Communication scientifique
Séance du 29 mars 2011

Biopsie optique : le point de vue du chirurgien

MOTS-CLÉS : œil, biopsie, endoscopie, procedures de chirurgie ophtalmologique
Optical biopsy : the surgical perspective
KEY-WORDS : biopsy. endoscopy. eye. ophtalmologic surgical procedures michel

Michel Canis, Benoît Rabischong, Revaz Botchorishvili, Kris Jardon, Nicolas Bourdel, Gérard Mage, Benoît Avan

Résumé

De nombreuses techniques regroupées sous le terme de « biopsie optique » permettent de faire de la microscopie optique au sens propre du terme ou de guider le chirurgien en ajoutant à l’image endoscopique des images induites par fluorescence ou des images reconstruites à partir d’images acquises en pré ou en peropératoire. Les techniques de microscopie endoscopique qui permettent théoriquement un diagnostic histologique in vivo posent de nombreuses questions. Qui va lire ces images ? L’image que nous lisons au microscope correspond-elle vraiment à l’image identifiée comme suspecte avant la « biopsie optique ». L’image histologique post opératoire a-t-elle été prélevée au même endroit ? Ces images sont-elles assez fiables pour que l’on puisse se passer de la biopsie traditionnelle ? Il est évident qu’en combinant ces deux types d’images, une nouvelle révolution de la chirurgie va apparaître. Il est encore difficile de dire quelles méthodes seront les plus utilisées dans l’avenir et quel sera leur rôle précis en pratique clinique.

Summary

Several new intraoperative imaging techniques, often described under the generic term ‘‘ optical biopsy ’’, have been developed over the last twenty years. The term optical biopsy in fact covers two distinct approaches. The first is endomicroscopy, which provides the surgeon with histologic images comparable to those obtained by the pathologist in the laboratory. The second is image-guided surgery, which includes a variety of techniques, from fluorescence to sentinel node biopsy and real-time image fusion (enhanced reality). The diagnostic value of intraoperative histology, and the reproducibility of these methods outside the expert centers where they were initially developed, remains to be determined. In particular, it remains to be seen whether they can avoid the need for conventional biopsy. The main issue will probably be to decide who is qualified to read these images: a surgeon with training in pathology, or a pathologist who examines images transmitted to the lab or directly in the operating room? Pathologic diagnosis may require several readings of the same slides, additional biopsy sections, or even additional staining procedures. The ability to examine living tissue in situ is a very attractive prospect and will probably represent a major step forward in diagnosis and treatment evaluation. It is difficult to know which of the many candidate techniques will finally be adopted, but the future seems to lie in a combination of image-guided surgery and endomicroscopy.

Dans de nombreuses situations cliniques, le chirurgien ou l’endoscopiste réalise une biopsie devant un aspect macroscopique anormal. C’est le résultat de l’examen histologique immédiat ou différé de ce prélèvement qui guide ensuite la prise en charge et le traitement. Le concept d’une « biopsie optique » qui permettrait un diagnostic histologique immédiat sans les contraintes techniques de l’examen histologique extemporané après congélation et/ou sans les délais de l’examen histologique classique est très attractif. Cette approche permettrait une décision adaptée immédiate, évitant des délais de prise en charge et/ou des gestes chirurgicaux inutiles.

Au cours des vingt dernières années, les progrès technologiques ont permis la mise au point de techniques d’imagerie in vivo d’abord utilisé dans les laboratoires de recherche et plus récemment en clinique [1-7]. Parmi ces techniques on peut distinguer des techniques permettant la réalisation de véritables coupes histologiques in vivo et des techniques que l’on pourrait regrouper sous le terme de chirurgie guidée par l’image. Ces méthodes permettent grâce à des techniques de fluorescence ou par des méthodes de reconstruction in vivo d’images acquise avant ou pendant l’intervention (réalité augmentée) de guider le geste chirurgical et en particulier de fixer au mieux les limites d’exérèse d’une tumeur ou d’une dissection ganglionnaire [6, 8-10].

