Publié le 4 octobre 2022

Maitriser les risques face à la croissance de la médecine esthétique

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Maitriser les risques face à la croissance de la médecine esthétique

 Communiqué de l’Académie nationale de médecine (*)

4 octobre 2022

 

 

Selon des données récentes et publiées[1] le marché mondial de l’esthétique médicale et chirurgicale connaît une croissance exponentielle et devrait être multiplié par trois en dix ans, avec un taux de progression annuel de 8% sur la période 2018-2023. On comprend dès lors que l’offre de soins dans ce domaine se développe et se diversifie fortement, avec le risque d’échapper à tout contrôle et de poser de graves problèmes de compétence.

Depuis 1988, les actes de chirurgie esthétique relèvent en France d’une spécialité reconnue, la « chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique « . Dans leurs sphères respectives et après des stages pratiques, des chirurgiens d’autres spécialités (ORL, stomatologie, ophtalmologie) peuvent aussi effectuer certains de ces actes chirurgicaux d’esthétique.

Les actes de la médecine dite esthétique, qui n’est pas une spécialité en soi, recouvrent un ensemble de traitements, visant à retarder, voire à éviter le recours à des interventions chirurgicales. Au prix de stages pratiques, la médecine esthétique fait partie de la formation des dermatologues et des chirurgiens spécialisés. Seuls les docteurs en médecine peuvent accéder à une formation complémentaire validée en médecine esthétique. Ils doivent être inscrits au tableau du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM).

La médecine esthétique utilise notamment des produits injectables, dont la toxine botulique (48,2% des procédures), des produits de comblement, tels que l’acide hyaluronique (29,5% des procédures), et des équipements à base d’énergie, tels que les lasers, les radiofréquences ou la cryolipolyse.

Comme tout acte médical, l’acte de médecine esthétique réclame d’abord un diagnostic et la recherche des contre-indications à cet acte de modification physique. La médecine esthétique doit donc être clairement distinguée des soins esthétiques réalisés par des esthéticien(ne)s. La réalisation d’injections est notamment interdite aux personnes (esthéticien(ne)s, blogueuses ou autres) qui ne sont pas des médecins [1].

Aujourd’hui, ces actes de médecine esthétique sont de plus en plus proposés, notamment via les réseaux sociaux, par des pseudo-spécialistes non qualifiés, certains influenceurs en faisant même leur propre promotion. En parallèle, de nombreux produits falsifiés et donc dangereux mais théoriquement attractifs par leur prix moins cher, circulent. Ces pratiques doivent rester interdites, imposant la mise en œuvre de tous les moyens nécessaires de contrôle.

Alors que la pratique de la médecine esthétique par des médecins, ayant une formation adaptée et respectant les recommandations, permet de limiter les risques de ces actes [2], l’explosion des actes de médecine esthétique réalisés par des professionnels non qualifiés va de pair avec un nombre croissant de « complications graves » qui alertent les professionnels de santé, telles que des infections, par non-respect des règles d’asepsie, des paralysies ou des nécroses cutanées, liées à une injection mal réalisée, voire des déformations.

Face à l’alerte sur un risque croissant de complications sévères, l’Académie nationale de médecine :

– Rappelle que la pratique de la médecine esthétique doit être réalisée par un médecin, et propose qu’une formation appropriée, exigeante et validante, dans le cadre d’un diplôme universitaire ou inter-universitaire, soit requise pour les nouveaux médecins, ou les spécialistes n’ayant pas une formation spécifique et suffisante incluse dans leur spécialité, qui souhaitent s’orienter vers le domaine de la médecine esthétique ;

– Appelle au respect des obligations mises en place le 26 mai 2021 pour les fabricants et importateurs d’appareils esthétiques : certification d’un appareil classé « dispositif médical » par un organisme agréé notifié dans le cadre de la nouvelle réglementation européenne ; définition d’un contenu de formation obligatoire pour l’utilisation de l’appareil ; enregistrement sur le nouveau portail européen Eudamed ; suivi clinique, après l’accès au marché, de tous les incidents déclarés ;

– Rappelle que l’origine des produits injectés doit être connue et accessible, que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a la responsabilité de l’information délivrée sur la sécurité de ces produits, et que les recommandations sur l’usage des produits injectables doivent être faites par un professionnel de santé (médecin qualifié avec prescriptions) ;

– Suggère que la qualité des études cliniques réalisées par les industriels réponde strictement aux règles de bonnes pratiques de la recherche clinique en ces domaines, en dehors de tout conflit d’intérêt ;

– Suggère que l’accès aux informations pour trouver un spécialiste autorisé à pratiquer la médecine esthétique soit rapidement amélioré. Ce sont les plateformes spécifiques validées par des professionnels de santé, telles que celles des conseils nationaux professionnels, des sociétés savantes ou du CNOM, et non les réseaux sociaux, qui doivent être la référence, en dehors de toute publicité commerciale, pour rechercher les réponses à des questions en lien avec les actes de médecine esthétique ;

– Suggère que le recueil et les déclarations par les médecins, mais aussi les « patients », des effets secondaires graves induits par les actes médicaux à visée esthétique soient améliorés, obligatoires, et suivis d’actions adaptées.

 

Référence :

[1] Section santé publique du CNOM, Injection d’acide hyaluronique : un acte réservé aux médecins, Médecins, le Bulletin de l’Ordre national des médecins, 26 juillet 2022, p.11

[2] Goodman G.J. et al., Facial aesthetic injections in clinical practice: pretreatment and posttreatment consensus recommendations to minimise adverse outcomes, Australasian Journal of Dermatology 2020 ;61 :217-225

 

(*) Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie validé par les membres du Conseil d’administration le 5 octobre 2022.

 

[1] International Master Course on Aging Skin