Résumé
La chirurgie de l’épilepsie temporale s’est considérablement développée durant les vingt dernières années : la raison en est d’abord liée à sa relative fréquence parmi les épilepsies partielles et à sa résistance souvent observée au traitement médical ; mais c’est la possibilité de reconnaître par l’examen IRM dans un grand nombre de cas la lésion à l’origine des crises (sclérose de l’hippocampe généralement) qui a justifié une attitude plus radicale dans les épilepsies rebelles au traitement médical ; par ailleurs, les investigations para-cliniques (EEG-Video, SPECT, et éventuellement enregistrements par électrodes profondes) permettent actuellement de localiser de façon précise le foyer à l’origine des crises. Les techniques chirurgicales se sont également modifiées : parallèlement à la lobectomie temporale classique sont apparues des interventions visant à diminuer dans les épilepsies d’origine médio basale — les plus fréquentes — l’importance de la résection du cortex latéral. Les résultats sont dans l’ensemble très satisfaisants, puisque près de trois-quarts des patients peuvent être considérés comme guéris ou très améliorés ; la durée du recul post opératoire ne semble pas modifier la qualité des résultats, tels qu’ils sont observés à la fin de la deuxième année. Les travaux de Marey en cardiologie sont exemplaires de la position de leur auteur en tête de la physiologie européenne en matière de mouvement. Marey n’a pratiquement jamais cessé, depuis ses premiers travaux publiés, puis sa thèse soutenue en 1859, jusqu’à son ouvrage « Le mouvement » en 1894, de s’intéresser au système cardiovasculaire. Il est un pionnier dans l’enregistrement du pouls, dans la simulation mécanique des propriétés du cœur et des vaisseaux, dans le cathétérisme cardiaque, et dans la construction de cœurs artificiels et de systèmes circulatoires artificiels. La physique biologique lui permet d’éclairer la physiologie et la pathologie.
Summary
Surgery for temporal lobe epilepsy has made significant progress during the past twenty years : in addition to traditional factors (frequency of partial seizures and relative resistance to medical treatment), the possibilities offered by MRI in a large number of cases to detect the responsible lesion (hippocampal sclerosis in the majority of cases) has led to an increase in the use of surgical methods. Furthermore, other examinations (EEG-video, SPECT, Depth-electrode recording) now permit precise localization of the epileptic focus. Surgical techniques have likewise been considerably modified : in parallel to classical temporal lobectomy, new surgical methods offer more restricted resection of the lateral cortex. The results are, on the whole, quite satisfactory, as three-quarters of patients can be considered cured or greatly improved. The length of post-operative follow-up does not seem to influence the quality of the results, as observed by the end of the second year. Marey’s works in cardiology are good examples of the author’s position ahead of European physiology for the studies of movement. Since his first published works, and his thesis defended in 1859, until his book Le mouvement, in 1894, Marey never ceased to deal with the cardiovascular system. He is a pioneer in the recording of the pulse, in the mechanical simulation of heart and vessels properties, in the heart catheter, and in the building of artificial hearts and blood circulation systems. Biological physics allowed him to understand physiology and pathology.
