Communication scientifique
Séance du 16 novembre 2004

Risque de thrombose lié à la grossesse chez les femmes porteuses d’une mutation hétérozygote du facteur V Leiden, du facteur II ou de leur association

MOTS-CLÉS : grossesse. héparine bas poids moléculaire.. thrombophilie. thrombose veineuse
Pregnancy-associated venous thrombosis in women with hereditary heterozygous factor V Leiden and/or factor II gene mutations
KEY-WORDS : heparin, low-molecular-weight.. pregnancy. thrombophilia. veinous thrombosis

Michel Meyer Samama, Roberto A. Rached, Jacqueline Conard, MarieHélène Horellou, Ismail Elalamy

Résumé

Le risque d’évènements thromboemboliques chez la femme enceinte porteuse d’une thrombophilie héréditaire avec mutation hétérozygote du FV Leiden, du FII 20210A ou des deux, est mal documenté. Aussi, les protocoles prophylactiques sont-ils encore discutés. Une étude rétrospective a été conduite chez 208 femmes porteuses d’une thrombophilie héréditaire par mutation hétérozygote du FV ou du FII ou des deux. Le nombre total de grossesses menées à terme était de 406 dont 10 avec prophylaxie antithrombotique. La fréquence des évènements thrombotiques ante- et post-partum était significativement plus grande dans le groupe de femmes ayant les 2 altérations génétiques (17,8 %) que dans le groupe où seul le gène du FII était muté (6,2 %) p = 0.003. En revanche, il n’existait pas de différence significative entre le groupe FV+FII et le groupe FV seul (10 %). Le risque veineux lié à l’association de ces 2 variétés les plus communes de thrombophilie constitutionnelle est donc plutôt additif que multiplicatif. Néanmoins, la présence d’un antécédent thromboembolique avant la grossesse dans ce groupe FV+FII majorait considérablement le risque thromboembolique (50 %). La fréquence des accidents a été plus grande dans le post-partum que dans l’ante-partum. Il n’a pas été observé de différence significative sur la fréquence des pertes fœtales dans ces 3 groupes, mais cet événement n’était pas un critère de jugement primaire dans cette étude. Ces résultats, recueillis dans un seul centre, permettent de proposer une attitude pour la prophylaxie des accidents chez les 3 groupes de femmes. L’utilisation systématique d’une HBPM n’est pas indiquée pendant la grossesse chez les femmes asymptomatiques ayant une seule mutation. En revanche, elle est justifiée pendant toute la grossesse chez les femmes ayant les 2 mutations et des antécédents de thrombose. Chez celles qui n’ont pas d’antécédent, une prophylaxie pendant une partie ou toute la grossesse doit être considérée et décidée au cas par cas. Dans la période du post-partum, une attitude consensuelle recommande un traitement prophylactique systématique avec une HBPM pendant 6 semaines au moins, dans toutes les thrombophilies héréditaires : anomalies isolées et combinées.

Summary

The risk of venous thromboembolism (VTE) in pregnant women with heterozygous factor V Leiden and/or heterozygous factor II 20210A gene mutations is poorly documented, and the need for prophylaxis is therefore controversial. We retrospectively studied 208 women with hereditary thrombophilia (heterozygous FV Leiden and/or factor II gene mutations), who had a total of 406 full-term pregnancies, including 10 with thromboprophylaxis. The ante- and post-partum incidence of VTE was significantly higher in women with both mutations (17.8 %) than in women with FII gene mutation alone (6.2 %) p = 0.003. In contrast, there was no significant difference between women with FV+FII mutation and those with FV mutations alone (10 %). Thus, the two most common hereditary risk factors for thrombophilia seem to have an additive rather than a synergistic effect on the antepartum/post-partum risk of VTE. In contrast, a previous history of VTE before pregnancy in women with both the FV and the FII gene mutations was associated with a very high risk of VTE (50 %). The incidence of VTE was higher during the post-partum period than the ante-partum period. There was no significant difference in the incidence of fetal loss in the three groups, but this was not a primary endpoint. These results, obtained in a single center, have implications for VTE prophylaxis. Routine use of LMWH is not indicated during pregnancy in asymptomatic women with a single mutation. In contrast, it is justified throughout pregnancy in women with both mutations and a history of venous thrombosis. Regarding asymptomatic women with both mutations, the need for prophylaxis during part or all of the pregnancy should be weighed up on an individual basis. In the post-partum period, there is a consensus on the use of LMWH for 6 weeks in women with single or dual mutations associated with thrombophilia.

Risque de thrombose lié à la grossesse chez les femmes porteuses d’une mutation hétérozygote du facteur V Leiden, du facteur II ou de leur association.

Pregnancy-associated venous thrombosis in women with hereditary heterozygous factor V Leiden and/or factor II gene mutations.

Meyer-Michel SAMAMA *, Roberto A.RACHED, Jacqueline CONARD, Marie-Hélène HORELLOU, Ismail ELALAMY

INTRODUCTION

Le risque d’événements thromboemboliques veineux symptomatiques chez la femme enceinte est de l’ordre de 1 accident pour 1.000 grossesses environ, les thromboses veineuses profondes étant, au moins, 2 fois plus fréquentes que l’embolie pulmonaire [1-3]. Néanmoins, l’embolie pulmonaire (EP) reste la cause la plus fréquente de décès chez la femme enceinte, dans de nombreux pays. En dehors de la gravité de l’embolie pulmonaire, il faut rappeler que la thrombose veineuse profonde
peut entrainer des séquelles invalidantes. La thrombophilie majore également le risque d’une complication très rare mais redoutable : la thrombose veineuse céré- brale [4-6].

