Communication scientifique
Séance du 13 décembre 2011

Place des assistances cardiorespiratoires dans le traitement de l’arrêt cardiaque

MOTS-CLÉS : circulation extracorporelle.. dispositifs d’assistance circulatoire
Extracorporeal life support for treating cardiac arrest
KEY-WORDS : extracorporeal circulation.. heart-assist devices

Jean-Jacques Lehot *, Nelly Long-Him-Nam *, Olivier Bastien *

Résumé

Les assistances cardiorespiratoires connaissent un développement considérable pour traiter les insuffisances cardiaques aiguës. Elles ont été utilisées pour l’arrêt cardiaque extra et surtout intrahospitalier. Une revue systématique de la littérature a permis d’en étudier les résultats. Pour l’arrêt cardiaque intrahospitalier, neuf études publiées entre 2003 et janvier 2011 ont été analysées. Elles ont inclus 724 patients dont 208 ont survécu sans séquelles neurologiques graves (28, 7 %). La ressuscitation cardiopulmonaire (low flow) durait de 42 à 105 minutes, avec une moyenne de 54 minutes. Les complications étaient liées à la pathologie sous-jacente et au bas débit durant les manœuvres de ressuscitation, ou liées à la technique d’assistance, entraînant des défaillances polyviscérales traitées en service de réanimation. Pour l’arrêt cardiaque extrahospitalier, trois séries continues sont rapportées entre 2008 et janvier 2011. Elles totalisent 110 patients, dont 6 seulement ont survécu à leur séjour hospitalier (4,4 %) malgré des critères d’inclusion stricts. La durée de low flow allait de 60 à 120 minutes (moyenne 98 minutes). Les programmes d’assistance cardiorespiratoire percutanée doivent être développés pour la prise en charge des arrêts cardiaques intrahospitaliers. Dans tous les cas, l’amélioration du pronostic de l’arrêt cardiaque passe par un meilleur apprentissage de la ressuscitation cardiorespiratoire.

Summary

Percutaneous extracorporeal life support (ECLS) is now widespread for treating acute cardiac failure. ECLS has been used for treating in-hospital and out of hospital cardiac arrests. A systematic review of literature was performed in order to assess the results. Nine studies of in-hospital cardiac arrests were published between 2003 and January 31, 2011. They included 724 patients, 208 of which survived without significant neurological sequelae (28.7 %). In the other patients, the initial disease and the consequences of low flow brought multiorgan failure, or ECLS resulted in haemorrhage and ischaemia. Low flow lasted between 42 and 105 min (mean 54min). ECLS was used after out of hospital cardiac arrests in 3 studies published between 2008 and January 31, 2011. They included 110 patients of which only 6 survived (4.4 %) despite strict inclusion criteria. Low flow lasted between 60 and 120 min (mean 98 min.) According to these results the use of ECLS should be encouraged after in-hospital cardiac arrest and training in cardiorespiratory resuscitation should be improved in global population and health professionals.

Place des assistances cardiorespiratoires dans le traitement de l’arrêt cardiaque

Les assistances cardiorespiratoires percutanées connaissent depuis quelques années un développement considérable soit pour pallier les insuffisances circulatoires aiguës, soit pour traiter les détresses respiratoires aiguës graves. En effet, ces dispositifs assurent à la fois un débit sanguin grâce à une pompe centrifuge, et une oxygénation associée à une épuration de gaz carbonique grâce à une membrane balayée par un mélange air-oxygène. Dans le premier cas, ces dispositifs sont appelés extra-corporeal life support (ECLS des Anglo-saxons) et assurent les fonctions « pompe » et échanges gazeux. Dans le second cas, ils sont plus volontiers appelés extra-corporeal membrane oxygenation (ou ECMO) et n’assurent alors que les échanges gazeux. Ce sont des versions simplifiées des systèmes de circulation extra-corporelle développés et améliorés pour la chirurgie cardiaque. Ils sont utilisés en effet depuis plus de trente ans en chirurgie cardiaque avec canulations intrathoraciques.