INTRODUCTION
Si l’épilepsie est une affection fréquente avec une incidence cumulative durant la vie de 2 à 3 %, elle relève d’abord d’un traitement médical dont l’efficacité est souvent remarquable. Dans le cadre de l’épilepsie partielle (40 % des cas) et de l’épilepsie secondaire (20 %), plus de la moitié des patients seront guéris médicalement. Tous les échecs ne relèvent pas d’un traitement chirurgical : on peut considérer qu’environ 15 % de ceux-ci pourraient bénéficier d’un intervention [1]. Les épilepsies du lobe temporal (ELT), du fait de leur fréquence (deux tiers des épilepsies partielles) et de leur caractère volontiers pharmaco résistant, constituent plus de 60 % des indications chirurgicales (en effet 20 % seulement des patients obtiennent un contrôle de leurs crises après un an) [2]. La particularité de certaines formes d’ELT avait été soulignée dès 1825 par Bouchet et Cazauvieilh qui avaient décrit des anomalies macroscopiques de l’hippocampe, circonvolution interne du lobe temporal chez certains patients présentant une aliénation mentale [3]. Il fallut cependant attendre le milieu du 20e siècle pour qu’apparaissent des indications raisonnées de la chirurgie de résection au niveau du lobe temporal grâce aux travaux fondamentaux de Penfield et Jasper à l’Institut Neurologique de Montréal ; grâce à l’utilisation de l’électrocorticographie per-opératoire, ils ont pu décelé l’existence et la localisation des décharges épileptiques inter critiques [4]. La possibilité de réaliser des enregistrements de longue durée avec visualisation simultanée des crises (EEG-video), l’utilisation d’électrodes —profondes intra-cérébrales mises en place par stéréotaxie (Bancaud et Talairach) [5] ont largement contribué à la compréhension du mécanismes de l’ELT et au rôle fondamental des formations temporales internes, amygdalo-hippocampiques. Plus récemment, les progrès considérables de l’imagerie cérébrale, qu’elle soit morphologique (IRM) ou fonctionnelle (tomographie par émission de positrons (PET) ou tomographie computérisée par émission monophotonique (SPECT) ont permis non seulement de découvrir des lésions de petite taille non visibles jusque là, mais aussi de mettre en évidence des anomalies structurelles observables auparavant seulement lors de l’examen neuropathologique des pièces opératoires.
SELECTION DES PATIENTS
La première condition est d’être en présence d’une épilepsie incontrôlable malgré un traitement médical adéquat ; ce point peut être diversement apprécié, et ne peut se baser uniquement sur la fréquence des crises : le retentissement sur la qualité de vie socio-professionnelle est au moins aussi important : ainsi des crises prolongées avec troubles de la vigilance, voire chutes, seront beaucoup moins bien supportées que des crises partielles passant inaperçues de l’entourage et seulement ressenties par le patient. L’échec du traitement médical ne saurait être envisagé avant une durée minimale d’un an, traitement comportant au minimum deux médications majeures ; la possibilité de contrôler les crises en utilisant de nouvelles molécules après l’échec d’un premier traitement reste faible. Ainsi dans l’étude récente de Kwan et Brodec, 14 % des patients seulement guérissaient avec un traitement différent du traitement initial et 3 % en combinant les deux. Les réponses n’ont pas été augmentées par l’utilisation d’anti épileptiques de 2e et 3e génération [6]. Par ailleurs certaines études ont souligné le rôle défavorable de la répétition des crises avec augmentation de la morbidité chez les patients ; inversement leur disparition à un âge relativement jeune diminue les troubles cognitifs et du comportement, facilitant ainsi l’intégration sociale [7]. Ces éléments sont donc en faveur d’une intervention relativement précoce.
ÉVALUATION PRE CHIRURGICALE
Clinique
L’analyse soigneuse des crises sur le plan clinique a déjà une grande valeur d’orientation. On retrouve ainsi l’existence de convulsions fébriles dans la petite enfance (dans près de deux tiers des cas), suivie d’une période quiescente de plusieurs années (9 en moyenne) avant l’apparition des crises habituelles. Celles-ci sont caractérisées par l’existence d’une aura (94 % dans notre série, le plus souvent sous forme d’une sensation épigastrique(60 %) à laquelle peut s’associer une sensation de peur (32 %), des états de rêve (23 %) ou des hallucinations gustatives [8].
Sur le plan objectif, les automatismes oraux alimentaires (mouvement de mâchonnement et/ou de déglutition) sont fréquents ; une dystonie touchant le plus souvent le membre supérieur controlatéral a été retrouvée dans 60 % des cas. Ainsi sont regroupés les éléments d’une crise partielle très évocatrice, mais il faut noter que 20 % de crises de ce type peuvent être d’origine extra temporale. C’est dire que seules les investigations complémentaires pourront reconnaître l’origine précise.