Le risque d’accident thromboembolique est significativement majoré dans les thrombophilies constitutionnelles. Il varie avec le type de thrombophilie, le caractère hétéro-ou homozygote et selon qu’il s’agit d’une altération génétique isolée ou combinée [7-11]. Le risque global thromboembolique fait intervenir également les autres facteurs de risque éventuels que sont l’âge au moment de la grossesse, la gémellarité, la multiparité, les varices, l’immobilisation, l’accouchement par césarienne, en particulier non programmée, l’obésité et surtout l’existence d’antécédents thromboemboliques personnels ou familiaux [1].

La prophylaxie pharmacologique des accidents thromboemboliques veineux par les héparines sous-cutanées est efficace et bien tolérée [12, 13], Toutefois, son utilisation n’est légitime que si le risque thrombotique est suffisamment élevé pour compenser les inconvénients du traitement : inconfort et coût liés aux injections répétées des héparines de bas poids moléculaire (HBPM), risque d’effets secondaires : saignement, ostéoporose, et risque de thrombopénie induite par l’héparine [14].

Des réunions de spécialistes ont tenté, en l’absence d’études cliniques prospectives et randomisées, d’émettre des recommandations issues d’une médecine fondée sur les preuves ou en leur absence, des suggestions proposées par des Comités d’Experts :

« Eminence Based Medecine » par opposition à « Evidence Based Medecine », des auteurs anglo-saxons. Le niveau d’évidence doit être bien déterminé. Cependant, le jugement clinique appliqué à chaque patiente doit conserver une place irremplaçable [15].

L’expérience de notre groupe à l’Hôtel Dieu dans ce domaine, a débuté par une première évaluation dès 1991 du risque lié à un déficit héréditaire en antithrombine, en protéine C, ou en protéine S [16]. Depuis cette date, de nouvelles thrombophilies héréditaires beaucoup plus fréquentes, telles la mutation du facteur V Leiden et celle de la prothrombine ou facteur II 20210A, ont été découvertes. Le niveau de risque TE associé à ces différentes thrombophilies au cours de la grossesse est encore mal connu, ce qui rend hasardeuse l’attitude thérapeutique.

L’objectif de ce travail monocentrique rétrospectif est d’évaluer le risque thromboembolique chez la femme enceinte, sur un grand nombre d’observations consécutives de mutation hétérozygote du facteur V ou du facteur II et d’une association de ces deux altérations. Cette évaluation, à partir de 406 grossesses menées à terme dont 396 sans prophyalxie antithrombotique et de 38 pertes fœtales, permet de proposer ensuite les attitudes prophylactiques pouvant être considérées comme les plus appropriées, en l’absence de recommandations d’un niveau de preuve élevé.

Patientes

Une étude rétrospective a rassemblé 208 observations consécutives de femmes ayant eu au moins une grossesse et porteuses de la mutation hétérozygote du facteur V Leiden, du facteur II 20210A ou une combinaison de ces 2 mutations. Les femmes ont été adressées à notre Unité d’Hémostase et Thrombose, parce qu’elles avaient eu au moins un accident thromboembolique veineux personnel ou plus rarement dans leur proche famille. Elles ont été adressées par des gynécologues, des obstétriciens et des angéiologues, essentiellement, pour le diagnostic d’une thrombophilie ou un conseil thérapeutique, en cas de grossesse ou de mise en route d’une contraception orale ou d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause.

Pour chaque femme, les antécédents médicaux, chirurgicaux, l’existence d’une contraception oestroprogestative, le nombre et l’évolution des grossesses antérieures ont été relevés. L’existence de circonstances réputées comme pouvant provoquer la survenue d’accidents TE a été inventoriée. En cas de thrombose veineuse, nous avons tenu le plus grand compte des cas où le diagnostic avait été fait à l’aide d’une méthode objective. Nous avons pris en compte dans l’étude la fréquence des accidents les TVP et EP ou autres thromboses profondes à un site inhabituel. Les thromboses veineuses superficielles observées dans chacun des 3 sous-groupes ont été notées mais n’ont pas été additionnées aux autres accidents pour deux raisons :

d’une part, le rôle de la thrombophilie constitutionnelle FV ou FII ou leur association dans le déterminisme de ces accidents est discuté [17, 18] et d’autre part, nous voulions comparer nos résultats à ceux de la littérature qui n’a pas tenu compte des thromboses veineuses superficielles.

Nous avons, en particulier, bien fait préciser le moment de survenue de ces accidents, soit pendant la grossesse « en ante-partum », soit dans la période du « postpartum » que nous avons fixée à 6 semaines. Nous avons également, pris en considération les traitements utilisés par ces femmes à titre prophylactique, ou en cas de survenue d’un premier accident ou d’une récidive thrombotique la présence ou l’absence d’un traitement anticoagulant.

Étude de la coagulation

Un échantillon de sang a été prélevé en tube de verre siliconé sous vide, contenant un volume de solution de citrate trisodique à 3,8 % pour 9 volumes de sang. L’exploration biologique de la coagulation a été systématique. Elle a utilisé les méthodes classiques déjà décrites [19]. Un hémogramme comprenant la numération de plaquettes et les tests habituels pour l’étude de l’hémostase : temps de Quick, temps de céphaline + activateur avec recherche plus particulière d’un anticoagulant circulant, temps de thrombine, dosage du fibrinogène, de l’antithrombine activité, de la protéine C activité, de la protéine S activité et antigène libre, du test de résistance à la protéine C activée, ont été effectués. Le taux d’homocystéine a été également dosé
dans presque tous les cas. La recherche d’un syndrome des antiphospholipides avec ou sans anticoagulant circulant, a été systématique, avec le dosage des anticardiolipines IgG et IgM. Les sangs étaient centrifugés à 2 reprises, à 4.000G pendant 15 minutes et pour les examens différés, les plasmas étaient conservés congelés à -30°C .

