Résumé
L’objet de cette présentation est d’expliquer les principes physiques de trois méthodes permettant de réaliser en temps réel des images de tissus vivants à l’échelle cellulaire. La microscopie confocale repose sur le balayage simultané du tissu par une tache d’éclairement et une ouverture confocale : cette dernière permet une résolution latérale proche du micromètre, à condition de conférer à l’optique une ouverture numérique élevée. La source utilisée en microscopie biphotonique est un laser dont la puissance n’est suffisante pour exciter la réponse non-linéaire spécifiquement détectée que dans un volume microscopique, qui seul contribue à la construction de l’image. Pour ces deux méthodes, les fluorophores naturels des tissus sont en trop faible concentration pour donner un signal suffisant, aussi des fluorophores doivent-ils être ajoutés soit localement, soit au corps entier. Il est avantageux d’associer ces fluorophores à des biomolécules qui ciblent des processus pathologiques, pour augmenter la spécificité des diagnostics. Enfin la tomographie à cohérence optique (ou OCT pour Optical Coherence Tomography) est une technique d’imagerie haute résolution qui, en utilisant une source optique à très faible longueur de cohérence, produit sans recourir à un fluorophore une image interférométrique du tissu avec une profondeur de champ et une résolution latérale de l’ordre de quelques micromètres. Bien que les techniques actuelles d’optique et de micro-endoscopie permettent théoriquement de réaliser des images à l’échelle d’une couche cellulaire, le contraste et la stabilité des images obtenues doivent faire l’objet de mises au point très spécifiques avant que leur signification ne puisse être établie en regard des techniques classiques de biopsie.
Summary
The purpose of this presentation is to explain the physical principles underlying the three main methods used to obtain images of living tissues at the cellular scale. In confocal microscopy, the tissue of interest is illuminated and scanned through a confocal aperture ; a lateral resolution close to 1 μ m can be obtained with high numerical aperture. Multiphoton microscopy uses a high-power short-pulse laser with instantaneous irradiance sufficient to excite fluorescence in a very small focal volume. The concentration of natural tissue fluorophores is too low to obtain an adequate signal, so exogenous fluorophores have to be added, either locally or through the body. These fluorophores can be conjugated to a variety of biomolecules that target specific disease processes, thereby increasing diagnostic specificity. Finally, OCT (optical coherence tomography) provides high-resolution images of entire tissue volumes by using a broadband source and an interferometric configuration ; the depth of field and lateral resolution are both on the micrometer scale. These methods allow images to be obtained at the cellular level, but image contrast and stability require specific adjustment for their significance to be established with respect to conventional biopsy methods.
INTRODUCTION
Les trois méthodes décrites dans cette présentation sont anciennes, mais n’ont bouleversé le diagnostic en médecine et en biologie que depuis deux décennies qui ont rendu possible leur application in vivo . Le microscope confocal permet de former l’image d’une coupe transversale en éliminant la lumière provenant des autres plans, et donc d’obtenir une image nette du tissu sur des coupes virtuelles permettant la reconstruction du tissu en trois dimensions. Son brevet fut déposé par Minski en 1957 [1]. Le microscope biphotonique nécessite un flux lumineux très intense, que seul un laser pulsé focalisé peut fournir. Abella [2] put observer ce processus d’absorption de deux photons dès 1962, deux ans après la naissance du laser. Enfin la tomographie par cohérence optique (OCT) applique le principe de l’interféromètre de Michelson [3] qui date de 1887. L’application de ces méthodes à l’analyse de tissus vivants in situ a nécessité de résoudre nombre de difficultés ardues.
MICROSCOPIE CONFOCALE ET BIPHOTONIQUE
Microscopie confocale
Le principe du microscope confocal est illustré sur la figure 1. Le faisceau laser issu de la source ponctuelle est focalisé en un point de l’échantillon après avoir été dirigé par deux miroirs mobiles (x-scan et y-scan) qui permettent au foyer d’effectuer un balayage automatique dans le plan ( x , y ). Une partie de la lumière, après avoir interagi avec l’échantillon dans la zone du foyer, est renvoyée vers les miroirs soit par rétrodiffusion, soit par fluorescence. Cette lumière est séparée du faisceau incident
Fig. 1. — Principe du microscope confocal.
par la lame semi-transparente. Elle est ensuite focalisée dans le plan d’une ouverture dite confocale (car la lumière qui s’y trouve focalisée provient du foyer mentionné plus haut), puis collectée par le détecteur.