La mise en place de plus en plus fréquente des dispositifs d’assistance cardiorespiratoire extra-corporelle percutanée a permis leur utilisation dans d’autres domaines de la réanimation tels que les arrêts cardiocirculatoires réfractaires, le choc cardiogénique, les syndromes de détresse respiratoire aiguë critiques, les intoxications médicamenteuses par stabilisants de membrane [1]. Leurs indications peuvent être classées en respiratoires (suppléance d’une défaillance pulmonaire) avec le plus souvent canulations veino-veineuses, et cardiorespiratoires pour toutes les autres indications (suppléance cardiocirculatoire et respiratoire) avec canulations veinoartérielles. La facilité de la mise en place percutanée par les vaisseaux fémoraux a permis d’utiliser l’ECLS en relais de la ressuscitation cardiopulmonaire par massage cardiaque externe ( low flow ) dans l’espoir d’une récupération cardiaque, d’autant qu’un geste de revascularisation coronaire percutanée peut être effectué dans ces conditions.

L’objectif de ce travail est de faire le point sur les résultats de l’utilisation de l’ECLS en présence d’un arrêt cardiaque intra ou extrahospitalier.

Matériel et méthode

À partir de la base de données Pub Med, nous avons utilisé les mots clés suivants :

extracorporeal membrane oxygenation, extracorporeal life support, cardiac arrest, cardiopulmonary resuscitation . Nous avons de plus fait une recherche manuelle dans les sommaires des revues de réanimation et chirurgie thoracique des huit dernières années. Nous avons éliminé les publications redondantes ou ne rapportant pas des séries de patients consécutifs. Enfin, nous avons ajouté notre expérience jusqu’au 31.12.2010. Les durées de no flow étaient rarement disponibles ; celles de low flow ont été rapportées lorsqu’elles étaient mentionnées.

Résultats

En raison des délais différents entre l’arrêt cardiaque et le début de la ressuscitation cardiopulmonaire ( no flow ) et entre le début de l’arrêt cardiaque et la mise sous assistance cardiorespiratoire percutanée selon l’endroit où l’arrêt cardiaque a eu lieu, nous avons distingué les arrêts cardiaques extra et intra-hospitaliers. Dans la plupart des publications la technique d’ECLS permet l’établissement rapide d’une hypothermie modérée habituellement utilisée pendant les vingt-quatre premières heures pour la protection cérébrale.

Arrêts cardiaques intra-hospitaliers

Chen et coll. [2] ont comparé la survie en utilisant une assistance cardiorespiratoire percutanée ou une prise en charge conventionnelle en fonction de la durée de ressuscitation cardiopulmonaire initiale ( low flow ). Lorsque la ressuscitation a été inférieure à 30 minutes, la survie était de 41,7 % contre 20 %, entre 30 et 45 minutes la survie était de 30 % contre 8,7 %, entre 45 et 60 minutes de 30 % et de 5,6 % et enfin au-delà d’une heure de ressuscitation, la survie était de 17,7 % après ECLS contre 0 % sans ECLS. Les auteurs concluaient que l’ECLS pouvait autoriser la prolongation de la ressuscitation cardiopulmonaire en en corrigeant partiellement les effets délétères [3].

Nous avons relevé neuf études entre 2003 et janvier 2011 (tableau I) dont quatre taïwanaises. [3-6], trois françaises [7-9], une nord-américaine [10] et une sudcoréenne [11]. L’étude la plus importante provient du fichier de l’ Extracorporeal Life Support Organization (ELSO) [10] mais dont la durée de ressuscitation cardio- pulmonaire ( low-flow ) moyenne n’est pas connue. Au total, ces neuf études ont inclus 724 patients dont 208 ont survécu sans séquelles neurologiques importantes, soient 28,7 % de survies dans des conditions acceptables d’autonomie.

La ressuscitation cardiopulmonaire, lorsqu’elle est connue, a duré de 42 à 105 minutes, avec une durée moyenne de 54 minutes. Habituellement, l’arrêt cardiaque intra-hospitalier survenait devant témoin, les manœuvres de ressuscitation étaient pratiquées le plus précocement possible pendant au moins 10 minutes avant de décider de mettre en place l’ECLS. Une équipe entraînée mettrait en place rapidement l’ECLS dans le laboratoire de cathétérisme, l’unité de soins intensifs cardiologiques, la salle d’opération, le matériel d’ECLS étant transporté sur le site de l’arrêt cardiocirculatoire en 5 à 10 minutes durant la journée et en 10 à 20 minutes durant la nuit [11].