La recherche de la mutation du gène du facteur V Leiden (PCR) a été effectuée par la méthode classique de Bertina décrite en 1994 tandis que celle de Port et coll.

proposée en 1996, a été utilisée pour la recherche de la mutation du facteur II [20, 21]. Chaque patiente était informée de l’exécution des tests génétiques et avait donné son consentement écrit.

Tous ces examens, en dehors de l’homocystéine, ont été effectués dans notre laboratoire. Le dosage de l’homocystéine a été fait à l’aide d’un coffret Abbott, au laboratoire de Biochimie de l’Hôtel Dieu.

Critères d’inclusion

Les patientes ont été inclues en cas de mutation isolée et hétérozygote du facteur V ou du facteur II ou de l’association de ces deux mutations à l’état hétérozygote. Elles étaient exclues lorsqu’existait une autre thrombophilie isolée ou combinée, une thrombophilie à l’état homozygote, une autre altération de la coagulation, un syndrome des antiphospholipides ou une hyperhomocystéinémie.

Analyse statistique

La fréquence des accidents thromboemboliques survenant dans la période du post-partum a été calculée en prenant comme dénominateur l’ensemble des grossesses menées à terme.

En cas de thrombose veineuse, pendant la grossesse, l’administration d’un traitement anticoagulant entrainait l’exclusion de ces patientes pour l’évaluation du risque au cours du post-partum, puisqu’il était précédé et couvert par un traitement anticoagulant. Le chiffre classique retenu dans une population témoin est de 1 accident pour 1.000 grossesses, valeur couramment utilisée dans la littérature internationale [2, 3].

Le test de U. Man et Withney et l’analyse de variance ont été utilisés pour les comparaisons et les valeurs de p. < 0,05, sont considérées comme significatives.

Résultats

L’étude a porté sur une cohorte de 208 femmes qui ont mené à terme 406 grossesses dont 396 sans prophylaxie (tableau I).

— 47 femmes ont l’association combinée à l’état hétérozygote de ces 2 mutations et ont eu 84 grossesses sans prophylaxie et 6 autres grossesses ont été conduites sous prophylaxie et se sont déroulées sans incident

TABLEAU 1 . — Caractéristiques démographiques et fréquence des évènements thromboemboliques et des pertes fœtales FIIL + FVL

FIIL

FVL

Patientes (n) 47 82 79 Grossesses menées à terme — sans prophylaxie 84 193 119 — avec prophylaxie 6 0 4 • Age moyen à la 27,4 (18-35) 28 (22-40) 27,1 (20-39) 1ère thrombose (extrêmes) • Évènements TE*

15 (17,8 %) 12 (6,2 %) 12 (10 %) • Ante-partum 6 (7,1 %) 4 (2,1 %) 4 (3,3 %) • Post-partum 9 (11,5 %) 8 (4,2 %) 8 (6,7 %) Absence ATCD TE avant la grossesse • Fréquence des 10/74 (13,5 %) 12/193 (6,2 %) 12/118 (10 %) thromboses • Ante-partum 3 (4,1 %) 4 (2,1 %) 4 (3,3 %) • Post-partum 7 (9,9 %) 8 (4,2 %) 8** (6,7 %) Présence ATCD TE avant la grossesse • Fréquence des 5/10 (50 %) 0 0 thromboses • Ante-partum 3 0 0 • Post-partum 2 0 0 Pertes fœtales 14/104 (13,4 %) 13/206 (6,3 %) 11/134 (8,2 %) ATCD : antécédents TE : thromboembolique ATE : accidents thromboemboliques • Associés à une grossesse ** 1 thrombose veineuse superficielle avant la grossesse avec TVP post partum — 82 femmes ont une mutation hétérozygote du facteur II et ont mené à terme 193 grossesses — 79 femmes ont une mutation hétérozygote du facteur V et ont mené à terme 119 grossesses sans prophylaxie et 4 grossesses sous prophylaxie.

— 38 pertes fœtales (9 %) se sont produites parallèlement aux 406 grossesses menées à terme.

Caractères démographiques

Les 3 groupes de femmes ont des caractères démographiques comparables. L’âge moyen au moment de l’inclusion dans l’étude, est comparable. Le nombre moyen de grossesses par femme est voisin de 2, (extrêmes 1 à 5, une seule femme dans le groupe du facteur II a eu 5 grossesses). La plupart de ces femmes étaient les cas index (60 à 80 %) et la grande majorité d’entre elles avaient eu un accident de thrombose veineuse profonde (TVP) associé ou non à une grossesse dans leurs antécédents.

Le premier accident veineux chez ces femmes s’est produit à l’occasion d’une grossesse dans la grande majorité des cas, puisque seules 10 femmes porteuses de la double mutation, et une seule femme ayant seulement la mutation FVL avaient eu un accident avant leur grossesse. Aucune femme enceinte ayant seulement la mutation du FII n’avait été symptomatique antérieurement à la grossesse (tableau I).

Un très petit nombre de femmes (n=10) ont reçu une prophylaxie par une HBPM avec ou sans bas de compression graduée et le traitement a été efficace dans tous les cas.

