Publié le 11 octobre 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

 

Mardi 11 octobre 2022

Séance Commune

Académie Nationale de Chirurgie – Académie Nationale de Médecine

« La chirurgie du grand âge en 2022 »

Sous la présidence des professeurs Patrick Tran Ba Huy et Albert-Claude Benhamou
 

Communications

 

Intérêt de l’évaluation préopératoire et prise en charge postopératoire du patient âgé

Bertand GUIDET(APHP, Paris)

Le pronostic des patients âgés admis en réanimation après un acte chirurgical dépend de l’âge. Il est plus favorable chez les patients de moins de 80 ans, mais il dépend aussi des circonstances, chirurgie urgente ou programmée et évidemment des facteurs de risque classiques.

Dans ce contexte, l’auteur a souligné l’intérêt des outils d’évaluation gériatrique utilisés dans le cadre d’une coopération multidisciplinaire et en particulier du score de fragilité canadien plus performant que le score ASA pour prévoir le risque de mortalité à 30 jours et le risque de mise en institution (EHPAD) après la chirurgie. Ce score de fragilité était aussi supérieur à l’âge comme variable prédictive de mortalité.

Les patients ayant une chirurgie urgente ont souvent plus de comorbidités et l’évaluation préopératoire est réalisée dans des conditions plus compliquées nécessitant le recours à des outils faciles à utiliser, robustes et reproductibles décrits dans l’article.

En conclusion, l’auteur a insisté sur la nécessité de réaliser avant toute intervention programmée, une évaluation gériatrique afin de tenir compte du score de fragilité du patient et de l’inscrire, si nécessaire, dans une filière gériatrique soit à la sortie de la réanimation, soit directement après la chirurgie.

Il faut cependant reconnaître la rareté dans notre pratique chirurgicale courante, d’une telle évaluation gériatrique intégrée au parcours de soin.

 

Développement de la technique d’implantation percutanée de valves aortiques (TAVI) pour le traitement du rétrécissement aortique dégénératif. Où en sommes-nous et quel est l’avenir pour le TAVI ?

Alain CRIBIER, CHU de Rouen.

Le TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) est une innovation française, mise au point en 2002 par l’équipe de cardiologie du CHU de Rouen (Alain Cribier). Cette technique consiste à implanter une prothèse valvulaire au sein du rétrécissement valvulaire dégénératif (RAC) en utilisant des techniques de cathétérisme percutané.

Le RAC est la maladie valvulaire acquise touchant principalement les sujets âgés. Sa prévalence augmente avec l’âge et concerne environ 7% de la population > 75 ans. Or de très nombreux patients ne peuvent pas bénéficier du remplacement valvulaire chirurgical (RVA), en raison de leur grand âge ou de comorbidités. Cette limitation a motivé le développement des techniques alternatives interventionnelles moins invasives que le RVA, avec d’abord la dilatation percutanée aortique au ballonnet avec un premier cas mondial à Rouen en 1985. Mais cette technique, qui était suivie de nombreuses resténoses à un an, a conduit au TAVI associant stent et valve afin de pallier les limitations de la dilatation aortique seule.

Le développement du TAVI, dont la seule évocation soulevait au départ les pires critiques, a connu un succès considérable et une diffusion mondiale. Ce succès a résulté de la combinaison d’avancées technologiques continuelles depuis le premier cas et d’une évaluation scientifique rigoureuse par plusieurs registres contrôlés suivis de plusieurs études randomisées comparant TAVI et RVA chez des patients à risque chirurgical dégressif. La non-infériorité ou la supériorité du TAVI par rapport au RVA sur la mortalité à moyen et à long terme ont été constamment démontrées dans ces études et ont conduit à l’élargissement des indications du TAVI.

