Communication scientifique
Séance du 28 novembre 2006

Allergies et hypersensibilités aux médicaments. Facteurs de risque

MOTS-CLÉS : beta-lactames. facteur de risque. hypersensibilité medicamenteuse. nucléotide.. polymorphisme
Drug allergy and hypersensitivity. Risk factors
KEY-WORDS : beta-lactam. drug hypersensitivity. polymorphism. risk factors. single nucleotide.

Pascal Demoly, Paul Guglielmi, Laurence Guglielmi

Résumé

Les allergies médicamenteuses se manifestent par des réactions très hétérogènes et leurs causes sont multiples. Elles sont toujours la conséquence d’une réaction immune exagérée. Les analyses de type conventionnel (fondées généralement sur la classification de Gell et Coombs) ne parviennent que très imparfaitement à rendre compte de leur physiopathologie. Les données épidémiologiques ont apporté d’importantes informations concernant leur prévalence : les femmes sont plus souvent atteintes que les hommes, la concomitance des infections (HIV, herpes) et de certaines maladies (lupus systémique érythémateux) sont des facteurs de risque significatifs. La prédisposition génétique des patients constitue un autre facteur de risque lié à l’hôte, et est actuellement en cours d’investigation dans notre laboratoire. La plupart des études génétiques porte sur l’analyse des haplotypes HLA ou des polymorphismes de gènes de quelques enzymes du métabolisme du médicament. Notre équipe a récemment impliqué les polymorphismes du promoteur IL-10 et du gène IL-4R α dans l’allergie immédiate aux β -lactames.

Summary

Drug allergies are heterogeneous, multifactorial disorders that always involve an exaggerated immune-mediated reaction. Proposed models of immunologic mechanisms (mainly based on Gell and Coombs’ classification) cannot fully explain the pathophysiology of these reactions. Epidemiologic studies show that female gender, concomitant infections (HIV, herpesvirus, etc.) and illnesses (systemic lupus erythematosus) are all significant risk factors. Genetic predisposition is under investigation in our laboratory. Most genetic studies concern HLA haplotype associations or polymorphisms in genes that encode drugmetabolising enzymes. An ongoing study by our group points to a role of polymorphisms within the IL-10 promoter and in the IL-4R α gene in immediate reactions to β -lactams.

Les allergies médicamenteuses sont la conséquence de réactions immunologiques dirigées contre des substances médicinales prises à des doses normalement tolérées.

De nombreuses réactions faisant suite à des prises médicamenteuses et ressemblant à de l’allergie ne sont pas liées aux médicaments ou le sont mais ne procèdent pas d’un mécanisme allergique. L’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique [1] propose de parler d’hypersensibilité médicamenteuse pour toute réaction ressemblant cliniquement à de l’allergie et dont le mécanisme n’a pas encore été analysé, d’allergie médicamenteuse lorsqu’un mécanisme immunologique a été démontré (hypersensibilité allergique) et d’hypersensibilité non allergique dans le cas contraire.

Les médicaments induisent une grande diversité de symptômes cliniques allergiques et les mécanismes immunologiques mis en jeu sont multiples ; il s’agit principalement de réactions immédiates médiées par les immunoglobulines E (IgE), et de réactions retardées impliquant l’activation des lymphocytes T. Les tests cliniques et biologiques actuellement disponibles fournissent d’utiles éléments de diagnostic.

Cependant, ils restent de sensibilité et de fiabilité variables selon le médicament et la forme clinique de l’allergie et ne sont en aucun cas prédictifs. La variabilité dans la manière dont chaque individu répond aux médicaments peut rendre problématique la prescription de certaines molécules.

Certains facteurs de risque de l’allergie médicamenteuse ont été identifiés et peuvent être liés au médicament lui-même, aux modalités de traitement, ou bien au patient.

Il regroupe dans ce dernier cas l’âge, le sexe, la concomitance de certaines maladies et la prédisposition génétique qui dans certains groupes ethniques peut, pour un certain nombre de traits, avoir un caractère prédictif. Dans cette revue, nous détaillerons les données connues sur ces facteurs de risque.

