Résumé
La maladie est limitée aux zones froides de l’hémisphère nord. En France, la Franche-Comté est la région où la prévalence de l’EA est la plus élevée. L’incidence annuelle dans les zones endémiques est généralement basse (0,02-0,18 pour 100 000 habitants), mais peut dépasser un pour cent mille localement. Durant les vingt dernières années, une intensification de la transmission du parasite dans les zones traditionnellement endémiques et son extension géographique dans des zones où il était inconnu jusqu’alors ont été constatées chez le renard partout en Europe. De plus, l’extension des populations de renard aux zones urbaines où ils peuvent maintenir le cycle parasitaire fait craindre un nouveau visage épidémiologique pour cette affection. Les options de contrôle de la transmission ne peuvent être envisagées que localement et sont essentiellement basées sur la vermifugation des renards.
Summary
Alveolar echinococcosis is restricted geographically to the colder areas of the northern hemisphere. In France, the highest prevalence is observed in Franche-Comté. The yearly incidence of AE in endemic areas is generally low (0.02-0.18 per 100 000 inhabitants) but it can exceed 1 per 100 000 locally. E. multilocularis transmission has intensified in traditionally in foxes endemic areas during the last twenty years, and the parasite has extended its range to new areas and countries of Europe. The increasing proximity of fox populations to urban areas may lead to a new epidemiological pattern. Control measures are only applicable at the local scale, and are essentially based on fox deworming.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE MONDIALE
À l’échelle mondiale, la distribution du parasite est limitée aux aires froides de l’hémisphère nord. En Amérique du nord, sa distribution s’étend sur deux zones distinctes : une couvrant le centre et le sud du Manitoba et le Dakota du nord, l’autre l’ouest de l’Alaska. Le parasite est présent dans les îles du nord du Japon, dont Hokkaïdo, et les parties froides du continent eurasiatique : Sibérie, Asie centrale jusqu’au Kyrgystan, le nord de l’Iran et l’Est de la Turquie au sud [1]. En Chine, où sa distribution se limite à l’ouest du pays, elle atteint localement des prévalences de 15 % dans certains villages du sud du Gansu [2] et de 4 % dans certaines zones de la bordure est du plateau tibétain [3]. Dans ces régions, les seules échinococcoses, dont l’échinococcose alvéolaire (EA), constituent une charge économique extrêmement importante pour les communautés humaines concernées, qui a été estimée à 0,81 Disability Adjusted Life Years (DALYs) par personne, à comparer aux 0,18 DALYs constitués par l’ensemble des maladies transmissibles ou non à l’échelle de la Chine [4]. A l’ouest, la zone d’endémie s’étend de l’Oural jusqu’à la France, par un archipel de foyers russes et européens considérés comme discontinus jusqu’au début du xxie siècle [1, 5].
L’EUROPE ET LA FRANCE
En Europe les principales zones d’endémie sont le sud de l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, et l’est de la France, mais le statut épidémiologique de la maladie est en rapide évolution. L’échinococcose alvéolaire est une maladie rare, puisque dans ces zones d’endémie européenne, son incidence annuelle est comprise entre 0,02 et 0,18 pour 100 000 habitants. Néanmoins, du fait du caractère agrégé de sa distribution, celle-ci peut dépasser un pour cent mille localement, et sa prévalence atteindre un pour mille comme dans certains cantons du Haut-Doubs [1, 5].
Un réseau européen, constitué en 1997, a permis de répertorier 559 cas d’EA, diagnostiqués entre 1982 et 2000, dont 258 en France (principalement en FrancheComté, Lorraine, Rhône-Alpes). Depuis 2002, ce réseau est relayé, en France, par le réseau FrancEchino : grâce à un partenariat avec l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), tous les nouveaux cas humains d’EA sont enregistrés au CHU de Besançon.
