Summary
Collective emergencies result from unexpected, unusual and sudden events with severe human consequences. These consequences may involve either a large number of victims or particularly severe trauma to a smaller number of victims, tending to overwhelm available resources. Potential causes include natural disasters, technological breakdowns, epidemics, and terrorist attacks. In the most severe situations, initial care of victims takes place in advanced medical stations or is dispensed by teams of emergency medical professionals. In France the response is organized on a regional basis, based on the medical ambulance service (Samu) located in teaching hospitals. The Samu coordinates advanced medical stations, medical teams, victim triage and transportation, in order to avoid overwhelming individual hospitals. These hospitals must be accessible by road or by air (helicopter) and should themselves be protected against disasters. Good architectural design is crucial. A coordinating medical doctor must be elected by his or her peers in each center, as chief executive officer in charge of triage , patient management and general hospital management during the first hours of the crisis. Each hospital must have an up-to-date emergency plan under the control of the medical coordinator. Exercises must be conducted at least yearly. Evacuation hospitals should be chosen beforehand. The priority is to keep a maximum of victims alive, and to provide them with the best possible care . Rescuer solidarity is crucial, especially in the zone at risk, together with public spiritedness in the community. The public must be informed of the nature of the risks and be prepared, notably by early training at school.
AVANT-PROPOS
Après les désordres climatiques survenus en France durant l’été 2003 nous avons examiné l’état actuel des moyens hospitaliers, ainsi que les textes régissant l’organisation des hôpitaux en cas de survenue d’une situation d’urgence collective , conséquence d’un évènement inopiné, inhabituel et brutal entraînant des conséquences humaines graves , que ce soit par le nombre de victimes atteintes ou la gravité des atteintes ou par la nature ou la gravité des atteintes, tandis qu’apparaît l’inadéquation des besoins réels et des moyens disponibles pour y faire face. Pour recueillir des bases de réflexion, un groupe de travail, a entendu un grand nombre de personnalités hautement qualifiées en ce domaine (voir Annexe). Au terme de ces auditions, deux constatations ont paru évidentes :
— les hôpitaux français ne sont pas vraiment adaptés à de telles circonstances ;
— pour faire face à la situation les textes en vigueur ne permettent qu’une organisation imparfaite en dépit de réels progrès dans l’approche et la conduite des situations.
LES CAUSES
Causes naturelles —
Inondations , suite aux intempéries (hôpitaux de Nîmes rendus inutilisables, 1988), ruptures de barrage (Malpasset 1959, plus de 400 morts), ont en France une incidence qui n’est pas négligeable. Les raz de marée (tsunami), ne sont pas exclus en Europe occidentale (exemples historiques : Lisbonne, 1755 ; Messine 1908) et surtout dans les département d’Outre-mer (le tsunami de l’océan indien a frappé la Réunion, 2003).
— Séismes, éruptions volcaniques , peu probables en Métropole (ils pourraient concerner le rebord septentrional des Pyrénées, la région de Nice, le Sud du Massif des Vosges, elle se voient dans les départements d’Outremer (Guadeloupe, éruption de la Montagne Pelée, 1902, Réunion, le volcan de la Fournaise est toujours actif).
— Glissements de terrains , souvent prévisibles et surveillés (Séchilienne,
Isère), peuvent être imprévus (Issy-les-Moulineaux, 1961, les avalanches peuvent être meurtrières dans les Alpes).
— Tornades typhons , concernent surtout les Départements d’Outre-mer.
—
Désordres climatiques , canicule et à l’inverse vague de froid.
—
Mouvements de foules, peuvent concerner de nombreuses victimes (Furiani, 1992).
— Astéroïdes de grande taille (plus de 100 m de diamètre) sont très improbables et peuvent être déviés, mais peuvent causer une catastrophe mondiale (disparition des dinosaures) ; plus petits, les dommages sont moindres ; les tout petits, très fréquents, sont brûlés dans l’atmosphère et ne font aucun dégât.
Causes techniques —
Accidents routiers ou ferroviaires (notamment dans les tunnels), accidents maritimes, aériens, (Le Mans, 1955, Paris Gare de Lyon 1988, tunnel du Mont-Blanc, 1999) où dominent les traumatismes.
