Résumé
De 1975 à 2005, le service de Néphrologie, de l’Hôpital Charles Nicolle de Tunis, a identifié par biopsie, le type lésionnel de 4 436 néphropathies glomérulaires (NG). Les patients sont groupés selon la décennie de prélèvement (A = 1975-1985 ; B =1985-1995 ; C = 1995- 2005), formant des cohortes de 1 510, 1 417 et 1 509, avec classement en enfants, adultes et sujets âgés. Ces données portant sur une longue durée, recueillies sur le même territoire et par la même équipe clinicopathologique de formation homogène, forment un rare outil d’épidémiologie longitudinale, nous conduisant à rapprocher l’évolution des lésions aux statistiques sanitaires et socio économiques de la Tunisie. Les variations saillantes entre la première décennie A et la troisième C sont : pour les NG secondaires, l’incidence de l’amylose passe de 12,6 à 6,5 %, réduction suivant celle de la tuberculose dans la population générale, passant de 48,7 cas/100 000 habitants en 1975 à 20,17 en 2004. L’incidence de la néphropathie lupique augmente de 9,8 % à 16,1 % chez l’adulte faisant soupçonner le rôle de l’exposition solaire et l’utilisation de plus en plus large des cosmétiques. Pour les NG primitives ou supposées telles, on note que dans les trois catégories d’âge, l’incidence des NG avec prolifération endocapillaire pure aiguë ou chronique, type membranoproliférative, diminue de 29,5 % (445 cas) à 11,5 % (174 cas), tout comme l’incidence du rhumatisme articulaire aigu dans la population générale qui passe de 7,26 cas/100 000 habitants en 1984 à 0,83 en 2004. Ces régressions coïncident avec l’amélioration des conditions d’hygiène et la diffusion de l’antibiothérapie. L’incidence des NG avec prolifération endo et extra capillaire est stable au fil des décennies. En l’absence de biais dans les indications de la biopsie, il est permis d’opposer les NG avec prolifération endocapillaire aux NG extracapillaires qui pourraient être de cause(s) et de mécanisme(s) différent(s). Cette hypothèse est renforcée par la fréquence croissante des NG extracapillaires pures dont l’incidence augmente de 0,006 à 4 % entre les périodes A et C. L’incidence des NG extra membraneuses (475 cas) passe de 8,9 % en A, à 11,4 % en B et atteint 11,9 % en C, cette augmentation n’est en fait observée que chez l’adulte, alors que chez l’enfant, on note une baisse entre les périodes B et C probablement en rapport avec la vaccination contre l’hépatite B, rendue obligatoire en Tunisie depuis 1995. L’incidence de la néphropathie à dépôts mésangiaux d’Ig A (199 cas) passe de 0,73 % en A à 2,6 % en B et atteint 10 % en C. La population âgée étant épargnée, il est légitime de soupçonner l’occidentalisation du mode de vie, car en Europe, cette NG est la principale cause d’urémie chronique. L’augmentation de cette incidence est également parallèle à celle du produit national brut par habitant. Ce travail a débuté sur l’incitation du professeur H. Ben Ayed une fois au point à l’hôpital Charles Nicolle, les traitements de l’urémie chronique par la dialyse et la transplantation. Leur insupportable poids moral et économique imposait de centrer les efforts sur la prévention. Une telle étude épidémiologique a l’intérêt d’éclairer d’un nouveau jour, la nosologie des NG ; départ pour une nouvelle étape de l’investigation clinique !
Summary
Between April 1975 and March 2005, 4 436 cases of histologically proven glomerulonephritis (GN) were diagnosed by the same team at the Kidney Unit of Charles Nicolle Hospital in Tunis. Respectively 1 510, 1 419 and 1 509 cases were diagnosed in 1975-1985, 1985- 1995, and 1995-2005. We compared trends in the incidence rates of the different types of GN and those of Tunisian indicators of health, social and economic status. The following differences were found between 1975-1985 and 1995-2005 : — As a proportion of all cases of GN, the frequency of amyloidosis fell from 12,6 % to 6,5 % (p < 0,0001). The 444 cases of amyloidosis observed during the study period were of type AA in 87 % of cases, and were related to chronic infectious diseases in 239 cases (54 % ; pulmonary tuberculosis in 114 cases). The frequency of tuberculosis-associated amyloidosis fell during the study period, in parallel with the reduction in the incidence of tuberculosis in the Tunisian population (48,7 cases/100 000 inhabitants in 1983 to 20,17 in 2004). Lupus nephritis accounted for 7.7 % of all cases of GN diagnosed in 1975-1985, compared to 13 % in 1995-2005 (p < 0,00001). Increased exposure to sunlight and use of cosmetics could be involved in this increase. — The incidence of both proliferative endocapillary and membranoproliferative GN (as a proportion of all cases of GN) fell between 1975-1985 and 1995-2005, from 15,9 % and 21,6 % to 6,9 % and 7,7 %, respectively (p < 0,0001). This matched a drop in the incidence of acute rheumatic fever in the Tunisian population, from 7,26/100 000 inhabitants in 1984 to 0,83 in 2004, probably as a result of public health measures and widespread use of antibiotics. The incidence of membranous GN increased from 11,1 to 17,7 % in adults (p < 0,001) whereas it fell from 10,1 to 4,6 % in children (p < 0,01), possibly as a result of a nationwide HBV vaccination program launched in 1995. The incidence of IgA nephropathy increased from 0,9 to 12,9 % in adults (p < 0,0001) and from 0,3 % to 18,4 % in children, but remained relatively stable in elderly adults. This study, conducted in a single center, by the same team, and using the same renal biopsy practices, confirms that the control of infectious diseases in Tunisia has led to a substantial regression of proliferative endocapillary and membranoproliferative GN and renal amyloidosis. Environmental factors, such as the adoption of western lifestyles, could explain the increase in lupus and IgA nephropathies
INTRODUCTION
L’examen histopathologique du tissu rénal prélevé par biopsie, a constitué une étape cruciale dans l’individualisation de la néphrologie en tant que spécialité.