Les patients avaient habituellement moins de 65 ans, présentaient le plus souvent une cardiopathie et ont reçu un support veino-artériel [10]. La pathologie cardiaque la plus fréquente était l’infarctus myocardique aigu, une cardiomyopathie, une embolie pulmonaire aiguë. Plus rarement, il s’agissait de causes respiratoires accidentelles ou septiques.

La défaillance viscérale la plus fréquente a été rénale avec nécessité d’hémodialyse dans plus d’un quart des cas, insuffisance hépatique, hémorragie digestive, complications infectieuses, complications neurologiques et en particulier, survenue d’une mort encéphalique ou de convulsions. Enfin, des hémorragies intraparenchymateuses pulmonaires ont été observées. Des complications liées aux circuits d’ECLS ont également été observées : impossibilité d’obtenir un débit de pompe correct (syndrome de fuite capillaire), thrombose du circuit, embolie gazeuse, hémorragie au site de canulation ou au site chirurgical. Une ischémie du membre inférieur en aval de la canulation de l’artère fémorale a été décrite, pouvant être parfois prévenue par l’utilisation d’un système de réinjection à partir de la canule artérielle. Du fait des complications citées, la proportion de patients sevrés de l’ECLS avoisine 30 % [2].

Un support par sympathomimétiques a été utilisé presque constamment chez ces patients. Une échocardiographie quotidienne a été pratiquée pour estimer la récupération myocardique et pour détecter la présence éventuelle de thrombi dans le ventricule gauche. La durée moyenne d’ECLS avoisine 110 heures. Le sevrage de l’ECLS n’a pas été tenté avant le troisièmre jour. Une assistance circulatoire de longue durée et une transplantation cardiaque représentaient une alternative en l’absence de contre indication lorsque le sevrage de l’ECLS ne pouvait être réalisé en une semaine. L’ECSL a pu être arrêté en cas de lésions cérébrales sévères persistantes au septième jour.

L’état de conscience était suivi toutes les 12 heures dans une étude [12]. Le statut fonctionnel des survivants à la sortie de l’hôpital était analysé selon le score de Glasgow-Pittsburgh (CPC). Les patients ayant un score à 1 ou 2 (statut neurologique satisfaisant) représentaient 30,4 % des patients ayant bénéficié d’ECLS, les patients ayant un score à 3 ou 4 (déficit sévère) représentaient 2,2 % et les patients ayant un score à 5 (décès) représentaient 67,4 % de cette population [2] à la sortie de l’Hôpital. Un an plus tard, les patients ayant un CPC à 1 ou 2 représentaient 19,5 %, à 3 ou 4 représentaient 2,2 % et à 5 représentaient 78,3 %. Si l’on comparait ces résultats aux patients n’ayant pas bénéficié d’ECLS, le statut neurologique avait une tendance à être supérieur mais de manière non significative [2]. Les facteurs de bon pronostic sont la présence initiale d’une tachycardie ou d’une fibrillation ventriculaire plutôt qu’une asystolie, une durée brève de réanimation cardiopulmonaire ( low flow ) ainsi qu’un âge jeune [2].

 

Arrêts cardiaques extra-hospitaliers

Morimura et coll . [13] ont repris cent-cinq publications japonaises (articles, résumés de présentations à des congrès régionaux). Ainsi, 1 282 cas d’arrêt cardiocirculatoire dans lesquels l’ECLS a pu être utilisé ont été colligés. La ressuscitation cardiopulmonaire ( low flow ) moyenne a été de 52 minutes. La survie a été observée chez 516 patients, soit un taux de 40 %. Du fait de la grande diversité de ces 105 publications, il n’est pas possible de connaître la durée exacte de la survie ni l’état neurologique.

De plus il s’agit de cas cliniques choisis, peu de publications colligées faisant état d’inclusions consécutives durant une période déterminée. Aussi, nous avons décidé de ne pas prendre en compte cette publication.

