Publié le 12 février 2019

« Neuroradiologie interventionnelle en pathologie vasculaire cérébrale »

 

Cette séance est organisée par le Professeur Jacques Moret à la mémoire du Professeur Pierre Lasjaunias.

 

1-Génétique des anévrismes intracrâniens. Hubert Desal et Romain Bourcier, CHU de Nantes.

Définis comme une hernie acquise de la paroi artérielle préférentiellement localisée au niveau d’une bifurcation en particulier au niveau des vaisseaux de la base du crâne, les anévrismes intracrâniens (AIC) sont des anomalies fréquentes (3,2 % de la population adulte). La présence d’AIC est un facteur de risque majeur d’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA). S’il paraît probable que les facteurs environnementaux ont une importance majeure dans le risque de survenue d’HSA, la génétique pourrait être impliquée dans la formation de l’AIC. Les formes familiales représenteraient 7 à 12,5 % des cas d’AIC, définies par la présence d’au moins deux cas apparentés au premier ou au deuxième degré. Les formes familiales peuvent également être liées à des pathologies syndromiques identifiées (polykystose hépato-rénale, syndrome d’Ehlers-Danlos, syndrome de Marfan, aneurysm-osteoarthritis syndromes). Cependant les formes familiales syndromiques sont rares et ne représenteraient que 1 % des AIC.

Analyse de lésions génétiques

Les analyses de liaison menées dans les années 2000, en particulier une méta-analyse et une grande étude intitulée Familial Intracranial Aneurysm Study, ont isolé six régions génomiques montrant un déséquilibre de liaison. Ces études de liaison suggèrent qu’il n’y ait pas qu’une variation à effet fort dans les familles d’AIC mais plusieurs facteurs génétiques et environnementaux contribuant à leur développement.

Études d’associations génétiques

Les études de Genome Wide Association (GWAS) n’ont pas permis d’expliquer la forte héritabilité supposée de la pathologie : les loci retrouvés dans ces études n’expliqueraient en effet que 5 % de l’héritabilité des formes familiales. Les progrès de la génétique et des techniques de séquençage haut débit fournissent des résultats prometteurs dans la recherche de variations rares expliquant les formes familiales d’AIC. Ces dernières doivent permettre de mieux comprendre la physiopathologie des AIC pour améliorer la prévention de leur rupture et l’optimisation de leurs traitements.

Lors du débat, à la question de l’attitude à adopter devant la découverte fortuite d’un AIC, il est répondu qu’aucun consensus n’est actuellement établi sur la nécessité d’un traitement préventif.

 

2-La neuroradiologie interventionnelle en pathologie vasculaire cérébrale : état de l’art Jacques Moret, Paris, CHU Bicêtre.

Le concept originel de la neuroradiologie interventionnelle (NRI) est d’utiliser les artères pour accéder et aider au traitement de la pathologie vasculaire ou de la pathologie tumorale hypervasculaire. Trois paramètres sont à la base de son succès : les progrès technologiques, la connaissance embryologique, phylogénique et anatomique de la microcirculation cérébrale, l’évolution des concepts thérapeutiques. Le Professeur Lasjaunias est à la base de la quasi-totalité des connaissances nécessaires à la pratique de la NRI. Grâce à la trombectomie, elle s’est imposée comme la thérapeutique de choix dans l’accident vasculaire cérébral ischémique aigu.

L’évolution technologique a concerné l’image, le matériel implantable et la technique de cathétérisme: les salles de cathétérisme sont devenues des blocs opératoires permettant des interventions couplées à crâne ou à rachis ouvert; l’imagerie numérique moderne permet de naviguer en temps réel sur des images en 3D et de fusionner ces images ; le développement du scanner volumique et le traitement en coupe du volume « multiplanar reconstruction » permettent la visualisation des plus petites artères ; l’utilisation de micro cathéters rend possible le déploiement de matériel d’un état compressé à un état expansé.

Les premières indications d’embolisation par voie endovasculaire sont toujours d’actualité : fibromes nasopharyngiens, paragangliomes, méningiomes et hémangiopéricytomes. La ponction directe de la tumeur permet une dévascularisation par pénétration des agents liquides directement dans le lit tumoral. Les techniques de stéréotaxie permettent la réalisation de la ponction au travers des orifices naturels.