Une classification des néphropathies glomérulaires (NG), a vu le jour, à partir de 1963, grâce aux travaux des équipes françaises [1-3] et anglosaxones [4] réalisés dans des laboratoires, faisant souvent, partie intégrante des services de néphrologie.
En Tunisie, un laboratoire d’histopathologie rénale a été créé en avril 1975, dans le service de néphrologie et de médecine interne de notre maître le Professeur H. Ben Ayed et ce avec la collaboration de l’équipe du Professeur G. Richet (Hôpital Tenon, Paris). Cette collaboration a permis, dès 1979, d’avoir un aperçu sur les particularités des différents types de NG rencontrées en Tunisie [5].
Plusieurs études publiées suggèrent une large différence de l’incidence des NG. En effet, si les principaux types de lésions glomérulaires sont retrouvés partout dans le monde, leur incidence est variable d’un continent à l’autre, voire d’un pays à l’autre [6-8]. De plus, les différentes études épidémiologiques font état d’une évolution dans le temps de l’incidence de certains types de NG avec en particulier une réduction de l’incidence des NG prolifératives dans les pays développés [9-11].
Le but de notre travail est d’étudier l’évolution du spectre des NG sur une période de trente ans et de déterminer l’impact des changements des conditions socio économiques et sanitaires sur cette évolution.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Notre étude porte sur 4 436 cas de NG étiquetées dans le laboratoire de pathologie rénale, du service de néphrologie et de médecine interne de l’hôpital Charles Nicolle de Tunis, sur une période de trente ans allant du 1er avril, 1975 au 31 mars, 2005.
Durant cette période, 6 446 examens histopathologiques du tissu rénal ont été effectués, 83,1 % d’entre eux (5 356 cas) ont été réalisés chez des malades présentant un tableau de NG. Parmi ces derniers nous n’avons retenu, pour cette étude, que les premiers prélèvements réalisés sur un rein natif où les renseignements clinico biologiques, figurant sur la fiche de biopsie rénale, sont suffisants et le classement histopathologique ne prête pas à équivoque.
La population étudiée est divisée en trois groupes selon la décennie du prélèvement, période A : 1975-1985, période B : 1985-1995 et période C : 1995-2005. Les malades sont aussi classés, selon l’âge au moment de la biopsie rénale, en enfants pour un âge ≤ 15 ans, adultes, quand l’âge est entre 16 et 64 ans et âgés, pour un âge ≥ 65 ans. Une étude histopathologique comportant un examen en microscopie optique et en immunofluorescence, a été réalisée dans 78,7 % des cas.
Les NG secondaires spécifiques, considérées pour l’étude sont la néphropathie lupique, (diagnostic basé sur des critères cliniques, biologiques et histologiques), la néphropathie amyloïde et la néphropathie diabétique.
Bien que notre étude a concerné tous les types histologiques de NG primitives, qu’elles soient prolifératives ou non, nous nous sommes particulièrement intéressés, dans le groupe des prolifératives, à la NG proliférative endocapillaire pure aiguë et à la NG membrano- proliférative, et dans le groupe des non prolifératives, à la NG extra membraneuse et à la néphropathie à dépôts mésangiaux d’Ig A.
L’étude des facteurs socio économiques, est basée sur l’évolution des indicateurs économiques, démographiques, des conditions de vie et sanitaires fournis par l’Institut National de Statistique et le Ministère de la Santé Publique (Direction de la planification, Direction des soins de Santé de base).
L’analyse statistique des données est réalisée à l’aide du logiciel Statview 5, 0 (SAS Institute Inc Cary, NC, USA) après leur transfert à partir d’une base de données où sont répertoriés tous les renseignements relatifs aux malades ayant eu un examen histologique rénal. La saisie et la vérification de ces données ont été effectuées par un médecin néphrologue. L’étude comparative est basée sur le test de 2 α pour les variables qualitatives et l’analyse de variance pour les variables quantitatives ; une différence est retenue comme statistiquement significative chaque fois que la valeur de p. est < 0,05.
RÉSULTATS
ÉVOLUTION DE L’INCIDENCE DES GLOMÉRULOPATHIES
Parmi les 4 436 cas de NG étudiées, 34 % ont été étiquetées durant la période A, 32 % durant la période B et 34 % durant la période C (NS). Le caractère secondaire de la glomérulopathie a été retenu dans 21,6 % des cas et 3 477 malades (78,4 %) avaient une néphropathie glomérulaire supposée primitive (tableau 1).
— Les NG secondaires ont été rattachées au lupus systémique dans 461 cas, à une amylose dans 444 cas et au diabète sucré dans 54 cas.
La néphropathie lupique, qui représente 10,4 % du total des néphropathies glomé- rulaires, a été observée chez des malades de sexe féminin dans 91,3 % des cas. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 28,9 fi 10,8 ans (extrêmes : 1,25 à 65 ans).
Un seul malade est âgé de plus de 65 ans et 41 (8,9 %) sont des enfants âgés de moins de 15 ans. Son incidence a connu une augmentation de 7,7 % (116 cas) à 10,5 % (149 cas) entre les périodes A et B et elle atteint 13 % (196 cas) durant la période C (p < 0,0001).
L’amylose rénale représente 10 % du total des NG (tableau 2). L’âge moyen de ces malades est de 45,9 fi 18,5 ans (extrêmes : 3 à 84 ans) avec un sex-ratio de 2,04.