Trois séries consécutives françaises (9, 14, 15) rassemblent cent-dix patients dont six seulement ont survécu après leur séjour hospitalier (4,45 %). Le tableau II rassemble ces observations. La durée de ressuscitation cardiopulmonaire avant l’ECLS allait de 60 à 120 minutes (moyenne 98 minutes). Combe et coll. ont publié en 2008 [14] quinze cas d’arrêts cardiaques extra-hospitaliers pris en charge par le SMUR et ayant bénéficié de la mise en place d’ECLS. Un seul patient a survécu (6,7 %). En 2009, un groupe d’experts s’est réuni afin d’établir des recommandations sur les indications d’ECLS dans le traitement des arrêts cardiaques réfractaires, c’est-à-dire de plus de 30 minutes [16]. Les indications retenues d’emblée étaient les arrêts cardiocirculatoires par intoxication, ceux en hypothermie (I 32° C) et les patients donnant des signes de vie pendant la ressuscitation. De plus, la durée du no-flow devait être inférieure à 5 minutes et, avant la mise en place de l’ECLS, le CO de fin 2 d’expiration (EtCO ) mesuré par capnomètrie sur le circuit respiratoire devait être I 2 10 mmHg et la durée de ressuscitation cardiopulmonaire I 100 minutes. Cette ressuscitation était le plus souvent prise en charge par une équipe Smur en utilisant une planche à masser mécanique. Ainsi, une expérience a pu être menée à Lyon [9] et à Paris [15] (tableau II). Le taux de survie était respectivement de 6,8 et de 3,9 %.

Les patients lyonnais ont été pris en charge par une équipe médico-chirurgicale formée à la chirurgie cardiaque et selon les recommandations du groupe d’experts [16]. La durée moyenne d’ECLS a été de 24h (0,5 à 198 heures) en utilisant une hypothermie modérée ; les complications ont été essentiellement hémorragiques (huit cas dont un nécessitant une reprise opératoire). Les trois survivants étaient :

 

Tableau I. — Arrêts cardiaques intrahospitaliers Publications

Année

Origine

Remarques n

LF moyen Survie Survie (min) (n) (%)

Chen et Coll [4] 2003 Taiwan 57 47 18 31,6 Massetti et Coll [7] 2005 France 40*

105 8 20 Chen et Coll [5] 2006 Taiwan IDM 30 46 10 33,3 Chen et Coll [3] 2008 Taiwan 135 55 46 34,1 Huang et Coll [6] 2008 Taiwan pédiatrie 27 50 11 41 Vanzetto et Coll [8] 2009 France 38 49 4 10,5 Thiagarajan et Coll [10] 2009 USA 295 NR 79 27 Long-Him-Nam [9] 2010 France 17 45 3 17,6 Shin et Coll [11] 2011 Corée du Sud 85 42 29 34,1 Totaux 724 54 208 28,7 * Inclusion de 5 patients ayant présenté un arrêt cardiaque extrahospitalier.

IDM : infarctus du myocarde ; LF : low flow (ressuscitation cardiorespiratoire ) ; NR : non rapporté

Tableau II. — Arrêts cardiaques extrahospitaliers Publications

Année

Origine n

LF moyen

Survie Survie (min) (n) (%)

Combes et Coll [14] 2008 France 15 60 1 1,7 LONG-HIM-NAM [9] 2010 France 44 114 3 6,8 Le Guen et Coll [15] 2011 France 51 120 2 3,9 Totaux 110 98 6 4,4 — un patient de 16 ans qui a présenté une cardiomyopathie dilatée et qui, après l’arrêt cardiocirculatoire et la mise sous ECLS, a pu bénéficier d’une assistance ventriculaire de longue durée à partir du troisième jour et d’une transplantation cardiaque au troisième mois, — un patient de 18 ans qui présentait une myocardite se manifestant par un arrêt cardiocirculatoire, — un patient de 39 ans qui présentait un syndrome coronarien aigu.

Dans cette série, la survie a été de 6,8 % en cas d’arrêt cardiocirculatoire contre 32 % pour l’ensemble des patients ayant bénéficié d’ECLS ou d’ECMO durant cette période.