Toutes ces techniques vont venir modifier notre pratique médicale, pour plusieurs raisons : la simultanéité du diagnostic histologique et de la vision chirurgicale ou endoscopique, la description d’une nouvelle séméiologie endoscopique et histologique, la possibilité d’une évaluation in vivo des fonctions ou des anomalies des cellules des tissus normaux ou anormaux, l’optimisation des indications opératoires et des gestes chirurgicaux eux-mêmes. Reste qu’il paraît encore aujourd’hui un peu difficile de situer la place et l’impact exact de ces techniques dans le futur de la pratique médicale à court et à moyen terme. De nombreuses techniques sont décrites, les progrès technologiques sont rapides et se produisent dans un monde technologique étranger au médecin. Les limites actuelles de certaines méthodes qui produisent des images trop difficiles à lire pour les chirurgiens peuvent masquer à nos yeux un potentiel théorique qui pourrait être plus important.

 

Les techniques « d’histologie per opératoire »

Trois méthodes sont actuellement disponibles : la microscopie confocale, l’Optical Coherence Tomography (OCT) et la microscopie biphotonique [11]. Il ne paraît pas possible de savoir aujourd’hui quelle est la méthode qui a l’avenir sera le plus utile.

Chacune d’entre elles a ses contraintes et ses limites. Certaines des difficultés seront probablement améliorées considérablement par des progrès technologiques à venir.

La discussion se limite aux méthodes qui sont le plus souvent proposées en pratique clinique aux chirurgiens et aux endoscopistes.

Au vu des images actuellement disponibles dans la littérature, c’est la microscopie confocale qui paraît la plus accessible à la pratique courante. Les images sont de bonne qualité et paraissent de ce fait « faciles » à lire. Ces images histologiques « vues d’avion », ont une bonne définition et il paraît facile de les superposer avec certaines des images histologiques des atlas d’anatomopathologie [12-15]. Cependant les photos publiées correspondent à des images figées obtenues à partir de fichiers vidéo dont la lecture également possible dans les articles récents paraît plus difficile du fait du caractère « mobile » des images. Ainsi la lecture en temps réel sera peut-être plus difficile qu’il ne semble à partir des images sélectionnées pour illustrer des articles récents. Dans le cadre de la gynécologie, les premières images publiées sur la pathologie du col de l’utérus semblent tout de même relativement difficiles à corréler avec les images histologiques [16].

Les images obtenues avec Optical Cohérence Tomographie sont des images en coupe proche des images en coupe que réalisent les pathologistes au laboratoire et permettent d’étudier toutes les couches d’un tissu [11, 17]. Les images semblent de moins bonne qualité que les images de microscopie confocale. Leur définition et leur contraste sont moins satisfaisants et les rendent à priori difficiles à lire pour un chirurgien. Là aussi il s’agit d’image sélectionnées à partir d’un tissu en mouvement la lecture in vivo est-elle plus facile ? Le contact entre la sonde d’OCT et le tissu est aussi une contrainte de cette technique.

Les images obtenues en microscopie biphotonique en dermatologie paraissent également moins satisfaisantes [2]. Cette technique a l’avantage de permettre une étude de toutes les couches d’un tissu et d’avoir le meilleur potentiel pour l’étude de la fonction ou des anomalies cellulaires [18]. Elle est utilisée en ophtalmologie [18] ;

Mais une étude montre que cette méthode devrait permettre un diagnostic plus fiable des anomalies prénéoplasique de la muqueuse gastrique [19].

Qui va lire les images ?

Cette question capitale est aussi difficile à résoudre. Les chirurgiens ou les endoscopistes n’ont pas la formation nécessaire à la lecture des images histologiques. De plus ils n’ont pas toujours la compétence nécessaire pour choisir la zone qui doit être examinée au microscope car ils ne connaissent pas bien la macroscopie des lésions anatomopathologiques. L’expérience de notre service de gynécologie chirurgicale coelioscopique dans le domaine de l’examen extemporanée des tumeurs de l’ovaire est intéressante. Du fait de l’approche endoscopique, l’extraction de l’ovaire tumoral peut être difficile, ce qui peut conduire le chirurgien à faire la biopsie de l’ovaire tumoral en vue la réalisation de l’examen extemporané. Cette approche a, dans notre expérience, conduit un chirurgien rassuré à la suite d’un examen extemporané faussement rassurant à morceler un ovaire présumé bénin. Ce geste a induit une dissémination tumorale sévère [20]. C’est le choix de la biopsie qui était inadéquat, pas la lecture des lames sous le microscope !