Accidents thromboemboliques

Fréquence et moment de la survenue La survenue de l’accident TE a été dans les 3 groupes, presque 2 fois plus fréquente dans le post-partum que pendant la grossesse. Au cours de la grossesse, la date de l’accident a été plus fréquemment le dernier trimestre que les 2 premiers.

La fréquence des accidents thromboemboliques veineux a été croissante dans les 3 groupes : mutation FII, mutation FV et mutation combinée (tableau I). Elle est pour l’ensemble ante-partum et post-partum de 6.2, 10.0 et 17.8 % respectivement.

Les accidents ante-partum ont eu une fréquence de 2.1, 3.3 et 7.1 %.

Une addition approximative des 2 fréquences est observée dans le sous-groupe des deux mutations combinées aussi bien en ante-partum que pour toute la grossesse (tableau I).

La différence de fréquence des accidents TE au cours des grossesses dans les 3 groupes est significative (p = 0,011), ce qui permet de comparer les fréquences des 3 groupes 2 à 2 (tableau II).

La différence de fréquence entre les groupes FII+FV et celui du facteur II est très significative (p = 0,003). Elle n’est pas significative pour la comparaison des groupes de mutation FV et FII isolée (p = 0,265) (tableau II). Des résultats similaires sont obtenus si l’analyse statistique examine le nombre de femmes enceintes avec ou sans événement thromboembolique (tableau III).

Le nombre d’EP est important à considérer : une seule en post-partum après une césarienne avec une récidive 3 jours plus tard dans le groupe FV, deux, l’une ante et

TABLEAU 2. — Analyse statistique des résultats. Comparaison du nombre de grossesses avec accident TE au nombre total de grossesses sans prophylaxie*

FV+II

FII

FV

Grossesses avec 15/84 12/193 12/119 TE/nombre total de grossesses sans prophylaxie Analyse statistique FV+II/FII <………………p = 0,0028……………………..> FV/FII <…………………….p = 0,2656…………..> FV+II/FII <………………………………p = 0,672 ……………………> * Analyse statistique d’hétérogénéité des 3 groupes p = 0,011 TABLEAU 3. — Analyse statistique des résultats. Comparaison du nombre de femmes enceintes avec accident TE au nombre total de femmes FV+II

FII

FV

Femmes avec acci15/47 12/82 12/179 dent TE/ nombre total de femmes FV+II/FII <………………p = 0,005……………………..> FV/FII <…………………….p = 0,305…………..> FV+II/FII <………………………………p = 0,163 ……………………> * Analyse statistique d’hétérogénéité dans 3 groupes p = 0,011 l’autre post-partum dans le groupe FII et une dans le groupe FV+FII en postpartum. Ces 4 embolies pulmonaires étaient toujours associées à une TVP. Aucune EP fatale n’a été observée. Donc au total une seule EP est survenue avant l’accouchement au cours de ces 396 grossesses sans prophylaxie (soit 2,6/1000). Dans les populations contrôles de la littérature, la fréquence est de l’ordre de 0,3/1000.

Le groupe FV+FII comporte un petit nombre de femmes, qui avaient déjà eu une première thrombose avant leur grossesse, puisque 5 des 10 femmes porteuses de l’altération combinée ont eu une récidive au moment de la grossesse, 3 en antepartum et 2 en post-partum.

Dans le groupe FV, 1 femme qui avait eu une thrombose veineuse superficielle avant une première et unique grossesse a eu une TVP post-partum.

Dans le groupe FII, aucune femme n’a eu d’accident symptomatique répertorié avant la grossesse.

Fait également intéressant, dans le groupe FVL, à l’occasion de quatre nouvelles grossesses, 4 femmes ont eu une prophylaxie par bas de compression graduée dès le début de la grossesse et une HBPM (Lovenox® 40 mg ), au 3ème trimestre, aucune récidive n’a été observée. Sept autres femmes n’ont pas eu de prophylaxie, à l’occasion de 12 nouvelles grossesses, malgré un antécédent thromboembolique et n’ont pas eu de récidive.

Enfin, la différence entre les 3 groupes concernant la fréquence des pertes fœtales n’est pas significative bien qu’elle soit un peu plus élevée dans le groupe FV+II.

Analyse des facteurs de risque

En dehors de la thrombophilie, les circonstances des accidents thromboemboliques et l’existence d’autres facteurs de risque recherchés ont été analysés (tableaux IV, V, VI) :

— L’âge au moment de la 1ère thrombose est très comparable dans les 3 groupes, suggèrant une différence peu importante de la sévérité de ces 3 variétés de thrombophilie (tableau I).

— La multiparité (> 3 grossesses) ne concerne qu’un faible nombre de femmes — Les rares interruptions volontaires de grossesse ont été, dans un petit nombre de cas, associés à un accident thromboembolique survenu en l’absence de prophylaxie.

— La césarienne a été souvent associée à la survenue d’un accident de TVP — L’hyperstimulation ovarienne est un facteur de risque : l’une des patientes du groupe FV Leiden a eu une TVP en début de grossesse gémellaire. Un accident de thrombose jugulaire est survenu au 1er mois d’une grossesse après un syndrome d’hyperstimulation ovarienne sévère à l’occasion d’une 1ère grossesse chez une femme âgée de 35 ans au moment de l’accident. Sept stimulations ovariennes s’étaient précédemment soldées par un échec.

— La 1ère grossesse est souvent celle qui a été associée à un premier accident TE (7 fois sur 15 dans le groupe FV+FII, 4 fois sur 12 dans le groupe FII et 7 fois sur 12 pour le groupe FV).