— Incendies, explosions, accidents industriels , où domine la traumatologie surtout dangereux en milieu urbain (le Mans, 1955, Paris-Gare de Lyon, 1988, tunnel du Mont Blanc, 1999). Ils provoquent des brûlures, des
intoxications, des explosions (Usine AZF Toulouse, 2001, St-Laurent-duPont, 146 morts, 1970), Oppau, 1922). L’industrie chimique a causé des catastrophes mémorables (Feyzin, incendie d’hydrocarbures, 1966) et surtout, en Inde, Bhopal, nuage d’isocyanate de méthyle, 1984). Des hôpitaux ont subi un incendie quelle qu’en soit la cause, accidentelle ou technique (Limeil-Brévannes, Necker).
— Accidents miniers (Forbach 1986), sont devenus rares avec le déclin des mines de charbon. Ils ont fait place à des éboulements, sur les anciens sites d’exploitation.
Risque nucléaire civil (en dehors du terrorisme)
Les accidents nucléaires ne produisent pas, en principe, d’afflux brutal de victimes. Les accidents graves immédiats sont exceptionnels, et ne touchent qu’un petit nombre de personnes sur le site. Dans le voisinage, il peut y avoir des irradiations de la thyroïde, par des diffusions d’aérosols radioactifs, mais les effets sont tardifs. La prescription préventive précoce de l’iode devrait réduire le nombre des victimes. Cet emploi montre le rôle essentiel des pharmaciens situés à moins de 10 kilomètres d’une centrale, dont l’officine a été dotée de stocks. L’accident nucléaire civil le mieux connu (Tchernobyl, 1986), a entraîné des conséquences sociales loco-régionales considérables.
Pour les conséquences directes, il faut distinguer les irradiés , posant des problèmes hématologiques ou oncologiques plus tardifs et les contaminés , imposant une décontamination d’urgence. Plus insidieux sont les risques d’irradiation industrielle, liés à l’usage de sources radioactives pour radiographier les soudures des structures métalliques des bâtiments, et des constructions automobiles, ou navales. Ces sources, mal conservées, peuvent irradier des ouvriers, ou des enfants qui ont joué avec des tubes contenant du cobalt radioactif.
Attentats terroristes et le risque toxique
Outre les explosions et la prise de nombreux otages, risques réels dont les conséquences sont analogues à celles du domaine civil (traumatismes et brûlures), et les moyens radioactifs ou bactériologiques, difficiles à utiliser efficacement dans ce domaine, le risque le plus redoutable est l’utilisation des gaz de combat très toxiques (sarin, gaz organo-phosphoré, métro de Tokyo, 1995). Ils sont surtout utilisés en aérosol, le liquide répandu est moins efficace.
Il a cependant pollué les secouristes et des patients en attente, augmentant le nombre de morts. Il faut aussi citer la vieille ypérite et la ricine [6].
Risque épidémique
Les épidémies , notamment celle de grippe ou les intoxications alimentaires collectives, peuvent être une cause d’afflux de malades contagieux ou non ce qui pose un problème lors de l’admission aux urgences : les réalisations actuelles n’ont plus prévu une séparation stricte des malades contagieux des autres. Ce problème a été étudié par une commission sur les infections nosocomiales [2] qui a notamment entendu des architectes et a constaté que les réalisations architecturales actuelles sont mal adaptées à faire face à un afflux de malades contagieux.
Le risque du terrorisme biologique est comparable (anthrax, botulisme, peste, variole).
ÉVALUATION DES CONSÉQUENCES
L’afflux de victimes caractérisant une « situation de catastrophe » peut s’apprécier par leur nombre [9, 13] :
— catastrophe à effet limité, nombre inférieur à 100 — catastrophe moyenne, nombre inférieur à 1000 — catastrophe majeure, nombre supérieur à 1000 On doit aussi considérer la nature de l’atteinte , l’exemple des grands brûlés est très représentatif : on ne dispose en France que de 43 lits d’accueil, occupés à 80 % en ce domaine (voir ci-dessous).
Il faut souligner que la situation peut être aggravée par :
— la destruction ou l’incapacité des moyens hospitaliers (ex : inondation de l’hôpital), — la destruction des moyens d’accès, de communication ou d’ alimenta- tion en électricité, en fluides (eau, etc.) [19, 21].
