 ans, sont trop souvent méconnus et insuffisamment traités. Les patients âgés chez lesquels évoluent les deux états pathologiques, ont une qualité de vie médiocre et de nombreuses complications :

syndromes coronariens aigus, poussées d’insuffisance cardiaque, hospitalisations répétées [3, 4]. Un syndrome dépressif peut être détecté par des examens psychiatriques systématiques ou fortuits, un interrogatoire à l’aide de techniques spécialisées, telles des échelles psychométriques validées. Sa prévalence dans l’insuffisance coronaire varie, pouvant atteindre 30 % des cas au cours des dysfonctions ventriculaires après infarctus du myocarde [2-4]. La dépression passe trop souvent inaperçue parce qu’une anxiété importante, une tristesse réactionnelle après une maladie aussi grave qu’un syndrome coronarien aigu, sont trop souvent considérées comme des réactions normales, après un événement douloureux et angoissant. Les aspects cliniques les plus courants sont représentés par des troubles de l’humeur, une tristesse invincible, une morosité brutale, un désintérêt prononcé pour la vie. Quelquefois une indifférence à l’égard des symptômes, un repli sur soi même, le refus de s’alimenter, des troubles du sommeil, une lenteur d’idéation, confirment la dépression. Celle-ci implique, dès qu’elle est détectée ou suspectée l’intervention d’un psychiatre et une coopération étroite entre celui-ci, le cardiologue et le généraliste pour des décisions thérapeutiques et un suivi appropriés.

Influence sur le pronostic

Patients sains

Plusieurs travaux ont analysé l’impact d’un syndrome dépressif sur le pronostic d’une insuffisance coronaire après avoir fait intervenir des facteurs de correction tenant compte de la présence des facteurs de risques classiques : hypertension artérielle, tabagisme, dyslipidémie, diabète, obésité. Des études d’observation montrent que les dépressions sont des facteurs de risque coronaire dans la population générale [3-6]. L’étude la plus convaincante est une étude prospective de très grande échelle, longitudinale, sur une cohorte importante, menée entre 1986 et 2001 [5]. Elle résulte du cumul de sept études portant sur des cohortes de 780 à 8 000 patients suivis en moyenne pendant onze ans. Le diagnostic de dépression repose soit sur des examens psychiatriques systématiques soit sur des questionnaires spécifiques, validés par des psychiatres. Les conclusions sont claires : une tendance dépressive est un facteur de risque indépendant de cardiopathie ischémique. L’interaction entre une dépression et une maladie coronaire persiste après des corrections faisant intervenir des facteurs démographiques et les facteurs de risque reconnus [6]. Le risque relatif (RR) d’infarctus du myocarde chez des patients atteints de syndromes dépressifs, varie de 1,6 (IC 95 % RR 1 ,03-2,3) à 4,5 (IC 95 % 1,7-12,4). Ce danger accru d’infarctus est constaté dans toutes les formes de dépression même dans les formes
mineures. Dans une cohorte de 2 832 sujets sans antécédent coronarien ou atteinte pathologique grave connue, 11 % avaient une tendance dépressive, 2 % une dépression sévère, 10,8 % une dépression modérée. Après correction statistique, le risque de décès par atteinte coronaire était de 1,6-2,1-1,9 (IC 95 % 1,2-3,9). Des études prospectives récentes confirment ces données. Aux Etats-Unis, la « Precursors Study » permit la surveillance au plan cardiaque de 1 190 étudiants de sexe masculin suivis pendant près de trente ans. L’incidence de syndromes dépressifs atteint 12 %, multipliant par deux le risque d’évènement coronarien [7]. La Cardiovascular Health Study étudiant le devenir de 5 201 patients au cours d’un suivi de six ans, aboutit à des conclusions identiques [8]. Une étude cas témoin très récente, incluse dans la Prospective Epidemiological Study of Myocardial Infarction, réalisée chez des hommes en bonne santé recrutés à Belfast et en France, confirme que la présence d’un état dépressif est corrélée statistiquement au développement d’une maladie coronaire [9].