Explorations non invasives
EEG
Historiquement l’EEG du scalp a constitué le premier moyen utilisé pour reconnaî- tre un foyer épileptique et pour le localiser à la région temporale ; cependant il a vu rapidement apparaître ses limites liées à la difficulté d’exploration de la face médiane et inféro-médiane de l’hémisphère, à la projection bilatérale des anomalies malgré un point de départ unilatéral. La possibilité d’enregistrements EEG-vidéo de longue durée comparant les caractères cliniques de la crise aux anomalies electroencéphalographiques a permis une bien meilleure appréciation de l’activité intercritique et ictale. À côté des classiques électrodes de surface, d’autres de localisation particulière ont été proposées pour l’exploration des structures médianes, telles les électrodes sphénoïdales introduites par voie percutanée ou du foramen ovale en regard du ganglion de Gasser. Si elles accroissent certainement les possibilités de localisation, il n’en reste pas moins que dans 20 % des cas, celle-ci est insuffisante, faisant discuter des techniques plus invasives, en particulier si les données de l’IRM ne sont pas concordantes.
IRM
L’imagerie neuroradiologique moderne a entraîné une véritable révolution dans l’évaluation de l’ELT. Si le scanner avait déjà permis un progrès sensible, il est aujourd’hui complètement supplanté par l’IRM. Dans notre série, 98 % des cas ont permis de détecter des anomalies : celles-ci sont de deux ordres [9].
— Une lésion macroscopique peut être en cause (18 %) ; il s’agit le plus souvent soit d’une lésion tumorale (astrocytome de bas grade) soit d’une malformation vasculaire de type cavernome. L’existence d’une anomalie de développement a été retrouvée dans 7 % des cas.
— Plus spécifique à l’épilepsie temporale est la découverte d’une sclérose hippocampique ou sclérose temporale médiane : observée chez 65 % de nos patients, elle se traduit par un hypersignal visible en T2 (Fig. 1) ou par un diminution de la taille de l’hippocampe (Fig. 2) ; cette anomalie de volume est souvent évidente, mais demande parfois à être mesurée de façon précise [10]. De plus, les images ne sont pas toujours aussi caractéristiques et peuvent même être absentes (environ 10 % des cas) [11].
Il faut enfin retenir la possibilité de discordance entre les anomalies morphologiques visibles à l’IRM et le point de départ de certaines crises parfois plus localisé que l’anomalie radiologique ou au contraire plus étendu [12].
FIG. 1. — Sclérose hippocampique gauche (IRM séquence pondérée en T2) Noter l’hypersignal (↑).
FI G. 2. — Atrophie hippocampique gauche ( » ) (IRM séquence pondérée en T1).
Imagerie fonctionnelle
La tomographie par émission de positrons (PET), utilisant le plus souvent comme traceur le 18F2 désoxyglucose, révèle en période inter critique un hypométabolisme dans 96 % des cas ; celui-ci est en général plus étendu que le foyer des anomalies EEG ; il est, par contre, toujours homolatéral à l’atrophie hippocampique ; il constitue, lorsqu’il est pratiqué, un élément supplémentaire de l’exploration non invasive, en particulier lorsque persiste un doute sur la latéralité du point de départ des crises [13].
La tomographie par émission monophotonique (SPECT) utilise des produits marqués au technétium ; effectué immédiatement après une crise, elle confirme la localisation temporale et a la même valeur topographique que le PET ; sa limitation tient au fait que l’injection du produit marqué doit se faire pendant la crise et l’enregistrement dans les heures suivantes.
Explorations invasives
Enregistrement par électrodes profondes
Pratiqué largement au début de la chirurgie, il n’est réalisé aujourd’hui qu’en cas d’insuffisance des examens non invasifs ou de discordance entre eux (clinique atypique, anomalies EEG bitemporales ou diffuses, absence de sclérose hippocampique) ; ceci a été retrouvé dans 21 % des cas de notre série.
