Communiquéinsuffisance cardiaque, recommandations.Jean-Paul Bounhoure, André Vacheron (au nom de la Commission IV — Maladies cardio-vasculaires)
Jean-Paul BOUNHOURE ** et André VACHERON *
Pour diminuer la mortalité, la fréquence des décompensations aiguës et des réhospitalisations, déprimantes pour le patient et coûteuses pour l’Assurance Maladie et répondre à l’objectif 73 de la loi relative à la Santé Publique du 9 août 2004, l’Académie nationale de médecine émet les recommandations suivantes :
La correction d’une étiologie curable , lorsqu’elle est possible, sera toujours privilégiée (correction d’une atteinte valvulaire, revascularisation coronaire s’il existe une viabilité myocardique, traitement d’une hypertension artérielle, d’une hyperthyroidie, d’une arythmie, d’une anémie etc.) L’éducation du patient et de sa famille ou de son entourage est indispensable. L’IC est une affection du sujet âgé et même très âgé ; le traitement justifie une information du patient et de son entourage sur la maladie, les signes prémonitoires des rechutes, la surveillance à effectuer :
— Le régime hyposodé sera détaillé, commenté avec si possible l’aide d’une diététicienne, mentionnant les sources de sodium, les plats déconseillés, la proposition de menus variés, de condiments et d’épices de substitution pour ne pas lasser des sujets âgés dénutris par un régime insipide.
— L’ordonnance doit être expliquée. La tenue d’un tableau facilite le respect et la répartition des prises médicamenteuses à heures fixes pour éviter les confusions et les oublis.
— Le patient doit noter sur un carnet, son poids (une pesée quotidienne est nécessaire pour détecter une rétention hydrosodée ou une perte de poids trop importante), ses troubles fonctionnels, ses malaises, les incidents de la vie quotidienne.
Une prise en charge multidisciplinaire est souhaitable. Les réseaux de soins regroupant le médecin traitant, le cardiologue, une infirmière, un kinésithérapeute, une diététicienne, le pharmacien, favorisent le travail en équipe, réduisent dans des études contrôlées la fréquence des réhospitalisations et améliorent la survie. Une surveillance attentive par le généraliste, une coopé- ration étroite avec le cardiologue hospitalier ou libéral, l’aide d’une infirmière pour surveiller le régime et l’observance de l’ordonnance se sont avérées utiles et efficaces.
Les recommandations des sociétés savantes et des experts doivent être mieux appliquées par le corps médical. Les médicaments dont l’efficacité est démontrée par les essais contrôlés ne sont pas toujours prescrits (70 % seulement des patients sont traités par des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) et 30 % des patients par des bétabloquants aux doses recommandées) :
— les posologies des diurétiques, des IEC, des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II de type I, substituables ou même associables aux IEC, des bétabloquants, des antagonistes des récepteurs de l’aldostérone sont trop souvent insuffisantes. La posologie de la digoxine sera adaptée à l’état de la fonction rénale et à l’âge du patient. La surveillance clinique et biologique permettra d’adapter les prescriptions en fonction de la rétention hydrosodée, de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, du bilan rénal et électrolytique, des variations climatiques.
Chez les patients stabilisés par le traitement médical, en classe II de la New York Heart Association, une réadaptation dans un établissement spécialisé sera proposée.
— Pour les patients en IC réfractaire au traitement médical , présentant des troubles conductifs intraventriculaires et des signes de désynchronisation ventriculaire, une stimulation biventriculaire est indiquée selon les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie avec implantation ou non d’un défibrillateur automatique ; cette implantation est recommandée chez les patients ayant présenté un arrêt cardiaque ou des tachycardies ventriculaires mal tolérées avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche altérée.
Chez les sujets jeunes l’assistance circulatoire et les différents procédés de remplacement cardiaque doivent être envisagés.
La prévention de l’insuffisance cardiaque doit être privilégiée en corrigeant les facteurs de risque, en normalisant les chiffres tensionnels avant l’apparition de l’hypertrophie ventriculaire gauche, en réduisant les délais de la revascularisation des patients atteints d’infarctus du myocarde aigu, en corrigeant par la chirurgie les lésions valvulaires, en dépistant et en traitant les maladies rénales et le diabète.
La prise en charge personnalisée, multidisciplinaire est associée à la réduction de 30 à 40 % du nombre des réhospitalisations . Elle doit être instaurée, chaque fois qu’elle est possible, à la sortie de l’hôpital ou de la clinique. La création d’ unités de soins spécialisées dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque est souhaitable. De telles unités permettent, en hôpital de jour ou en consultation, la surveillance clinique et biologique de l’état du patient avec dosage des peptides natriurétiques, les contrôles échographiques de la fonction ventriculaire et réduisent la fréquence des réhospitalisations. Cette stratégie pourrait être un facteur déterminant dans l’amélioration du pronostic et la réduction du coût de l’IC qui pèse lourdement sur l’économie de la Santé.
*
* *
L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 14 février 2006, a adopté le texte de ce communiqué moins une abstention.
* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 2, 515-517, séance du 14 février 2006