Dans l’expérience parisienne [15], 51 patients consécutifs ont été inclus, d’un âge moyen de 42 ans. Les auteurs ont observé une corrélation entre la lactatémie prélevée lors de la mise en place de l’ECLS à l’Hôpital et le délai entre l’arrêt cardiocirculatoire et le début de l’ECLS. Les décès ont été la conséquence de défaillances multiviscérales, de mort encéphalique et de choc hémorragique réfrac- taire, la plupart des patients étant décédés dans les 48 heures. Seulement deux patients étaient vivants 28 jours après l’arrêt cardiocirculatoire avec un score neurologique satisfaisant. Ces derniers ont eu un délai entre l’arrêt cardiocirculatoire et le début de la ressuscitation cardiopulmonaire ( no flow ) de 0 et 1 minute seulement. La concentration de CO en fin d’expiration à l’arrivée à l’Hôpital était 2 supérieure à 12 mmHg dans les deux cas. Par contre, la réanimation cardiopulmonaire ( low flow ) a duré entre 130 et 170 minutes.

 

DISCUSSION

Les arrêts cardiaques intra-hospitaliers qui ont eu lieu devant témoin et ont été pris en charge rapidement par une ressuscitation cardiopulmonaire efficace puis par une technique d’ECLS ont eu une survie satisfaisante (28,73 %). Parmi la conjonction de facteurs favorables, il faut souligner la mobilisation rapide d’une équipe médicochirurgicale capable de mettre en place très rapidement les canules artérielles et veineuses par voie fémorale. À l’inverse, les patients présentant un arrêt cardiocirculatoire extra-hospitalier bénéficient peu souvent de la présence d’un témoin pouvant mettre en œuvre immédiatement une ressuscitation cardiopulmonaire efficace. De plus, le délai des secours et le transport vers un centre hospitalier pouvant initier une technique d’ECLS sont longs. Or, il est admis qu’un massage cardiaque externe ou low-flow correctement effectué ne génère qu’environ 25 % du débit sanguin cérébral physiologique. Ceci devrait faire réfléchir aux moyens de diminuer la durée de low flow (mise en place d’ECLS sur place, maintien d’un circuit d’ECLS disponible et purgé en permanence dans certains centres…). L’ECLS permet a priori de rétablir un débit sanguin proche de la normale.

Ces résultats ne sont pas extrapolables aux patients présentant un retour à une activité cardiaque spontanée, un arrêt cardiaque récidivant [17], une hypothermie ou une intoxication par médicament cardiotrope [18], situations dans lesquels le pronostic pourrait être plus favorable. Il en est de même chez l’enfant dont l’arrêt circulatoire est plus rarement d’origine cardiaque, expliquant une meilleure récupé- ration fonctionnelle [6].

À l’évidence, la pratique des gestes de ressuscitation devrait être mieux enseignée, y compris aux personnels de santé conformément à l’ Arrêté instituant l’Attestation de Formation aux Gestes et Soins d’Urgence [19]. Les résultats satisfaisants de l’ECLS dans l’arrêt cardiocirculatoire intra-hospitalier incitent à développer cette technique ainsi que ses conditions d’utilisation (acquisition du matériel dans les établissements, préparation et entraînement des équipes médico-chirurgicales). Les problèmes de formation initiale et continue des médecins et des paramédicaux qui prennent en charge les patients en ECLS sont encore peu abordés dans la littérature mais représentent le principal défi si ces techniques doivent se développer [20].

Enfin, un patient sous ECLS hospitalisé en réanimation demande des soins importants nécessitant un infirmier par patient. Le ratio minimal infirmier/patient actuellement de 2,5 [21] devrait être revu pour permettre une prise en charge optimale de ces patients [22]. Une réflexion éthique est actuellement en cours à la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation et à l’Agence de Biomédecine. En effet, la prise en charge de l’arrêt cardiaque extra-hospitalier doit être intégré dans l’organisation du prélèvement d’organe à cœur arrêté pratiquée dans quelques centres en France afin de ne pas pénaliser leur activité de transplantation rénale.

CONCLUSION

L’utilisation des assistances cardiorespiratoires percutanées s’est développée durant les dernières années afin de prendre en charge les détresses circulatoires et respiratoires aiguës. L’utilisation de l’ECLS dans l’arrêt cardiaque intervient comme un maillon dans la chaîne des soins, après la reconnaissance et la prise en charge par des manœuvres de ressuscitation cardiopulmonaire efficaces. Ceci explique probablement les mauvais résultats actuels dans l’arrêt cardiaque extra-hospitalier, alors que cette chaîne des soins peut être moins difficile à organiser en milieu hospitalier. De fait, les résultats de la prise en charge de l’arrêt cardiaque intra-hospitalier apparaissent satisfaisants et des améliorations ultérieures permettront d’optimiser ces techniques.