Ils sont effectués à l’aide de deux types d’électrodes :
— intracérébrales, implantées par voie stéréotaxique, elles comportent de multiples contacts permettant non seulement l’étude du foyer suspect mais aussi des zones adjacentes du parenchyme cérébral ; elles sont particulièrement utiles pour l’exploration de la région temporale médiane, à l’origine d’environ 80 % des crises temporales (Fig. 3).
— sous durales, elles sont constituées de bande souple en plastique rendant possible une bonne exploration du cortex latéral et inférieur, mais non de la région hippocampique.
Quelle que soit leur nature, elles seront utilisées sur une période prolongée (plusieurs jours voire 2 à 3 semaines). Le risque de complications lié à l’implantation reste faible (moins de 1 % d’infections dans uns série de 175 patients revus par Wyler [14].
Par contre, elles permettent d’affirmer l’origine précise des crises dans 95 % des cas [15] ; il est ainsi possible de reconnaître chez certains patients l’existence de plusieurs foyers soit bilatéraux, soit extra temporaux (5 cas dans notre série) excluant ainsi un traitement chirurgical.
FIG. 3. — Scanner de contrôle après implantation d’électrodes profondes (électrodes intra cérébrales type Spencer-Williamson.
Test à l’amytal-évaluation neuropsychologique
Décrit à l’origine pour l’étude de la dominance cérébrale du langage, il est également utilisé pour évaluer les capacités mnésiques, en particulier celle de l’hémisphère controlatéral à la résection chirurgicale envisagée.
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Principe
Si le principe en est simple, consistant en l’exérèse du foyer épileptique, la délimitation précise de celui-ci est loin de faire l’unanimité.
Ainsi, en cas d’épilepsie lésionnelle, l’étendue de la résection reste discutée : si l’ablation de la totalité de la lésion est toujours indispensable, l’extension à la zone périlésionnelle cicatricielle (souvent le siège d’une gliose réactionnelle) parait préfé- rable, chaque fois, qu’elle est techniquement possible.
Dans le cadre de l’épilepsie non lésionnelle, la sclérose temporo-médiane est la pathologie le plus souvent en cause. Si pendant de nombreuses années une incertitude a existé sur la possible participation du cortex latéral, les constations anatomiques au niveau des pièces opératoires [16], les résultats des enregistrements par électrodes profondes englobant la région amygdalohippocampique [15], et les meilleurs résultats obtenus lorsque la résection englobent les structures médianes [17], ont confirmé le rôle fondamental de la partie médio basale du lobe.
Les différentes techniques
Amygdalo-hippocampectomie sélective
L’abord de la région temporo-médiane se fait par la vallée sylvienne et le sillon insulaire inférieur, sans résection du cortex temporal externe. Si sur le plan théorique, elle parait séduisante, elle est difficile techniquement du fait de la nécessité de la dissection des branches artérielles insulaires de l’artère sylvienne et de la moins bonne visualisation de la partie postérieure de l’hippocampe.
Lobectomie temporale
Elle est la voie la plus classique et la plus couramment utilisée, permettant l’ablation des structures médianes après résection plus ou moins étendue du cortex temporal externe : différentes méthodes ont été proposées pour définir l’importance de la résection :
FIG. 4. — IRM de contrôle post opératoire après lobectomie temporale classique.
A : Coupe horizontale B : Coupe sagittale Noter la résection limitée au pole temporal du cortex latéral externe (|>).
— soit en per-opératoire avec enregistrement permettant l’éventuelle découverte d’un foyer de pointes ondes, foyer qui sera inclus dans la zone de lobectomie ; en son absence, seule une région limitée du pôle temporal sera réséquée. La localisation opératoire de la zone du langage ne peut être réalisée que sur le patient éveillé.
— soit de façon ‘standard’, la technique de l’électrocorticographie per-opératoire n’étant pas le plus souvent utilisée actuellement ; une résection limitée à 3,5 cm du côté dominant et à 5 cm sur l’hémisphère mineur est généralement adoptée (Fig. 4).
