Communication scientifique
Séance du 25 mai 2004

Les urgences main en France. Un important défi de santé publique

MOTS-CLÉS : santé publique. traumatisme main. urgences
Emergency treatment of hand trauma in France, an important public health challenge
KEY-WORDS : emergencies. hand injuries. public health

Claude Kenesi * Emmanuel MASMEJEAN **, Emmanuel Masmejean **

Résumé

La traumatologie de la main a été longtemps le parent pauvre de la chirurgie générale. Ce n’est guère que dans la deuxième moitié du XXe siècle que des chirurgiens se sont spécialisés dans sa prise en charge. Pourtant elle représente une part importante des urgences chirurgicales : 20 à 25 %. Elle est la cause d’arrêts de travail prolongés, de déclassements professionnels, de dépenses de santé importantes, de pensions d’invalidité élevées. La prise en charge rapide dans des centres spécialisés des cas graves est hautement souhaitable. Un réseau national étendu (plus de 45 centres sur l’ensemble du territoire) existe. Il s’étend actuellement à une partie de l’Europe (Fédération Européenne des Services Urgences Mains). Malheureusement, l’information des chirurgiens généraux, des urgentistes et du grand public laisse encore beaucoup à désirer. Une prise en charge nationale du problème est hautement souhaitable.

Summary

For decades hand trauma surgery was a small branch of general surgeons’ practice. Only after the second world war did some orthopaedic or plastic surgeons with specific training in microsurgery start to sub-specialize in hand surgery. In the past 50 years, National Hand Societies have been created all over the world. Hand trauma represents a significant proportion of emergency room attendance, and 20-25 % of traumatic emergencies. Most hand trauma patients are manual workers, who are sometimes injured at work. Hand injuries can result in lengthy periods off work. Incorrect emergency assessment and treatment by a non specialist surgeon can lead to poor outcomes. This can also increase the costs to society, owing to the need for further surgical procedures and physiotherapy. Hand trauma can be prevented by providing a safer environment at home, at work and in the playground. Better trauma outcomes can be achieved by early referral to a Hand Center. In France, there are now almost 50 hand trauma centers. These are open 24 hours a day, 365 days a year, with a specialist hand surgeon on call. The latter will have diplomas in microsurgery and in hand and upper limb surgery, plus two years of experience as a fellow in a hand surgery unit. There is now a European Federation of Hand Trauma Centers (FESUM : Fédération Européenne des services d’Urgence-mains) with hand centers in Belgium, Italy, Germany, the UK, Luxembourg, Spain and Switzerland. These work under the umbrella of the European Federation of Societies for Surgery of the Hand (FESSH). However, only a small percentage of hand trauma victims are referred to such a centers. Awareness of these centers must be improved among both health care professionals and the public.

INTRODUCTION

La traumatologie de la main a toujours été considérée comme une part assez peu importante de la chirurgie courante, quotidienne. Depuis peu, on a pris conscience de son importance dans la traumatologie générale, de la gravité de ses séquelles, du poids qu’elle représente dans le budget social. Des structures se sont mises en place, qui ont abouti à un véritable quadrillage du territoire national en services ‘‘ urgences-mains ’’, à des circuits d’enseignement et de reconnaissances officielles qui s’étendent progressivement à l’Europe.

De gros progrès restent cependant à faire, dans l’information du public, la coopé- ration avec les équipes du terrain, l’articulation avec les hôpitaux généraux et les grands centres de traumatologie, les relations internationales. C’est ce que nous désirons présenter ici.

RESUMÉ DE L’ÉVOLUTION DE LA CHIRURGIE DE LA MAIN EN FRANCE

Les précurseurs

La célèbre leçon de Guillaume DUPUYTREN en 1832 peut être considérée comme le premier travail scientifique moderne sur la pathologie de la main. Il ne s’agissait cependant pas de traumatologie mais de la rétraction permanente des doigts. A la fin du XIXe siècle, et dans la première moitié du XXe siècle, quelques auteurs anglosaxons font des recherches originales parmi lesquelles :

Allen Buckner KANAVEL décrit les gaines synoviales et les espaces cellulaires de la main et propose des incisions non délabrantes pour les phlegmons localisés.