Sans iris confocal sur le trajet retour, le détecteur collecterait la lumière revenant non seulement du point de focalisation du faisceau laser dans l’échantillon exploré, mais aussi d’un volume étendu de part et d’autre de ce point, le long de l’axe z et même, latéralement (Fig. 2a). La profondeur de champ serait large et la résolution latérale médiocre. Il serait alors impossible de faire de l’imagerie in vivo à l’échelle de la cellule.
La ligne pointillée sur la figure 2 représente l’image de l’iris confocal (de diamètre d ) dans le tissu, centrée par l’optique du microscope sur le point de focalisation du faisceau. La présence de ce diaphragme circulaire permet de réduire la lumière collectée par le détecteur au seul petit volume représenté en foncé sur la figure 2a. En effet, le faisceau lumineux réfléchi par le point M dans un plan Π éloigné du plan 1 1 Π donc extérieur au volume foncé est presque totalement occulté par le diaphragme (Fig. 2b), si bien qu’il contribue de manière négligeable à la formation de l’image.
L’épaisseur de la section optique ( Z ), ainsi que la résolution latérale ( X ) sont d’autant plus favorables que l’ouverture numérique de l’optique de focalisation sur l’échantillon est élevée. Nous rappelons que l’ouverture numérique d’un objectif est ON = n sinα, où α est le demi-angle d’ouverture du faisceau (voir Fig. 2) et n l’indice de réfraction du milieu image : lorsque cette ouverture est élevée, le faisceau est fortement convergent et sa forte convergence rend l’iris confocal très efficace. Quant
Fig. 2. — La présence du diaphragme circulaire, l’iris confocal, permet de réduire la lumière collectée par le détecteur au seul volume représenté foncé , et d’éliminer la lumière réfléchie par les autres plans transversaux.
à la résolution latérale, elle est déterminée par la diffraction, phénomène général qui affecte toute onde en perturbant sa propagation en ligne droite. On démontre que la résolution latérale est égale à X = 1,22 λ /2α, où λ est la longueur d’onde (α étant exprimé en radians) : outre le choix d’une grande ouverture, celui d’une courte longueur d’onde (bleu, voire ultraviolet) permet une image plus précise mais au prix de deux inconvénients, une faible pénétration tissulaire et une phototoxicité augmentée.
La rotation des deux miroirs mobiles (x-scan et y-scan sur la figure 1) permet non seulement au faisceau laser mais aussi à l’image de l’iris de balayer l’échantillon selon les directions x et y . Le microscope confocal fournit donc une image à deux dimensions d’une « section optique » à l’intérieur d’un tissu à trois dimensions. La lumière provenant des autres plans transversaux est éliminée par l’iris confocal.
Fluorescence et diffusion
Le microscope confocal fonctionne en lumière rétrodiffusée ou en fluorescence, ce dernier mécanisme impliquant une légère diminution de fréquence des photons réémis, due aux transitions électroniques au sein des molécules excitées par la lumière reçue : les fluorophores. Les fluorophores naturels des tissus sont en trop faible concentration pour donner un contraste suffisant, aussi des fluorophores doivent-ils être ajoutés soit localement, soit au corps entier. On peut imaginer d’associer ces fluorophores à des biomolécules qui cibleraient des cellules ou des processus anormaux, pour augmenter la spécificité des diagnostics, mais évidemment ceci suppose un travail de mise au point et de validation considérable.