TABLEAU 1 — Evolution de l’incidence des néphropathies glomérulaires :
Périodes
A : 1975-1985
B : 1985-1995
C : 1995-2005
Total
Nombre %
Nombre %
Nombre %
Nombre %
NG primitives 1 186 78,5 1 096 77,3 1 195 79,2 3 477 78,4
NG secondaires 324 21,5 321 22,7 314 20,8 959 21,6
Total 1 510 100 1 417 100 1 509 100 4 436 100
NG : néphropathie glomérulaire L’incidence de l’amylose, qui est de type AA dans 87 % des cas, est passée de 12,6 %, durant la période A, à 6 % durant la période C (p < 0,0001). Dans notre série, les infections constituent la principale cause d’amylose avec une prédominance de la tuberculose ; celle-ci est retrouvée chez près de la moitié des 239 de nos malades atteints d’une amylose et ayant une histoire d’infection chronique. L’incidence de l’amylose réactionnelle aux infections est passée de 61,9 %, durant la période A, à 30,6 %, durant la période C, soit pratiquement une baisse de moitié. Cette baisse, qui a particulièrement intéressé les cas compliquant la tuberculose, dont la fré- quence s’est réduite de 2,6 fois entre les périodes A et C (55 et 21 cas), s’est faite en parallèle avec la baisse de l’incidence de la tuberculose en Tunisie (tableau 4).
— Les NG primitives ou supposées telles, représentent 78,4 % des NG (3477 cas) ;
nous avons jugé utile de les individualiser en deux groupes comportant d’une part, les NG prolifératives inflammatoires et d’autre part, les NG non prolifératives.
L’analyse de l’évolution dans le temps de l’incidence de ces deux groupes, par rapport à la totalité des NG primitives, fait état d’une baisse globale des NG prolifératives entre la première et la troisième décennie. L’incidence de la NG endocapillaire pure, qui est de 15,9 % durant la période A, passe à 6,9 % durant la période C (p < 0,0001) ; de même, l’incidence de la NG membranoproliférative passe de 21,6 à 7,7 % entre les périodes A et C (p < 0,0001). La baisse de l’incidence des NG endocapillaire pure et membranoproliférative, est retrouvée quel que soit le groupe d’âge étudié (tableau 2) ; elle s’est faite en parallèle avec la baisse de l’incidence du rhumatisme articulaire aigu et des grandes maladies transmissibles dans la population générale (tableau 4).
On note par ailleurs que l’incidence des NG endo et extra-capillaires est stable au fil de trois décennies étudiées alors que celle des NG extra-capillaires est passée de 0,06 % (un cas) durant la période A à 4 % (60 cas) durant la période C.
L’analyse de l’évolution dans le temps des proportions de différents types de NG non prolifératives, objective plutôt une augmentation sur les trois périodes d’étude (tableau 2). En effet, l’incidence globale de la NG extra membraneuse passe de 11,4 % durant la période A à 15 % durant la période C (p < 0,008). Cette augmen-
TABLEAU 2 — Évolution de l’incidence des néphropathies glomérulaires Période
A : 1975-1985
B : 1985-1995
C : 1995-2005
Total
Nombre %
Nombre %
Nombre %
Amylose 19 5,02*
11 3,3 3 1*
33 Enfants
Adultes 151 14,02*
118 11,6 66 6*
335 Agés 19 32,02 28 43 29 29,3 76 Total 189*
157 98*
444 NG endocapillaire pure
Enfants 39 11,2*
15 4,9 12 4,2*
66 Adultes 144 18*
70 9,3 70 8,3*
284 Agés 6 16,2 3 8,1 0 0 9 Total 189 15,9*
88 8 82 6,9*
359 NG membranoproliférative
Enfants 39 11,2*
16 3,2 5 1,8*
60 Adultes 203 25,3*
130 17,3 75 8,9*
TABLEAU 3 — Évolution des indicateurs économiques et démographiques Indicateurs 1975 1984 1994 2004
Économiques
Produit national brut (millions DT) 1742,4 5535,0 14921,0 33564,0 Produit national brut /habitant (DT) 310,5 786,9 1692,7 3380,2 Démographi-
Population (x 106) 5,6117 7,0338 8,8154 9,9109 ques
Taux brut de natalité/1000 habitants 36,6 31,3 20,8 18,4 Taux brut de mortalité/1000 habitants 10,0 6,7 5,8 6,1 Taux d’accroissement national (%) 2,66 2,46 1,70 1,01 Indice synthétique de fécondité 5,79 4,53 2,9 2,02 Taux de mortalité infantile/1000 96,7 51,4 31,8 20,7 Espérance de vie à la naissance (année) 58,6 67,4 71,2 73,4 DT = Dinar tunisien aux prix courants (1 DT = 0,622 Euro, décembre 2005).
TABLEAU 4 — Évolution des indicateurs des conditions de vie et sanitaires Indicateurs 1975 1984 1994 2004
Conditions de Taux de pauvreté (%) 22,0 7,7 6,2 4,2 vie
Taux d’analphabétisme (%) 54,9 46,2 31,7 22,9 Taux de scolarisation (%) 64 87,4 91 96,9 Taux d’urbanisation (%) 47,5 52,8 61,0 64,9 Taux de desserte en eau potable (%) 52,7 68 84,4 95,6 Taux de branchement électricité (%) 56 63,4 85,9 98,9 Taux de raccordement à l’égout (%) 51,5 59,8 74,4 Sanitaires
Ratio du produit intérieur brut alloué à 1,9 4,2 5,5 5,9 la santé Ratio habitants par médecin 4620 2338 1500 896 Taux de couverture vaccinale (%) 72,8 86 97 Incidence de la syphilis/100 000 habi9,47 5,15 0,62 tants Incidence de la rougeole/100 000 habi- Vacci20,8 6,8 0,25 tants nation Incidence du RAA /100 000 habitants 7,26 4,19 0,83 Incidence de la tuberculose/100 000 48,7 35,6 27,04 20,17 habitants RAA : rhumatisme articulaire aigu
moins de 65 ans et elle s’est faite en parallèle à celle du produit national brut (tableau 3).
