Publié le 5 novembre 2018

Conférence

 

« Le rôle du conseil scientifique dans la politique et notamment à la Commission européenne »

 

Johannes KLUMPERS (Head of Scientific Advice Mechanism Unit, DG Research and Innovation, European Commission) est introduit par Bernard CHARPENTIER, membre de l’Académie nationale de Médecine, Ancien Président de la Fédération Européenne des Académies de Médecine (FEAM) et Président actuel du Science Advice for Policy by European Academies (SAPEA) de la Commission Européenne qui regroupe les 5 grands réseaux d’Académies (FEAM, EASAC, ALLEA, Academia Europae et EuroCase). J. KLUMPERS décrit les mécanismes mis en place par la Commission Européenne (CE) pour recueillir des avis scientifiques dans le cadre de l’élaboration des politiques et souligne l’importance du rôle joué par les Académies dans ce processus.

Différents ensembles d’experts contribuent aux politiques et législations sur des problématiques scientifiques et sanitaires actuelles (maladies épidémiques animales et humaines, sécurité alimentaire, vieillissement des populations par exemple) ou pour des orientations à l’horizon 2050 : ainsi des scénarios sont-ils développés pour l’étude des effets  des changements climatiques sur l’agriculture, les migrations, la santé.

Les avis scientifiques  émanent de différents groupes d’experts européens : les agences scientifiques mises en place par les états membres, le Conseil Scientifique de la CE, le SAM (Scientific Advice Mechanism) qui comprend 3 entités : le SAPEA, l’Unité Administrative du SAM, dirigée par J. Klumpers et le « Group of Chief Scientific Advisors (GCSA) » qui est un groupe de sept scientifiques indépendants de haut niveau présidé par Rolf Heuer, ancien Directeur du CERN : ce groupe des 7 est chargé de donner des avis sur des questions de politique complexes. Le SAM s’appuie sur l’expertise de ce groupe indépendant qui assure, de plus, des liens étroits avec les 5 réseaux d’Académies, les cercles scientifiques nationaux et internationaux et renseigne directement les commissaires et le Président de la Commission Européenne, J-C. Juncker.

 

 

Séance dédiée

 « Évolution de la prise en charge de l’hypertension artérielle »

Organisateurs : MM. Joël MÉNARD et Thierry DENOLLE

 

 

Introduction

Thierry DENOLLE, Président de la Société Française d’Hypertension Artérielle

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Résumé :

L’alerte est donnée pour éveiller à la banalisation de cette maladie chronique qui touche la vie entière (enfant-adolescent, femme enceinte, personnes âgées) et à la dégradation de sa prise en charge comme en témoignent les études épidémiologiques depuis 2007.

La Société Française d’Hypertension Artérielle a lancé un travail afin d’analyser cette situation alarmante et proposer différentes actions afin d’améliorer la prise en charge de l’HTA en France. Trente-sept médecins, chercheurs, pharmaciens, infirmiers et patients ont rédigé un document comportant 60 propositions réparties en 10 chapitres.

Une prévention hygiéno-diététique dès l’école doit être favorisée en particulier dans les DOM-TOM. Une plus grande transparence des réseaux de soins locaux du médecin généraliste au centre spécialisé doit exister pour nos concitoyens associant en plus infirmiers et pharmaciens. Une meilleure prise en charge de l’HTA passe aussi par le remboursement de la mesure ambulatoire de la pression artérielle, des appareils d’auto-mesure et des combinaisons de deux ou trois antihypertenseurs. Les dosages d’antihypertenseurs doivent être disponibles afin d’améliorer l’observance. La formation des professionnels de santé doit être accentuée. Il faut favoriser la recherche fondamentale, clinique et en organisation de santé. Enfin, les techniques non médicamenteuses, la E-santé et en particulier la télémédecine doivent être validées avant leur diffusion.

Ces différentes propositions sont actuellement présentées aux Autorités de santé.

 

Communications

 

Évolutions dans la prise en charge de l’HTA et des facteurs de risque cardio-vasculaire en France entre 2007 et 2017 Xavier Girerd,  Sorbonne Université, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Hôpital de La Pitié-Salpêtrière Unité de Prévention Cardio-Vasculaire.

