Communiquégestion soins aux patients., moelle épinièreJean Dubousset
Jean DUBOUSSET *
Ces recommandations s’adressent aux multiples acteurs qui sont appelés à intervenir aux étapes successives de la prise en charge de ces blessés.
Sur les lieux de l’accident
Toute initiative individuelle fut-elle inspirée par les meilleurs sentiments doit être proscrite dès lors qu’elle ne s’appuie pas sur une compétence avérée.
Les premiers secours au blessé sont du ressort des équipes médicales de ramassage et de secours (SAMU, POMPIERS) qui ont la compétence pour :
• Établir le diagnostic de lésion probable de la moelle (score ASIA à faire obligatoirement d’emblée).
• Assurer l’immobilisation, voire « la réduction » de la lésion ostéo-articulaire par une mise en traction crânienne, si possible.
• Assurer le maintien des fonctions hémodynamiques et respiratoires.
• Organiser dès le lieu de l’accident l’accueil du blessé dans le centre de référence le plus proche du lieu de l’accident. Dans ces situations où un pronostic fonctionnel dramatique pour une vie entière peut résulter de quelques heures perdues ou d’une orientation initiale inadéquate, le recours aux moyens modernes de télécommunications et de transport (hélicoptère).
sont aujourd’hui indispensables.
Il faut bien entendu tenir compte de la gravité du polytraumatisme et parfois de la nécessité de transfert vers l’hôpital le plus proche pour sauver la vie du blessé en sachant que le pronostic pour la moelle n’en sera que plus grave.
La prise en charge hospitalière
Le choix d’un établissement de soins au seul motif de sa proximité peut être lourd de conséquences pour le blessé car tout établissement hospitalier (public ou privé) n’est pas nécessairement adapté à la prise en charge d’un blessé porteur d’un traumatisme médullaire.
Un blessé porteur d’un traumatisme médullaire requiert une prise en charge hospitalière immédiate dans un centre de référence.
Il doit pouvoir y disposer sans délai de l’intervention des équipes médicales et chirurgicales spécialisées. La possibilité d’une investigation immédiate par I.R.M. doit y être prévue. La collaboration orthopédique et neurochirurgicale doit être assurée avec présence permanente.
Au-delà des gestes immédiats, la phase aiguë qui peut s’étaler sur plusieurs semaines doit être assurée dans le centre de référence lui-même. C’est là, et dès cette période, que seront progressivement définis et engagés les programmes de réhabilitation et le suivi de longue durée qui sont toujours nécessaires chez ces blessés.
La réadaptation
La prise en charge chronique médicale, chirurgicale, de réadaptation, est un point essentiel pour l’avenir de ces blessés.
Cette réhabilitation ne peut être efficacement assurée que par des centres de réhabilitation hautement spécialisés pour blessés médullaires.
Localisés sur le même site, ou plus ou moins éloignés du centre de référence, il convient qu’ils travaillent en étroite collaboration.
Des centres de référence
Ces recommandations, dont on peut penser qu’elles sont déjà mises en pratique dans certaines situations privilégiées, reposent en fait sur le constat que notre pays ne dispose pas réellement d’une organisation effective et coordonnée pour faire face à l’ampleur du problème, tel qu’il est aujourd’hui.
C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine recommande instamment aux autorités sanitaires compétentes de hâter l’établissement d’une liste (donc d’une cartographie) des centres de référence spécialisés (publics ou privés) dont la répartition sur le territoire serait connue de tous les acteurs concernés.
Dans ces centres seraient concentrées les disponibilités et compétences détaillées ci-dessus.
Il semblerait que les besoins soient de l’ordre de douze centres pour l’ensemble de la France dont trois à quatre au maximum pour la Région
Ile-de-France et départements limitrophes.
À chacun de ces centres devrait être rattachée une équipe pédiatrique , soit sur le même site géographique, soit sur un site proche.
De même, pour chacun de ces centres de référence deux à trois centres de réadaptation chronique sont nécessaires du fait de l’accumulation des cas, de la durée de la surveillance et de la prise en charge au long court de ces patients.
Développer la recherche clinique et fondamentale
Ce réseau de centres de référence pour la prise en charge des traumatismes médullaires peut seul offrir la possibilité de développer la très nécessaire Recherche clinique et fondamentale en permettant à la fois la collaboration des différentes équipes mais aussi des réunions scientifiques et des échanges nationaux et internationaux réguliers. Les essais cliniques coordonnés qui sont en train de se mettre en place ne peuvent se faire que dans une telle organisation. Il serait aussi souhaitable qu’il y ait deux ou trois grands centres français de recherche avec un plateau technique performant équipé de laboratoires de recherche de haut niveau permettant de réaliser une banque des moelles lésées, ainsi qu’un fichier national des blessés médullaires.
Ne pas négliger la prévention
On ne saurait traiter du thème des traumatismes de la moelle épinière sans insister sur le fait que pourraient être évités ou prévenus beaucoup de ces très graves accidents aux séquelles lourdement invalidantes.
• Dans le domaine des accidents de la voie publique : il serait nécessaire de réaliser une limitation de vitesse effective et une protection intra véhicule automatique et obligatoire (carénage résistant à l’écrasement de l’habitacle, Air Bag multiples, Air Bag type « Bibendum » pour motocycliste fixant la tête au tronc — recherche en cours —).
• Dans le domaine des pratiques sportives : il faudrait envisager l’encadrement de protection de toutes les aires de sport à grande vitesse ou non afin d’amortir les chutes et leurs conséquences, ne pas oublier les dangers des piscines et autres lieux de natation, suivre avec sévérité l’application des règles dans la pratique sportive à risque (rugby, etc.).
L’enseignement scolaire obligatoire en classe de troisième pourrait informer les élèves sur ces risques et leur prévention. L’utilisation de tous les moyens audiovisuels, en particulier publics, serait de nature à sensibiliser les jeunes qui sont les victimes les plus nombreuses de prises de risques inconsidérés.
Dans le domaine des accidents du travail : la législation concernant la protection des chutes d’un lieu élevé est déjà bien en place et observée. Il persiste néanmoins des risques individuels dans certains travaux hors encadrement.
• Enfin il faut rappeler aux médecins généralistes les risques du canal cervical étroit, chez les personnes âgées.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 31 mai 2005, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.
* Membre de l’Académie nationale de médecine.
Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 6, 1177-1180, séance du 31 mai 2005