Patients atteints d’une maladie coronaire

Chez les patients ayant une athérosclérose coronaire confirmée par l’angiographie, même sans infarctus ou angor instable, la détection de cette pathologie à haut risque a toujours un important retentissement psychologique et peut faciliter l’apparition d’un syndrome dépressif. Mais son diagnostic est trop souvent méconnu et il est trop souvent considéré comme normal, banal, par le médecin et l’entourage familial, qu’un sujet dont la vie est menacée par une affection grave, sombre dans le découragement, une tristesse invincible. Une tendance dépressive ne doit pas être considérée comme une réaction normale à un accident ou une pathologie cardiaque. Chez les patients atteints d’infarctus la prévalence d’un syndrome dépressif atteint 20 à 25 % et des signes de dépression mineure sont retrouvés chez 27 à 40 % des patients [10, 11]. Les risques relatifs d’accident grave ou de décès sont multipliés par deux et 2,5 [12, 13]. Ces patients sont sujets à un taux de complications élevé avec des réhospitalisations pour récidives douloureuses, arythmies, insuffisance cardiaque.

Dans deux études canadiennes comportant des effectifs importants et un suivi de plusieurs années, l’apparition d’une dépression dans les suites d’un infarctus est corrélée à une morbidité augmentée et une surmortalité [14, 15]. Les autres facteurs du pronostic considérés étaient la classe Killip à l’hospitalisation, le type d’infarctus avec ou sans onde Q, la fraction d’éjection et la présence d’un tabagisme. Une dépression grave est un facteur de mauvais pronostic aussi important qu’une dysfonction ventriculaire post infarctus. Au cours des enregistrements électrocardiographiques de longue durée, une forte prévalence de tachycardies ventriculaires, a été détectée chez les patients déprimés.

Dépression et insuffisance cardiaque

Koenig a montré la fréquence des syndromes dépressifs chez les insuffisants cardiaques âgés hospitalisés, les difficultés de leur traitement et leur influence délétère sur le pronostic [15]. Récemment évaluant l’évolution et le pronostic de syndromes
dépressifs mineurs et d’insuffisance cardiaque chez 587 patients, cet auteur a pu constater que l’évolution des deux syndromes était intimement liée. Après six semaines de traitement, 39 % de patients étaient améliorés sur le plan cardiaque et psychiatrique alors que 27,3 % d’entre eux n’avaient bénéficié d’aucun des deux traitements. Les réponses thérapeutiques sont uniformes rarement dissociées : la régression d’une pathologie entraînant l’amélioration de l’autre [16]. Chez les patients ambulatoires, la prévalence des formes frustes, souvent atypiques de syndromes dépressifs s’élève, pouvant atteindre 30 %. Dans une série personnelle de 125 insuffisants cardiaques, classe NYHA II-III, soumis à une réadaptation dans un établissement spécialisé, 24,4 % présentaient un syndrome dépressif qui a contrarié la pratique de la réadaptation. Abramson et col ont mené une étude prospective chez 4 538 sujets hypertendus âgés de plus de 60 ans, le « Systolic Hypertension Elderly Trial ». Les auteurs constatèrent que les sujets déprimés avaient par rapport aux non déprimés, un risque important d insuffisance cardiaque au cours d’un suivi prolongé de16 ans (RR : 2,82 IC 95 % : 1,71 – 4,67), même après avoir fait intervenir des facteurs de correction tenant compte de l’age, du sexe, des antécédents coronariens et médicaux, du diabète, du niveau tensionnel [17]. Une dépression augmente le risque d’insuffisance cardiaque de manière significative, par rapport aux sujets non déprimés. Junger et col . constatèrent qu’une dépression multiplie par deux les risques de décès et par trois les risques de rechute et de réhospitalisations [18].

Vaccarino et col. au cours d’une étude prospective de 390 patients insuffisants cardiaques, détectèrent chez 85 d’entre eux un syndrome dépressif et confirment qu’une dépression représente un facteur pronostic très défavorable [19].

Physiopathologie

Plusieurs facteurs ont été évoqués pour expliquer les conséquences délétères de cette association :

— Un syndrome dépressif facilite le désintérêt des patients à l’égard de leur état de santé, joue un rôle favorisant dans la genèse et l’évolution d’une cardiopathie ischémique ou d’une dysfonction ventriculaire. Le découragement à l’égard de l’avenir, le désintérêt pour son état, sont associés chez un patient déprimé et cardiaque à un mépris non dissimulé de l’hygiène de vie et des traitements. Cet état psychologique conduit le sujet déprimé à une mauvaise observance des mesures hygièno-diététiques ou thérapeutiques recommandées pour la prévention primaire ou secondaire de l’athérosclérose coronaire. Ce mauvais suivi des prescriptions peut faciliter l’installation et le développement rapide de l’athérosclérose. L’arrêt du tabac, une bonne compliance au traitement d’un diabète, d’une hypertension ou d’une dyslipidémie, sont des mesures mal acceptées et rarement suivies par les patients souffrant d’un syndrome dépressif même mineur [10]. L’observance médiocre des stratégies thérapeutiques comportant des traitements complexes peut expliquer après un infarctus du myocarde ou une insuffisance cardiaque, la gravité de ces associations pathologiques.