Facteurs de risque liés aux médicaments

Les propriétés chimiques et le poids moléculaire du médicament constituent un facteur de risque important. Trois principaux modèles, non exclusifs, ont été décrits pour expliquer le déclenchement de réactions immunes par le médicament luimême.

Le médicament haptène ou prohaptène

Un composé de faible poids moléculaire peut devenir antigénique pour les cellules T et B après fixation par liaisons covalentes à une protéine [2]. Des sérums hétérologues, certains enzymes (chymopapaïne…) et hormones (insuline….) ont une masse suffisante pour être immunogéniques à l’état natif. Mais la plupart des autres
médicaments ont un poids moléculaire faible et ne deviennent immunogéniques qu’après s’être ‘‘ hapténiser ’’ avec une protéine endogène. Certains médicaments sont intrinsèquement réactifs (concept de l’haptène) alors que d’autres requièrent la conversion en métabolites (concept du prohaptène). Par exemple, les pénicillines sont responsables d’un grand nombre de réactions allergiques à cause de la forte réactivité chimique du noyau β-lactame et de ses dérivés. Les pénicillines ellesmêmes constituent un allergène majeur, et leurs dérivés (pénicilloate et pénilloate) sont des allergènes mineurs en quantité mais responsables d’une part importante des réactions sévères mettant la vie de patients en jeu. Aussi, les médicaments de la famille des céphalosporines sont structurellement proches des pénicillines et des réactions croisées peuvent alors avoir lieu. Ainsi, les individus allergiques aux pénicillines produisent des anticorps IgE capables d’interagir avec les céphalosporines. La réactivité chimique inhérente à chaque médicament ou métabolite est donc critique. Elle est prédictible in vitro .

La notion de danger

Le concept de danger, initialement proposé par Paola Matzinger, stipule que la réponse immune ne peut se produire que si les cellules présentatrices d’antigène (CPA) reçoivent des signaux activateurs provenant de cellules stressées ou lésées [3].

Ainsi, la cytotoxicité induite par le médicament peut être d’une grande importance dans le déclenchement d’une réaction allergique. La réponse immune dirigée contre un antigène dérivé de médicament requière donc la présence de signaux co-stimulateurs et de cytokines qui propagent et déterminent le type de réponse. Le signal de danger peut résulter d’un stress chimique, physique ou viral [4]. Son analyse précise dans la genèse des allergies médicamenteuses fait défaut et pourtant elle devrait permettre de mieux les comprendre.

Le concept de pharmaco-interaction

L’équipe de Werner J. Pichler a décrit un modèle de stimulation de cellules T appelé ‘‘ interaction pharmacologique avec un récepteur immun ’’ ( p harmacological interaction with i mmune receptors ou concept p-i ) [5, 6]. Il stipule que certains médicaments interagissent directement par des liaisons non covalentes avec un récepteur de cellule T ou une molécule du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), sans présentation antigénique par la CPA. L’interaction serait suffisante pour stimuler de façon spécifique les cellules T si une interaction CMH est fournie. Elle devrait être prédictible in vitro .

Facteurs de risque liés au traitement

La dose de médicament et sa voie d’administration influencent la fréquence des réactions allergiques. Certains médicaments pris à de fortes doses ou fréquemment prescrits sont associés à une augmentation des taux de sensibilisation. Dans le cas d’une allergie à une pénicilline ou à l’insuline, l’administration intermittente ou répétée est plus sensibilisante qu’un traitement ininterrompu. La voie d’administra-
tion du médicament est un autre facteur de risque : les administrations parentérales et locales augmentent la fréquence des allergies alors que la voie orale semble être plus sûre. Ces données sont principalement issues d’études animales.