Traitement des malformations artérioveineuses cérébrales (MAV)

Les MAV durales sont presque toutes exclusivement guéries par traitement endovasculaire. Le cathétérisme hypersélectif, par voie artérielle ou, lorsqu’elle est impossible, par voie veineuse permet d’obtenir l’occlusion du nidus et de la veine de drainage. Dans les MAVs intracérébrales, l’attitude actuelle est de ne pas traiter les MAVs cérébrales sans antécédent hémorragique et de ne traiter que celles qui ont saigné ou qui, en l’absence d’hémorragie, sont petites (nidus <1,5 cm.) ou présentent des anévrismes intranidaux associés. Aucune étude ne permet de valider ou invalider le traitement des MAVs médullaires avec ou sans antécédent hémorragique.

Le traitement endovasculaire des anévrismes cérébraux a supplanté le geste neurochirurgical: coils associés au cathéter à ballonnet, technique dite de remodeling; stents auto-expansibles (laser cut ou braided stents); stents flow diverter permettant une diversion de flux excluant hémodynamiquement le sac anévrismal, toutes ces techniques obtiennent une guérison anatomique de l’anévrisme pérenne dans 97 à 98 % des cas.

 

 

3-Ischémie cérébrale: la fin de la fatalité ?   Didier Leys, CHU de Lille.

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont un problème majeur de santé publique en raison de leur fréquence, de leurs conséquences, des risques de récidive et de mortalité. Tout retard de prise en charge est une perte de chance pour le patient.

La thrombolyse intraveineuse par rt-PA (activateur recombinant du plasminogène) a augmenté la proportion de survivants indépendants à trois mois si elle est prescrite dans les 4h30 après le début. Au-delà de ce délai, la proportion de patients aggravés par le rt-PA dépasse celle des patients améliorés. Deux études récentes devraient permettre d’élargir les indications du rt-PA: les patients dont le début des symptômes n’est pas connu avec certitude et les patients qui ont un bénéfice potentiel attendu de la thrombolyse mais un risque hémorragique plus élevé. La thrombectomie mécanique est une technique prometteuse dans les ischémies cérébrales aiguës par occlusion artérielle proximale en raison de son efficacité pour obtenir la revascularisation dans le territoire de l’artère occluse; elle augmente la probabilité de survie sans dépendance à trois mois. Chez les patients sous anticoagulants et chez les opérés récents, la thrombectomie mécanique est le seul traitement de recanalisation actuellement possible. L’aspirine agit en réduisant les risques de récidive précoce. Les indications de la chirurgie en phase aiguë de l’ischémie cérébrale sont limitées: dérivation ventriculaire ou chirurgie par abord direct dans les infarctus étendus du cervelet, hémicrâniectomie décompressive dans les infarctus étendus.

La méta-analyse des essais randomisés comparant un système organisé de soins à une prise en charge conventionnelle a montré une supériorité des unités neurovasculaires sur tous les critères de jugement ; la prise en charge en unité neurovasculaire diminue la mortalité de 20%. Une étude française menée sur les données du PMSI en 2015 a montré qu’à la phase aiguë environ un patient sur deux présentant un AVC n’a pas accès à une unité neurovasculaire, avec de grandes variations territoriales: 31 à 70% en métropole. Cette inégalité d’accès à un traitement optimal génère un excès de 2400 décès par an. Concernant l’accès à la thrombolyse intraveineuse, l’enquête européenne a montré que le nombre moyen de thrombolyse était de 42 pour 1000 ischémies cérébrales (92 en France). Concernant la thrombectomie mécanique, l’enquête européenne a montré un taux moyen de 37 par million d’habitants et par an (52,5 en France). L’urgence pour la thrombectomie mécanique se compte en minutes et non plus en heures, l’inégalité d’accès à un centre spécialisé sur l’ensemble du territoire peut se traduire par une perte de chance dans certains territoires.

Les pistes d’amélioration sont:

– d’augmenter l’accès aux techniques de reperfusion: éducation de la population, identification des besoins pour pratiquer une thrombolyse intraveineuse au plus près du patient, déploiement d’unités mobiles, télémédecine, changement des paradigmes de prise en charge aux urgences considérant a priori que tout patient ayant une ischémie cérébrale a besoin d’une technique de reperfusion en urgence, développement de biomarqueurs prédictifs de la réponse à la reperfusion.

– de développer d’autres stratégies de reperfusion: combinaison rt-PA et anticoagulation, utilisation de nouveaux agents thrombolytiques, utilisation d’adjuvants de la thrombolyse en cours d’évaluation, stratégies neuroprotectrices.

Ces objectifs supposent le développement de structures spécialisées bien équipées et dotées en personnel médical et non médical formé en nombre suffisant.

 

 

Résumés rédigés par la cellule communication.