Publié le 4 octobre 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

 

Communications

Mardi 4 octobre 2022

 

Stratégies de prise en charge des azoospermies non obstructives relevant d’une atteinte testiculaire primitive par Jean-Noël HUGUES (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Boulogne)

L’infertilité masculine dans un couple est estimée à 50 %. Sa forme extrême est représentée par l’azoospermie, avec 2 types : l’azoospermie obstructive, en rapport avec un obstacle sur les voies d’excrétion des spermatozoïdes et accessible à des solutions chirurgicales et l’azoospermie non obstructive (ANO) qui représente environ 10% des hommes infertiles, liée à un déficit de production testiculaire de spermatozoïdes. Le traitement de ces ANO a bénéficié de l’avènement relativement récent de progrès techniques significatifs, ainsi 2 techniques nouvelles telles que l’extraction de spermatozoïdes testiculaires (TEsticular Sperm Extraction ou TESE) et l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Quels sont les facteurs qui permettent de prédire la négativité du prélèvement chirurgical pour TESE ?

1. La technique chirurgicale semble jouer un rôle clé, avec une préférence pour la « micro-dissection TEsticular Sperm Extraction (micro-TESE) », mais sans conclusion formelle.

2. Des anomalies génétiques (syndromes de Klinefelter, Sertoly Only Cell…) qui sont recherchées par un caryotype avec une prédominance de micro-délétions dans les régions AZF (Azoospermia Factor) du chromosome Y.

3. Le statut hormonal avec la mesure de la testostérone plasmatique, la FSH, l’inhibine B et l’hormone anti-Mullérienne, ces deux dernières étant en lien avec l’activité sertolienne.

Des modèles prédictifs basés sur ces facteurs et l’utilisation de l’intelligence artificielle sont en cours de développement. En cas de prélèvement chirurgical négatif, le principe d’un 2e prélèvement doit être discuté avec le couple avant de renoncer à l’espoir d’une conception intra-conjugale, car il est assez souvent positif. Le traitement du futur repose aujourd’hui sur la thérapie cellulaire basée sur les cellules souches, mais qui soulève des questions éthiques et de sécurité sans parler d’éventuelles conséquences épigénétiques. Il en est de même pour la thérapie génique qui n’est pas applicable en pratique clinique dans la mesure où l’infertilité humaine ne relève pas, en général, du déficit d’un seul gène. En conclusion les points clés à retenir : malgré une recherche active depuis 50 ans, la physiopathologie de l’azoospermie non obstructive demeure encore partiellement inexpliquée.  L’amélioration des techniques chirurgicales, radiologiques et dans le domaine de la Biologie de la Reproduction ont optimisé les chances d’un recueil de spermatozoïdes.  Devant un échec de recueil, des solutions existent. Elles méritent d’être expliquées et discutées avec le couple dans l’espoir d’une conception intra-conjugale.

 

Stratégie de prise en charge des fracas des membres inférieurs en chirurgie de guerre. Réparé ou amputé : le soldat debout par Sylvain RIGAL (Service d’orthopédie traumatologie et chirurgie réparatrice des membres, hôpital d’instruction des armées Percy, Clamart)

La chirurgie de guerre est une chirurgie d’urgence, dans des conditions souvent dégradées, qui traite des lésions différentes de la pratique civile et s’intègre dans une prise en charge échelonnée.
Les lésions de guerre du membre inférieur appelées « Fracas » associent des lésions de toutes les structures anatomiques, os, muscles, vaisseaux, nerfs et peau. Elles posent la question de la décision de procéder à un sauvetage d’un membre ou à une amputation ainsi que le moment optimal de ce choix, ce qui demeure une source de débat permanent.