ASPECTS CLINIQUES
Une dominante traumatologique est très fréquente. La disparition de la chirurgie générale, la formation trop spécialisée de nos jeunes confrères, gêne la prise en charge des poly blessés et poly traumatisés. Il faudrait, dans l’idéal, rassembler les patients en un seul site de traumatologie générale . Il faut éviter les transferts et faire plutôt converger les spécialistes au chevet de patients, les faire prendre en charge par des équipes polyvalentes de chirurgiens orthopédistes et viscéraux.
Cette nouvelle organisation serait très différente de celle à laquelle sont habitués les praticiens, voués à une chirurgie spécialisée, programmée, sans
urgences, à laquelle, la réduction du nombre des lits et des locaux opératoires, donne une apparente justification. Pour la constitution des équipes chirurgicales et médicales, il faudrait tenir compte de l’inévitable fatigue, et des relèves consécutives indispensables.
Les brûlés : même en petit nombre, entrent dans le cadre de notre sujet. Ils obéissent aux directives habituelles et doivent être mis en condition le plus tôt possible : les porteurs de lésions étendues devraient être transportés dans les centres spécialisés (par voie aérienne), les autres seraient conservés au CHU, en utilisant des moyens d’isolements de fortune (chambres particulières).
L’afflux de brûlés graves, aux lésions étendues, pose des problèmes insurmontables au plan local, et demandent un effort national. En effet, les centres spécialisés, en très petit nombre, sont mieux équipés pour mener à bien le traitement. Malheureusement, comme on l’a vu ci-dessus, ils ont peu de places disponibles, quelques lits supplémentaires ne peuvent combler le déficit majeur causé par une catastrophe. La création de quelques lits, dans les CHU eux-mêmes, ne résoudrait rien, mais favoriserait une prise en charge locale médiocre des brûlés : des transferts nombreux deviennent nécessaires [7].
Les victimes de radio-contaminations sont à décontaminer dès le poste médical avancé . Les irradiés doivent recevoir de l’iode dans les 3 heures. Les services d’hématologie et de Médecine nucléaire ne peuvent répondre dans un aussi court délai, mais les pharmaciens d’officine peuvent distribuer rapidement de l’iode aux populations si elles sont éduquées. Le rôle des pharmaciens vient d’être précisé par une circulaire.
Les victimes de pollutions chimiques , elles aussi, doivent être décontaminées dès le poste médical avancé, ou, si non, avant l’entrée à l’hôpital. Elles devraient aller dans une unité couplant réanimation médicale, toxicologie et soins médicaux chirurgicaux (les unités spécialités doivent être mises temporairement en sommeil). La décontamination même des non blessés pose le problème d’une structure supplémentaire (tente, douches, eaux, masques, gants, etc.).
Les malades infectieux graves : après avoir franchi la redoutable étape diagnostique, les malades devraient être rigoureusement isolés. Actuellement les grands hôpitaux n’ont plus de locaux adéquats, car on a détruit l’architecture pavillonnaire du e XIX siècle ; ceci dit, il faut à tout prix empêcher leur irruption au sein d’un hôpital inadapté, éviter leur transfert dans un hôpital où ils seraient dangereux, mieux vaut les héberger à proximité du lieu de diagnostic, en des locaux hospitaliers simples jugés adéquats. Il vaut mieux missionner des équipes médicales, ou des consultants sur place, que de risquer de contaminer le personnel qui effectuerait le transport. La pénurie actuelle de locaux d’isolement strict devrait attirer l’attention des pouvoirs publics pour qu’ils étudient la possibilité d’en prévoir en réserve, en dérivation, à côté des
hôpitaux actifs. Pour pallier certains risques sanitaires, le Service de santé des armées est en mesure de stocker des matériels de neutraliser des locaux, activables à tout moment, mais des restrictions budgétaires ont réduit ses possibilités.