Entre 2001 et 2005, soixante-dix nouveaux cas ont été recensés, avec une incidence annuelle stable : en moyenne quinze nouveaux cas par an. Quatre vingt-cinq pour cent de ces patients sont originaires des zones d’endémie classique de l’est de la France. Cependant, la localisation de nouveaux patients semble indiquer une exten
Fig. 1. — Variables écologiques et comportementales modulant l’intensité de la transmission d’Echinococcus multilocularis (d’après Giraudoux et al ; Parasitology 2003 [10]) sion des foyers de transmission vers le sud (Aveyron, Lozère), l’ouest et le nord (Côte d’Or et Ardennes). L’EA touche essentiellement les personnes ayant un mode de vie rural [6] Les études pluri-disciplinaires conduites en France et en Chine ont montré que la transmission du parasite et l’exposition humaine sont dues à un ensemble complexe de facteurs écologiques et comportementaux dont l’analyse doit être réalisée à plusieurs échelles spatiales et temporelles (Fig 1) [7]. Plus qu’à la seule existence d’un réservoir d’espèces physiologiquement susceptibles d’être les hôtes intermédiaires du ténia, il a été montré que l’intensité de la transmission dans le cycle sauvage dépendait d’une cause écologique proximale : le fait qu’une ou plusieurs espèces d’hôtes intermédiaires puissent maintenir leur population à haute densité pendant longtemps. C’est par exemple ce qui se passe dans le Haut-Doubs, où les plus hautes prévalences chez l’homme sont observées dans les zones subissant des pullulations périodiques de campagnols de prairies ( Arvicola terrestris et Microtus arvalis ) [8]. Il a également été montré que ces zones sont aussi les zones où les prévalence de l’échinocoque alvéolaire chez le renard sont les plus élevées [9]. Il en découle que certains facteurs écologiques, comme la composition et la structure du paysage, en déterminant le niveau d’abondance de certaines espèces d’hôtes intermédiaires conduisent à des augmentations de l’intensité de transmission et donc à une plus forte exposition humaine. Ces facteurs sont donc des causes distales de cette exposition, qui peuvent être utilisés, d’un point de vue épidémiologique, pour analyser le risque potentiel d’infection à échelle régionale.
De tels types de causalité ont été démontrés aussi en Chine. Par exemple, la déforestation des contreforts du plateau tibétain, en dégageant de larges surfaces de landes propices aux pullulations de campagnol limnophile (
Microtus limnophilus ) et de hamsters à longue queue (
Cricetulus longicaudatus ), ont permis l’émergence de foyers importants dans le Sud du Gansu [2, 10] ; le surpâturage des plateaux par le bétail (yaks, moutons, chèvres, etc.) et la création d’exclots visant à protéger certaines zones de ce surpâturage, ont conduit à des pullulations de pikas ( Ochotona curzoniae ) et de plusieurs espèces du genre Microtus dans les zones qui se révèlent être des foyers épidémiologiques importants [11, 12]. Cette approche éco-épidé- miologique des mécanismes de transmission débouche maintenant sur une analyse du risque appuyée par des modèles statistiques spatiaux et l’imagerie satellitaire [13, 14]. Elle ouvre ainsi la voie à un meilleur ciblage des actions de prévention et de contrôle à échelle régionale. Cette approche est cependant insuffisante pour expliquer d’une part la large variabilité locale des prévalences humaines et d’autre part certaines évolutions épidémiologiques récentes.