Chez l’enfant, l’incidence de la néphrose a augmenté de 40,1 % durant la période A à 45,8 % durant la période C (NS). Cette augmentation est plus prononcée chez l’adulte avec une incidence passant de 22,2 à 29,1 % (p < 0,006). Sous cette rubrique, nous avons inclus les lésions glomérulaires minimes, la néphropathie mésangiale diffuse et l’hyalinose segmentaire et focale, qui sont souvent associées à un syndrome néphrotique.
D’autres constatations méritent d’être notées, en particulier l’association d’une NG à certaines maladies relativement prévalentes dans notre pays. Le kyste hydatique est associé à une NG chez treize malades, il s’agit de huit cas d’amylose AA, de deux cas de NG extra membraneuse, de deux cas de néphrose et d’un cas de NG membranoproliférative. La leishmaniose a été retrouvée chez sept malades, les lésions glomérulaires sont variables : deux cas de néphrose, deux cas de NG extra membraneuse, deux cas de NG endocapillaire pure et un cas de NG membranoproliférative.
La lèpre lépromateuse, de plus en plus rare en Tunisie, est retrouvée chez cinq malades ; deux, ont une amylose rénale, deux autres, ont une NG extra membraneuse et un, présente une néphrose. Trente-huit de nos malades ont une drépanocytose dont trente-sept sont de race blanche ; les lésions glomérulaires associées sont :
une NG membranoproliférative dans dix-neuf cas ; des lésions segmentaires et focales dans onze cas, de type hyalinose dans neuf cas ; une NG endocapillaire pure dans cinq cas et une NG extra membraneuse dans deux cas. La maladie de Behçet a été associée à une amylose AA dans quatre cas et à une néphropathie à Ig A dans deux cas.
Ces causes particulières de néphropathies glomérulaires très probablement communes aux pays maghrébins, peuvent être observées dans la communauté maghrébine vivant en Europe.
Évolution des conditions socio économiques
Les conditions socio économiques et la santé s’influencent mutuellement, en ce sens que la pauvreté demeure le principal problème à résoudre pour protéger la santé et que la santé est un puissant levier de développement socio économique.
Dans cette optique, nous avons essayé d’établir une relation entre l’évolution des conditions socio économiques en Tunisie, et l’évolution de l’incidence des NG.
L’évolution des principaux indicateurs économiques et démographiques figure dans le tableau 3 et celle des conditions de vie et de l’état de santé de la population dans le tableau 4.
Il s’en dégage les points suivants : le produit national brut est multiplié par 19,3 entre 1975 et 2004. La politique de planification des naissances et l’adoption de la politique des soins de santé primaire de base ont eu des retombées importantes sur les données démographiques avec une amélioration perceptible des conditions de vie de la population.
La réduction des maladies transmissibles est en rapport avec le développement du secteur sanitaire et l’accès facile aux soins curatifs et préventifs. Cela a pu être réalisé grâce à l’augmentation du ratio du produit intérieur brut alloué au secteur de la santé allant de 1,9 en 1975 à 5,9 % en 2004, à la croissance continue de l’effectif du personnel soignant (ratio habitants/médecin est passé de 4 620 en 1975 à 896 en 2004) et au développement de l’infrastructure sanitaire, publique et privée.
DISCUSSION
Notre étude concerne l’évolution de l’incidence des différents types histologiques de 4 436 cas de NG sur une durée de trente ans, divisés en trois décennies. Il existe une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,25 ; ceci est en accord avec les études épidémiologiques publiées ayant concerné les NG primitives [11, 15, 16] et celles ayant inclus toutes les NG y compris les secondaires [12-14, 17-19].
L’influence des conditions socio économiques et sanitaires sur cette épidémiologie, a été souvent avancée mais peu de travaux l’ont abordé d’une façon explicite [11, 21, 22].
Nos 4 436 biopsies rénales, ont été indiquées devant des signes cliniques et/ou biologiques patents. Elles ont été étudiées par la même équipe clinico pathologique, de formation homogène, implantée dans le principal centre néphrologique de la Tunisie. Ces éléments constituent les faits marquants de notre étude qui l’opposent aux autres basées sur des données provenant des différentes équipes donc fatalement inhomogènes [6-10, 12-14, 16].
Fait inédit, notre étude, porte sur une longue durée de trente ans. En effet, aucune étude épidémiologique n’a dépassé quinze années [12-14, 16] et à notre connaissance, aucune étude n’a abordé la relation entre l’épidémiologie longitudinale des NG et l’évolution sanitaire et socio économique d’un pays. Notre travail a abordé cet aspect en rapprochant l’évolution dans le temps, des lésions glomérulaires, de l’évolution des indicateurs socio économiques et sanitaires, de la Tunisie, durant la même période.
Pour les NG secondaires observées dans notre série, certaines remarques méritent d’être soulevées. Tout d’abord, on doit signaler la fréquence de la néphropathie lupique qui représente 10,4 % du total des NG ; ce taux, qui est intermédiaire en comparaison avec certaines études publiées [12, 13, 14,17, 18], a connu une augmentation nette passant de 7,7 % durant la période A à 13 % durant la période C ; ce fait a été déjà signalé par d’autres auteurs [12-14, 23]. Pour tenter d’expliquer ce phénomène, l’hypothèse physiopathologique pouvant être avancée est l’augmentation de la fréquence du lupus en rapport avec des modifications dans l’environnement. Malgré que le taux d’ensoleillement est resté constant en Tunisie, il est permis de soupçonner le rôle du soleil. En effet, l’occidentalisation de l’habillement de la femme tunisienne avec engouement pour le bronzage fait que son exposition au
soleil est devenue de plus en plus importante. La part des cosmétiques, dans l’augmentation de l’incidence du lupus peut être également évoquée. En effet, le maquillage des jeunes filles presque inexistant dans la première décennie, est actuellement devenu chose courante.