Microscopie biphotonique
Le microscope biphotonique utilise une source laser dont la puissance instantanée est suffisante pour exciter une réponse dite non-linéaire dans le tissu : le principe en est illustré sur la figure 3a. On utilise délibérément une source de photons de longueur d’onde 976 nm (infrarouges) alors que la molécule fluorescente cible exigerait l’absorption d’un photon deux fois plus énergétique, donc de longueur d’onde moitié : 488 nm (bleu). Une loi fondamentale de la mécanique quantique est que l’absorption d’un seul photon de 976 nm est interdite car elle conduirait la molécule à un état intermédiaire qui n’existe pas (Fig. 3a).
Fig. 3. — Principe du microscope biphotonique.
Cependant, le célèbre principe d’incertitude de Heisenberg autorise l’atteinte de l’état excité en l’absence de photon de 488 nm, en cas d’absorption quasi-simultanée de deux photons à 976 nm. La quasi-simultanéité permet au passage interdit par l’état intermédiaire virtuel de passer ‘‘ inaperçu ’’, profitant de l’incertitude momentanée sur l’énergie du premier photon. Le fait que deux photons soient disponibles presque exactement au même moment, à la femtoseconde près, n’a de chance de se produire que si la densité de photons est extrêmement haute. Cette condition n’est vérifiée que dans le voisinage immédiat du point focal du faisceau laser, là où la concentration d’énergie lumineuse est maximum. Pratiquement aucune lumière ne peut provenir des zones extérieures à ce point focal, car la densité de photons y est alors insuffisante. La figure 3b illustre ce mécanisme : seule la zone foncée est susceptible d’émettre de la fluorescence. Celle-ci est de dimensions d’autant plus réduites, aussi bien en profondeur qu’en latéral, que l’ouverture numérique de l’optique de focalisation du faisceau laser sur le tissu est élevée. Comme pour la microscopie confocale, l’autofluorescence est trop faible pour avoir un contraste suffisant, aussi est-il nécessaire d’ajouter des fluorophores pour obtenir des images de qualité. Les avantages du microscope biphotonique par rapport au confocal sont que :
— l’utilisation pour l’excitation de lumière infrarouge plutôt que bleue (la transition électronique visée correspond soit à un photon bleu, soit à deux photons infrarouges de longueur d’onde double de celle du photon bleu, et c’est cette dernière combinaison qui permet la microscopie biphotonique) permet une profondeur de pénétration dans le tissu plus élevée (de l’ordre du mm), ce qui est essentiel en chirurgie endoscopique, — la phototoxicité de la lumière infrarouge sur le tissu est moindre que celle de la lumière bleue, — l’efficacité de détection de la lumière est meilleure (grâce à l’inutilité d’un iris confocal).
Le schéma du microscope biphotonique est le même que celui de la figure 1, à la différence que l’iris confocal est supprimé. C’est ici aussi la rotation des deux miroirs qui permet au faisceau laser de balayer un plan ( x , y ) dans l’échantillon, et donc d’obtenir une image haute résolution à deux dimensions d’une section fine du tissu.
TRANSPORT DE L’IMAGE
Les premières applications du microscope confocal aux sujets humains ont concerné l’ophtalmologie et la dermatologie où les tissus sont facilement accessibles. Mais l’accès à des tissus à l’intérieur du corps nécessite de transporter l’image. Il existe deux approches possibles pour fabriquer un microendoscope. La première consiste à coupler un microscope confocal (ou biphotonique) conventionnel à un faisceau de fibres optiques qui va pouvoir véhiculer l’image entre le microscope et le tissu.
L’extrémité proximale du faisceau de fibres est placée dans le plan focal du microscope, et l’extrémité distale devant le tissu (Fig. 4). Un objectif est utilisé pour
Fig. 4. — Microendoscopie par un faisceau de fibres optiques.
conjuguer l’extrémité de la fibre avec le tissu. Un dispositif de focalisation permet d’assurer la mise au point sur le plan désiré. L’instrument mis au point par Gmitro et Rouse utilise un faisceau de 30 000 fibres pour un diamètre de 720 μm [4, 5]. Les résolutions latérale et axiale sont respectivement de 2 μm et 25 μm, avec un champ de 450 μm.