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[19] Arrêté du 3 mars 2006. Attestation de Formation aux Gestes et Soins d’Urgence.

[20] Charrière J.M., Darrieutort H., De Riberolles C., Alexandre F., Lehot J.J., Longrois D.

— Survey on the training and organisation of cardiopulmonary bypass for cardiac surgery in France. Ann. Fr. Anesth. Reanim ., 2010, 29 , 361-367.

[21] Décret no 2002-465 et 466 du 5 avril 2002 relatif aux établissements de santé publics et privés pratiquant la réanimation et modifiant le code de la santé.

[22] Lehot J.J. — Ratio IDE/patient en réanimation. Ann. Fr. Anesth. Réanim ., 2009, 28 , 1033.

 

DISCUSSION

M. Roger NORDMANN

Il paraît évident qu’en présence d’un arrêt cardiaque, il est essentiel et urgent d’assurer une réoxygénation du parent. Cependant de nombreux travaux expérimentaux et cliniques ont montré qu’une réoxygénation massive et brutale d’un tissu ischémié est suivi d’un stress oxydant avec les effets délétères que l’on connaît sur l’intégrité du tissu considéré. Compte tenu de ce danger putatif d’une réoxygénation brutale, pouvez-vous nos préciser si la réoxygénation qui est pratiquée sur vos patients comporte d’emblée une concentration maximale d’oxygène ou, au contraire, des paliers progressifs, ceci afin de réduire les risques de stress oxydant ?

La reperfusion est souvent plus délétère que l’ischémie qui l’a précédée. La toxicité de l’oxygène est sans doute un danger réel après retour d’une activité circulatoire quand on utilise de hautes pressions partielles. L’hyperoxie devrait être évitée et une saturation en oxygène de 94 à 98 % semble appropriée.

M. Daniel LOISANCE

Est-il utile de poursuivre les efforts par l’utilisation de l’ECLS dans les AC extra-hospitaliers, quand ont connaît l’importance de la mobilisation des moyens financiers et humains nécessaires tant sur le site de l’AC que dans l’unité de soins intensifs où est rapatrié le patient ? Quels sont les critères d’arrêt de l’ECLS, devant la dégradation clinique ?

Cette technique est coûteuse surtout si l’on considère les sommes impliquées dans les services de réanimation pour des soins engagés pendant une certaine durée. Certaines indications doivent être privilégiées : — les arrêts circulatoires lors d’hypothermie sévère, — les insuffisances circulatoires aiguës et les arrêts circulatoires liés à l’ingestion de cardiotropes (médicaments stabilisants de membrane, calcium-bloquants, bêtabloquants, …), — les arrêts circulatoires dont on est sûr de l’absence ou de la très courte durée du no flow ainsi que de la qualité et de la continuité du massage cardiaque externe.

Il semble que si les dernières recommandations étaient suivies. Cent mille vies supplé- mentaires pourraient être sauvées chaque année en Europe. Quant aux critères d’arrêt de l’ECLS, devant la dégradation clinique, deux cas de figure peuvent se présenter : — l’impossibilité d’obtenir un débit de perfusion suffisant liée en général à un syndrome de fuite capillaire témoignant de lésions endothéliales trop importantes ; dans ce cas, on se rend compte rapidement que le décès est inévitable, — dans d’autres cas, l’ECLS est efficace mais les critères habituels de la mort cérébrale surviennent avec les signes cliniques classiques et les signes électroencéphalographiques ou tomodensitométriques avec injection de produit de contraste.

M. Yves LOGEAIS

Dans les situations où échoue la réanimation pour ressusciter le patient, quelle est votre attitude vis-à-vis d’un éventuel prélèvement d’organes pour transplantation ?