— Période de survenue : dans le groupe du FV Leiden, trois des quatre accidents survenus en ante-partum ont eu lieu au 3ème trimestre, et le 4ème correspond à une thrombose veineuse jugulaire observée au 1er mois de la grossesse précédée d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne sévère.

— Thrombose veineuse superficielle : leur nombre n’est pas négligeable puisqu’il était dans les 3 groupes, respectivement de 6 pour 84 grossesses (7 %), 3 pour 193 grossesses (1,5 %) et 5 pour 119 grossesses (4,2 %).

TABLEAU 4. — Caractéristiques des femmes ayant eu au moins un accident thromboembolique associé à une grossesse : Groupe mutation hétérozygote FV+FII FVL + FII Grossesse(s)

ETE avant

Age 1ère

ETE associé

Grossesse no

Ante ou post- 20210A (n) grossesse thrombose/ à partum grossesse grossesse 1 1 0 28 TVP 1ère Ante-partum 1er trim 2 1 + 27 TVP 1ère Ante-partum 2ème trim 3 1 + 30 TVP 1ère Ante-partum TVP 2ème trim Post-partum 4 0 23 TVP 1ère Ante-partum 4 + 29 4e 1er trim Ante-partum 1er trim 5 2 0 28 TVP 1ère Ante-partum + 30 2e (+oestradiol) Post-partum 6 2 0 22 TVP + EP 1ère Post-partum 7 2 0 23 TVP 1ère Post-partum 8 2 0 26 TVP 1ère Post-partum 9 3 0 18 TV 1ère post-partum + 35 TVP 3e Post-partum (césarienne) 10 3 0 35 TVP 3e Post-partum (césarienne) 11 4 0 30 TVP 4e Post-partum ETE : événement thromboembolique TVP : thrombose veineuse profonde Pertes fœtales

Leur nombre était plus élevé dans la combinaison FV et FII que dans les 2 autres variétés de thrombophilies. Il faut rappeler que la fréquence dans les populations témoins de femmes enceintes dans la littérature est de l’ordre de 15 % [25]. Le rôle prédisposant des thrombophilies étudiées dans ce travail a été souvent évoqué dans la littérature [26, 27], mais n’était pas un critère de jugement primaire dans notre étude. Certes, la fréquence, sensiblement plus grande dans le groupe combiné, que dans les 2 autres groupes peut être retenue, mais il n’existe pas de différence significative entre les 3 groupes (p = 0,103).

TABLEAU 5. — Caractéristiques des femmes ayant eu au moins un accident thromboembolique associé à une grossesse : Groupe mutation hétérozygote FII FII Grossesse(s) ETE avant Age 1ère ETE associé ETE Ante ou 20210A (n) grossesse thrombose/ à Grossesse no postgrossesse grossesse partum 1 2 0 29 TVP + EP 2e Ante-partum 2e trim 2 3 0 34 TVP 3e Ante-partum (jumeaux) 3e trim 3 5 0 24 TV 4e Ante-partum 3e trim 4 3 0 26 TVP 2e Ante-partum (jumeaux) 2e trim 5 1 0 40 TVP 1ère Post-partum 6 2 0 22 TVP 1ère Post-partum césarienne 7 2 0 22 TVP 2e Post-partum 8 2 0 25 TVP 2e Post-partum 9 2 0 26 TV 1ère post-partum 10 1 0 30 TVP + EP 1ère Post-partum 11 3 0 28 TVP 2e Post-partum 12 3 0 30 TVP 3e Post-partum ETE : événement thromboembolique TVP : thrombose veineuse profonde EP : embolie pulmonaire Discussion

La prévention des ATE chez la femme enceinte à risque thrombophilique est difficile.

Deux méthodes différentes ont été utilisées dans la littérature pour évaluer le risque TE, soit la détermination du pourcentage de grossesses avec thrombose chez des femmes ayant une thrombophilie connue, soit la recherche d’une thrombophilie chez des femmes qui ont eu un accident TE associé à une grossesse. Nous avons retenu dans ce travail la 1ère méthode. Les résultats des études de la littérature comportant essentiellement des études rétrospectives concordent pour établir une

TABLEAU 6. — Caractéristiques des femmes ayant eu au moins un accident thromboembolique associé à une grossesse : Groupe mutation hétérozygote FV Leiden FVL Grossesses ETE avant Age 1ère ETE associé Grossesse no Ante ou (n) grossesse thrombose/ à grossesse postgrossesse partum 1 3 0 28 TVP gauche 1ère Post-partum 2 3 0 39 TVP surale 3e Post-partum gauche césarienne 3 2 0 28 TVP à 28 ans 1ère Post-partum EP et césarienne Récidive sous Previscan 4 3 0 23 TVP post 3e Post-partum partum 5 1 0 22 TVP surale 1ère Post-partum 6 3 1 20 TV 1ère Post-partum récidivantes césarienne 7 4 0 23 TVP 2e Post-partum 8 4 0 30 TVP gauche 2e Post-partum 9 1 0 29 TVP ilio1ère Ante-partum fémorale 10 2 0 28 TVP ilio1ère Ante-partum fémorale gauche au 7ème mois 11 2 0 24 TVP 1ère 1ère Ante-partum grossesse 3e trimestre 12 1 0 35 TV jugulaire 1re Ante-partum 1er mois (jumeaux) ETE : événement thromboembolique TVP : thrombose veineuse profonde hiérarchie entre le déficit en antithrombine AT, à risque élevé ou très élevé, le déficit en protéine C, à risque modéré et les mutations facteur V ou facteur II, altérations génétiques beaucoup plus fréquentes que les précédentes, à risque modéré à faible.