L’autre solution est de choisir une fibre optique monomode et de miniaturiser le dispositif de balayage en sorte qu’il puisse être introduit à l’intérieur du corps (Fig. 5). Le microendoscope confocal développé à Stanford University utilise pour le balayage x – y deux micromoteurs pilotés électriquement [6]. Les résolutions latérale et axiale sont respectivement de 0,83 μm et 9,6 μm, avec un champ de 140 μm × 70 μm. Les chercheurs d’Harvard ont mis au point un instrument où le balayage x – y dérive d’une dispersion spectrale [7] : ils utilisent une source lumineuse dite à large bande qui contient un mélange de différentes longueurs d’onde, chacune d’elles allant spontanément en un point différent du plan ( x , y ) dans le tissu. Un spectromètre permet ensuite de rassembler les différentes contributions et ainsi, de reconstruire l’image d’ensemble. La résolution latérale est de 2,1 μm. L’avantage de cette solution est la rapidité de prise d’images, puisque pour le balayage x – y elle évite l’utilisation de micromoteurs nécessairement lents.
TOMOGRAPHIE À COHÉRENCE OPTIQUE (OCT : OPTICAL COHERENCE TOMOGRAPHY)
L’OCT, acronyme désormais consacré, est une technique optique d’imagerie haute résolution. Elle présente des analogies avec d’autres méthodes d’imagerie, telles le
Fig. 5. — Microendoscopie par une fibre optique monomode.
radar, le sonar ou l’échographie ultrasonore, en ce qu’elle se base sur la durée de trajet de l’écho pour analyser une zone du tissu. L’OCT est très utile en imagerie médicale car elle permet d’obtenir in situ des images de microstructures avec une résolution de quelques micromètres proche de celle de l’histologie conventionnelle.
Décrite pour la première fois en 1991 [8], l’OCT a permis d’améliorer l’imagerie et le diagnostic en ophtalmologie, mais aussi dans plusieurs autres disciplines incluant la cardiologie [9], la dermatologie [10], la gastroentérologie [11] et l’urologie [12].
Le principe de l’OCT est illustré sur la figure 6. Une source lumineuse idéale de longueur d’onde parfaitement stable et précise émet une onde sinusoïdale continue.
Un faisceau laser monochromatique en constitue une approximation, mais une source lumineuse plus classique est très différente : sa longueur d’onde et donc, sa fréquence ν inversement proportionnelle à la longueur d’onde, ainsi que la couleur de la lumière émise, fluctuent rapidement : le spectre lumineux représentant l’intervalle dans lequel ν varie est donc large (Fig. 6a). Au fur et à mesure que la longueur d’onde émise fluctue, la source engendre non pas une onde sinusoïdale continue, mais une série de trains d’ondes brefs non corrélés les uns aux autres. Le temps de cohérence τ est la courte durée pendant laquelle la vibration peut être considérée comme une sinusoïde. Le temps de cohérence détermine la longueur de cohérence L = c τ, où c est la vitesse de la lumière (Fig. 6a) : L peut varier de quelques micromètres à plusieurs kilomètres selon la source choisie. On démontre, à partir du principe d’incertitude d’Heisenberg déjà cité plus haut, que le produit du temps de cohérence τ (en secondes) et de la largeur spectrale de la source lumineuse (en hertz, Fig. 6b) est une constante voisine de 1.
Comment vérifier et utiliser ce concept de temps de cohérence bref, en pratique ? Le plus simple est de séparer, au moyen d’un dispositif optique comme un miroir
Fig. 6. — Principe de l’OCT.