D’autre part, l’incidence de l’amylose rénale, qui représente 10 % du total des NG, est nettement supérieure à celles rapportées dans des différentes séries [12-14, 17] dont peu se sont intéressées à son évolution dans le temps [14, 23, 26]. Deux, de ces études, font état d’une augmentation de l’incidence de l’amylose rénale [14, 23] et une, a rapporté plutôt une baisse beaucoup moins prononcée de celle objectivée par notre étude [26]. L’amylose est de type AA chez 87 % de nos malades, elle est souvent secondaire aux infections chroniques dont notamment la tuberculose.
Celle-ci est retrouvée chez 29,7 % de nos malades, ce taux est proche de celui rapporté en Inde [27] et dans d’autres publications plutôt anciennes [28-31]. Chez les malades atteints d’amylose, la fréquence d’une histoire d’infection chronique a baissé de moitié entre les périodes A et C et celle de la tuberculose est 2,6 fois plus basse dans la période C par rapport à la période A. La réduction du nombre des cas d’amylose rénale, et en particulier, celui des formes associées aux infections chroniques, est parallèle à la baisse de l’incidence des maladies transmissibles dans la population tunisienne et tout particulièrement celle de la tuberculose, qui s’est réduite de 2,4 fois entre 1975 et 2004 (tableau 4). Certaines études font aussi état de la fréquence de l’amylose AA qui a été observée chez 62 % des malades d’une série espagnole [13].
Pour les NG primitives, l’analyse de l’évolution de leur incidence retrouve :
— une baisse significative de la NG endocapillaire pure, de près de 50 %, entre les périodes A et B. Cette entité, qui est le substratum anatomique de la glomérulonéphrite aiguë post infectieuse, représente 8 % du total des NG étiquetées durant la décennie 1985-1995, ce taux est proche de celui de 7,7 % qui a été retrouvé à l’hôpital Necker à Paris durant la période 1967-1976 [32]. L’incidence de la NG membranoproliférative a connu aussi une baisse significative plus marquée entre les périodes A et C. Elle représente 13,8 % des NG étiquetées durant la période 1985-1995, ce taux se rapproche de celui de 13,6 % de la série de l’hôpital Necker durant la période 1967-1976 [32]. Ainsi, une même fréquence est retrouvée, pour ces deux NG prolifératives, à Paris et à Tunis avec un décalage d’environ vingt ans. A cette baisse concomitante de l’incidence de ces deux néphropathies, correspond une baisse spectaculaire de l’incidence du rhumatisme articulaire aigu en Tunisie. Ce fait, constaté depuis 1985, fait suite à une politique nationale, adoptée à partir de 1980, relative au traitement standard des angines qui a été intégré dans les soins de santé de base. Il est intéressant de noter aussi une baisse des valvulopathies entre 1992 et 2002 ; celles-ci, dont la plupart sont d’origine rhumatismale, représentaient, il y’a trois décennies, la principale cause d’hospitalisation dans les services de cardiologie de la Tunisie [33].
Notre étude démontre que la baisse de l’incidence de ces deux néphropathies,
déjà signalée dans les pays industrialisés [10-13, 34,35], va de paire avec l’amé- lioration des conditions socio-économiques et de l’état de santé de la population.
— A l’inverse, une augmentation de l’incidence de la NG extra membraneuse a été observée chez nos malades adultes ; cette lésion est en progression dans plusieurs régions du monde et touche des sujets de plus en plus âgés [12, 13, 36]. Dans notre série, on note plutôt une baisse significative de l’incidence de cette NG chez l’enfant entre les périodes B et C. Cette baisse serait à mettre à l’actif du programme national de vaccination contre l’hépatite B démarré en juillet 1995 avec une couverture vaccinale de 94 % pendant l’année 2000, ce fait a été déjà bien établi par Bhimma en Afrique du sud [37]. L e rôle des facteurs environnementaux tels que d’autres agents infectieux et les toxiques, avancé par certains auteurs [38, 39], a été retrouvé dans notre série.
— L’incidence de la néphropathie à Ig A varie d’une série à l’autre suivant le niveau socio-économique [22], elle est rare dans les pays en voie de développement et fréquente dans les pays industrialisés. La susceptibilité raciale, les indications de la biopsie rénale, n’expliquent qu’en partie la différence dans la répartition géographique de cette néphropathie qui est probablement plus liée à des mécanismes environnementaux que génétiques [22]. Ainsi, la fréquence de la néphropathie à dépôts d’Ig A, suit le niveau socio économique, à niveau bas, une fréquence basse et réciproquement [22]. Dans notre série, l’augmentation importante de l’incidence de la néphropathie à Ig A, entre les périodes A et C, ne peut pas être expliquée par la prédisposition génétique de la population tunisienne à développer ce type de NG ou par des changements de la pratique médicale. En effet, notre étude est faite sur la même population et il n’y’a pas eu de changement majeur dans les indications des biopsies rénales réalisées dans notre service. L’occidentalisation du mode de vie de la population tunisienne sur tous les plans, y compris celui des habitudes alimentaires, pourrait être soupçonnée.
Bien que le niveau socio-économique de nos malades n’a pas été étudié d’une façon précise, nous avons remarqué que ceux atteints par la néphropathie à Ig A font partie de la classe sociale relativement aisée contrairement à ceux atteints d’une NG membranoproliférative, qui sont de conditions socio-économiques plutôt difficiles. Il est aussi remarquable que l’augmentation de l’incidence de la néphropathie à Ig A est parallèle à l’augmentation du produit national brut ; ceci a été déjà rapporté dans cinq pays d’Amérique Latine [22].
En conclusion, notre étude épidémiologique longitudinale des NG, basée sur l’étude histopathologique et ses rapports avec l’évolution sanitaire et sociale, a permis de distinguer deux groupes de NG. Le premier voit son incidence baisser avec l’amé- lioration des indicateurs socio-économiques et sanitaires. Il est constitué par des néphropathies fréquentes dans les pays à hygiène défectueuse. Il s’agit de la NG endocapillaire pure, de la NG membranoproliférative et de l’amylose rénale. Le deuxième groupe voit son incidence augmenter par l’amélioration des conditions socio économiques et sanitaires et l’adoption d’un nouveau mode de vie. Il s’agit de
la néphropathie lupique, de la néphrose, de la NG extra membraneuse et surtout de la néphropathie à Ig A.