Les Services de Chirurgie et de Médecine montés en puissance pendant la crise peuvent alors recevoir un personnel infirmier , relativement improvisé, prélevé sur des unités non concernées par la catastrophe. En ces circonstances il a été constaté que ce personnel déplore son incompétence devant les nouvelles tâches à accomplir et sa méconnaissance des locaux où il est envoyé. Il faudrait promouvoir une plus grande souplesse des comportements à la sortie de l’école et donner une formation plus généraliste et moins spécialisée aux infirmières. Comme pour les médecins, l’amalgame de personnels expérimentés et néophytes serait une solution complémentaire de bon sens….
La gestion des cas extrêmes, les soi disants indemnes et les morts, ne doit pas être oubliée : dans l’immédiat il ne faut pas qualifier trop rapidement d’indemnes des victimes qui ne présentent pas d’atteinte organique évidente :
certaines affections se décompensent tardivement. D’autre part, de telles victimes peuvent développer des troubles psychiques , aux conséquences durables, en relation directe avec le deuils de proches, ou plus avec le stress, résultant de ce qu’ils ont vu ou subi pendant la catastrophe. Le poste médical avancé devrait recevoir un renfort médico-psychologique. De même l’hôpital récepteur devrait assurer la mise en place d’une cellule médicopsychologique pour commencer le soutien psychologique et répertorier les patients à ne pas perdre de vue.
Le compte des morts, blessés, disparus et survivants doit être tenu au poste médical avancé : une main-courante montrera l’évolution de la situation.
Il faut prévoir une morgue car les morts doivent être identifiés par tous les moyens. Pour ce faire une équipe médico-légale, recrutée parmi les médecins légistes devrait en être chargée. Mais les médecins légistes sont souvent peu nombreux, même dans les Centres Hospitalo-Universitaires. Il faudrait préciser le rôle des services de Médecine légale, dont certains viennent d’être dotés. Il faudrait aussi rechercher les disparus sur le site ou ailleurs, et tenir au courant les proches dans les hôpitaux récepteurs, la cellule d’accueil des familles devrait faciliter le travail des services de la Protection Civile : il faudrait le préciser.
LES TEXTES EXISTANTS
Ils définissent les modalités susceptibles d’être mises en œuvre pour faire face à la situation :
—
La loi du 6 janvier 1986 , précise la médicalisation des secours : l’aide médicale urgente doit être apportée sans restriction de lieu , d’où le rôle du
Samu (Service d’aide médicale urgente) [1].
—
Le décret no 88-622 du 6 juin 1988 concerne les modalités d’action en amont de l’hôpital : Il définit le Plan Rouge. Les secours sont activés sous l’autorité du Préfet (échelon départemental) , avec le concours du « Commandant des Opérations de Secours » désigné pour le seconder.
Le Plan rouge précise la mise en place des moyens techniques en liaison avec les Sapeurs Pompiers , les Forces de l’Ordre , le SAMU Départemental.
L’installation du (ou des)
Poste Médical Avancé doit être faite près du lieu de la catastrophe , initiée par les premiers médecins arrivés sur place. Dès que possible ce poste sera dirigé par le « Directeur médical des secours », médecin pré désigné par le Préfet, choisi pour son expérience dans le domaine de l’urgence. Il sera secondé par la suite par des spécialistes appelés pour leur compétence selon la nature de la catastrophe.
Le Rôle du Poste Médical Avancé est :
— d’ effectuer le triage des victimes, selon la classification du Service de
Santé des Armées modifiée par Malchaire et Courbil : urgence absolue ;
urgence relative ; urgence différée ; urgence dépassée ; situation d’aggravation potentielle ; A. Larcan y ajoute l’urgence fonctionnelle [14] ;
— d’ assurer le conditionnement et la décontamination des victimes (pour les irradiés ou souillés de substances toxiques), avant transfert, ainsi que réanimation, isolement (en cas de risque infectieux).
L’ évacuation des victimes doit être assurée [1] avec le Samu départemental , qui assume la responsabilité du transport, mais aussi de la répartition selon les possibilités d’accueil des différents hôpitaux pour éviter leur engorgement. Le décret du 6 juin 1988 désigne les hôpitaux départementaux avec en priorité « le plus important d’entre eux ».
À l’évidence, ce cadre paraît peu adapté à un afflux massif de victimes , ne serait-ce que du fait de l’absence de Centre Hospitalo Universitaire dans certains départements. UNE NOUVELLE ORGANISATION A L’ÉCHELON RÉGIONAL devrait lui être instaurée .