Quelle que soit la technique de résection (amygdalo-hippocampectomie ou lobectomie réglée) il n’existe pas de différences significatives au niveau des résultats : ceci est confirmé par l’étude récente d’Arruda et coll . [18] qui ont observé 83 % de très bons résultats après amygdalo-hippo-campectomie et 88 % lors des lobectomies réglées. Par contre, la limite postérieure de la résection au niveau de l’hippocampe doit être discutée : la découverte dans 15 à 20 % des cas d’un foyer anormal au niveau de sa partie postérieure suggère alors une résection plus étendue à ce niveau qu’habituellement [19].
Complications neurologiques
La plus fréquent est un trouble du champ visuel, rarement sous la forme d’une hémianopsie (3,5 %) dans notre série mais le plus souvent d’une quadranopsie supérieure homolatérale en général bien tolérée. Le risque en est d’autant plus grand
que la résection est plus postérieure, mais il n’existe pas de relation absolue, du fait de la variabilité de situation des radiations optiques au niveau de la boucle de Meyer.
La possibilité d’un déficit moteur controlatéral est exceptionnelle (0,5 %) et semble liée à une ischémie au niveau des branches de l’artère choroïdienne antérieure (en particulier pédicule thalamo-perforé).
Complications neuropsycho/logique
Les troubles mnésiques verraient théoriquement leur fréquence s’accroître avec une résection plus large de la région hippocampique. En fait ceci n’est pas démontré par les études récentes, quelle que soit la technique de ré section utilisée ; ceci est noté aussi bien pour la mémoire verbale (dans les épilepsies temporales gauches) que pour la mémoire visuo-spatiale (dans les épilepsies droites). Des perturbations globales ne s’observent qu’en cas de lésions bilatérales, ou lors d’une résection temporale, alors que le côté controlatéral est lui-même atteint.
Des symptômes psychotiques ont pu être décrits dans les suites tardives des lobectomies temporales : certains ne sont que la décompensation d’affections déjà existantes et passées inaperçues ; si certaines sont des manifestations post-critiques, elles peuvent disparaître après traitement chirurgical ; si par contre, elles sont indépendantes, elles peuvent être aggravées malgré le contrôle des crises.
RÉSULTATS CHIRURGICAUX
C’est d’abord sur l’importance de la réduction des crises que sont évalués les résultats. Afin de pouvoir les comparer d’une série à l’autre, la plupart des publications font référence aux critères définis par Engel en 1993 [20], classant les résultats en 4 groupes (Tableau 1) TABLEAU 1. — Classification des résultats Classe I Excellent résultats IA Guérison subdivisé en :
IB Persistance d’auras IC-D Quelques crises puis guérison après 2 ans ou à l’arrêt intempestive du traitement Classe II Très bons résultats Très rares crises ou crises nocturnes Classe IIIA Bons résultats Réduction importante du nombre de crises (plus de 90 % et < 1 crise/ mois) Classe IVa Échec
TABLEAU 2. — Résultats post chirurgicaux dans 3 séries récentes Classe I Classe II Classe III Classe IV Zentner 1995 [21] 71 15 14 Arruda 1996 [18] 72 10 14 4 Spencer 1996 [22] 85 13 2 En se basant sur cette définition, nous avons observé dans notre série 80 % de résultats en Classe I (dont 54 % 1A, 11 % 1B, 15 % 1CD) en Classe II 11 % et 9 % en Classe IIIA). Ces résultats sont comparables a ceux de la plupart des séries récentes (Tableau 2).
Une étude récente randomisée [23] a comparé les résultats de traitement chirurgical à ceux obtenus par la poursuite du traitement médical : 58 % des patients opérés ne présentaient plus de crises à un an comparés seulement à 8 % avec le traitement médical.
Une question fondamentale est celle de la prolongation de l’efficacité du traitement chirurgical. Cinq ans après l’intervention, 70 % ne présentent plus de crise, 9 % ont moins de trois crises par an, 11 % observent une réduction de crises supérieure à 80 % dans le série de Sperling et al [24]. Dans une autre étude, avec une recul post-opératoire minimal de 8,5 ans, le contrôle des crises est de 65 % Classe I, 15 % Classe II, 11 % Classe III et 9 % Classe IV [25].