Aujourd’hui, le TAVI peut être proposé en première intention et quel que soit le risque chirurgical, à tout patient âgé de plus de 65 ans aux USA et de plus de 75 ans en Europe. Le RVA restant indiqué pour quelques patients non-candidats au TAVI du fait de l’impossibilité du cathétérisme fémoral ou carotidien.

Plus de 1.5 million de patients ont été traités par TAVI dans le monde avec une croissance annuelle des actes proche de 10%. Depuis 2019, le nombre de TAVI dépasse celui du RVA dans plusieurs pays, dont les USA.

En plus de son intérêt évident pour le patient, cette technologie de rupture a eu une influence considérable sur la pratique cardiologique et sur le développement de nouvelles techniques interventionnelles pour d’autres maladies valvulaires ou structurelles myocardiques.

 

Quelle prise en charge des cancers évolués lors du grand âge ? Pour chaque médecin, pour chaque patient, une prise en charge personnalisée est-elle possible ?

Étienne BRAIN, Institut Curie, Saint-Cloud

L’auteur rappelle en préambule que 60% des cancers surviennent chez des patients âgés de plus de 65 ans.

Mais le vieillissement est « individuel » avec des conséquences différentes pour chaque patient ayant des profils de risque variables. De plus, après 70-80 ans, les causes de mortalité non liées au cancer, même chez les patients ayant un cancer, deviennent prépondérantes, justifiant des attitudes thérapeutiques appropriées.

Ces attitudes vont actuellement du « nihilisme », on ne traite pas le cancer, à un enthousiasme thérapeutique mettant l’âge entre parenthèses, en passant par des positions plus nuancées.

C’est dans ce contexte que l’auteur insiste sur la nécessité d’un dépistage gériatrique systématique pour préciser la vulnérabilité du patient face aux thérapeutiques proposées.

Le but de cette enquête gériatrique étant de définir un groupe « en bonne forme » qui devrait bénéficier d’un traitement « normal » et un groupe « fragile » pour lequel le traitement devrait être ajusté, voire limité à un traitement de confort dans les cas extrêmes.

Dans l’expérience de l’auteur, l’évaluation gériatrique avait permis une désescalade thérapeutique dans 66% des cas. L’auteur a aussi insisté sur la notion d’acceptabilité du traitement qui n’est pas la même chez les patients âgés que chez les patients jeunes. Dans certains cas, les souhaits des patients âgés sont différents de ceux du médecin.

L’oncologie gériatrique impose donc un regard croisé nécessitant l’intégration des gériatres en RCP. Actuellement, cette intégration est très variable d’un centre à l’autre et devrait être développée. On note aussi l’exclusion assez fréquente des patients âgés des études randomisées, ce qui pose le problème de l’applicabilité de ces études aux patients âgés.

 

Fractures sur prothèses de hanche et de genou chez les patients très âgés – vers un nouveau problème de santé publique ?

Didier MAINARD, CHU de Nancy

Du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation considérable des poses des prothèses totales de hanche (PTH) et des prothèses totales de genou (PTG), ces fractures initialement rares deviennent de plus en plus fréquentes chez les patients > 80 ans.

La gravité des fractures des PTH est supérieure à celle des fractures habituelles de l’extrémité supérieure du fémur. On passe de 10% à 20% de mortalité à un an avec un taux de complications postopératoires proche de 30% après chirurgie pour fracture des PTH.

De plus, près de 50% des patients opérés d’une fracture de PTH ne retrouvent pas en postopératoire leur lieu de vie habituel avec de nombreux placements en EHPAD.

Le même problème existe avec les fractures des PTG dont les taux de reprise chirurgicale varient entre 11 et 40% avec un taux de complications postopératoires proche de 16%. Les auteurs ont aussi présenté le risque des fractures inter-prothétiques entre une PTH et une PTG.

Les auteurs ont aussi souligné le rôle des gériatres dans la prise en charge postopératoire de ces patients, en citant l’intérêt des outils d’évaluation gériatrique utilisés dans le cadre d’une coopération multidisciplinaire.