Il faudra former les chirurgiens et les endoscopistes à l’histologie et à l’anatomopathologie en générale ou alors il faut faire lire ces images par les anatomopathologistes. Mais les anatomopathologistes sont-ils assez disponibles pour venir au bloc opératoire ? En dehors des CHU, il faut prendre rendez-vous pour organiser l’examen extemporané d’une tumeur ovarienne, ce qui est possible pour une patiente ne l’est pas pour dix ou vingt coloscopies ou colposcopies dans une journée et cela plusieurs fois par semaine !

Faut-il envisager de transmettre les images au laboratoire où le pathologiste peut les lire immédiatement ? Faut-il leur transmettre les images fixes choisies par le chirurgien, ce qui suppose qu’il a la compétence de choisir les meilleurs images ? Faut-il leur transmettre les fichiers vidéo, ce qui suppose qu’ils ont le temps de les lire pour en extraire les « coupes » les plus pertinentes ?

L’idéal serait que les endoscopistes et les anatomopathologistes puissent collaborer en temps réel au bloc opératoire. L’endoscopiste connaît mieux la macroscopie in vivo , il peut décider quelles sont les zones les plus inquiétantes ou intéressantes. Mais il apprendra du pathologiste qui connaît la macroscopie ex vivo et qui surtout sait lire les images microscopiques.

Les anatomopathologistes auront aussi une courbe d’apprentissage pour ces techniques. En effet avec certaines techniques comme la microscopie confocale on regarde le tissu avec des incidences qui sont parallèles à la surface du tissu. Les cellules sont vues d’avion. Cette incidence est différente de celles utilisées en histologie. Par ailleurs la morphologie des cellules n’est peut-être pas toujours identique in vivo et in vitro . Il faudra établir une corrélation étroite entre les deux méthodes en réalisant des biopsies ciblées des zones qui ont été inspectées. Les gastroentérologues ont déjà proposé des classifications des aspects observés [1].

Quelle est la qualité réelle de l’image ?

Pour un chirurgien, la bonne image est une image nette avec une bonne définition et une lumière suffisante. Pour le pathologiste la bonne image est celle qui permet d’apprécier le caractère normal ou inquiétant des cellules et qui comporte une image fiable de la membrane basale si on recherche le caractère invasif ou pas d’une pathologie pré-néoplasique. Ainsi une image de bonne qualité photographique peut être peu informative. L’image idéale comporte les deux caractéristiques. Mais en pratique les images ne sont pas toujours idéales, il faudra savoir dire que l’on ne peut pas conclure !

Que regardons-nous ?

Le praticien doit aussi savoir où il regarde, c’est-à-dire où se situe la « biopsie optique ». En clair la zone inspectée avec l’endo microscope doit correspondre à la zone qui avait été identifiée comme suspecte avec l’endoscope. La corrélation entre les deux zones doit être totale, pour ne pas apporter de conclusion faussement rassurante parce que la zone lue au microscope ne correspond pas à la zone initialement suspectée. Pour cela il semble qu’il faut disposer des deux images sur le même appareil. Cette notion n’est pas nouvelle, si la biopsie ne porte pas sur la zone la plus suspecte, la valeur diagnostique de l’examen histologique est mauvaise, c’est dans ce but que les gynécologues avaient mis au point la colposcopie pour augmenter la sensibilité diagnostique des biopsies. Un des appareils de microscopie confocale disponible aujourd’hui en pathologie digestive résoudrait ce problème par la possibilité de traumatiser la zone située à côté de la zone « biopsiée » avec le système d’aspiration de l’appareil [1]. Les auteurs qui utilisent le microscope confocal pour inspecter l’ovaire insistent sur la difficulté de corréler l’image histologique per opératoire et la biopsie examinée au laboratoire [19].