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Résumé :

La prise en charge de l’HTA et des facteurs de risque cardio-vasculaire constitue l’activité prédominante des professionnels de santé en France en particulier en soins primaires. Pour estimer la prise en charge de l‘HTA et des facteurs de risque, les données obtenues par les enquêtes FLAHS (French League Against Hypertension Survey) ont été analysées. Dans les trois enquêtes réalisées en 2007, 2012 et 2017, les indicateurs retenus dans la population âgée de 35 ans et plus  ont été les pourcentages de prescription de médicaments antihypertenseurs, de médicaments hypolipémiants et de médicaments antidiabétiques ainsi que l’existence d’un tabagisme actif. La prévalence des sujets âgés de 35 ans et plus traités pour une HTA est passée de 32% (2007) à 28% (2017), celle des sujets traités pour une dyslipidémie est passée de 22% (2007) à 17% (2017), celle des sujets traités pour un diabète est passée de 8% (2007) à 9% (2017), celle des sujets ayant un tabagisme actif de 19% (2007) à 16% (2017). Au total, en dix ans, les usages des traitements pour la prévention des maladies cardio-vasculaires (hypertension, dyslipidémie et diabète) et le nombre des sujets fumeurs actifs se sont modifiés. Les causes de ces changements sont multiples. Cette dégradation de la prise en charge de l’HTA et des dyslipidémies pourrait modifier défavorablement les indices de santé en relation avec les maladies cardio-vasculaires dans la prochaine décennie en France.

 

La prévention de l’HTA en France métropolitaine et dans les DOM-TOM (Outre-mer) : agir ensemble sur notre environnement ! Claire MOUNIER-VEHIER, Présidente de la Fédération Française de Cardiologie, Université de Lille, CHU Lille, Médecine Vasculaire et HTA, Centre d’Excellence Européen en Hypertension, Institut Cœur-Poumon, Lille.

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Résumé :

Malgré des avancées thérapeutiques et diagnostiques majeures ces 30 dernières années, la prévention reste le parent pauvre de l’hypertension artérielle (HTA) et des maladies cardio-vasculaires (MCV), premières causes de mortalité en France après 65 ans et chez la femme.

Dans sa stratégie nationale de santé pour les maladies hypertensives, la Société française d’HTA propose des recommandations de prévention globale avec une correction des inégalités sociales et géographiques en intégrant les spécificités des DOM-TOM .Il s’agit d’intégrer la prévention de l’HTA dans les actions générales de santé publique à enseigner dès la petite enfance, en accord avec les préconisations de la Fédération Française de Cardiologie: la lutte contre la sédentarité, la pratique d’une activité physique régulière, une alimentation équilibrée, l’absence de la première cigarette, la prévention du stress chronique en particulier au travail et de la dépression. Il est recommandé de prévoir un plan de lutte spécifique contre l’obésité en Outre-Mer et d’amener tous les professionnels de santé à renforcer le dépistage du surpoids et de l’obésité à tous âges. Il est nécessaire d’informer le patient hypertendu que l’hygiène de vie permet de renforcer l’efficacité du traitement voire de l’alléger. Il convient de favoriser le dépistage de l’HTA surtout en présence d’un contexte familial d’HTA ou de mauvaises conditions socio-économiques, notamment en Outre-mer. Le médecin traitant, le pharmacien et l’infirmier y ont leur place ainsi que les centres de santé au travail et les centres d’examens de santé de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.

 

Les imperfections actuelles des traitements antihypertenseurs et leur correction Stéphane LAURENT, Service de Pharmacologie, Hôpital Européen Georges Pompidou et INSERM U 970 Paris

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Résumé :