ÉVOLUTION ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET OPTIONS DE CONTRÔLE
De nombreux éléments indiquent que la situation épidémiologique de l’échinocoque alvéolaire est en train de changer en Europe. Ce changement avait été noté au milieu des années 90 en Allemagne. Lucius et Bilger, en 1995, ont les premiers rapporté l’augmentation de la prévalence chez le renard et l’extension vers le nord de l’aire de distribution du parasite [15]. Cette intensification de la transmission et cette extension géographique de l’aire de distribution du parasite se sont depuis confirmées partout ailleurs. Jusque dans les années 1990, l’aire de distribution connue était restreinte aux massifs montagneux de l’ouest et du centre de l’Europe (Massif Central, Est de la France, Arc Jurassien et Nord-Ouest de l’arc Alpin). Maintenant, la présence du parasite a été démontrée chez le renard au Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique et de l’ouest au sud de la France (dont la la bordure la Manche et et la région parisienne) ( Boué et al. en préparation), jusqu’à la Lithuanie, en passant par la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, et le nord de l’Italie [5]. Pour la France, on a pu montrer qu’entre les périodes 1984-1989 et 1996-1999, les prévalences vulpines étaient de 1.4 à 2 fois plus élevées dans les zones d’endémie traditionnelles comme le Haut Doubs pour atteindre 65 % en hiver [16], une tendance également constatée dans le sud de l’Allemagne [17] et l’Autriche [18]. Cette augmentation générale de l’aire de distribution de l’échinocoque alvéolaire et de sa prévalence chez l’hôte définitif, est concomitante de l’augmentation générale des populations de renard roux en Europe. Celle-ci est attribuée au succès des campagnes de vaccination antirabiques menées depuis le début des années 1980 et de la moindre pression de chasse exercée sur l’espèce en comparaison de celle qui prévalait dans la première moitié du xxe siècle, du fait de la valeur relativement élevée de sa fourrure. Cette nouvelle situation explique que de fortes prévalences puissent maintenant être observées chez le renard dans les zones qui ne sont pas connues pour leurs pullulations de rongeurs. C’est le cas par exemple dans les Ardennes, où une prévalence de 53 % a été observé chez le renard, dans des paysages où les prai- ries sont fragmentées avec des populations d’hôtes intermédiaires faibles et stables [19].
Cette augmentation des populations de renard s’est également accompagnée de changements de comportements. Le renard roux n’est plus seulement rural mais est devenu aussi urbain, ce qui s’est traduit par une implantation du parasite, non seulement aux abords et dans les villages et petites villes des zones traditionnelles d’endémie, mais aussi dans les grandes villes, où elle peut atteindre localement jusqu’à 70 % des animaux dans leur périphérie. L’infection des renards a été observée à Zurich, Stuttgart, Genève, Copenhague [20], Nancy [21] et la banlieue parisienne telle qu’en Seine-et-Marne (Circulaire du Préfet de Seine-et-Marne du 24 février 2006, Dupouy-Camet communication personnelle, Boué et al. en préparation). En règle générale, un gradient décroissant de prévalence s’établit de la ceinture périphérique rurbaine vers le centre de la ville, où les prévalences observées peuvent cependant encore dépasser quelques 10-20 %. L’analyse génétique de la population de renards urbains zurichois montre que les échanges avec l’extérieur de la ville sont limités. La présence avérée d’ A. terrestris infectés dans les parcs urbains indique que le cycle pourrait y être bouclé. La densité des chiens urbains peut atteindre de 0,5 à 5 individus/ha dans certaines villes, et celle des chats trois fois plus, ce qui rend très probable la prédation de rongeurs infectés [20]. Dans le contexte rural du canton de Fribourg (Suisse), il a été montré que 7 % (6/86) des chiens errants et 3 % (1/33) des chats examinés lors d’un cycle de pullulation d’ A. terrestris étaient infectés [22]. Le rôle des chiens et des chats dans l’exposition humaine en Europe, si ce n’est dans le maintien du cycle lui-même, mériterait d’être clarifié notamment dans un contexte urbain.
Par ailleurs, la distribution agrégée de la charge parasitaire chez le renard (moins de 20 % des renards hébergent plus de 80 % de la biomasse parasitaire) [23] pose le problème de la distribution spatiale hétérogène et localement imprévisible du maté- riel infectant, notamment quand sont envisagées des opérations de contrôle. Cellesci, encore au stade expérimental, pourraient être fondées sur la vermifugation locale des renards par distribution d’appâts contenant une dose de praziquantel [24, 25].
Une telle entreprise, qui devrait être répétée fréquemment (environ une fois par mois s’il s’agit de petites surfaces de quelques kilomètres carrés) et sur le long terme, ne se justifierait qu’en cas de danger majeur pour la santé publique et ne pourrait être pratiquée qu’à des échelles spatiales restreintes. La régulation par le tir ou le piégeage n’est pas à recommander car, au delà, des controverses qu’elle peut susciter, elle pourrait conduire à l’effet inverse de celui escompté, en vidant des territoires qui seraient alors très rapidement comblés par des renards ruraux plus infectés.
