Publié le 22 juin 2021

Séance dédiée : « Les médicaments de prévention cardiovasculaire et neurovasculaire »

 

Place de l’aspirine en prévention primaire.

Pr Tabassome SIMON, Pharmacologie clinique, Hôpital Saint-Antoine, APHP, Paris.

 

 

Place des bétabloquants dans la coronaropathie.

Dr Emmanuel Sorbets, Cardiologue, Hôpital de l’Hôtel Dieu de Paris, APHP, Université de Paris.

Les bêta-bloquants ont révolutionné le pronostic de l’infarctus du myocarde avec un bénéfice majeur sur la mortalité. Les études randomisées validant incontestablement cet intérêt sont anciennes et remontent à une période où réparation des artères coronaires, aspirine et statines ne faisaient pas partie de l’arsenal thérapeutique. Les bêta-bloquants ont également amélioré les symptômes angineux des coronariens stables faisant de cette classe médicamenteuse le traitement de première intention de l’angor. Mais il n’existe aucune étude randomisée validant l’intérêt pronostic des béta-bloquants dans ce que l’on appelait coronaropathie stable et qui s’intitule désormais syndrome coronaire chronique.

Depuis quarante ans et avec les nombreuses innovations thérapeutiques, le spectre de toute la coronaropathie a évolué et avec lui son pronostic. Les coronariens aujourd’hui diffèrent totalement des coronariens des années quatre-vingt.

Les dernières études observationnelles ont suggéré que dans le post-infarctus sans trouble ventriculaire gauche, les bêta-bloquants étaient associés à un meilleur pronostic jusqu’à un an post-infarctus. Au-delà, leurs effets étaient neutres sur le pronostic cardiovasculaire.

Dans le syndrome coronaire chronique, les dernières études observationnelles ont suggéré, qu’en l’absence de trouble ventriculaire gauche, les bêta-bloquants n’étaient pas associés à un meilleur pronostic. Ils ne l’étaient qu’en cas d’antécédent d’infarctus de moins d’un an.

L’intérêt pronostique des bêta-bloquants dans la coronaropathie a évolué. Ce changement peut être lié à une évolution de la coronaropathie elle-même puisqu’elle s’est dissociée de l’insuffisance cardiaque avec altération de fonction ventriculaire gauche. De nouvelles études randomisées sont donc indispensables pour statuer sur le sort des bêta-bloquants en prévention secondaire coronaire.

 

LA PREVENTION SECONDAIRE MEDICAMENTEUSE EN PATHOLOGIE NEURO-VASCULAIRE A-T-ELLE DES SPECIFICITES ?

Pr Didier LEYS, Université de Lille. Inserm U 1172. Département universitaire de neurologie. Faculté de médecine.

La prévention secondaire médicamenteuse post-accident vasculaire cérébral (AVC) fait appel aux mêmes médicaments que la pathologie coronaire, mais la spécificité d’organe influence certaines indications: (i) les AVC sont des pathologies plus hétérogènes que la pathologie coronaire, et chaque sous-type d’ischémie et d’hémorragie cérébrale expose à un risque évolutif différent, qui va modifier la balance bénéfice / risque et influencer le choix du traitement ; (ii) le cerveau peut saigner (dans 15 à 20% des cas), la transformation hémorragique faisant partie de l’histoire naturelle de l’ischémie cérébrale ; ce risque est une limite à l’utilisation de traitements thrombolytiques et anticoagulants ; (iii) Les troubles cognitifs sont fréquents et influencent la tolérance aux médicaments anticoagulants. Pour ces raisons, dans les ischémies cérébrales cardio-emboliques l’introduction des anticoagulants est souvent différée de quelques jours, et dans les ischémies secondaires à l’athérosclérose, lorsque la combinaison aspirine-clopidogrel est indiquée, elle ne doit pas être poursuivie plus de 3 semaines.

Restent des mesures de bon sens : traiter l’hypertension artérielle afin de réduire le risque d’hémorragie cérébrale, traiter l’hypercholestérolémie, traiter le diabète afin d’accroître l’efficacité. Des incertitudes persistent : antiagrégants plaquettaires  associés ou non à l’aspirine ? Probabilité de risquer une hémorragie sous anticoagulant ?

 

Place des anticoagulants dans l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

Pr Alessandra BURA RIVIERE, Service de Médecine Vasculaire, Centre hospitalo-Universitaire de Toulouse.

L’artériopathie athéromateuse des membres inférieurs (AOMI) est une pathologie fréquente, dont la morbidité et mortalité sont comparables à celles de l’infarctus du myocarde. L’AOMI au stade le plus avancé comporte aussi un risque d’amputation des membres inférieurs. La pierre angulaire du traitement médical de l’AOMI est constituée par les antiplaquettaires : acide acétylsalicylique (ASA) ou clopidogrel. Les héparines sont réservées aux patients avec une occlusion thrombotique récente ou en période peropératoire. Les anti-vitamines K sont parfois utilisés suite à une revascularisation par pontage en veine. Des études récentes ont montré un intérêt des nouveaux anticoagulants oraux directs (AOD) dans ce contexte. L’étude COMPASS a montré que la combinaison du rivaroxaban à la dose de 2,5 mg/12 h et d’ASA 100 mg/j permet de réduire un critère composite de mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde (IDM) et accident vasculaire cérébral (AVC), chez des patients avec une atteinte athéromateuse stable coronaire, cérébrale ou des membres, aux dépens d’un taux plus important d’hémorragie. Chez les patients avec une AOMI, la combinaison de rivaroxaban et ASA réduit aussi le risque de présenter une ischémie sévère conduisant à une ré-intervention ou une amputation majeure. Cette combinaison s’est également montrée efficace dans la réduction de la mortalité cardiovasculaire, de l’IDM, de l’AVC et de l’ischémie aiguë chez des sujets ayant bénéficié d’une revascularisation récente des membres inférieurs, sans différence significative en termes d’hémorragies majeures. En conclusion, les AOD pourraient représenter un traitement intéressant à combiner à l’ASA chez des patients avec une AOMI à haut risque de mortalité cardiovasculaire et un faible risque hémorragique.