Le Service de Santé des Armées (SSA) a développé le concept de « chirurgie de l’avant » au plus proche du champ de bataille. Cette organisation vise à réduire le temps qui sépare la blessure de la prise en charge chirurgicale, mais seul le chirurgien peut prendre des décisions qui engagent la suite des opérations. Le parcours de soins proposé est basé sur des séquences dans le temps et l’espace respectant les séquences de traitement généralement admises dans la littérature (« 5,6,7,8,9 ») : 5 pour les 5 premières minutes, 6 pour les six premières heures, 7 pour les sept premiers jours, 8 pour les huit premières semaines et 9 pour les neuf premiers mois. Chaque étape n’est réalisée que lorsque le résultat de l’étape précédente est acquis. Ce protocole strict de stratégie séquentielle respecte les séquences techniques de traitement dans une approche orthoplastique qui est généralement celle de la pratique civile. Il s’agit d’un véritable parcours de soin compatible avec les contraintes d’une prise en charge en contexte de guerre. Enfin, elle est construite autour du choix de reporter la décision définitive éventuelle d’amputation après évacuation, dans une approche multidisciplinaire à laquelle le blessé peut participer. Sur le plan psychologique et physique, les amputations tardives sont source de troubles sévères et ce point important doit être considéré, de même que le positionnement du chirurgien qui, dans cette prise en charge, ne doit pas être un homme-orchestre, mais un chef d’orchestre.

 

Quelle évolution de notre système de santé pour demain en France ? par Frédéric BIZARD (Professeur d’économie – ESCP Europe – Paris ; Président de l’Institut Santé)

Après avoir connu un âge d’or au XXe siècle, notre système de santé éprouve depuis plusieurs années une crise multidimensionnelle.  Ce n’est pas avant tout une crise de ressources, mais surtout une crise d’adaptation à un environnement qui a radicalement changé à l’aube du nouveau millénaire. Notre pays vit sur ses acquis du XXe siècle et n’a pas reconstruit son système de santé pour affronter les nouveaux enjeux du XXIe siècle.

C’est une crise multiforme :

1. Crise d’efficacité : la France n’a pas réduit ses inégalités de santé depuis 30 ans et présente une mortalité prématurée parmi les plus élevées d’Europe et a vu l’espérance de vie sans incapacité des hommes stagner depuis 10 ans.

2. Crise économique : l’assurance maladie est déficitaire chaque année sans interruption depuis 1988, mais surtout il existe une mauvaise allocation des ressources en santé qui a affaibli l’efficacité du système.

3. Crise de gouvernance : sur-administration de l’institution hospitalière, extension de la mainmise de l’État, via les agences régionales de santé ont précipité le système dans un environnement ultra-bureaucratique et ultra-centralisé sans véritable pilote et possibilité d’anticipation devant des situations d’urgence comme la COVID-19.

4. Crise de confiance : qui touche l’État, l’assurance maladie, le personnel administratif, les professionnels de santé et bloque le fonctionnement d’un système basé sur la contractualisation entre les acteurs.

Un nouvel environnement depuis les années 2000 existe avec une triple transition :

1. La transition démographique est un vieillissement de la population avec 2 conséquences : seul un objectif de compression de la morbidité (allongement de l’espérance de vie en bonne santé) permettra de « neutraliser » l’effet démographique, une extension de la base de financement s’impose pour compenser la baisse du ratio actifs/inactifs.

2. La transition épidémiologique : le combat du XXe siècle était la lutte contre des pathologies « aiguës », celui du XXIe siècle porte sur les pathologies chroniques. Le système de santé doit être piloté à partir des besoins de santé plutôt qu’à partir de l’offre de santé. On passe d’une protection passive à une protection active.

3. La transition technologique : une révolution technologique améliorer l’arsenal thérapeutique. Le progrès technologique ne se traduit pas suffisamment en progrès social.

Les principes clés pour réfléchir à l’évolution de notre système de santé sont :

1. Une approche de la santé créatrice de valeur ajoutée humaine et économique

2. Trois piliers stratégiques

– Du soin à la santé : la considération holistique de la santé induit un modèle qui est au service de la santé des bien portants tout autant que de celle des malades.

– De l’offre à la demande : pilotage à partir de la demande, installant l’individu, l’usager en son centre.

– De l’étatisme à la démocratie sanitaire et sociale : la démocratisation des institutions de la gouvernance de la santé, aiderait à redonner une réelle capacité de décision et d‘organisation des soins aux professionnels de santé,

Pour répondre au changement de l’environnement, il est proposé le concept d’autonomie solidaire en protection sociale. C’est un individu capable de développer ses potentialités tout au long de sa vie et c’est cette capacité qu’il faut protéger dans le modèle social de demain.