Le chirurgien doit comprendre ce qu’il regarde : quel est le diamètre de la zone qu’il inspecte et la profondeur de pénétration du système qu’il utilise ? Il faut aussi savoir s’il s’agit d’une coupe perpendiculaire à la surface du tissu comme avec l’OCT ou d’une image parallèle à la surface du tissu comme avec la microscopie confocale et dans ce cas quelle est la profondeur de la coupe que nous regardons. Est-ce la surface du tissu, la couche intermédiaire d’un épithélium de surface ou une coupe qui correspond à la membrane basale et aux vaisseaux situés en-dessous ? Un travail récent montre qu’il est possible d’inspecter ces trois zones au cours d’une cystoscopie [12].

Mais les chirurgiens savent-ils reconnaître la couche qu’ils inspectent ? Cette reconnaissance est-elle basée sur la connaissance à priori des aspects histologiques des différentes couches du tissu normal ou pathologique ou au contraire le dispositif qu’ils utilisent peut-il ou doit-il comporter un dispositif qui leur indique en permanence la distance entre la sonde de microscopie et le tissu ce qui permet en fonction de la distance focale de savoir à quelle profondeur on inspecte, on coupe le tissu. Pour le moment, il semble que c’est la connaissance du tissu qui répond, mais cela pose avec encore plus d’acuité la question de la formation des utilisateurs de ces méthodes.

Microscopie des tissus vivants avantage ou inconvénient ?

Le fait de pouvoir examiner les tissus in vivo est bien sur une chance, les éléments fonctionnels que l’on pourra ajouter aux éléments morphologiques viendront compléter et améliorer le diagnostic histologique des lésions, cela permettra probablement également d’améliorer l’évaluation du pronostique et de suivre l’application et les effets de traitement [18].

 

A l’inverse les tissus vivants sont mobiles, ce qui rend plus difficile la réalisation d’images microscopique lisible. Cette difficulté est plus nette lors de la lecture des vidéos des articles de microendoscopie disponibles sur les sites des journaux où sont publiés les résultats de ces méthodes.

Le diagnostic histologique aussi peut être difficile

Les cliniciens ont l’habitude que les conclusions apportées par l’examen histologique des biopsies soient simples. L’anatomopathologiste a conclu à la bénignité ou à la malignité de la lésion. Les cliniciens ne lisent que la conclusion et ne lisent pas le faisceau d’arguments qui a permis cette conclusion. Bien souvent le pathologiste résume d’un mot, une situation qui était complexe et qui a nécessité plusieurs lectures, des recoupes complémentaires, des examens immuno histochimiques … Ce type de situation se rencontrera inévitablement en pratique endoscopique ou chirurgicale, une conclusion fiable sera alors impossible sans l’expertise d’un anatomopathologiste.

Organes creux ou tumeur volumineuses deux situations très différentes !

Les techniques d’endo microscopie sont adaptées à l’évaluation des organes creux, vessie, colon ou œsophage, où il est possible de placer la sonde au contact direct de la zone suspecte. Mais ces technologies ne répondent pas à l’évaluation de tumeurs plus volumineuses comme les tumeurs de l’ovaire. Ces lésions souvent hétérogènes comportent des zones bénignes et des zones malignes, et il n’est pas possible de les ouvrir in situ pour aller placer la sonde de micro endoscopie au contact des zones les plus suspectes. Pour ce type de situations, il faudrait disposer d’une biopsie optique pré-opératoire peut être grâce aux techniques de résonnance magnétique nucléaire.

Quelle est la valeur diagnostique de cette microscopie in vivo ?

Les résultats publiés par les équipes pionnières de ces méthodes sont satisfaisants.