S’il est évident que l’échinocoque alvéolaire est un parasite qui étend son aire de distribution et augmente l’intensité de sa transmission en Europe, les données qui permettraient de constater un changement de l’épidémiologie humaine sont encore fragmentaires [26, 27]. Ceci peut s’expliquer soit par le fait que ce changement n’entraîne pas, pour des raisons comportementales (hygiène et mode de vie, etc.), une exposition plus forte de la populations humaine en ville, soit plus probablement par le fait que l’échinococcose alvéolaire est une maladie longtemps asymptomatique et que les conséquences d’un changement d’exposition ne seront mesurées que plusieurs années après. Il serait donc probablement avisé que dans l’ensemble des zones européennes concernées, puisse être assuré le meilleur couplage entre un dispositif de surveillance de la parasitose chez les hôtes définitifs (principalement renard et chien), seul capable d’anticiper le risque d’exposition, et un dispositif de surveillance de la maladie humaine, qui malheureusement et pour utile qu’il soit en terme d’épidémio-surveillance, ne permet que de constater a posteriori le problème de santé publique posé après que la maladie se soit déjà largement développée.
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DISCUSSION
M. Jean-Daniel SRAER
Existe-t-il une forme hépatique de cette parasitose chez le renard ? A-t-on (si tel n’est pas le cas) étudié les mécanismes par lesquels ces animaux se défendent ?
La forme normale hébergée chez le renard au niveau de l’intestin grêle est la forme adulte du parasite. A notre connaissance aucune forme hépatique (donc larvaire) n’a jamais été observée chez le renard. Il a cependant été observé chez le chien (plusieurs cas publiés par les collègues, vétérinaires de l’Institut de Parasitologie de Zurich), des formes larvaires hépatiques. Cependant, comme le renard, le chien joue normalement un rôle d’hôte définitif.
M. Pierre RONDOT
Les surfaces des prairies en Haute Saône ne sont-elles pas supérieures à celles du Doubs où les forêts sont nombreuses mais la maladie aussi plus fréquente ? Je voudrais évoquer le souvenir du Docteur Ledoux de Béranger qui, il y a soixante-dix ans, s’est intéressé à l’échinococcose alvéolaire.
Les plateaux du Haut-Doubs sont bien ceux qui montrent les plus grandes surfaces de prairie. Dans certaines communes d’altitude elles atteignent 100 % de la surface agricole utilisée. Le pourcentage de terres labourées, qui était équivalent à celui observé en plaine dans les années 1950, a considérablement diminué avec la spécialisation de la production vers le lait et le fromage de Comté dans les années 60. Nous avons montré dans des travaux publiés à la fin des années 1990 que cette évolution, en augmentant la connectivité des prairies et leur rendement, a conduit dans le Haut-Doubs à l’augmentation de l’amplitude des cycles de pullulation du campagnol terrestre, un des hôtes intermédiaires de l’échinocoque alvéolaire.
M. Jacques EUZÉBY
Les deux exposés présentés suscitent nombre de commentaires et de questions : la dualité granulosus et multilocularis a pendant longtemps opposé parasitologues et chirurgiens : en 1964, à un congrès tenu à Rome des représentants des deux disciplines ont failli en venir aux mains à ce sujet. Le chat, bien que n’étant pas un hôte de choix peut entretenir un cycle domestique, avec la collaboration de la souris. On a évoqué le traitement par le praziquantel ; qu’en est-il du méthyloestradiol, qui aurait des propriétés létales sur la membrane germinative ? Que pensez-vous de la souche Hokkaïdo ?E. granulosus et E. multilocularis ne sont pas les seules espèces à infester l’homme : cf E. vogeli et E. oligarthrus en Amérique du sud. Le vaccin qui a été évoqué est-il constitué d’un antigène E.g. 95 ou E.M. 95 ?
