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Se passer du diagnostic médical doit rester une exception[1]
Communiqué de l’Académie nationale de médecine
15 février 2024
Afin d’améliorer l’accès aux soins en répondant à la rareté, espérée temporaire, du temps médical disponible dans des territoires qualifiés de « déserts médicaux » ou dans certains établissements, de fluidifier le parcours de soins du patients, de dégager du temps médical, et de revaloriser certaines professions de santé (kinésithérapeutes, orthophonistes, infirmières de pratique avancée, infirmières) [1], la Loi 2023-379 du 19 mai 2023 « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » permet à des professionnels de santé paramédicaux de prendre en charge des patients, de prescrire des examens complémentaires et des produits de santé, ou de pratiquer leur art, dans des cas où la prescription par un médecin ne serait plus obligatoire. Des textes d’application de cette Loi restent encore à prendre.
La prescription médicale n’est pas une formalité de nature administrative. Elle est le résultat d’une démarche accomplie par le médecin, qui repose sur l’écoute du patient, et l’analyse individualisée approfondie de ses symptômes et de sa situation (âge, antécédents, contexte familial, professionnel, socio-économique). L’examen physique, et l’analyse des résultats d’éventuels examens complémentaires, permettent ensuite au médecin d’établir un diagnostic médical. La prescription médicale, dont la visée est thérapeutique, résulte directement du diagnostic médical qui a été posé, c’est-à-dire de la maladie que le médecin a jugé pouvoir assigner au patient. Elle est donc l’aboutissement d’un processus intellectuel dont la conduite tire parti du fait que le médecin, après au moins neuf ans d’études, possède un important savoir théorique et pratique et dispose, avec le temps, d’une expérience croissante et de connaissances en permanence remises à jour.
La démarche diagnostique n’est pas simple, y compris pour les médecins. Des signes, d’apparence simple ou anodine, peuvent traduire l’existence d’une maladie complexe et grave réclamant un diagnostic médical précis. Par ailleurs, la mise en route d’un traitement comporte toujours une part de risque, et le temps passé dans une démarche thérapeutique inadaptée peut être équivalent à un retard de mise en route d’un traitement efficace.
Ainsi, engager une action thérapeutique en l’absence de prescription médicale n’est absolument pas anodin. Faire le pari que, sans le renfort de l’analyse intellectuelle ayant conduit au diagnostic médical, la thérapeutique engagée sera adaptée, peut conduire à ce que celle-ci se révèle inefficace, sinon néfaste. Elle constitue, pour le professionnel de santé qui s’y engage, une prise de risque, donc de responsabilité.
La Loi ouvre aujourd’hui la voie à certains soins curatifs sans prescription préalable par un médecin, pour des soins de kinésithérapie, d’orthophonie ou infirmiers, et même pour des prescriptions d’examens complémentaires ou de produits de santé, dans des contextes jugés « standardisés » et considérés à risque faible.
Face à l’extension, permise par la Loi, de l’accès à des examens et des thérapeutiques sans prescription par un médecin, l’Académie nationale de médecine :
– Rappelle que la prescription médicale a pour fondement le diagnostic médical, qui est la composante primordiale de la démarche thérapeutique ;
– Souligne que la mise en route de soins à visée curative, en particulier de nature médicamenteuse, sans prescription par un médecin donc sans diagnostic médical préalable, ne peut se concevoir que lorsque les conditions suivantes sont réunies : vérification de l’indisponibilité d’un médecin ; risques minimes d’effets secondaires de la thérapeutique concernée ; et évaluation médicale, après une période déterminée et répétée, de toutes les procédures ainsi engagées ;
– Rappelle que l’absence de médecins à même de poser un diagnostic n’est pas concevable dans le contexte d’un établissement de santé, dans lequel un malade, qu’il y entre par le service des urgences ou par celui des consultations médicales, ne peut être considéré comme privé d’une capacité de diagnostic médical, donc de prescription médicale ;
– Souligne que, quel que soit le type d’exercice, un diagnostic de maladie ne suffit pas à indiquer un besoin de rééducation, ni de tout traitement, quel qu’il soit ;
– Considère que l’obligation de prescription préalable par un médecin n’est pas un obstacle à la revalorisation de certaines professions de santé ou à la fluidification du parcours de soin du patient, mais un élément de sécurisation de la pratique de ces professions et de sécurité sanitaire pour le patient.
Références
[1] Rist S., au nom de la Commission des affaires sociales sur la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, Rapport n° 680, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 11 janvier 2023.
[1] Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie.
Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2024.02.012
Accès sur le site EM Consulte
Bull Acad Natl Med 2024;208:421-2. Doi : 10.1016/j.banm.2024.02.012