Archibald Hector MAC INDOE étudie les brûlures de la main et leurs séquelles [1] STERLING BUNNEL propose des règles spécifiques à cette chirurgie [2]. En France Alfred BLUM avait fait figure de précurseur avec son livre sur la chirurgie de la main
en 1882 [3]. C’est Marc ISELIN, chirurgien à l’hôpital de Nanterre, qui le premier, va structurer cette spécialité : Traité de chirurgie de la main en 1945 ; création d’un cours privé en 1952, et d’une société de chirurgie de la main [4].

La place de la chirurgie de la main en 1950 était des plus réduites. Le nombre de publications qui lui sont consacrées en porte témoignage : A l’Académie nationale de Chirurgie, de 1952 à 1960, 10 travaux sur 1880 (0,5 %). A la Société française de Chirurgie Orthopédique (SOFCOT), durant le même temps, 48 communications sur 3800 environ (1,2 %).

Ces chiffres sont extrêmement faibles, si l’on tient compte de la grande fréquence des lésions de la main, évaluées à près de 25 % des cas de traumatologie générale.

Les développements récents

En 1963, un groupe d’étude de la main est constitué par une dizaine de chirurgiens, dont Claude DUFOURMENTEL, Jean GOSSET, Marc ISELIN, Robert MERLE d’AUBIGNE, Jacques MICHON, Raoul TUBIANA, Pierre VERDAN, Raymond VILAIN. Plus tard, ce groupe se développera et deviendra la Société Française de Chirurgie de la main [5-6].

Raymond VILAIN crée en 1973 le premier SOS MAIN [7]. Il s’agissait au départ d’un standard téléphonique destiné à dépanner et à conseiller tout médecin confronté à une grave lésion de la main. Des centres de ce type se développeront à travers la France, avec sur place, des chirurgiens spécialisés en chirurgie du membre supérieur et en microchirurgie. Ces structures vont dépasser nos frontières, tandis que les traités, les publications se multiplient, tant en France qu’à l’étranger [8-9-10-11].

Il y a dix ans, Michel MERLE [12] présente à cette Tribune un panorama de la situation en France. Chaque année des centaines de milliers d’accidents intéressent la main et les doigts. Ils représentent un tiers de la totalité des accidents du travail. 27 centres d’urgence mains sont répartis sur le territoire. Depuis, le nombre de ces centres a doublé, la coopération avec l’étranger s’est développée, le quadrillage de l’accueil des urgences a été complètement transformé. Mais d’importants problèmes subsistent.

LA TRAUMATOLOGIE DE LA MAIN EN 2003

Organisation actuelle

Elle comporte trois structures différentes :

— La Société Française de Chirurgie de la main est une société savante, qui publie sa propre revue référencée : ‘‘ Chirurgie de la main ’’.

— Le Collège Français des enseignants de Chirurgie de la main qui reconnaît des enseignants titulaires, des services ou unités formateurs, pouvant fournir une éducation spécifique à des internes ou à des chefs de clinique.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins délivre chaque année depuis l’année 2000 un titre de « chirurgien de la main », sur avis du conseil des enseignants [13].

— La Fédération Européenne des Services d’Urgence Main (FESUM) créée à l’initiative des chirurgiens français, accrédite les unités de type ‘‘ SOS MAIN ’’. Ces structures ont l’agrément des Agences Régionales d’Hospitalisation [14].

Données socio économiques

En 2002, 1.400.000 accidents de la main ont été recensés. Près de la moitié étaient des lésions sérieuses ou graves. Ces chiffres, transmis par les compagnies d’assurances, sont vraisemblablement minorés.