Les tentatives de réanimation des arrêts cardiaques ne doivent pas aboutir à une diminution des prélèvements. De fait, nous avons proposé à Lyon une procédure de prélèvement à cœur arrêté. Concrètement, lorsque le début du massage cardiaque est efficace mais survient entre 5 et 30 minutes après l’arrêt cardiaque, que les patients ont entre 18 et 55 ans et que l’on n’obtient pas de retour à l’activité cardiaque spontanée après 30 minutes, que le patient ne présente pas de diabète, d’hypertension artérielle sévère, de néoplasme ou de maladie infectieuse évolutive, les manœuvres de ressuscitation sont poursuivies. Une ECLS régionale est mise en place par canulation périphérique dans un établissement hospitalier où les prélèvements d’organes ont lieu. Ceci est réalisé à l’Hôpital Édouard Herriot.

M. Jean-Luc de GENNES

Pourriez-vous nous repréciser en réanimation cardiaque extra-hospitalière quel est le nombre de massages cardiaques nécessaires par minute ainsi que le nombre d’insufflations pulmonaires par minute ? D’autre part, quelle doit être la position de la tête ?

La survenue brutale d’une perte de connaissance et l’absence de ventilation spontanée doivent faire mettre en œuvre la procédure de prise en charge de l’arrêt cardiaque. On ne doit plus rechercher la présence d’un pouls pour éviter une perte de temps qui retarderait les manœuvres de ressuscitation. Après avoir fait donner l’alerte, il faut pratiquer une compression sternale à une fréquence de 100 à 120/minute et appliquer une dépression de 5 à 6 cm chez l’adulte. Tout arrêt de ce massage cardiaque doit être évité. Deux manœuvres d’insufflation doivent être appliquées après trente compressions (méthode 30 : 2). Les manœuvres de ressuscitation comportant seulement un massage ne sont acceptables que si la personne témoin ne peut pas ou ne veut pas appliquer la ventilation par bouche à bouche ou bouche à nez. Par ailleurs, chez l’enfant, chez qui les causes d’arrêt cardiaque sont plus souvent d’origine respiratoire et chez les asphyxiés, par exemple les noyés, le recours aux insufflations doit être concomitant du massage cardiaque dès lors que l’on s’est assuré de la perméabilité des voies aériennes supérieures. La personne doit être allongée sur un plan dur, la tête dans l’axe du corps et la mandibule luxée vers le haut pour favoriser l’ouverture des voies aériennes supérieures.

M. Jean-Roger LE GALL

Avez-vous une expérience personnelle du traitement des arrêts cardiaques chez les patients en hypothermie profonde ?

Notre maître Jean Motin nous a toujours mis en garde contre le danger de confondre un patient présentant une hypothermie profonde et un patient décédé. Dans le premier cas, il existe une bradycardie extrême avec souvent présence d’une onde J. d’Osborn. La température centrale est inférieure à 30° C. Ces patients ont souvent été retrouvés à l’extérieur en hiver après avoir absorbé des dépresseurs du système nerveux central. Il existe bien entendu un risque de fibrillation ventriculaire lors du réchauffement ainsi qu’un risque de collapsus si l’on pratique un réchauffement externe. La mise en place d’une ECLS avec canulation périphérique permet de réchauffer progressivement le patient sans risque si la fibrillation survient. Le réveil s’observe après réchauffement.

M. Claude GIUDICELLI

Étant donné l’arrêt cardiaque, comment pouvez-vous obtenir un débit sanguin dans la canule artérielle de l’ECLS ?

Lors de l’ECLS, la canule veineuse introduite jusque dans l’oreillette droite par la veine fémorale permet de prélever le sang grâce à une pompe centrifuge. Le sang passe ensuite dans l’oxygénateur où le gaz carbonique est également extrait puis le sang arrive dans la canule artérielle introduite par voie fémorale, va dans l’aorte par voie rétrograde, vascularisant ainsi en dernier l’extrémité céphalique et les artères coronaires. Le débit sanguin, l’oxygénation du sang ainsi que sa température sont réglables sur la console de l’appareil.

 

<p>* Anesthésie Réanimation, Hospices civil, de Lyon, Groupement Hospitalier Est — 69677 Bron cedex, e-mail : jean-jacques.lehot@chu-lyon.fr ** Université Claude Bernard Lyon I Tirés à part : Professeur Jean-Jacques Lehot, même adresse Article reçu le 11 avril 2011, accepté le 16 mai 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 9, 2025-2036, séance du 13 décembre 2011