Le bilan à deux ans semble un bon facteur de pronostic pour le plus long terme :
ainsi lorsque les patients ne présentent plus de crise à la fin de la deuxième année, 94 % entre eux resteront guéris à 5 ans, 87 % à 7 ans et 84 % à 10 ans [26].
Un deuxième critère d’appréciation est lié à la qualité de vie après l’intervention.
Elle a été déterminée de façon spécifique chez les épileptiques par Devinski [27].
Dans une étude récente multicentrique [28], il existe une amélioration très importante dans les trois mois suivant l’intervention portant à la fois sur la qualité de la vie et sur la diminution de l’anxiété et de l’état dépressif, qu’ils persistent ou non des crises. Les conditions psychologiques ont continué à s’améliorer chez les patients ne présentant plus de crises alors que à l’inverse elles se sont aggravées chez les patients avec des crises. Cette différence a continué d’accentuer jusque la fin de la deuxième année, recul maximum de l’étude. Il est intéressant à noter que dans l’étude randomisée de Wiebe [23] comparant traitement médical et chirurgical, la qualité de vie envisagée de façon globale est significativement supérieure dans le groupe traité chirurgicalement (73.8/100 comparée à 64.3/100 dans le groupe médical. Par contre, la différence est moins significative si on compare la fréquentation scolaire ou la reprise d’une activité professionnelle, envisagées isolement.
La persistance de crises après l’intervention peut être liée à plusieurs facteurs ;
résection incomplète du foyer, posant le double problème de la valeur des différentes méthodes utilisées pour la localisation préopératoire et celui de la technique chirurgicale. En cas de résection manifestement incomplète, un indication éventuelle de ré- intervention a entraîné une disparition des crises chez environ la moitié des patients dans le série de Awad et al [29]. Mais d’autres étiologies peuvent être également envisagées tel un foyer bilatéral ou extra temporal ; cette pathologie double justifie l’importance du bilan préopératoire et la nécessité de concordance des différents examens. La découverte à l’IRM d’une atrophie hippocampique unilatérale reste une signe fondamental : ainsi dans l’étude de Arruda et coll . [17], le taux de guérison varie de 85 % en cas de atrophie unilatérale à 47 % si celle-ci est bilatérale et 50 % lorsque elle est absente. Inversement, dans ces deux derniers groupes (atrophie bilatérale ou absente) les mauvais résultats (Classes III et IV) sont observés dans 35 % et 50 % des cas respectivement.
CONCLUSIONS
On peut estimer qu’il existe aujourd’hui un ensemble de faits convergents justifiant le traitement chirurgical dans des cas précis : si 25 à 30 % des patients vont bénéficier d’un traitement médical, il apparaît de plus en plus que cette proportion n’est pas accrue par les nouveaux médicaments antiépileptiques. L’échec du traitement médical doit conduire à envisager la chirurgie en fonction de critères de sélection rigoureux ; les chances de guérison sont alors extrêmement importantes, avoisinant les 80 %. Certes les possibilités d’un retentissement sur les fonctions mnésiques, en particulier en cas de résection sur l’hémisphère dominant, doivent toujours être évaluées, mais également comparées aux inconvénients du traitement médical prolongé et de la persistance des crises sur le long terme.
Des questions persistent certainement pour l’avenir : une intervention plus précoce peut elle améliorer les résultats ? De nouvelles thérapeutiques antiépileptiques vont-elles modifier les indications ? Actuellement on peut conclure que la chirurgie offre une solution efficace, avec un risque raisonnable à l’épilepsie rebelle du lobe temporal.
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DISCUSSION
M. Georges SERRATRICE
Vous avez évoqué, dans votre arbre décisionnel, un bilan neuropsychologique préopératoire.
Quelles en sont les incidences sur l’indication chirurgicale ?