Les causes les plus fréquentes sont les accidents domestiques (38 %), puis les accidents de travail (27 %), les accidents de sport (15 %), le bricolage (10 %). Les accidents scolaires, les causes plus rares, se partagent les 10 % restants [15].

Arrêtons-nous quelques instants sur les accidents du travail : plus de 40 % des lésions de la main surviennent chez des travailleurs manuels, c’est-à-dire qu’elles compromettent directement leur capacité professionnelle. Elles touchent essentiellement des hommes jeunes, intérimaires, apprentis ou récemment embauchés. Un tiers d’entre elles sera la cause d’une incapacité permanente partielle, d’un taux moyen de 10 %. Ce taux était de 19 % il y a dix ans, ce qui témoigne d’une amélioration certaine.

Les lésions de la main coûtent 18 % du total des indemnisations versées par les caisses d’accident du travail, soit sous forme de capital (en moyenne 1479 euros, pour des I.P.P. inférieures ou égales à 9 %), soit sous forme de rente, pour les IPP supérieures, évaluées en moyenne à 85.400 euros.17 % des journées perdues par accident du travail concernent des lésions de la main.

PRISE EN CHARGE DES LÉSIONS TRAUMATIQUES DE LA MAIN

Tout médecin est, bien sûr, susceptible de recevoir un accidenté de la main. Cette large répartition bénéficie donc d’un quadrillage efficace.

Cependant les inconvénients du système sont nombreux : un chirurgien généraliste même adroit et entraîné, ne dispose pas toujours du temps nécessaire à des réparations qui peuvent être très longues, du matériel spécialisé (d’ostéosynthèse, de micro chirurgie) de personnel entraîné à la surveillance des suites. Sa responsabilité peut cependant, à tout moment, être directement engagée [16].

A l’opposé, il n’est pas pensable d’envoyer à des centres spécialisés toutes les blessures de la main. Une bonne orientation au départ est d’autant plus nécessaire qu’une mauvaise prise en charge initiale entraîne un allongement de la durée du traitement, de l’arrêt de travail, de la rééducation, un résultat fonctionnel final plus mauvais et une IPP plus lourde. Le coût d’un tel retard a été évalué à plus de
15.000 euros par patient. Un tri s’avère donc indispensable et tout personnel soignant peut être appelé à y participer.

Schématiquement, trois cas de figure sont envisageables :

Plaie sans gravité évidente

La lésion est superficielle, ne dépasse pas le derme. Ces plaies sont prises en charge par le médecin. Encore faut-il que l’exploration soit minutieuse, pour ne pas ignorer une lésion sous jacente, et que soient mis en place une désinfection et un pansement.

Au moindre doute l’avis d’un spécialiste doit être demandé rapidement, mais sans précipitation.

Les lésions graves d’emblée doivent être sans délai acheminées vers un centre spécialisé SOS main. Il s’agit de brûlures profondes, en particulier après électrocution, de délabrements pluri tissulaires, où s’associent fractures ouvertes plurifragmentaires, lésions tendineuses et vasculo nerveuses, d’écrasement, où les lésions profondes ne sont appréciables qu’à l’exploration chirurgicale ; de morsures étendues, d’injections sous pression (dans ces deux derniers cas, une lésion cutanée apparemment mineure peut cacher des dégâts considérables) ; d’arrachages (doigts d’alliances) ou d’amputations. Le nombre de doigts lésés, leur topographie surtout (gravité des lésions du pouce) va nécessiter un bilan très soigneux et complet. Dans tous ces cas, il n’est pas raisonnable de se lancer dans une réparation aléatoire. Il faut éviter le garrot, qui aggrave l’ischémie tissulaire, et mettre en place un gros pansement compressif, bien matelassé de coton, imprégné d’une solution antiseptique. Le patient doit être dirigé au plus vite sur un centre spécialisé urgence-mains. Un doigt amputé doit être enveloppé dans des champs humides et placé dans un sac plastique contenant de la glace.