Facteurs de risque liés à l’hôte

Le risque de développer une allergie/hypersensibilité médicamenteuse est aussi dépendant de l’hôte lui-même et du niveau de stimulation de son système immunitaire au moment de l’administration du médicament. Il a été observé une plus forte incidence des réactions secondaires aux médicaments chez les femmes (approximativement 65 % des cas) [7-9]. Les enfants, probablement du fait de leur système immunitaire encore immature, sont moins souvent atteints. Certains groupes ethniques semblent également prédisposés. Ainsi, les Noirs américains présentent un risque plus élevé de développer des toux induites par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine [10] et des angiœdèmes [11-13], mais les mécanismes exacts expliquant ces manifestations restent à établir.

Les réactions d’allergie/hypersensibilité peuvent également être favorisées par la présence d’une pathologie déjà installée chez le patient. Par exemple, les personnes atteintes d’asthme [13] ou de polypes naso-sinusiens sont plus fréquemment hypersensibles aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les patients souffrant du SIDA sont 10 à 100 fois plus touchés par les allergies médicamenteuses que les personnes qui ne sont pas infectées par le VIH [14]. Une infection par virus herpes est également un facteur de risque pour le déclenchement d’allergies sévères de type DRESS ( drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms ) aux médicaments [15]. Enfin, le traitement par β-bloquants ou la présence d’asthme augmente le risque d’une hypersensibilité aux produits de contraste radiologique de 2,5 à 4,5 fois respectivement [16]. L’atopie en général n’est pas un facteur de risque d’allergie/ hypersensibilité médicamenteuse [17-19], mais les patients atopiques pourraient souffrir de réactions plus sévères, ou plus spécifiques à un nombre limité de médicaments tels que les anti-inflammatoire non stéroïdiens [20] et la chymopapaïne [21].

Les maladies allergiques dépendent à la fois de facteurs génétiques et environnementaux. L’analyse des facteurs de risque n’a suscité que peu de publications et les études de polymorphismes génétiques ne sont pas nombreuses non plus, hormis celles concernant quelques enzymes du métabolisme des médicaments et certains haplotypes HLA (Tableau). Or, des données immuno et/ou pharmaco-génétiques permettraient de disposer de nouveaux outils de diagnostic et de prédiction, bien que les résultats dépendent de la population étudiée. L’identification de marqueurs génétiques suffisamment prédictifs pour la pratique clinique va nécessiter le criblage d’une centaine de polymorphismes nucléotidiques ( single nucleotide polymorphisms ,

SNP) du génome pour être capable d’identifier la sous-population de patients à risque pour chaque classe voire chaque médicament. Les SNP sont de bons candidats pour l’étude de maladies multifactorielles et multigéniques. Il s’agit de la

TABLEAU — Polymorphismes génétiques associés aux allergies médicamenteuses Médicament

Clinique

Mécanismes

Nbre

Polymor-

Odds

Réfé- immunologique sujets phismes ratios rence

Pénicillines A EMP IV 24 HLAA2 6,8 22 9,3 HLADRw52 Pyrazolés Anaphylaxie I 26 HLADQ7 16,5 23 HLADR11 4,6 Abacavir DRESS IV 18 HLAB*5701 960 24 HSP70-Hom 60 M493T Carbamazépine DRESS IV 23 HLADR3 3,2 25 -308A-TNFα 2,4 Carbamazépine SSJ IV 44 HLAB*1502 2504 27 Névirapine DRESS IV 235 HLAB1*0101 4,8 31 Pénicillines Urticaire I 68 IL-4Rα 1,5 33 Anaphylaxie 576Gln β-lactames Urticaire I 44 IL-4Rα 5,4 34 Anaphylaxie Ile75Val 17,5 -819C>T et592C>A IL10 EMP : éruption maculo-papuleuse ; SSJ : syndrôme de Stevens-Johnson mutation la plus représentée dans le génome où elle est largement distribuée (exons, introns, promoteurs, UTR…).