Ainsi, nos résultats, démontrent l’impact des conditions socio économiques et sanitaires sur le type histopathologique des NG et mettent l’accent sur l’intérêt des études épidémiologiques longitudinales basées sur la biopsie rénale. Ces études constituent un abord de la compréhension, des étiologies et des mécanismes pathogéniques des différents types de NG et par la même la base d’une approche de leur prévention et de celle de l’insuffisance rénale chronique qui en découle.
REMERCIEMENTS
Ce travail a bénéficié de l’aide du Ministère de la Recherche Scientifique, de la Technologie et du développement des compétences et du Ministère de la Santé Publique (Laboratoire de Recherche Santé 02).
Nous remercions Madame Faouzia Jebri Bessoussa pour la mise en page du manuscrit et tous les membres du service de Néphrologie et de Médecine Interne et du Laboratoire de Pathologie rénale de l’Hôpital Charles Nicolle BIBLIOGRAPHIE [1] HABIB R., KLEINKNECHT C., GUBLER M.C. — Classification anatomopathologique et corrélations anatomo-cliniques des lésions glomérulaires. In P. ROYER R. HABIB, H. MATHIEU and R.
BROYER. Néphrologie pédiatrique (Editions Flammarion, Paris), 1973, p. 160-182.
[2] HAMBURGER J., HINGLAIS N., DEMONTERA H. — Renal biopsy in 1000 cases of chronic glomerular diseases. In E.L. BECKER. Nephrology Cornell Seminars (Editions Williams & Wilkins, Baltimore), 1971, p. 61-96.
[3] MOREL-MAROGER L., VERROUST P.J. — Clinicopathological correlations in glomerular diseases. In N.F. JONES, Recent advances in renal disease (Editions Churchill Livingstone, Edinburg), 1975, p. 48-49.
[4] CHURG J, SOBIN L.H. — Renal disease. In Classification and atlas of glomerular disease (Editions Igaku-Shoin, Tokyo), 1982.
[5] VERROUST P., BEN MAIZ H., MOREL-MAROGER L. et al. — A clinical and immunological study of 304 cases of glomerulonephritis in Tunisia.
Eur. J. Clin. Invest, 1979, 9 , 75-79.
[6] KORBET S.M., GENCHI R.M., BOROK R.Z., SCHWARTZ M.M. — The racial prevalence of glomerular lesion in nephrotic adults. Am. J. Kidney Dis., 1996, 27 , 647-651.
[7] D’AMICO G. — The commonest glomerulonephritis in the world : Ig A nephropathy.
Q. J. Med ., 1987, 64 , 709-727.
[8] CHUGH K.S., SAKHUJZ V. — Glomerular iseases in the tropics.
Am. J. Nephrol . 1990, 10 , 437-450.
[9] BRADEN G.L. — CHANGING INCIDENCE OF GLOMERULAR DISEASES IN ADULTS. Am. J. Kidney Dis ., 2000, 35 , 878-883.
[10] MEYRIER A. — Aspects actuels des glomérulonéphrites post infectieuses en Europe de l’Ouest.
In Séminaires d’Uro-néphrologie (Editions de l’AULNE, Paris), 2000, p. 160-168.
[11] SIMON P., RAMEE M.P., ANG K.S., CAM G. — Epidémiologie des maladies glomérulaires dans une région française. Variation en fonction des époques et de l’âge des sujets. Presse Med ., 1988, 41 , 2175-2183.
[12] SCHENA F.P. and THE ITALIAN GROUP OF RENAL IMMUNOPATHOLOGY. — Survey of the Italian Registry of Renal Biopsies. Frequency of the renal diseases for 7 consecutive years. Nephrol.
Dial. Transplant ., 1997, 12 , 418-426.
[13] RIVERA F., LOPEZ GOMEZ J.M. AND PEREZ GARCIA R. — Frequency of renal pathology in Spain 1994-1999. Nephrol. Dial. Transplant ., 2002, 17 , 1594-1602.
[14] RYCHLIK I., JANCOVA E., TESAR V. et al. — The Czech registry of renal biopsies. Occurrence of renal diseases in the years 1994-2000.
Nephrol. Dial. Transplant ., 2004, 19 , 3040-3049.
[15] TIEBOSCH A.T.M.G., WOLTERS J., FREDERIK P.F.M. et al. — Epidemiology of idiopathic glomerular disease : A prospective study.
Kidney Int ., 1987, 32 , 112-116.
[16] HEAF J., LOLLEGAARD H., LARSEN S. — The epidemiology and prognosis of glomerulonephritis in Denmark 1985-1997. Nephrol. Dial. Transplant., 1999, 14, 1889-1897.
[17] LI L.S and LIU Z.H. — Epidemiologic data of renal diseases from a single unit in China :
analysis based on 13519 renal biopsies. Kidney Int., 2004, 66, 920-923.
[18] AL ARRAYED A., GOERGE S.M., MALIK A.K. — The spectrum of glomerular diseases in the Kingdom of Bahrain : an epidemiological study based on renal biopsy interpretation. Transplant. Proc., 2004, 36, 1792-1795.
[19] ISEKI K., MIYASATO F., UEHARA H. et al. — Outcome study of renal biopsy patients in Okinawa,
Japan.
Kidney Int ., 2004, 66 , 914-919.
[20] SIMON P., RAMEE M.P., ANG K.S., CAM G. — Evidence for a simultaneous reduction in the incidence of membranoproliferative glomerulonephritis and streptococcal disease in a French rural area. In FRIEDMAN E.A., BEYER M., DE SANTO N.G., Prevention of Progressive Uremia (Editions, Fields & Woods, New York, Edit), 1989, p. 163.