La place du risque lié au déficit de la protéine S est mal déterminée.

Il existe dans les résultats disponibles une différence non négligeable selon qu’il s’agit de cas index ou de leurs parents au 1er degré. La fréquence des grossesses avec
accident thromboemboblique est beaucoup plus faible dans ce dernier cas [11]. La thrombophilie combinée est considérée, en théorie, comme un risque très élevé mais la rareté des études, qui de plus, ont analysé de faibles effectifs de femmes ne permet pas une évaluation précise.

Parmi les thrombophilies constitutionnelles, celles associant une mutation de l’antithrombine, de la protéine C voire de la protéine S au F Leiden ou à une mutation du facteur II 20210A, sont considérés comme plus sévères que celles associant F VL au F II20210A [22].

La fréquence des évènements thrombotiques ante- et post-partum était significativement plus augmentée dans le groupe de femmes ayant les 2 altérations génétiques associées (17,8 %) que dans le groupe où le gène du FII était muté (6,2 %). En revanche, il n’existait pas de différence significative entre le groupe FV+FII et le groupe FV isolé (10 %).

Dans notre travail, la majorité des femmes étudiées sont des cas index et la grande majorité d’entre elles a été adressée en raison de l’existence d’au moins un antécé- dent personnel de TE. Ceci laisse supposer que les fréquences retrouvées sont majorées par rapport à la réalité, puisque la fréquence dans les études familiales est plus faible chez les parents porteurs d’une thrombophilie que dans les cas index [11].

Les 3 groupes sont tout à fait comparables quant aux motifs de leur première consultation.

Cette série homogène, issue d’un seul centre, montre que le niveau de risque augmente de la mutation du gène du facteur II à celle du facteur V, puis à leur association. Il s’agit plus, dans ce dernier cas, d’un risque additif plutôt que multiplicatif [22]. Un travail rassemblait 8 études et comportait 51 cas d’anomalie combiné du FV et du FII. Le risque d’évènement TE, en général, est exprimé par un Odds ratio de 20 avec un intervalle de confiance à 95 % compris entre 11,1 et 36,1 [22].

Il est important de tenir compte également de l’existence ou non d’antécédents thromboemboliques. Ce critère majore considérablement le risque d’accident dans le groupe de femmes porteuses de l’association mutation FV et FII. Le nombre d’accidents TE à un très jeune âge (avant les grossesses) est d’ailleurs très faible ici, puisqu’il est nul dans le groupe FII et n’est représenté que par 1 cas de TV superficielle dans le groupe FV. En revanche, il est significativement plus élevé dans le groupe combiné FV+FII puisqu’il concerne 10 des 47 femmes.

Le post-partum est considéré comme une période à plus grand risque que la grossesse. Cette observation qui avait été remise en question reste vraie dans le cadre de cette étude (tableau I).

L’évolution des patientes confirme l’efficacité de la prophylaxie par HBPM mais elle a été utilisée seulement dans un petit nombre de cas. Elle a été débutée au 3ème trimestre et poursuivie en post-partum. Il n’existe pas de données suffisantes dans la littérature sur la fréquence des accidents au cours des différents trimestres chez la femme thrombophilique. Pour Ginsberg et al ., il n’existe pas de différence
statistiquement significative entre les fréquences au cours des différents trimestres de la grossesse [23]. Ceci a conduit les auteurs des recommandations de l’ACCP à ne pas proposer de prophylaxie pharmacologique plus tard que le début de la grossesse, contrairement à l’attitude de l’Hôtel-Dieu [24] et celles des spécialistes de la réunion de consensus française [25]. Les résultats de cette étude apportent un argument en faveur de cette attitude.

Les récidives de thromboses observées dans ces 3 groupes ont été moins rares dans le groupe FV+II que dans chacun des 2 autres groupes. Elles ont eu lieu après un délai variable et souvent de plusieurs années. Cette observation intéressante rend peu légitime une prophylaxie prolongée systématique par une antivitamine K, le risque devenant disproportionné par rapport au bénéfice attendu. Ce résultat n’est pas en accord avec la recommandation de traitement à vie, formulée dans un article récent [26]. Au total, ce travail permet d’avoir une estimation du risque d’accident TE associé à la grossesse dans une série homogène de femmes composées par trois variétés de thrombophilie d’inégale fréquence (mutation du FV Leiden, du gène du facteur II et combinaison de ces 2 altérations génétiques à l’état hétérozygote).

Cette étude est rétrospective, les études prospectives étant très rares, en raison de leur difficulté, mais elle a l’avantage d’avoir été conduite dans un seul centre et les recherches biologiques ont été faites pratiquement dans un seul laboratoire. Les critères d’inclusion des femmes sont très comparables dans les 3 groupes, ce qui augmente la valeur de ces résultats.

Toutefois, cette analyse connaît des limites en raison de l’absence d’un groupe té- moin, mais la fréquence dans un tel groupe dans toutes les études de la littérature est de l’ordre de 1 accident pour 1.000 grossesses et cette estimation paraît proche de la réalité [1-3]. Une autre limite est le nombre de grossesses qui n’est pas très élevé, mais dans le cas particulier de l’association de thrombophilie héréditaire la moins rare (FV+FII) notre série est la plus importante de la littérature qui, de plus, regroupe souvent des femmes étudiées dans des centres différents.

La relation entre thrombophilie et pertes fœtales constitue un sujet de grande actualité et de débat [27-29]. Dans notre étude, il existe un nombre de pertes fœtales un peu plus grand dans le groupe FV+FII, mais la différence n’est pas significative (tableau II). Un article récent affirme que seules les pertes fœtales après la 10ème semaine, sont corrélées avec l’existence d’une thrombophilie héréditaire pour le FV et le FII [30].