semi-réfléchissant, un train d’onde en deux faisceaux copies l’un de l’autre et de les faire ensuite cheminer selon deux trajets de longueurs légèrement différentes, de manière à en retarder l’un par rapport à l’autre, puis faire se rejoindre les deux faisceaux et les mélanger à nouveau. C’est le principe d’un interféromètre de Michelson [3]. Tant que le décalage entre les deux copies du train d’ondes initial est inférieur à L , les deux trains qui se rejoignent interfèrent l’un avec l’autre de manière cohérente et forment des franges d’interférence, selon le déphasage exact entre les deux : lorsque le retard est de 0 (fig. 6c), les deux trains s’ajoutent parfaitement, lorsque le retard est de 180°, ils s’annulent, et ainsi de suite. Mais lorsque le retard dépasse le temps de cohérence τ, c’est-à-dire lorsque la différence de marche entre les deux trajets dépasse L , l’interférence n’est plus possible (fig. 6d) car les deux copies du train d’onde initial ne se rencontrent plus. Si toutefois deux trains d’onde se mélangent, ils ne sont plus issus du même parent, et la différence de phase entre leurs sinusoïdes étant aléatoire ne permet pas d’interférence.
En spectroscopie où on a besoin de sources de spectre très étroit, L sera très élevé. Au contraire, pour l’OCT, la précision spatiale de la mesure sera d’autant meilleure que les trains d’ondes seront courts, et la source lumineuse choisie présentera une grande largeur spectrale. Par exemple, une largeur spectrale de 200 nm autour de 800 nm permet une longueur de cohérence de 3 μm. La figure 6c donne l’exemple de deux trains d’ondes superposés, permettant un contraste des franges d’interférence de 1.
Au contraire le contraste devient nul quand les trains d’ondes, disjoints, n’interfé- rent plus (Fig. 6d).
OCT temporelle (TD-OCT : Time-domain OCT)
La méthode est présentée sur la figure 7. Le faisceau lumineux issu de la source à spectre large est séparé en deux par la lame semi-transparente. La lumière rétrodiffusée par l’échantillon ainsi que celle réfléchie par le miroir de référence interfèrent sur le détecteur. L’appareil ne produit de signal d’interférence détectable que quand la longueur du trajet optique de la voie de référence est pratiquement égale à celle de la voie de l’échantillon (à la longueur de cohérence près). Une image à deux dimensions, dans le plan ( x , y ) perpendiculaire à l’axe optique, est construite par balayage du point d’éclairement sur l’échantillon (une fois encore au moyen de la rotation des deux miroirs de balayage χ scan et y scan). La longueur de cohérence de la source lumineuse, qui détermine la profondeur de champ, est habituellement de l’ordre de 3 μm. La résolution latérale, elle, est toujours fixée par l’ouverture numérique de l’optique de focalisation sur le tissu (quelques μm). La position du miroir de référence détermine la zone tissulaire explorée.
Fig. 7. — Tomographie à cohérence optique, domaine temporel.
OCT spectrale (SD-OCT : Spectral-domain OCT)
La qualité d’image et la vitesse d’acquisition ont beaucoup progressé depuis le développement de la SD-OCT [13], permettant une meilleure résolution dans le tissu et la visualisation plus rapide des détails anatomiques. La technique prend avantage des propriétés naturelles de dispersion chromatique du tissu pour enregistrer simultanément les images dans des plans ( x , y ) parallèles situés à différentes profondeurs z : les différentes longueurs d’onde contenues dans la lumière émise, correspondant à différentes couleurs, sondent spécifiquement des couches tissulaires de profondeurs légèrement différentes. Pour disperser les longueurs d’onde renvoyées et ainsi, construire des images séparées des différentes couches tissulaires explorées simultanément, un réseau de diffraction est utilisé sur une caméra CCD linéaire (selon la direction x , voir Fig. 8).
Fig. 8. — Tomographie à cohérence optique, domaine spectral.
Avantages de l’OCT
Un des avantages de l’OCT sur les techniques précédemment décrites est que l’on utilise de la lumière infrarouge aussi bien pour le trajet incident que pour le trajet retour. Ces radiations ont une profondeur de pénétration de l’ordre du millimètre dans les tissus. Un autre avantage porte sur l’obtention d’un contraste. Puisqu’elle est basée sur l’interférence entre deux ondes, l’OCT mesure la lumière réfléchie ou rétrodiffusée, mais non la fluorescence. A l’état naturel, le contraste peut être relativement élevé aux interfaces, ainsi qu’entre des tissus dont les propriétés de diffusion sont différentes. Mais l’utilisation d’agents pour augmenter le contraste des images peut fournir au clinicien des informations plus détaillées. Des études récentes décrivant des agents de contraste sont prometteuses [14-16]. Toute substance qui possède des propriétés de rétrodiffusion permet d’augmenter la réflexion des zones de tissu où elle se fixe, et donc d’accroître le contraste par rapport aux autres zones de tissu. L’efficacité des nanoparticules d’or [14] et magnétiques [16] a ainsi pu être montrée chez l’animal.