Haplotypes HLA

Les études immunogénétiques dans le domaine des allergies médicamenteuses concernent essentiellement l’analyse d’haplotypes HLA. La région CMH est riche en gènes polymorphiques. Certains semblent impliqués dans les réactions retardées à l’aminopénicillines (A2, DRw52) [22], au pyrazolone (DQ7, DR11) [23], à l’abacavir (B57, DR7DQ3) [24] et à la carbamazépine (DR3, DQ2) dans une étude [25] mais non confirmé dans une autre [26]. Le groupe de Chen et al. a mené deux études étonnantes sur la population chinoise Han. Il a montré une très forte association entre le marqueur génétique HLA-B*1502 et le syndrome de Stevens-Johnson induit par la carbamazépine dans une première étude [27] et, dans une seconde, une forte association de l’allèle HLA-B*5801 et un DRESS induit par l’allopurinol [28]. Dans ces deux études, le marqueur génétique est présent chez la totalité des patients (100 %) présentant une réaction allergique au médicament incriminé, et chez moins de 15 % chez les patients tolérants et chez moins de 20 % de la population générale.

Un autre groupe a identifié les allèles HLA-B*5701 et Hsp70-Hom M493T comme
des marqueurs génétiques hautement prédictifs d’une susceptibilité à l’allergie de type DRESS à l’abacavir dans une population HIV de l’Ouest Australie [29]. Ce résultat a eu une forte répercussion sur la prise en charge clinique des patients (l’auteur a même suggéré que des tests génétiques prospectifs devaient être réalisés afin d’identifier les patients à risque et de les exclure de traitement à l’abacavir). Ces résultats confirmés en Europe par une autre équipe anglaise, ne sont pas aussi impressionnants avec 46 % des patients allergiques HLA-B*5701 versus 10 % chez des patients HIV tolérants [30]. Ce même groupe australien a montré que la susceptibilité à l’hypersensibilité à la névirapine est associée à une interaction entre l’allèle HLA-DRB1*0101 et un pourcentage de cellules T CD4+ supérieur à 25 %, mais uniquement chez les patients HIV présentant des troubles hépatiques ou systémiques [31].

Gènes de la réponse immune

Le variant allélique —308A du promoteur du TNFα, localisé dans la région hautement polymorphique des gènes de CMH de classe III, a été associé à l’allergie sévère à la carbamazépine [25]. Récemment, une équipe a reporté une association du variant Glu237Gly du gène Fc ε RI β, codant pour le récepteur de haute affinité des

IgE, avec des réactions allergiques aux antigènes benzylpenicillanyl (BPA), phenoxomethylpenicilloyl (PVO) et ampiciolloyl (APO), ainsi qu’avec une augmentation des taux d’IgE anti-BPA, —PVO ou —APO [32]. Cette même équipe a également montré que la fréquence de l’allèle IL-4Rα 576Gln est significativement plus forte chez les patients allergiques à une pénicilline comparé aux sujets contrôles et que cet allèle est fortement associé à l’expression de certaines IgE spécifiques de pénicillines [33].

Les réactions allergiques aux β-lactames sont les plus fréquentes des réactions immunologiques dirigées contre un médicament. Afin d’évaluer les facteurs de susceptibilité génétique dans l’allergie immédiate à ces antibiotiques, nous avons mené une étude cas-témoin sur 44 patients allergiques et 44 sujets contrôles, tous appariés par sexe et atopie (manuscrit en préparation). Quinze SNP de gènes codant pour des protéines intervenant dans la régulation de la production des IgE ont été analysés ( IL-4 , IL-13 , IL-4R α, STAT6 , IFNGR1 , IFNGR2 , IL-21R et promoteur de l’

IL-10 ). Nous n’avons trouvé aucune différence dans la prévalence des 15 SNP entre les patients allergiques et les contrôles. Cependant, parmi la population atopique et uniquement chez les femmes, il existe deux associations significatives avec l’allergie immédiate aux β-lactames : l’une avec le variant I75V du gène IL-4R α ( P = 0.012), l’autre avec l’association des SNP —819C>T et —592C>A du promoteur de l’IL-10 (

P = 0.023). Paradoxalement, le variant IL-4Rα I75V a un effet protecteur pour l’atopie chez les hommes (

P = 0.004) [34]. Des études fonctionnelles in vitro avaient associé ces polymorphismes avec une diminution de la synthèse d’IL-10 [35, 36] et un renforcement du signal de l’IL-4 responsable d’une production accrue de transcrits germinaux Cε [37, 38].