En dépit de réunions d’experts, l’attitude thérapeutique au cours de la grossesse chez la femme ayant une thrombophilie constitutionnelle reste discutée avec néanmoins une place de plus en plus reconnue pour les HBPM [31-37].

Les résultats de cette étude nous ont paru utiles pour conforter l’attitude suivie par l’équipe de l’Hôtel-Dieu : la prophylaxie par compression élastique graduée et un traitement prophylactique avec une HBPM sont indiqués pendant la grossesse chez les femmes atteintes de thrombophilie combinée FV+II avec accident TE antérieur à la grossesse considérée, Chez les autres femmes, l’attitude est décidée cas par cas,
en dehors de la compression élastique systématique, en prenant en compte tous les facteurs de risque [37]. Dans le cas de la mutation du gène du facteur II, le risque est faible et ne justifie pas une prophylaxie pharmacologique en l’absence d’antécédent TE. Dans tous les cas, une prophylaxie pendant 4 à 6 semaines au moins dans le post-partum a été recommandée dans toutes les réunions d’experts.

REMERCIEMENTS

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DISCUSSION

M. Patrice QUENEAU

Vous avez souligné légitimement la contrainte de l’héparinothérapie et l’avantage global du recours aux HBPM en termes de sécurité. Bien sûr, la question est, ici encore, celle des risques respectifs de la maladie thrombo-embolique d’une part et des risques des HBPM d’autre part. A cet effet, vous avez évoqué que, même avec les HBPM, il existe un risque d’ostéoporose pour la femme enceinte : pensez-vous que ce risque soit réellement conséquent en clinique humaine, à l’origine de fractures (vertébrales…), notamment dans la mesure où les HBPM ne sont habituellement prescrites dans ces conditions que pendant des durées relativement brèves (quelques semaines) ? D’autre part, quel est le risque exact d’hémorragies dans de tels contextes ? Enfin, la contention veineuse ne devrait-elle pas être généralisée pendant toute la grossesse chez de telles femmes à risques ?

Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) induiraient moins souvent les accidents ostéoporotiques telles que les fractures vertébrales que l’héparine non fractionnée (HNF). Il faut cependant reconnaître que ce risque est sans doute plus important chez la femme enceinte, puisque qu’elle est prédisposée à l’ostéoporose et que le traitement héparinique a souvent une durée de plusieurs mois. Le risque hémorragique subsiste pour la mère, mais pas pour l’enfant puisque, contrairement aux antagonistes de la vitamine K, les HBPM ne traversent pas le placenta. Le risque hémorragique est faible et les données de la littérature, à ce jour, sont rassurantes. Elles font état d’une bonne tolérance des HBPM chez la femme enceinte. Le port de bas de compression graduée bien ajustés, pendant toute la grossesse est une recommandation qui mériterait d’être généralisée chez la femme à risque thromboembolique.

M. Pierre GODEAU

Avez-vous limité cette étude à deux facteurs de thrombophilie volontairement pour raison de fréquence ? de faisabilité ? Le rôle éventuel sur le risque thromboembolique de l’association d’autres facteurs ne doit-il pas être pris en considération ?

Oui, il existe des risques élevés d’accidents thromboemboliques, de fausses couches ou de grossesses pathologiques dans d’autres groupes de femmes enceintes, que celui des mutations du facteur V et/ou du gène du facteur II (prothrombine), et en particulier, chez les femmes ayant un syndrome des antiphospholipides. Nous avons cependant limité notre travail aux thrombophilies constitutionnelles les moins rares, compte tenu de notre recrutement à l’Hôtel Dieu.

M. Claude DREUX

Vous avez indiqué que le traitement prophylactique était efficace mais présentait des contraintes et des risques. Pourriez-vous donner des précisions à ce sujet ?

Les contraintes concernent la nécessité d’injections sous cutanées quotidiennes avec une surveillance régulière de la numérotation des plaquettes, les problèmes d’hématomes aux points de piqûres et le coût du traitement.

M. Jean-Daniel SRAER

Le nombre d’accidents thromboemboliques chez les femmes porteuses d’une mutation du facteur V ou II est relativement faible. Les femmes ont-elles des anomalies du système fibrinolytique ?

Oui, l’hypofibrinolyse est un facteur risque de thrombose qui pourrait augmenter le risque lié à la mutation du facteur V ou à celle du facteur II. Néanmoins, la mesure de l’activité fibrinolytique est de moins en moins souvent effectuée, peut-être à tort. Nous n’avons pas mesuré l’activité fibrinolytique, qui est habituellement diminuée pendant et particulièrement en fin de grossesse. Dans un travail récent chez les patientes de la Leiden Study en dehors des femmes enceintes, une hypofibrinolyse a été recherchée et sa présence augmenterait le risque thromboembolique selon la publication du groupe de F. Rosendaal, à paraître dans le Journal Blood en 2005.

M. Alain LARCAN

Comment l’anomalie génétique (20210A) du facteur II, qui porte sur la portion non codante, peut-elle être un facteur déterminant de thrombophilie ? Existe-t-il une résistance acquise à la protéine activée au cours de la grossesse et de la contraception ? Si tel est le cas, le risque pourrait être non seulement révélé mais encore induit ou aggravé lors de la grossesse. Quels sont les rôles respectifs au cours d’une grossesse normale de la stase (surtout sur l’iliaque gauche) de l’élévation des facteurs VIII, IX, X, XI et de la diminution des protéines C et S ? Lorsqu’on emploie un prophylactique (3ème trimestre et 6 semaines de post-partum) existe-t-il un risque particulier des HBPM ? Des stress respiratoires néonataux ont été signalés, ont-ils été confirmés ?