Le bilan neuropsychologique a une importance essentielle. La détermination de la dominance cérébrale pour le langage et les capacités mnésiques permettent d’évaluer les fonctions de l’hémisphère controlatéral : si celles-ci sont insuffisantes lors du test amytal, l’intervention peut être contre indiquée ou en tout cas se limiter à une résection moins étendue au niveau de la circonvolution hippocampique.
M. Pierre RONDOT
Comment peut-on déceler le foyer secondaire ?
Il existe fréquemment des anomalies électro encéphalographiques controlatérales au point de départ des crises. Elles surviennent théoriquement secondairement dans le temps. En cas de doute, un enregistrement par électrodes profondes permet en général de trancher. Il est intéressant de noter que, dans certains cas, le foyer en miroir peut disparaître après chirurgie.
M. René MORNEX
Quelle place donnez-vous dans votre arbre de décision à la tomographie par émission de positons et éventuellement dans un proche futur à la magnéto-encéphalographie ?
L’examen par tomographie par émission de positons n’est pas, du fait de sa relative complexité, un examen de routine, même si sa valeur localisatrice paraît supérieure à la tomographie monophotonique. Nous n’avons pas dans cette série d’expérience avec la
magnéto-encéphalographie. De toute façon, ces examens n’ont pas la précision topographique de l’enregistrement par électrodes profondes.
M. Jean-Jacques HAUW
Le mécanisme de la sclérose hippocampique a été fort discuté. Il est notamment difficile d’expliquer le caractère asymétrique de la réaction névrogliale secondaire à la dégénérescence neuronale, et son évolution très variable d’un cas à l’autre. Qu’en pensez-vous ?
Le mécanisme de la sclérose hippocampique reste obscur. Si l’on tient compte de la localisation électivement temporale, de l’association fréquente à des crises fébriles de l’enfance, il est logique de faire jouer un rôle à l’anoxie cérébrale. Le délai de plusieurs années avant l’apparition des crises semble correspondre à l’organisation de la gliose secondaire à la dégénérescence cérébrale.
M. Francis-Bernard MICHEL
Compte tenu de l’importance que vous démontrez, de la région limbique dans sa genèse, ne faudrait-il pas requalifier le terme « épilepsie temporale » ?
Etant donnée l’importance de la région hippocampique dans la genèse de la grande majorité des crises temporales, le terme le plus couramment utilisé est celui d’épilepsie médio-temporale.
M. Pierre LEFEBVRE
Chez les malades non améliorés ou aggravés par l’acte opératoire, avez-vous été tenté de réintervenir ?
Deux cas peuvent être opposés. Si le foyer épileptique a été parfaitement délimité et que la persistance des crises est liée à une résection insuffisante (en particulier au niveau de la partie postérieure de l’hippocampe), une extension de celle-ci peut être envisagée. Si au contraire, il persiste un doute sur l’origine précise des crises, ceci correspond à une première indication opératoire non satisfaisante, et une nouvelle chirurgie ne peut être raisonnablement proposée.
Étienne-Jules Marey : l’innovation médicale
Étienne-Jules Marey : medical innovation
Claude DEBRU *
Le 17 décembre 1912 Charles François-Franck prononçait devant l’Académie de Médecine l’éloge de Marey : « Marey (Etienne-Jules), né à Beaune (Côte d’Or) le 5 mars 1830, est mort à Paris le 15 mai 1904, après une carrière scientifique de * Collectif Histoire Philosophie Sciences, Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris Tirés à part : Professeur Claude DEBRU, même adresse.
Article reçu et accepté le 15 novembre 2004.
* Service de Neurochirurgie, Hôpital de la Salpetrière, Paris ** Clinique des Maladies du Système Nerveux, Hôpital de la Salpêtrière, 47-83 bld de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13 Tirés à part : Professeur Jacques PHILIPPON, adresse ci-dessus. Article reçu le 21 juin 2004, accepté le 4 octobre 2004.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 8, 1397-1411, séance du 16 novembre 2004