L’homme n’est peut-être pas un hôte ‘‘ accidentel ’’ mais un hôte paraténique, non pas impasse parasitaire mais cul de sac évolutif ?
De nos jours, les arguments moléculaires et morphologiques, font reconnaître comme espèces Echinococcus granulosus (sensu stricto), E. felidis, E. canadensis, E. equinus, E.
ortleppi . Cet ensemble est groupé sous l’ancienne étiquette E. granulosus (sensu lato).
Sont également reconnus E. multilocularis, E. vogeli, E. oligartrus , ces deux dernières étant sud-américaines. Le nombre de cas d’échinococcose à
E. vogeli et E. oligarthus est cependant extrêmement limité géographiquement et n’excède pas quelques patients connus. Une nouvelle espèce, E. shiquicus , proche d’ E. multilocularis a été décrite en 2006, par des collègues de notre groupe de travail en Chine. Elle est endémique du plateau tibétain et circule via le renard tibétain (Vulpes ferrilata) et le pika des plateaux (Ochotona curzoniae) . Sa pathogénicité à l’homme est actuellement inconnue. E. multilocularis est une espèce pratiquement clonale et ne laisse apparaître un polymorphisme génétique qu’au niveau de cibles microsatellites de l’ADN nucléaire. Aucune différence de pathogénicité correspondant à des différences génétiques n’a été constatée. La distinction morphologique entre E. m. multilocularis et E. m. sibiricencis (limité aux îles du détroit de Behring) faite par Rausch et Schiller en 1954 se trouve cependant confirmée dans l’analyse de cibles d’ADN ribosomial nucléaire multilocus et d’ADN nucléaires simple locus, par des différences minimes. Un plus grand degré de polymorphisme a été observé au niveau de microsatellites nucléaires, et celui-ci fait l’objet de recherches très actives. En 1996, Stéphane Bretagne a montré l’existence d’un profil européen, d’un profil Behring/Hokkaïdo et d’un profil nord-américain. La sélection d’un certain nombre d’autres cibles microsatellites, dans le cadre de recherches dirigées à l’université de Franche-Comté par Renaud Piarroux en collaboration avec Bruno Gottstein, de l’université de Bern, en Suisse, permet depuis peu d’aborder la structure génétique des populations du parasite à des échelles spatiales emboîtées, Jean-Mathieu Bart, par exemple a mis en évidence, en 2006, des dizaines de génotypes différents dans des échantillons de parasite mondiaux et la nature clonale des métacestodes prélevés dans un seul champ proche de Fribourg, en Suisse ou dans un champ de l’île de St Laurent dans le détroit de Behring. Jenny Knapp a caractérisé en 2008 les populations parasitaires circulant chez le renard en Europe, où un plus grand polymorphisme génétique est observé dans les populations des zones traditionnelles d’endémie que dans les zones considérées comme étant récemment colonisées. La place réelle du chat et de la souris dans le cycle parasitaire, très passionnément débattue par les parasitologues dans le passé sur des bases factuelles parfois disparates et surévaluées (la possibilité d’un tel cycle domestique enflammait les imaginations), reste une question théoriquement ouverte (ces deux hôtes ont été trouvés infectés en plusieurs endroits du monde, jamais, à notre connaissance, en concomitance, le chat avec des vers très peu nombreux, mal formés, et contenant peu d’œufs, et pouvant aussi bien se nourrir de campagnols ou d’autres rongeurs, l’origine de l’infection des souris n’a jamais été déterminée et peut aussi bien provenir de nourriture souillée par les excréments d’autres carnivores, chiens ou renards : c’est à peu près tout ce qu’on sait du sujet). Le rôle du chat dans l’exposition de l’homme au parasite ne peut pas être formellement exclu, et, comme l’a souligné à plusieurs reprises Anne-Françoise Pétavy dans ses travaux, c’est un point important qui appellerait des recherches adaptées, mais elles sont difficiles à conduire. Il est par contre acquis que le binôme chat-souris, s’il existe, est actuellement totalement anecdotique dans l’entretien durable du cycle à une échelle qui expliquerait ses distributions locales, régionales et mondiales (ce qui ne préjuge pas de son devenir dans le temps de l’Evolution !) . Tous les indicateurs épidémiologiques et écologiques qui se sont accumulés au cours des années ont confirmé l’idée que le parasite est