L’augmentation du risque thromboembolique dans la mutation du gène du facteur II est attribuée, en général, à une augmentation de la concentration plasmatique en facteur II ou prothrombine, même si la mutation est localisée dans une partie non codante du gène.

Il existe effectivement pendant la grossesse, une résistance acquise à la protéine C activée, cette modification traduit l’augmentation des facteurs de risque thromboembolique et est parallèle à l’hypercoagulabilité observée chez la femme enceinte. Il faut savoir que l’interprétation de ce test est plus difficile chez la femme enceinte que chez la femme non enceinte du même âge. Les rôles respectifs au cours de la grossesse normale de la stase et de l’élévation des facteurs de la coagulation parallèlement à une diminution de la protéine S sont connues. Ces modifications de la coagulation concourent toutes à l’augmentation de la coagulation chez la femme enceinte. Il est vrai que la stase est plus importante au niveau de la veine iliaque gauche, et que presque toutes les thromboses veineuses de la femme enceinte sont localisées au membre inférieur gauche. Lorsqu’on emploie un traitement prophylactique pendant le 3ème trimestre de la grossesse et au cours du post-partum, existe-t-il un risque particulier des HBPM : la réponse est non. Le risque d’intolérance existe effectivement chez le nouveau-né avec une préparation d’Enoxaparine ou Lovenox® et cette préparation est contre-indiquée chez les enfants de moins de 3 ans. Il ne semble pas y avoir, d’ailleurs, d’AMM pour l’utilisation des HBPM chez l’enfant, pour l’instant. Cette contre-indication est liée à la présence d’alcool benzylique, qui pourrait être mal tolérée par le nouveau-né.

M. Jacques BATTIN

Le placenta étant très vulnérable au plan vasculaire, a-t-on noté une prévalence significative de retard de croissance intra-utérin dans les grossesses chez les thrombophiliques. Chez les homozygotes, le risque devrait être plus élévé que chez les hétérozygotes ? Les anticoagulants sont-ils indiqués en permanence ou lors des situations à risque, grossesse, voyages en avion au long cours ? Enfin, le facteur XII de Hageman est-il encore considéré comme thrombophilique ?

Il a été noté des hypotrophies fœtales dans les grossesses chez les thrombophiliques, mais la relation de cause à effet est discutée. Il n’existe pas, à ma connaissance, de comparaison hétéro-homozygote. Les traitements anticoagulants ne sont que très exceptionnellement indiqués en permanence. Ils restent conseillés dans les situations à risque. Le déficit en facteur Hageman a été évoqué comme facteur de thrombophilie, mais ici encore, la relation reste obscure et ne peut pas être affirmée sans réserve.

M. Jean NATALI

Quels conseils donnez-vous aux patientes après leur grossesse ?

L’accident thromboembolique au cours de la grossesse est très rare chez la femme enceinte. Il est donc insolite et il paraît essentiel de faire une recherche systématique d’une thrombophilie chez toute femme enceinte ayant eu un accident thromboembolique. Dans la littérature, cette recherche systématique serait positive dans 50 % des cas. La découverte d’une thrombophilie permet de délivrer des recommandations écrites sur les précautions à prendre en cas de voyage prolongé, d’immobilisation, d’intervention chirurgicale ou de toute circonstance majorant le risque TE veineux.

M. Jacques CAEN

Avez-vous une explication biologique du risque de thrombose en cas de gémellarité ? Qu’en est-il pour la fibrinolyse comme pour le fibrinogène en dehors des anomalies du gène facteur II et du facteur V Leiden ?

Nous n’avons pas d’explication très précise en ce qui concerne le risque accru de thrombose en cas de gémellarité. Il est probable que la stase veineuse est plus importante.

En ce qui concerne le fibrinogène, il est augmenté pendant la grossesse et cette augmentation ne participe sans doute que très accessoirement au risque thromboembolique. En revanche, l’étude de la génération de la thrombine que vous évoquiez, peut être intéressante, en particulier chez la femme enceinte pour essayer de trouver une relation entre l’hypercoagulabilité constatée au laboratoire et le risque thromboembolique. Il s’agit d’un travail intéressant mais assez difficile à mener à bien en raison du très grand nombre de femmes à étudier compte tenu de la rareté des accidents thromboemboliques.

M. Gilles CRÉPIN

Dans l’hypertension artérielle gravidique, le support histologique repose sur une coagulation vasculaire disséminée associée à une vaso-constriction. Dans votre très importante cohorte avez-vous noté une incidence plus élevée des hypertensions gravidiques par rapport à la population générale ?

Nous n’avons pas noté dans notre étude de fréquence accrue d’hypertension gravidique par rapport à la population générale, mais ce n’était pas un critère de jugement de notre étude qui était concentrée sur la survenue d’accident thromboembolique veineux essentiellement. Il existe des travaux dans la littérature montrant une relation entre la thrombophilie et l’augmentation de fréquence des grossesses pathologiques. Ce sujet est en pleine expansion.


* Unité Hémostase et Thrombose — Hôtel-Dieu — 1 Place du Parvis Notre Dame — 75181 Paris cedex 04 Tirés à part : Professeur M.M SAMAMA, même adresse. Article reçu le 8 avril 2004, accepté le 28 juin 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 8, 1377-1396, séance du 16 novembre 2004