— Des profils psychologiques particuliers ont été suspectés comme facteurs favorisants de l’athérosclérose coronaire. Le comportement psychologique de type A, caractérisé par de l’ambition, une hyperactivité, une extrême impatience et une hostilité envers les autres,une compétitivité élevée, a été considéré comme un terrain favorable à la genèse de l’insuffisance coronaire [20]. Ce fait est actuellement discuté, l’étude MIRFIT, (Multiple Risk Factor Intervention Trial) en particulier n’a trouvé aucune corrélation entre ce profil de type A et les accidents coronariens aigus [21]. Une méta-analyse des études prenant en compte des profils psychologiques s’est avérée négative. Toutefois des stratégies de gestion du stress, permettant de mieux maîtriser ce processus, se mettent en pratique [22].

— Diverses anomalies biologiques semblent aussi jouer un rôle facilitant.

Des altérations de la fonction plaquettaire , une hypercoagulabilité, des augmentations de la thromboglobuline et du facteur plaquettaire 4, ont été mises en évidence chez les patients déprimés. Non traités, ils ont une activation, une hyper agrégabilité plaquettaire facilitant les accidents thrombotiques [23, 24]. On a constaté une augmentation de la densité des récepteurs 5- HT2A à la sérotonine et des concentrations de fibrinogène. Empana et col , ont mis en évidence chez les déprimés une augmentation des marqueurs sériques de l’inflammation : élévation des taux plasmatiques moyens de C-réactive protéine, d’interleukine 6 et de molécule —1 d’adhésion intercellulaire. Chacun des marqueurs de l’inflammation contribuait de manière significative à augmenter le risque d’événement coronaire [10].

D’autres auteurs ont évoqué les effets délétères de taux élevés d’homocysteine et une hypercortisolémie latente [25]. Une dysfonction endothéliale a été mise en évidence chez les patients déprimés [26]. Ces altérations biologiques facilitent l’athérogénèse et les complications thrombotiques.

Enfin dans les dépressions sévères, on note une dysfonction du système nerveux autonome et une réduction de la variabilité sinusale, une stimulation sympathique cause de vasoconstriction, de tachycardie, d’arythmies et de mort subite [27].

Actuellement des travaux évoquent une prédisposition génétique à l’association des deux pathologies. Le génotype 5HTLL et l’allèle court, allèle S du transporteur de la sérotonine, est considéré comme un déterminant des syndromes dépressifs et de cardiopathie ischémique [28]. De nouvelles études sur des populations importantes de patients cardiaques et déprimés sont nécessaires pour mieux saisir les relations entre les troubles dépressifs et tenter d’expliquer les raisons de la surmortalité.

Traitement médical de la dépression

Depuis des années le traitement pharmacologique des syndromes dépressifs chez les patients atteints d’une insuffisance coronaire stable est basé sur les agents antidé- presseurs tricycliques, tels l’amitryptyline, l’imipramine, la nortriptyline, la desipra-
mine et doxépine. Ces antidépresseurs tricycliques ont des effets secondaires nocifs qui causent une hypotension orthostatique, une instabilité hémodynamique dangereuse chez les coronariens et les insuffisants cardiaques. Cette classe thérapeutique a des effets anticholinergiques et un haut potentiel d’interactions médicamenteuses défavorables en association aux médicaments cardiologiques. Tous les antidépresseurs tricycliques sont dotés de propriétés arythmogènes. En contraste les inhibiteurs sélectifs de la sérotonine ont des effets cardiaques minimes. Le citalopram a un léger effet bradycardisant, sans action significative sur l’espace PR, QRS ou l’intervalle qTc.

Pour évaluer le risque d’infarctus myocardique, 2 249 patients recevant au moins un médicament antidépresseur furent comparés à 52 750 sujets qui n’en prenaient pas.