obligatoirement maintenu par un cycle « sauvage » impliquant au moins une espèce de renard ( V. vulpes ou V. ferrilata ), un grand nombre d’espèces de campagnols et quelques espèces de pikas. Nos travaux ont conduit à conceptualiser l’écologie de la transmission en terme systémique et à accepter la variabilité spatiale et temporelle de ces systèmes multi-agents. Dans certains villages tibétains où 15-20 % des chiens sont porteurs du parasite, l’essentiel de la biomasse parasitaire se trouve alors vraisemblablement dans la population de chiens (une situation tout à fait exceptionnelle), mais des études comparatives que nous n’avons pas encore publiées indiquent qu’à elle seule, cette population ne semble pas être en mesure de maintenir durablement le parasite. La possession de chien est un facteur de risque important dans plusieurs études indépendantes menées en Chine, mais curieusement, celle de chat émerge dans une seule étude épidémiologique menée par nos collègues autrichiens, sans que l’on puisse tout à fait clarifier s’il s’agit d’une causalité biologique ou d’une concomitance statistique avec d’autres variables causales d’exposition. En ce qui concerne le vaccin, un vaccin EG95 (antigène d’ E. granulosus ), développé par
Marschal Lightowers (Australie) et David Heath (Nouvelle-Zélande), contre l’échinococcose kystique, est actuellement utilisé à grande échelle, en particulier en Chine, après des études pilotes qui ont prouvé son efficacité, en particulier chez le mouton. C’est à notre connaissance un des rares vaccins anti-parasitaires réellement efficace. Ce vaccin, ainsi que son équivalent qui utilise l’antigène homologue d’ E. multilocularis , EM95, a été testé expérimentalement et a une efficacité comparable chez le rongeur contre l’échinococcose alvéolaire. Il est évident que ce vaccin, qui serait théoriquement applicable à l’homme, n’aura jamais de développement, étant donné les contraintes de production des vaccins chez l’homme et le faible impact numérique de la maladie. A notre connaissance, aucun développement de pistes thérapeutiques utilisant le méthyloestradiol n’a fait l’objet d’études d’efficacité in vivo . Pour considérer l’homme comme un hôte paraténique d’
E. multilocularis , il faudrait lui reconnaître la propriété d’accumuler passivement le parasite par infections successives, et de participer à sa transmission à un hôte définitif.
Ce n’est pas le cas. Qu’il soit un cul de sac évolutif (nous ne voyons pas bien la différence avec le terme « impasse parasitaire »), ne fait guère de doute dans la mesure où son foie n’est jamais consommé par un hôte définitif (encore que cette situation anecdotique ne puisse pas tout à fait être exclue sur le plateau tibétain dans le cas de funérailles aquatiques, où le corps de la personne est laissé à l’eau). Le caractère accidentel des infections est évident et à notre connaissance, jamais délibéré, si c’est ce qu’on veut entendre par l’adjectif « accidentel ».
M. Pierre DELAVEAU
Quel est le régime alimentaire habituel des renards ? Quelles relations précises entre les fruits (myrtilles, fraises, framboises…) et les risques d’infestation chez l’homme ?
Les renards sont habituellement des prédateurs, d’un opportunisme teinté de certaines préférences. Ils consomment les ressources qui leur assurent le meilleur rapport coût/bénéfice en terme énergétique. En Europe et en zone rurale, ils sont principalement des prédateurs de campagnols, avec une préférence pour les campagnols de prairies ( Microtus arvalis et Arvicola terrestris ). En ville, ils n’hésitent pas à tirer parti des poubelles et aliments laissés accessibles par l’homme, ce qui est probablement une des causes de son extension actuelle aux milieux urbains. Seule l’absorption d’oncosphères (œufs) du parasite est contaminant pour l’homme. Les œufs peuvent se trouver sur le pelage des hôtes définitifs, ou sur de la nourriture souillée par les excréments d’un renard (ou d’un chien) infecté (et non l’urine, qui ne peut pas en contenir). De là, il est facile de considérer que tout végétal situé à plus de cinquante centimètres du sol, ne peut mécaniquement pas être infectant (ex. framboises). Pour les autres, la cuisson est la meilleure manière d’éliminer tout risque d’infection.