Enzymes du métabolisme du médicament

De nombreux polymorphismes de gènes codant des enzymes du métabolisme du médicament (en Phase I et Phase II) ont été rapportés. Les plus documentés concernent ceux du gène du cytochrome P450 2D6 ( CYP2D6 ) qui ne compte pas moins de 70 variants alléliques, dont certains sont responsables d’un déficit complet de l’activité enzymatique.

L’exposition prolongée à un médicament et sa clairance peuvent résulter de polymorphismes génétiques d’une enzyme du métabolisme de Phase I et de Phase II (exemple : hydralazine, azathioprine). Les différences alléliques peuvent en effet affecter à la fois la quantité de métabolites réactifs générée ainsi que la vitesse à laquelle ces derniers sont éliminés. Dans le travail de Chen et al. [27], les auteurs n’ont pas retrouvé d’association entre le Syndome de Stevens-Johnson à l’antiépiletique carbamazépine et 154 SNP des enzymes cytochromes P450. Wolkenstein et al. [39] ont récemment décrit chez des patients HIV avec hypersensibilité aux sulfamides une association significative de l’allèle glutathione S-transferase P1* A/A mais pas des polymorphismes des principales enzymes du métabolisme de ces antibiotiques (cytochrome P450 2C9, NAD(P)H : quinone oxidoréductase et myé- loperoxidase). Les patients atteints du SIDA souffrent en effet plus de réactions cutanées aux médicaments et 10 à 50 fois plus de réactions à la cotrimoxazole [40].

Ceci pourrait davantage être expliqué par un phénotype lent d’acétylation lente par la N-acétyltransférase 2 et un déficit en glutathion fréquemment observe chez ces patients [41, 42].

D’autres polymorphismes enzymatiques peuvent participer à la physiopathologie de certaines réactions d’hypersensibilité aux médicaments. Ainsi, une surexpression de l’enzyme clée de la biosynthèse des cysteinyl leukotriènes a été retrouvée dans les biopsies bronchiques de patients présentant un asthme induit par l’aspirine, et ce phénomène pourrait être expliqué en partie par un polymorphisme sur le promoteur du gène de la leukotriène C4 synthase [43]. Dans ce même groupe de patients asthmatiques avec hypersensibilité à l’aspirine, des auteurs japonais ont retrouvé une association significative du SNP —1993T>C du promoteur de TBX21 (gène codant pour la protéine T-bet, un facteur de transcription spécifique des lymphocytes Th1, contrôlant l’expression de l’interferon-gamma dans ces cellules) [44].

Un syndrome d’hypersensibilité multiple aux médicaments (dépendante des IgE pour les allergies aux pénicillines) a été décrit [9, 44] et testé [45]. Elle pourrait impliquer des contrôles génétiques déjà mentionnés et les enzymes du métabolisme du médicament en particulier, mais il convient de ne pas confondre ces réactions avec une réaction croisée du fait d’une identité de structure présentée par plusieurs médicaments.

CONCLUSION

Les manifestations cliniques découlant de réponses immunes exagérées aux médicaments sont hétérogènes. Les tests in vivo et in vitro sont limités dans leur sensibilité.

Cette situation augmente la valeur des facteurs de risque qui ont été mis en avant jusqu’ici. Les progrès réalisés dans la connaissance génétique seront d’une grande aide pour l’identification de populations à risque pour des réactions spécifiques. De plus, la prévalence des allergies étant en augmentation, la régulation épigénétique devrait être considérée comme un mécanisme probable.

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[45] KHOURY L., WARRINGTON R. — The multiple drug allergy syndrome : A matched-control retrospective study in patients allergic to penicillin. J. Allergy Clin. Immunol ., 1996, 98 , 462-4.