Parmi les patients sous antidépresseurs on évalua les effets de la nortriptyline et de la paroxetine. Après un suivi de quatre à cinq ans les patients sous antidépresseurs avaient un risque relatif d’infarctus du myocarde multiplié par deux [RR 2 ,4 (IC de 95 % 1,2 à 4)]. Les patients traités par nortriptyline et paroxetine avaient respectivement un risque relatif d’infarctus de 2,4 et de 0,8 suggérant que la nortriptyline augmentait significativement le risque cardiaque [29]. Un essai avec la sertraline vs placebo a montré la bonne tolérance et les effets favorables de cet antidépresseur [30].

Le retentissement psychologique et thymique des affections cardiaques est toujours important facilitant l’installation de syndromes dépressifs plus ou moins caractérisés qui précipitent l’évolution de l’athérosclérose coronaire et de l’insuffisance cardiaque. Les explications physiopathologiques de cette interaction délétère sont encore mal connues. Outre la stimulation sympathique, les effets thrombogènes de l’activation plaquettaire, de l’inflammation, de la dysfonction endothéliale et les effets secondaires des antidépresseurs, certains auteurs évoquent maintenant des facteurs génétiques. Une coopération étroite des psychiatres et des cardiologues est souhaitable pour entreprendre des études comportant un suivi prolongé, évaluer les mécanismes de cette association et les effets de nouveaux traitements antidépresseurs non tricycliques.

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DISCUSSION

M. André VACHERON

Les anti-dépresseurs tricycliques utilisés chez ces patients n’auraient-ils pas joué un rôle dans le déclenchement des troubles du rythme observés chez les insuffisants cardiaques et les coronariens ?

En effet je pense que le rôle arythmogène de certains antidépresseurs a contribué a augmenter la fréquence des arythmies dans la population des patients déprimés, après un infarctus dans notre étude. Ce fait avait été noté aussi dans les travaux cités dans la bibliographie. Mais même avec la prescription des nouveaux anti dépresseurs et chez les patients non traités on constate une tendance à une fréquence accrue des extrasysyoles ventriculaires et des crises de fibrillation auriculaire en rapport probablement avec la stimulation sympathique liée aux états dépressifs.

M. Pierre GODEAU

La physiopathologie de cette association dépression-maladie cardiovasculaire est certainement très complexe, comme l’auteur l’a mentionné. Peut-on différencier ce qui est propre à la pathologie cardiaque et ce qui peut être associé à toute pathologie chronique (diabète, cancer, handicap, âge, etc.) ? Ceci justifierait l’étude comparative de groupes témoins.

Il est certain que toutes les pathologies chroniques mettant en jeu le pronostic vital sont des facteurs favorisants des dépressions. Mais il semble que le retentissement psychologique et thymique particulier d’une pathologie cardiaque très grave soit un facteur favorisant particulier. De plus pour montrer la complexité de cette relation il semble qu’une dépression favorise la survenue des infarctus et des accidents coronariens aigus. A ma connaissance il n’y a pas d’étude comparative entre les autres pathologies chroniquesune dépression et leur association aux syndromes coronariens. Ce sont des études à réaliser.

Mme Monique ADOLPHE

A-t-on des résultats différents suivant que les déprimés sont traités ou non ?

Avec les traitements assez anciens des dépressions et l’utilisation des anti dépresseurs tricycliques on n’avait pas noté d’effet favorable du traitement anti-dépresseur et même
un surcroît de complications vu le retentissement hémodynamique et rythmique de ces médicaments. Par contre il semble qu’avec les médicaments inhibant la recapture de la sérotonine le traitement de la dépression a des effets favorables sur l’évolution de la cardiopathie. Quelques études le laissent penser.

M. Jean-Daniel SRAER

Les cardiopathies ischémiques sont-elles les seules dont le pronostic peut être modifié par un ‘‘ état dépressif ’’ ou, s’il ne s’agit pas d’une constante, dans toutes les maladies chroniques graves ? Le problème est identique chez les transplantés soumis à un traitement lourd.

Il est raisonnable de penser que ce risque de dépression est présent dans toutes les pathologies évoluées et très graves, mai à ma connaissance cette association a été surtout étudiée chez les coronariens et les insuffisants cardiaques.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. ** Service de Cardiologie, Hôpital de Rangueil-Toulouse 31409. *** Centre de Rééducation de St-Orens, Toulouse 31650. **** Neurologie, Faculté de Médecine Toulouse-Rangueil et 4 Avenue Frédéric Mistral, Toulouse 31000. Tirés à part : Professeur Jean-Paul BOUNHOURE, même adresse. Article reçu le 22 mai 2006, accepté le 6 novembre 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 8, 1723-1732, séance du 28 novembre 2006