Il existe un paradoxe entre d’un côté le grand nombre de molécules disponibles et bon marché et la quasi-gratuité des médicaments et d’autre part leur sous-utilisation par inertie thérapeutique et inobservance. Certaines imperfections concernant les traitements antihypertenseurs en France sont soulignées et quelques moyens de les corriger sont suggérés. En premier lieu l’utilisation des génériques. Nous proposons la généralisation de la prescription DCI (Dénomination Commune Internationale) et l’utilisation par le patient d’un générique de la même marque tout au long de son traitement pour éviter toute erreur de prise et favoriser l’observance médicamenteuse. Le deuxième problème concerne les bithérapies fixes d’antihypertenseurs de première intention, insuffisamment prescrites malgré un niveau de preuve croissant alors que leur utilisation est maintenant recommandée par les sociétés savantes européennes. Il est nécessaire de sensibiliser les médecins et les patients, ainsi que les industriels du médicament, à l’intérêt de contrôler rapidement l’hypertension. La troisième imperfection concerne l’absence de remboursement des combinaisons fixes triples d’antihypertenseurs, prescrites en deuxième intention. Les industriels du médicament devraient être encouragés à mettre en place des essais thérapeutiques randomisés qui prendraient en compte l’amélioration de l’observance à court et à long terme, la baisse de la pression artérielle et la réduction des complications cardiovasculaires, de manière à convaincre les membres de la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) et obtenir ainsi un remboursement. Enfin, de manière plus spécifique, la prescription d’eplerenone devrait être autorisée et remboursée en cas d’HTA résistante sans hyperaldostéronisme primaire chez les patients intolérants à la spironolactone.

 

 

Analyse de la recherche en hypertension artérielle en France Atul PATHAK, Unité d’hypertension Artérielle, Inserm 1048, Clinique Pasteur, Toulouse

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Résumé :

La France a, depuis plus de 50 ans , une longue tradition de soins et de recherche dans le domaine de l’hypertension artérielle (HTA) à l’initiative de cliniciens chercheurs qui ont su réunir les centres de soins , des laboratoires expérimentaux et des unités de recherche clinique pour initier , soutenir et

développer la recherche en HTA. Ces actions structurelles ont permis l’émergence d’une recherche significative puisque 20% de la recherche cardiovasculaire sont dédiés à l’ HTA avec plus de 50% des articles provenant de la région du grand Paris , où la concentration des équipes reste la plus importante. Sur le plan qualitatif, les 10 dernières années ont vu la progression du nombre d’articles indexés dans les revues les plus prestigieuses (le top 0,25%) permettant à la France de se classer au rang du Royaume-Uni. Cela représente 1/3 de la production d’excellence des USA. C’est essentiellement la structuration via les unités Inserm, CNRS et équipes universitaires , la création de réseaux d’excellence et le financement via les organismes de type ANR ou investissements d’avenir qui a permis cette progression. Des pistes sont proposées pour soutenir le développement de la recherche : promotion de collaborations renforcées à l’échelon régional, renforcement des réseaux nationaux et internationaux, réalisation d’essais cliniques de grande envergure, assouplissement des dispositifs réglementaires pour faire revenir la recherche académique et industrielle dans ce domaine en France.

 

Conclusion de la séance dédiée

Évolution de la prise en charge de l’hypertension artérielle Joël MENARD, Ancien Directeur général de la Santé, Professeur émérite de Santé Publique, Faculté de médecine Paris-Descartes

La banalisation des traitements généralisés d’une maladie expose à des pratiques médicales approximatives : la prise en charge de l’hypertension artérielle en France en est un exemple. Les résultats des enquêtes successives sur la connaissance, le traitement et le contrôle de l’hypertension, avec toutes leurs limites, ne sont pas favorables, que ce soit dans les dix dernières années en France ou par comparaison aux évolutions observées dans d’autres pays. La prise en charge de l’hypertension artérielle en France reposera sur le développement d’une recherche opérationnelle, locale ou régionale et d’une participation aux nouvelles questions qui sont posées internationalement :

1° Avec le recul, ne faudrait-il pas mieux traiter plus tôt, à faibles doses de médicaments anciens et sans risque, avec l’objectif de prévenir le développement de l’hypertension artérielle systolique associée au vieillissement vasculaire plus ou moins accéléré ?

2° Faut-il traiter en visant des seuils plus bas comme le souhaitent les dernières recommandations américaines, au risque d’induire plus d’effets secondaires ?

3° Que faut-il choisir, entre traiter sur la base d’un calcul discutable de risque cardiovasculaire à 5, 10 ans, ou vie entière ou sur la base d’une mesure tensionnelle améliorée par sa répétition et sa neutralité, quelles qu’en soient les modalités ? On peut être amené à ne pas faire les mêmes propositions aux personnes hypertendues selon le choix fait.

Les maladies hypertensives, à la fois maladie et facteur de risque, devraient être l’un des premiers domaines d’une nouvelle médecine, car les réalisations du passé sont un préalable nécessaire à la réalisation des rêves d’avenir.