DISCUSSION

Mme Denise-Anne MONERET-VAUTRIN

Votre étude d’immunogénétique a porté sur l’allergie aux bêta-lactamines. Le groupe d’études a-t-il porté exclusivement sur l’allergie IgE-dépendante, ou bien avez-vous inclus des exanthèmes maculo-papuleux dont on sait que le mécanisme prédominant est une activation lymphocytaire Th1 ? Ne pensez-vous pas que la recherche de SNP du gène de TGF-bêta pourrait-être intéressante, si l’on considère qu’actuellement, nous ne disposons
d’aucune donnée immunologique qui permettrait de comprendre l’hétérogénéité clinique et de distinguer les bases des réactions sévères ?

Notre étude a en effet porté uniquement sur un groupe de patients allergiques de mécanisme IgE-dépendant. La clinique était anaphylactique et les tests cutanés à lecture immédiate positifs ou négatifs mais avec un test de provocation positif, reproduisant a minima, la réaction anaphylactique. Il nous a fallu faire un choix quant aux SNP à rechercher et cette cytokine n’en a pas fait l’objet. Cependant, une autre cytokine de lymphocytes T régulateurs (l’IL10) a été testée. Nous aurions aussi pu opter pour une large analyse de tous les SNP connus.

M. Claude DREUX

Connaissez-vous les travaux d’Albert ADAM (professeur de Biochimie à Montréal) sur le métabolisme des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (SEC) dont il a isolé la des-ArgBrakykurine ? Chez certains patients, l’apparition d’angiœdème proviendrait du polymorphisme de l’aminopeptidase B. Il y aurait des applications thérapeutiques potentielles. Il a publié avec Molinaro et dans JPEM. Etes-vous au courant de ces applications ?

Nous sommes là dans le domaine des hypersensibilités non allergiques qui bénéficient également de l’apport des analyses de SNP. Ces découvertes remarquables permettent de mieux comprendre la physiopathologie de ces effets secondaires médicamenteux sérieux et pourraient permettre à termes d’identifier les patients à risque. Je ne vois pas actuellement les indications thérapeutiques stricto sensus .

M. Pierre DELAVEAU

Les pseudo-tatouages utilisant les colorants dérivant de la para-phénylène-diamine (PPD) semblent se multiplier. Sont-ils générateurs de réactions allergiques ? Le perçage (ou piercing) est-il également à redouter ?

La PDD est un puissant sensibilisant cutané et certains tatoueurs peu scrupuleux en ajoutent au henné de façon à accélérer la fixation sur la peau. On voit alors fleurir ce type d’eczémas allergiques l’été, période pendant laquelle sévissent ces personnes.

M. Jean CIVATTE

Certaines lésions de nature allergique comportent des infiltrats tissulaires éosinophiles. Ces lésions se distinguent-elles des autres, du point de vue mécanisme et pronostic ?

Les analyses histologiques des lésions cutanées allergiques ont en effet démontré l’infiltrat possible (voire fréquent) des éosinophiles. La nouvelle classification des allergies médicamenteuses de Werner Pichler (en fait une actualisation de la classification de Gell et Coombs) sépare ces formes cliniques en IVb.

M. Charles-Joël MENKES

Est-il possible de prévoir l’apparition d’un syndrome de Lyell avec un médicament AINS notamment ?

Sans notion d’antécédents identiques, il est impossible de prévoir cette forme la plus grave d’allergies médicamenteuses avec cette classe médicamenteuse. Avec d’autres médicaments comme l’allopurinol ou la carbamazépine par exemple, les études de polymorphismes génétiques suggèrent la participation très forte d’allèles particuliers HLAB. On pourrait imaginer, si ces études sont confirmées un diagnostic de susceptibilité avant la prescription.

* Exploration des Allergies — Maladies Respiratoires, INSERM, Hôpital Arnaud de Villeneuve, Avenue du Doyen Gaston Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5, France. Tirés à part : Professeur Pascal DEMOLY, même adresse. Article reçu le 11 janvier 2006, accepté le 6 mars 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 8, 1733-1744, séance du 28 novembre 2006