Un second texte relatif au fonctionnement des hôpitaux en situation de crise ( Plan Blanc ). Ce plan, actuellement régi par une Circulaire [3], est précisé par la loi du 9 Août 2004 [2], mais les décrets d’application ne sont pas encore publiés. Quoi qu’il en soit le Plan blanc devrait être rédigé dans chaque hôpital par le chef d’établissement (Directeur de l’hôpital), qui doit le transmettre à l’ARH, au Samu départemental et à la Direction de l’Action Sanitaire et Sociale, chargée de la coordination inter hospitalière. Ce document devrait être détaillé et prévoir notamment l’ordre, les normes et les coordonnées des
personnels à rappeler d’urgence. Il devrait être régulièrement actualisé et devrait faire l’objet d’une information de tous les acteurs concernés et de séances de simulations pour faciliter sa mise en action.
Ce texte (qui ne sera impératif qu’après la publication du Décret d’application) prévoit :
— l’ouverture d’une cellule médico-administrative (avec lieu d’implantation, composition, modalités de fonctionnement), — des points d’accueil pour les Familles, les Autorités, les Médias, — des cellules médico-légale et médico-psychologiques, — des locaux de décontamination, — l’organisation des circuits de circulation des ambulances dans l’hôpital.
Force est de constater que LES DÉMARCHES PRIMORDIALES NE SONT PAS ENVISAGÉES : elles concernent :
— les modalités de transfert vers d’autres établissements permettant de libérer les moyens d’accueil et les disponibilités techniques pour faire face à l’afflux de blessés, — les règles de constructions des hôpitaux et de facilité d’accès indispensables au bon fonctionnement et à la sécurité (site non inondable, protection sismique — circuits d’accès et d’évacuation — circuits internes protégés — hélistation sur le site, etc.).
Par ailleurs, nous avons été à même de constater que trop souvent le Plan Blanc est négligé, incomplet, non actualisé, ignoré de la plupart des personnels concernés : on ne peut qu’émettre des doutes sur la réalité de son efficacité. Ceci nous a conduit à estimer qu’il serait nécessaire que dans tout CHU ou hôpital susceptible d’être concerné en situation d’urgence collective, un MÉDECIN COORDONATEUR (choisi librement et admis par ses confrères) soit désigné avec pour rôle :
— d’établir et mettre à jour le Plan Blanc en coordination avec le Directeur administratif, — de veiller à l’information et l’entraînement des personnels concernés, — d’assurer la responsabilité de l’Hôpital durant les premières heures de la crise, — de poursuivre ultérieurement son action en aidant du Directeur Administratif notamment en ce qui concernerait l’adaptation des moyens techniques et des personnels à la nature des victimes admises (traumatologie — radiocontamination — pollution chimique — risques infectieux…).
RECOMMANDATIONS
Au terme de cette analyse, nous considérons que tant en ce qui concerne la logistique que l’organisation des moyens hospitaliers, les dispositions actuelles restent inadaptées à la survenue d’une situation d’urgence collective. Conscients de la nécessité de faire face avec efficacité à la gravité de la situation, l’Académie Nationale de Médecine propose les recommandations suivantes :
En matière d’urgences médicales collectives, l’organisation des soins devrait être envisagée selon un schéma RÉGIONAL et non à l’échelle départementale.
Dans l’ensemble des centres hospitaliers prenant en charge ces urgences collectives, l’hôpital, dit de référence, devrait correspondre à un Centre Hospitalo-Universitaire (CHU). L’accès aux centres hospitaliers devrait être coordonné par un
Service d’aide médicale urgente (Samu) régional . Si la région comportait plusieurs CHU, des circonscriptions d’action devraient être prévues. La neutralisation éventuelle de l’hôpital de référence devrait entraîner son remplacement par le CHU voisin ou un grand hôpital non universitaire.
Le (ou les) poste médical avancé (PMA) improvisé près du lieu de catastrophe doit être établi en coordination avec le Samu régional qui y instaurera une antenne. Le responsable du PMA devrait être choisi parmi les collaborateurs les plus expérimentés du directeur du Samu. Il pourrait être assisté par des adjoints issus de disciplines concernées par la nature de la catastrophe.