[21] BACH J.F., CHALONS S., FORIER E. — TEN-YEAR EDUCATIONAL PROGRAM AIMED AT RHEUMATIC FEVER IN TWO FRENCH CARIBBEAN ISLANDS. LANCET, 1996, 347, 644-648.
[22] JOHNSON R.J., HURTADO A., MERSZEI J., RODRIGUEZ ITURBE B., FENG L. — Hypothesis :
dysregulation of immunologic balance resulting from hygiene and socio-economic factors may influence the epidemiology and cause of glomerulonephritis worldwide. Am. J. Kidney Dis. , 2003, 42, 575-581.
[23] VAN PAASSEN P., VAN BREDA VRIESMAN P.J.C, VAN RIE H. and COHEN TERVAERT J.W. — Signs and symptoms of thin basement membrane nephropathy : a prospective regional study on primary glomerular disease. The Limburg Renal Registry. Kidney Int ., 2004, 66 , 909-913.
[24] SCHENA F.P., PANNARALE G., CARBONARA M.C. — Clinical and therapeutic aspects of renal amyloidosis. Nephrol. Dial. Transplant ., 1996, 11 , 63-68.
[25] KYLE R.A., BEARD C.M. et al. — Amyloidosis : review of 236 cases. – Medicine , 1975, 54 , 271-299.
[26] BOUSSEMA E., LABEEUW M., COLON S., CAILLETTE A., ZECH P. — Maladies associées à l’amylose rénale : à propos de 216 cas. Ann. Med. Interne , 1991, 142 , 331-334.
[27] ERK O., TURKENDA T, VYSAL V. — Frequency of renal amyloidosis secondary to tuberculosis.
Nephro. , 1995, 71 , 367.
[28] MILLIEZ P., LAROCHE C., WOLFROMM S., SAMARQ P., LAGRUE G. — Étude clinique, biologique et anatomique de 31 cas d’amylose rénale. J. Urol. Médicale Chir ., 1958, 64 , 544.
[29] DUCROT H., SLAMA R. — Les conditions de diagnostic de l’amylose rénale, analyse de 49 observations. In Actualités Néphrologiques de l’Hôpital Necker (Editions Médicales Flammarion, Paris) 1963, p. 115-126.
[30] BEAUFILS M., BLANCHON F., SALAZAR H., RICHET G. — L’amylose rénale découverte par la biopsie rénale, à propos de 67 cas. Rev. Prat ., 1974, 24 , 1913-1924.
[31] VITAL DURAND D., TOURAINE J.L., ZECH P., TRAEGER J. — La néphropathie amyloïde : Etude clinique de 135 observations. Rev. Med. Interne , 1981, II, 325-330.
[32] DÉPARTEMENT DE NÉPHROLOGIE. HOPITAL NECKER. — Épidémiologie des maladies rénales :
1960-1990. In Actualités Néphrologiques de l’Hôpital Necker (Éditions Flammarion Médecine Sciences, Paris, Edit.), 1990, p. 9-20.
[33] BEN ROMDHANE H., HAOUALA H., BELHANI A. et al. — La transition épidémiologique, ses déterminants et son impact sur les systèmes de santé à travers l’analyse de la tendance des maladies cardiovasculaires en Tunisie. Tunis. Med ., 2005, 83 , 1-7.
[34] JUNGERS P., FORGET D., DROZ D., NOEL L.H., GRUNFELD J.P. — Réduction in the incidence of membranoproliferative glomerulonephritis in France. In Proceedings of the EDTA ( Editions Baillière Tindall, Edit .), 1985, p. 730.
[35] CONFALONIERI R., BARONI M., PAGLIARI B. — Is membranoproliferative glomerulonephritis (MPGN) really decreasing ? A multicentric study of 1548 patients with primary GN. Kidney Int ., 1985, 27 , 93-98.
[36] SIMON P., RAMEE M.P., BOULAHROUZ R. et al. — Epidemiologic data of primary glomerular diseases in western France.
Kidney Int ., 2004, 66 , 905-908.
[37] BHIMMA R., COOVADIA H.M., ADHIKARI M., CONNOLLY C.A. — The impact of the hepatitis B virus vaccine on the incidence of hepatitis B virus-associated membranous nephropathy. Arch.
Pediatr. Adolesc. Med . 2003, 157 , 1025-1030.
[38] LAGRUE G., LAURENT J. — Epidémiologie des maladies glomérulaires.
Presse Med ., 1984, 25 , 255-256.
[39] FILLASTRE J.P., DRUET P., MERY J.P. — Proteinuric nephropathies associated with drugs and substances of abuse. In CAMERON J.S., GLASSOCK R.J. The Nephrotic Syndrome (Editions Marce Dekker, New York, Edit), 1988, p. 697-744.
DISCUSSION
M. Gabriel RICHET
En montrant qu’au long de ces trente ans certaines glomérulonéphrites primitives histologiquement bien classées diminuent alors que d’autres augmentent de fréquence, Hédi Ben Maïz ouvre la porte à la recherche de la spécificité de chacune de ces formes. Cela peut déboucher sur des moyens de prévenir l’urémie chronique et donc le nombre des dialyses et des candidats à la transplantation. Cela passera par l’identification progressive des causes, exogènes avant tout, changements alimentaires ou de l’environnement.
L’insupportable poids économique du traitement de suppléance de l’urémie chronique, surtout dans les pays du sud, met l’accent sur la nécessité de centrer les efforts sur la prévention. Les néphropathies glomérulaires demeurent la principale cause d’insuffisance rénale chronique terminale, en Tunisie ; d’où la motivation de cette étude dont l’un de buts est d’entrevoir une approche préventive des néphropathies glomérulaires et par la même de l’IRC qui en résulte. Notre étude a fait apparaitre que l’impact des facteurs exogénes sur les glomérulonéphrites primitives est patent avec deux faits marquant liés à l’amélioration des conditions économiques et sanitaires, la réduction de l’incidence des
glomérulonéphrites prolifératives, et l’augmentation de celles des glomérulonéphrites non prolifératives.