De ce fait certains proposent même de se passer des biopsies [13]. À l’inverse il faut rester prudent, la variabilité inter-opérateur rapportée est variable et n’est pas toujours bonne [21-23]. Enfin et surtout la valeur diagnostique de ces méthodes, dans les équipes qui les mettent au point, n‘a que peu d’intérêt en pratique. En effet pour que ces méthodes puissent être diffusées, il faudra évaluer leur fiabilité dans des équipes qui les auront apprises. On sait par exemple que la valeur des scores mis au point pour le diagnostic échographique de malignité des tumeurs ovariennes est beaucoup moins bonne lorsqu’ils sont utilisés par des équipes qui ne les ont pas mis au point [24]. L’inventeur d’une méthode chirurgicale ou diagnostique biaise évidemment les résultats qu’il publie en faveur de sa méthode. S’il la trouvait mauvaise il est probable qu’il ne la rapporterait pas !

La question qui se pose, au vu de ce que nous avons dit plus haut, sur la corrélation des zones qui font l’objet de la biopsie optique et de la biopsie traditionnelle est aussi de savoir et de confirmer que nous sommes capables de vérifier que la biopsie optique a permis un diagnostic exact. La discordance porte-t-elle sur le site de la biopsie ou sur la lecture de la coupe optique ?

Chirurgie guidée par l’image

Le fait d’utiliser un endoscope et une caméra a considérablement augmenté la qualité de la vision chirurgicale. Mais surtout la possibilité d’utiliser des lumières différentes et des images numériques augmente considérablement le potentiel d’évolution de l’image endoscopique. On sait déjà depuis longtemps utiliser des marqueurs colorés ou isotopique pour améliorer la détection des ganglions les plus concernées par la tumeur que l’on enlève [8, 9]. On connaît également depuis longtemps les techniques de fluorescence qui permettent de voir des zones suspectes qui ne sont pas encore macroscopiquement identifiables [5, 25]. On utilise même déjà les possibilités thérapeutiques de certaines méthodes de photochimiothérapie.

Il devient maintenant possible grâce aux performances des ordinateurs de projeter en temps réel, les images préopératoires reconstruites sur les images in vivo que l’opérateur voit sur son écran chirurgical [10, 26]. Cette possibilité peut permettre d’identifier des structures anatomiques avant leur dissection, voire d’identifier les limites de la tumeur que l’on traite de manière plus sensible.

Dans ce domaine de nombreuses méthodes sont en cours de mise au point ou d’évaluation. Elle visent par exemple à améliorer la visualisation per opératoire des ganglions, voire à identifier ceux qui sont les sentinelles des organes que l’on traite ou qui sont déjà le siège de métastases [8]. D’autres méthodes utilisent la fluorescence pour distinguer parmi les polypes digestifs ceux qui sont des polypes adénomateux et ceux qui sont des polypes hyperplasiques [5]. D’autres travaux développent des nano sondes qui pourraient permettre la visualisation per opératoire des gliomes cérébraux et de corréler ces images avec l’imagerie préopératoire [27]. Il sera même probablement possible de guider l’exérèse de tumeur situées dans des tissus déformables comme le sein [6].

Ces méthodes multiples, complexes à mettre en œuvre, devront être fiabilisées et évaluées soigneusement dans les tissus et dans les situations où elles sont vraiment utiles. Il est beaucoup plus simple de rajouter sur l’image du bloc opératoire le trajet de l’uretère lombaire avant sa dissection que de montrer aux chirurgiens les limites d’un nodule d’endométriose dans la paroi du tube digestif. Et pourtant, si la première image peut faciliter et rendre le geste plus confortable elle a peu de chance d’améliorer les résultats postopératoires tant le chirurgien sait identifier sans le traumatiser l’uretère avant de sectionner les tissus qui l’entourent. A l’inverse nous avons tous du mal à identifier les limites entre le tissu endométriosique et le tissu rectal normal. Cette limite est difficile à identifier du fait des rétractions induites par la maladie. Nous avons vraiment besoin d’aide, mais c’est cette situation qui est complexe pour les ingénieurs qui travaillent sur les techniques de réalité augmentée.

