Rapport
Séance du 1 juillet 2003

Sur la pratique de la psychothérapie

MOTS-CLÉS : enseignement médical.. hypnose. psychologie médicale. psychothérapie. relation médecinmalade. théorie psychanalytique. thérapie cognito-comportementale. thérapie comportementale
Psychotherapy
KEY-WORDS : behavior therapy. cognitive therapy. education, medical.. hypnosis. physician-patient relations. psychoanalytic theory. psychology, médical. psychotherapy

Pierre Pichot et Jean-François ALLILAIRE*, Jean-François Allilaire*

Résumé

La question de la pratique et des critères d’habilitation à la pratique des psychothérapies se pose actuellement de façon aiguë en raison du développement incontrôlé de pratiques hétérogènes et non encadrées ne relevant plus du domaine médical. La psychothérapie avec ses différentes modalités constitue d’abord et avant tout une pratique de soins qui requiert une formation spécifique préalable, adéquate et de haut niveau Elle doit être réalisée par des médecins mais aussi rester ouverte aux non médecins sous réserve de validation de critères de qualification dûment contrôlés. L’avenir de la Santé Mentale passe par une réflexion approfondie sur l’intégration des approches psychothérapiques et biologiques dans les pratiques de soins.

Summary

Nowadays, psychotherapy is in question with the tremendous increase of uncontrolled, heterogeneous and frameless practices beyond medical domain. Its various modalities must be primarily considered as a therapy which requires a specific previous and adequate formation. Psychotherapy must be practiced by specialized medical practitioners but can also be open to non-medical properly patented professionals according to highly specialized formation based on qualification criterias. The future in Mental health domain needs a large and accurate reflexion for the integration of Psychotherapy and biological therapies in therapeutic programs.

CONCLUSION

L’avenir de la psychiatrie passe par la mise en place d’une réflexion sur l’intégration des approches psychothérapiques et biologiques dans les pratiques de soins, l’une et l’autre apparaissant comme indissociables pour le psychiatre.

La discussion actuelle est rendue difficile et urgente d’une part du fait de la multiplication des techniques psychothérapiques sans de solides garanties de formation, et d’autre part du fait de l’accroissement considérable des connaissances et des moyens d’action apportés par les neurosciences, les sciences cognitives et la psychobiologie. Ces développements accélérés ont créé une dissociation des approches et abouti à des pratiques qui peuvent apparaître parfois comme partisanes, quelquefois comme sauvages, et en tout état de cause comme insuffisamment intégrées conceptuellement et scientifiquement.

C’est la raison pour laquelle les sociétés savantes ont tenu à réaffirmer solennellement un certain nombre de points forts pour avancer. Le premier impératif est de rendre accessible au public une information claire et valide sur les différents types de psychothérapies et les professions qui les pratiquent.

La psychothérapie réalisée par les psychiatres comporte une composante particulière que l’on peut considérer comme une valeur ajoutée du point de vue de la santé mentale, du fait de leur formation médicale initiale, puis d’un enseignement aussi bien théorique que pratique comprenant constamment, au cours des quatre années de spécialisation de psychiatrie, une activité de responsable de soins sous la supervision d’un senior. Il s’agit actuellement de la seule formation de ce niveau. C’est cette formation qui autorise les psychiatres à établir un diagnostic, poser une indication thérapeutique et la mener à bien.

Les psychothérapies font partie du domaine du soin. Elles constituent un outil thérapeutique qui recouvre un ensemble de pratiques dont l’efficacité est et doit être évaluée dans le traitement des troubles mentaux. Les psychothérapies se différencient des techniques qui visent au développement personnel (amélioration des performances, du bien-être, etc.) et au règlement d’un problème particulier (conseil, conseil conjugal…) en dehors d’une pathologie mentale spécifique. Dans certains cas la pathologie peut ne pas être portée spécifiquement par un individu mais concerner les relations dans un groupe (couple ou famille).

Le cadre législatif et déontologique dans lequel s’inscrit la pratique médicale du psychiatre paraît, à ce jour, le seul qui soit garant de l’absence de dérive commerciale ou sectaire.

Les sociétés savantes admettent la pratique de la psychothérapie par des psychologues cliniciens qualifiés, étant entendu que ces actes psychothérapi-
ques ne sont pas identiques à ceux plus globaux et intégrés réalisés par le psychiatre qui dispose de l’ensemble des moyens thérapeutiques. À l’instar de ce qui existe déjà en pratique dans les établissements de soin, ces psychothérapies pourraient être effectuées par des personnes qualifiées, rigoureusement formées. Elles interviendraient sur indication médicale préalable par un psychiatre et sous son contrôle, selon des règles déontologiques à définir.

Il faut en effet rappeler qu’il existe des dispositions qui permettent aux psychologues cliniciens d’exercer la psychothérapie en institution, sous la responsabilité d’un senior médical. Ces dispositions devraient pouvoir être élargies au-delà du secteur public dans des conditions à déterminer précisé- ment.

Les sociétés savantes préconisent la mise au point de critères de qualification actuellement en cours d’élaboration plutôt que la création d’un hypothétique statut qui risque d’être un amalgame de conditions à la fois nécessaires et insuffisantes. C’est particulièrement le cas en nos temps d’encadrement et de contrôle économique ainsi que d’alourdissement juridique, qui font peser un risque important sur la qualité et la souplesse des soins.

C’est en résumé sur cette base que nous considérons que l’on peut espérer mettre au service des malades la meilleure qualité des soins pour l’avenir.

RECOMMANDATIONS

L’Académie nationale de médecine — rappelle que les psychiatres ont vocation à pratiquer les psychothérapies ;

— est opposée à la création d’un statut légal de psychothérapeute en raison du risque de voir se développer des pratiques hétérogènes non encadrées et qui ne relèveraient plus du domaine médical ;

— admet le principe d’une pratique des psychothérapies par des nonmédecins (psychologues cliniciens), à la condition d’une formation préalable adéquate et contrôlée, ainsi que d’un encadrement médical ; cette activité doit faire l’objet d’une prescription médicale, le médecin étant responsable du diagnostic, du choix du traitement et de son évaluation ;

— recommande la systématisation de l’enseignement et de cette formation à la psychothérapie pendant l’ensemble du cursus médical, et plus particulièrement au cours de la spécialisation en psychiatrie ; elle recommande en outre de définir les critères d’une formation en vue de l’habilitation à la pratique des psychothérapies pour les non-médecins ;

— demande que les règles déontologiques applicables à l’exercice de la médecine soient étendues à l’activité psychothérapique des non-médecins.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 1er juillet 2003, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité, moins deux abstentions.

Le texte de ce communiqué, dans son intégralité, peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr

* Professeur J.F. ALLILAIRE, Chef de service de Psychiatrie, Groupe Hospitalier PitiéSalpêtrière, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 6, 1191-1194, séance du 1er juillet 2003