DISCUSSION
Les problèmes optiques soulevés par les micro-endoscopes ont maintenant trouvé des solutions techniques satisfaisantes. Le microscope confocal par fluorescence et l’OCT se sont révélés être deux méthodes complémentaires. La résolution latérale élevée et le contraste associés au microscope confocal permettent une visualisation en face de détails subcellulaires. Mais l’OCT permet d’imager la microarchitecture du tissu à une profondeur hors d’atteinte par microscopie confocale. Makhlouf et al [17] ont développé un micro-endoscope qui incorpore les deux méthodes, ce qui permet une commutation rapide de l’une à l’autre technique. Avant de pouvoir affirmer que ces techniques permettent une véritable biopsie optique, la question du contraste des images devra être résolue : quels détails de ces images permettent de différencier un tissu sain d’un tissu anormal ? Le contraste des techniques confocale et biphotonique dépendent des fluorophores utilisés : s’il s’avère possible d’associer des fluorophores adéquats à des biomolécules capables de cibler les cellules anormales, la spécificité des diagnostics pourra être augmentée. Les questions de stabilité et d’archivage des images obtenues doivent également faire l’objet de mises au point très spécifiques avant que la notion de biopsie optique ne puisse être validée en regard des techniques classiques de biopsie.
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DISCUSSION
M. Jacques MILLIEZ
Comment identifier une cible aussi exiguë que celle analysée par ces méthodes ? Comment avec les techniques deux et trois parvenir jusqu’à la cible ?
La biopsie optique pose deux difficultés, l’une physique, l’accès à des cibles non superficielles, l’autre logistique, le choix des zones à étudier à l’échelle micrométrique. La première difficulté peut être résolue, dans les trois méthodes, par l’utilisation de longueurs d’onde pénétrantes, notamment infrarouges (choix naturel dans le cas de la microscopie biphotonique). De plus, l’OCT permet de résoudre l’acquisition d’images issues de la profondeur de manière particulièrement élégante, puisque sa variante ‘‘ spectrale ’’ permet l’acquisition simultanée de plusieurs plans tissulaires. La difficulté logistique va, au moins dans un premier temps, forcer les utilisateurs à concentrer leur investigation sur des zones prédéfinies, par exemple celles dans lesquelles ils envisagent d’effectuer des prélèvements, et où l’analyse optique leur permettrait de déterminer la pertinence, ou non, d’effectuer ces prélèvements. D’où une utilisation des outils de biopsie optique dans le but d’éviter des prélèvements inutiles plutôt que dans celui de les multiplier.
M. Emmanuel-Alain CABANIS
De ces trois techniques, quelle est la moins sensible au mouvement, et avec quels logiciels ceux-ci sont-ils compensés, comme en ophtalmologie notamment, avec l’optique adaptative en observation OCT de la rétine ?
Toutes les techniques présentées sont très sensibles aux mouvements et à la précision de l’orientation du faisceau lumineux explorateur, et notamment de son incidence par rapport à la surface externe du volume à explorer. La rétine a offert un modèle idéal pour développer l’utilisation de l’OCT, qui est devenu un outil de routine et où les développements récents de l’optique adaptative ont fait merveille. On peut imaginer une adaptation des logiciels utilisés aux autres configurations des chirurgies intrapéritonéales ou digestives, mais pour le moment les documents publiés hors champ de l’ophtalmologie montrent bien que ces champs sont en attente de nécessaires développements spécifiques.
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 591-604, séance du 29 mars 2011