M. Charles-Joël MENKÈS
Quels sont la durée et le degré de congélation permettant de détruire avec certitude le parasite ?
La recommandation du guideline commun de l’Office international des épizooties et de l’Organisation mondiale de la santé est le maintien du matériel pendant au moins quatre jours à — 80° C. La congélation « familiale » à — 20° C ne tue pas les oncosphères.
M. Alain LARCAN
Appartenant à un département qui fut très touché (rouge sur votre carte), j’ai observé, dans les années 1965-1968, une vingtaine de cas d’EA Notre attention avait été attirée moins vers les myrtilles et fraises des bois que vers les migrations des renards parasités qu’en regardant la carte nous comparions à celle des grandes invasions passant de l’est, entre Rhin et Rhône, comme celles des Burgondes et des Alamans… Existe-t-il une carte des déplacements des renards parasités ?
Les renards ne sont pas connus pour « migrer » au sens accordé au terme dans la question. A leur émancipation, les jeunes se dispersent sans préférence directionnelle particulière, à la recherche d’un domaine vital d’où ils ne seront pas repoussés par un renard déjà présent. Ces déplacements sont de l’ordre de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres. Il a été exceptionnellement noté un déplacement dépassant 450 km en Amérique du nord. Parfois, notamment dans les villes où les ressources sont abondantes, les renards peuvent vivre en groupes familiaux plus ou moins lâches comptant plusieurs individus. Il est certain que les déplacements des hôtes définitifs (dont le renard et le chien) sont un moyen (le seul ?) pour le parasite de se propager sur de longues distances. On peut noter au passage que la destruction locale de renard, dont certains groupes de pression se font les avocats prétextant le contrôle de l’échinococcose alvéolaire, peut se révéler dangereuse et aller à l’inverse de l’effet escompté. Par exemple dans les villes, on observe un gradient décroissant de prévalence des zones rurbaines vers le centre. Détruire les renards au centre ville, présente donc le risque de libérer des territoires qui seront investis par les jeunes renards périphériques, plus contaminés. En tout état de cause, et en l’absence d’études spécifiques qui restent à conduire, la vermifugation ciblée au praziquantel, quand elle est possible et justifiée, est toujours préférable à la régulation des densités de renard (tir, piégeage, etc.).
M. André VACHERON
Quelle est la prévalence respective de l’échinococcose alvéolaire et de l’échinococcose hydatique en France ?
Actuellement, l’échinococcose kystique ne touche pratiquement en France que les populations migrantes, en provenance des pays d’endémie (Maghreb, Turquie, Moyen Orient, et pays de l’Europe centrale anciennement sous influence soviétique où la prévalence de la maladie a considérablement augmenté depuis les années 1980). Quelques cas « autochtones » très occasionnels ont été rapportés (Corse, et région de Marseille, où une « micro-épidémie » était survenue dans le début des années 1980, en relation avec l’abattage familial urbain de moutons infectés de l’arrière-pays marseillais, lors de fêtes religieuses musulmanes). Il n’y a pas de données populationnelles précises, en l’absence d’enregistrement systématique des cas ; mais il est clair que le nombre annuel de cas d’échinococcose kystique « d’importation » sur l’ensemble du territoire français est très supérieur à celui des cas d’échinococcose alvéolaire (une quinzaine de cas/année pour cette dernière, d’après l’enregistrement proche de l’exhaustivité du Registre « FrancEchino », coordonné par l’équipe de Besançon).
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 6, 1119-1130, séance du 17 juin 2008