M. Claude Pierre GIUDICELLI
A propos de l’augmentation de l’incidence de la glomérulonéphrite à dépôts d’IgA, dépendelle d’une recherche systématique des hématuries microscopiques lors des examens de médecine du travail ou lors d’autres examens de santé ?
L’augmentation de l’incidence de la glomérulonéphrite à dépôts d’IgA, ne dépend pas de la recherche systématique des hématuries microscopiques lors des examens de Médecine de Travail, ou lors d’autres examens systématiques, qui malheureusement n’est pas de pratique courante en Tunisie.
M. Jean-Daniel SRAER
Ce travail prouve l’importance de l’antibiothérapie dans la diminution des glomérulonéphrites aiguës et membranoprolifératives. Il montre à l’évidence le danger de voir ces maladies en France si la campagne contre les antibiotiques avec le risque de voir aussi augmenter le nombre de cas de R.AA, de scarlatine entre autres.
Depuis l’institution, en 1980, de la politique de traitement systématique des infections ORL par les antibiotiques, la réduction de l’incidence du rhumatisme articulaire aigue, des valvulopathies rhumatismales et des glomérulonéphrites aigues et membrano prolifératives est clairement établie en Tunisie et réconforte l’idée que cette attitude est juste et doit être maintenue.
M. Christian NEZELOF
Les données que vous présentez sont très intéressantes. Elles montrent clairement la diminution des N glomérulaires associés à des infections. Dans le noyau dur demeurant, quelle est la part des néphropathies héréditaires dont on connaît, depuis quelques décennies, le nombre croissant ? Qu’en est-il du syndrome d’Alport ?
Le nombre de néphropathies héréditaires observé dans cette étude est de 101 cas. Il s’agit principalement de 32 cas de syndrome d’Alport, de 38 cas de néphropathie au cours de la drépanocytose, de 26 cas de fièvre méditerranéenne familiale.
M. Pierre GODEAU
Y a-t-il un décalage dans le temps entre l’amélioration des conditions socio-économiques et la modification des néphropathies glomérulaires ? Quel est ce délai ? Dix ans ou plus ?
Il existe un décalage dans le temps entre l’amélioration des conditions socio économiques et l’incidence des néphropathies glomérulaires. Ce délai est supérieur à dix ans.
M. Jacques BAZEX
A partir de votre série, vous rappelez le rôle déterminant de l’environnement dans les néphropathies lupiques. Pouvez-vous préciser le type de lupus dont il s’agit : LEAD, lupus à SSA et panniculite lupique ? Existe-il un rapport direct entre l’intensité de la réaction photosensible et l’importance de l’atteinte rénale ?
Le type de lupus concerné par notre étude est le lupus erythémateux aigüe disséminé. Le rapport direct entre l’intensité de la réaction photo sensible et l’importance de l’atteinte rénale n’a pas été étudié dans ce travail. Toutefois, dans une étude antérieure concernant 210 cas de néphropathie lupique, dont 189 cas, soit 90 % sont de la classe III, ou IV, ou V, de l’OMS 1995 la photosensibilité est présente dans 54 % des cas.
M. Pierre RONCO
Concernant la diminution de prévalence des amyloses, la pratique plus large des biopsies des glandes salivaires, de la muqueuse rectale, ou de la graisse cutanée abdominale, réalisées avant la biopsie rénale pourrait être un facteur confondant. Quelle a été l’évolution des pratiques diagnostiques au cours du temps ? Les néphropathies lupiques que nous diagnostiquons en France chez les patients d’origine maghrébine sont souvent particulièrement sévères, de même que la maladie lupique elle-même. Qu’en est-il en Tunisie ? La prévalence fortement croissante des néphropathies à IgA est particulièrement intéressante. Vous l’attribuez à des facteurs alimentaires. Avez-vous des données sur l’évolution du taux des IgA circulantes dans la population générale en Tunisie, ou plus généralement dans les pays dont l’état socio-économique et sanitaire s’est amélioré ?
L’évolution des pratiques diagnostiques au cours du temps, permet de noter que, dans notre groupe la biopsie rénale demeure la pratique la plus courante, et que la biopsie de la muqueuse rectale et de la graisse sous cutanée n’est pas utilisée. La biopsie des glandes salivaires débutée en 1999 est indiquée dans le cas où la biopsie rénale est de pratique difficile, ou hasardeuse. Les cas d’amyloses diagnostiquées par cette technique ne peuvent affecter sa prévalence que dans la troisième décennie. Les néphropathies lupiques, en Tunisie sont le plus souvent sévères, sur le plan clinique, biologique et morphologique.
Dans cette série, l’indication de la biopsie rénale a été un syndrome néphrotique impur dans 43,3 % des cas alors que les classes histologiques, (OMS 1995) III, IV et V représentent 65,7 % des cas. La sévérité de la néphropathie lupique a été retrouvée dans notre publication avec, en particulier, une insuffisance rénale dans 51,7 % des cas. Le taux des IgA circulantes dans la population générale en Tunisie a été déterminé par l’équipe d’immunologie de l’hôpital Charles Nicolle (Khaled Ayed) mais l’évolution dans le temps, de ce taux n’a pas été fait. A ma connaissance, aucune étude concernant la relation entre le taux de l’IgA et l’amélioration des conditions socio économiques n’a été publiée.
J’ai suggéré à Khaled Ayed de le faire.
* Membre correspondant étranger. Laboratoire de recherche de pathologie rénale (Laboratoire Santé 02). Service de Néphrologie et de Médecine Interne. Hôpital Charles Nicolle 1006 BS, Tunis, Tunisie. Tirés à part : Professeur Hédi Ben MAÏZ : même adresse. Article reçu le 7 septembre 2005, accepté le 10 janvier 2006 .
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 2, 403-418, séance du 14 février 2006