Il serait nécessaire que le CHU et tous les établissements de l’ensemble hospitalier prévus pour recevoir des urgences, soient effectivement situés en zone non inondable , et qu’ils soient conformes aux normes de construction en vigueur.
Les voies d’accès de ces hôpitaux devraient rester toujours efficaces et pérennes, quelles que soient les circonstances. Une hélistation, sur le terrain de l’hôpital, devrait être considérée comme indispensable.
Il est nécessaire de prévoir à l’accueil une aire de triage suffisamment vaste, pourvue d’oxygène (avec des réserves suffisantes), située prés de moyens radiologiques modernes, de salles d’opérations et de laboratoire biologiques.
Des lits spécialisés (enfants et adultes) en réanimation médicale et chirurgicale ainsi que des chambres d’isolement stérile. Les équipes de relève doivent être prévues (système des 3 × 8 heures par 24 heures).
Chaque hôpital concerné devrait désigner un médecin coordonnateur , coopté par ses confrères et choisi pour sa compétence en Médecine de catastrophe. Ce médecin serait responsable du tri à l’admission et de la coordination de tous les soins hospitaliers, en période de crise.
Il faudrait s’assurer que tout hôpital dispose d’un plan blanc rédigé sous l’autorité du médecin coordonnateur , régulièrement actualisé et accessible à
tout moment. Des exercices devraient être organisés, sous sa responsabilité, au moins une fois par an.
Le médecin coordonnateur devrait assurer la direction exécutive de l’hôpital, dès l’apparition de l’urgence collective, pendant la période initiale de crise, conformément aux règles définie par le plan blanc. Après les quelques premières heures de crise, il devrait poursuivre ses autres tâches de coordinateur et d’interlocuteur médical auprès du directeur administratif.
Des hôpitaux de dégagement devraient être explicitement prévus dans le plan blanc du CHU , Ils devraient pouvoir être mis à contribution, à la demande, grâce à des accords, évoquant cette éventualité (nombre de lits, délais nécessaires). Ces dispositions devraient être rappelées dans le plan blanc de chacun des deux contractants, et dans le document de coordination, à établir par le Samu régional (et non départemental).
Il faut souligner que, quelles que soient les dispositions prévues pour faire face à une situation d’urgence collective un délai est nécessaire pour les mettre en place et les activer. Les premiers secours, ne peuvent être assurés en pratique, que par ceux qui se trouvent sur place, et dans des conditions rendant parfois impossible le respect de certaines règles d’éthique médicale . L’objectif prioritaire étant d’assurer la survie du plus grand nombre possible parmi les victimes, la règle de base repose sur la solidarité de tous les acteurs disponibles. Elle doit aller de pair avec le civisme de la population . Tout particulièrement dans les zones à haut risque, ce civisme devrait être motivé et entretenu par une bonne information et une éducation faite dès le premier âge scolaire.
BIBLIOGRAPHIE [1] Loi no 86-11 du 6 janvier 1986, relative à l’aide médicale urgente et aux transports sanitaires, JRF , 7/1/1986.
[2] Loi no 2004-806 du 9 août 2004, (article 20), relative à la politique de santé publique — Code de la santé publique, article L 3110-7, JRF , 7/1/1986.
[3] Circulaire DHOS/HFD no 2002-284 du 3 mai 2002, relative à l’organisation du système hospitalier en cas d’afflux de victimes.
[4] Circulaire DGS/SGCISN/DDSC no 2001-549 du 14 novembre 2001, relative à la distribution préventive des comprimés d’iode stable et à la constitution de stocks de proximité.
[5] Plans Blancs et gestion de crise : guide d’aide à l’élaboration des schémas départementaux et des plans blancs des établissements de santé — Document du Ministère de la santé et de la protection sociale, 2003, 160 p.
[6] BURNAT P., DELACOUR H., CEPPA F., FONTANE, CARDE A., VAILLANT C., RAGOT C. — La ricine, toxine potentielle de guerre et de terrorisme. Médecine et Armée , 2002, 30 , 3, 243-249.
[7] CARA M. — Bilan des cent victimes françaises de la catastrophe de Los Alfaques (brûlures par nuée ardente). — Bull. Acad. Natle Méd ., 1978, 182 , 8-11.