 

Ces méthodes qui visent à guider le chirurgien ne posent pas de problèmes majeurs de lecture. Pour le chirurgien ce système binaire, normal pas normal, ou concerné ou non par la maladie est facile à lire. Reste que la sensibilité de la détection devra être évaluée, peut être en la corrélant à des biopsies de territoires considérées comme normaux ou à des images de micro endoscopie lues par des anatompathologistes expérimentés.

L’apport réel de ces méthodes devra être confirmé. Dans une étude prospective randomisée réalisée en aveugle sur des carcinose ovarienne débutante chez le rat nous avions montré que l’utilisation de la fluorescence augmentait le nombre de métastase mise en évidence pendant l’inspection coelioscopique du péritoine [25].

Cependant nous avions aussi observé que la fluorescence avait un effet d’enseignement du chirurgien. En effet si une zone fluorescente était identifiée dans un territoire à priori endoscopiquement normal, il n’était pas rare de constater à posteriori que la zone fluorescente n’était en fait pas normale avec l’endoscope traditionnel. L’endoscopie avec fluorescence rendait simplement plus facilement visible des lésions visibles au prix d’une inspection minutieuse.

L’avenir est là mais lequel ?

Ces deux approches de biopsies optiques sont, à l’évidence, complémentaires. On imagine sans difficulté, l’identification par fluorescence ou réalité augmentée des zones suspectes qui doivent ensuite être inspectées par endo microscopie. Laquelle de ces méthodes s’imposera, faudra-t-il dans le bloc opératoire de l’avenir disposer d’un arsenal technologique complexe et coûteux ou une seule de ces méthodes s’imposera-t-elle ? Il est trop tôt pour le dire. Mais le potentiel de ces images in vivo est tel qu’il n’est pas imaginable qu’elles ne trouvent pas un jour une place dans notre pratique et qu’elles ne permettent pas d’améliorer la prise en charge de nos patients.

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DISCUSSION

M. Jean-Jacques HAUW

La biopsie optique est un geste innovant qui apporte certainement des renseignements nouveaux. Peut-on évaluer le temps de mise en œuvre pour réaliser ce geste et pour son apprentissage ?

Cette question conditionne la mise en pratique de ces méthodes. Mais nous n’avons pas la réponse, pour le moment les gens qui utilisent ces techniques sont guidés par l’enthousiasme des pionniers et ils ne rapportent pas ces éléments. On peut espérer que dans le futur des lectures « informatiques » des cas simples seront possibles grâce à des méthodes d’analyse informatique de l’image ce qui limiterait la surcharge des anatomopathologistes M. Jacques BATTIN

Cette technique a-t-elle un intérêt dans les syndromes de Turner comportant un chromosome Y et à risque de gonadoblastome ? Dans les ovaires résiduels des mosaïques turnériennes, la biopsie optique aide-t-elle à prélever des fragments aptes à être congelés pour des utilisations ultérieures lors d’un projet parental chez ces turnériennes adultes ?

 

Cette indication reste rare et la biopsie optique n’a pas encore été rapportée dans cette situation. Pour la deuxième situation, l’échographie per opératoire qui identifie facilement les follicules intra-ovarien est capable de répondre à cette question. La profondeur de pénétration de la biopsie optique ne sera pas toujours suffisante pour cela et l’échographie reste plus simple.

M. Gilles CRÉPIN

Compte tenu de l’importance de ces nouvelles techniques et de la nécessité obligatoire d’un diagnostic histologique de certitude pour préparer, dès la première intervention, la chirurgie la plus optimale, envisagez-vous une étude multicentrique capable de répondre aux questions et incertitudes qui sont encore les nôtres ?

Votre suggestion est judicieuse, ces études multicentriques devront être réalisées en dehors des centres pionniers pour évaluer l’impact pratique exact de ces nouvelles méthodes. La biopsie optique doit cependant encore être développée et améliorée avant que de tels essais puissent être mis en place.

 

<p>* Chirurgie gynécologique, CHU Estaing, 1, place Lucie Aubrac — 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1, e-mail : mcanis@chu-clermontferrand.fr Tirés à part : Professeur Michel Canis, même adresse Article reçu le 21 février 2011, accepté le 21 mars 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 579-589, séance du 29 mars 2011