[8] CARA M. — Planning and organisation of emergency medical services. Report on WHO technical group. Regional Office for Europe (Copenhagen). — Euro Reports and Studies, 1981, 35 , World Health Organisation.
[9] CARA M. — L’hôpital en situation de catastrophe.
Cahiers d’Anesthésiologie , 1988, 38 , 631-640.
[10] DOMONT P. — Aptitude à la conduite. Quotidien du Médecin , 2005, 7778 , 17.
[11] FAVRE R. — L’homme et les catastrophes. SPEI éd. Paris 1966, 1 vol.
[12] GIBBS T. — Why are we Still building unsafe Hospitals ? Editorial. — Disasters preparedness and Litigation for the Americas, 2005, 99 , pp. 1 and 7.
[13] HOGAN D.E., BURNSTSEIN J.L. — Disasters Medicine. Lippicot, William & Wilkins. Philadelphia, 2002, 1 vol., 431 p.
[14] LARCAN A., NOTO R. — Catégorisation des victimes et règles du triage en cas de grande catastrophe civile. Convergences , 1986, 5 , 469-472.
[15] LARCAN A., LAMBERT H., MEYER-BISCH C. — Les intoxications collectives aigues par inhalation. 46ème Congrès français de médecine, Marrakech, 1987, Masson éd., p. 33-89.
[16] LARCAN A., NOTO R. — Les intoxications collectives aigues par inhalation. Revue du
Praticien , 1988, 38 , 11, 677-683.
[17] LARCAN A. — Les moyens et les renforts possibles de la Sécurité civile.
Bull. Acad. Natle
Méd ., 1988, 172 , 303-314.
[18] LARCAN A. — Les conséquences médicales des catastrophes civiles majeures (naturelles et techniques). Rev. des Sc. Morales et Politiques , 1996, 367-387.
[19] LARCAN A., ANDRÉ A. — Logistique de l’oxygène en situation de crise.
In Huguenard P.,
Traité de Médecine de Catastrophe. Elsevier ed., 1996, 1 vol., 237-254.
[20] LARCAN A. — Triage en situation de catastrophe. In Huguenard P., Traité de Médecine de
Catastrophe. Elsevier ed., 1996, 1 vol., 139-172.
[21] LARCAN A., NACE L., MOUGEOLLE F., ATIN-KOUADIO P. — Oxygénothérapie collective et médecine de catastrophe. Bull. Acad. Natle Méd ., 1998, 182 , 6, 1191-1208.
[22] NOTO R., HUGUENARD P., LARCAN A. — Médecine de catastrophe.- Masson éd. Paris 1994, 1 vol.
[23] VAYRE P., CASSAIGNE B. — Concept de défense sanitaire pour accueil en situation d’exception — Chirurgie d’urgence : Compte-rendu du 9ème congrès international de chirurgie d’urgence, Compte-rendu du 9ème congrès international de chirurgie d’urgence (Hollender L. et de Manzini N.) 1989, tome 1, 59-65.
[24] VAYRE P. — Lutte contre les infections nosocomiales. Rapport d’un Groupe de travail de la Commission VI (Maladies infectieuses). Bull. Acad. Natle Méd ., Juin 2005, sous presse.
ANNEXE
LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES Médecin-général Abgrall alors Médecin-chef de l’hôpital Militaire Percy, à Clamart.
Professeur P. Carli, Chef Département d’Anesthésiologie, Hal Necker, Directeur du Samu de Paris.
Monsieur Couty, alors Directeur des Hôpitaux et des Soins au Ministère de la Santé.
Médecins-général Julien, ancien Médecin-chef de la brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris.
Monsieur Lemonier, Directeur du patrimoine et de la logistique, Assistance Publique Hôpitaux de Paris.
Médecin-général Loudes , Direction du Service de Santé des Armées : Accords
Santé Défense.
Médecins-général Malgras, ancien Médecin-chef de la brigade des SapeursPompiers de Paris.
Monsieur Schneider Sous-Directeur de la Sécurité Civile Médecin-Général Touze Direction du Service de Santé des Armées : Risque nucléaire, radiatif, biologique et chimique (NRBC).
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 31 mai 2005, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 5, 1017-1029, séance du 31 mai 2005