Les lésions douteuses

Sont évidemment les plus difficiles à évaluer. Il faut chercher des éléments péjoratifs par l’interrogatoire (instruments contondants, morsures, écrasement), et l’examen (plaies souillées, contuses, saignement important). Il est souvent difficile, sous une plaie apparemment bénigne, de dépister une lésion tendineuse ou nerveuse, une plaie vasculaire qui ne saigne pas obligatoirement en jet. Il ne faut pas ‘‘ bricoler ’’ des lésions douteuses sous anesthésie locale, sur un coin de table de consultation. Une exploration chirurgicale, en salle d’opération, sous anesthésie générale et hémostase préventive est indiquée dans tous les cas. Mieux vaut une exploration blanche qu’une consultation à un stade compliqué. La reprise sera difficile et le résultat fonctionnel médiocre.

LA COUVERTURE NATIONALE : LE RÉSEAU SOS MAIN

C’est la France qui a pris l’initiative de créer la Fédération Européenne des Services d’Urgence Main (FESUM) [17]. Elle accrédite les centres capables d’accueillir ce type de blessés. Les centres s’engagent à disposer en permanence, 24 heures sur 24 et 365 jours par an, d’un matériel adapté et d’un chirurgien compétent en chirurgie de la main, diplômé en micro chirurgie. Il existe en France plus de 45 centres accrédités, répartis sur tout le territoire, groupés en cinq régions dirigées par un coordinateur régional. Ils regroupent aussi bien des structures publiques que privées. La Fédération a des représentants en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique, au Luxembourg. Son implantation est plus difficile en Allemagne, du fait de l’organisation locale de la traumatologie : les traumatologues allemands traitent indifféremment les blessures de l’appareil locomoteur, des viscères, de la face ou du système nerveux central. La traumatologie de la main est incluse dans ce vaste ensemble. Les tutelles françaises reconnaissent la Fédération. Lorsqu’une structure publique ou privée demande à être reconnue : ‘‘ Pôle Spécialisé d’Urgence ’’ pour la main, l’Agence Régionale d’Hospitalisation délivre l’accréditation d’après les critères de la FESUM qui collabore à la Fédération Européenne des Sociétés de Chirurgie de la main.

LES POINTS NON RÉSOLUS

Le recrutement

Moins de 10 % des 1.400.000 traumatismes annuels de la main en France ont été soignés dans les centres urgences main en 2002. Il n’est bien sûr pas question qu’ils prennent en charge la totalité de la pathologie traumatique de la main. De très nombreux cas de lésions bénignes doivent rester traités dans les services de chirurgie traumatique générale. Il n’est pas possible non plus de multiplier à l’infini les centres spécialisés.

Un effort d’information doit être développé auprès du grand public, mais aussi auprès des hôpitaux généraux et de toutes les structures qui accueillent les urgences.

Un numéro Indigo : 0825 00 22 21 permet de joindre les centres SOS main pour demander conseil ou organiser le transfert des cas graves ou supposés graves. Les organisations de ramassage (SAMU, pompiers), les structures universitaires, professionnelles, scientifiques sont concernées par cette extension de l’information, et l’Académie nationale de médecine peut apporter une aide importante : elle peut garantir, en accord avec le Conseil National de l’Ordre des Médecins, le contrôle et le maintien d’un niveau d’excellence de ces centres et participer à la reconnaissance de ce réseau.

La collaboration public-privé

Elle doit être poursuivie et encouragée. Dans plusieurs régions, elle est exemplaire :

grande garde alternée entre hôpital public et clinique libérale ; participation de chirurgiens des hôpitaux publics à l’accueil dans un centre privé (et l’inverse est concevable). Elle est d’autant plus indispensable que la pénurie de chirurgiens s’aggrave. Dans le cas particulier des polytraumatisés, seuls les grands centres hospitaliers sont suffisamment équipés pour prendre en charge les blessés. Il est nécessaire qu’une équipe SOS main puisse être rattachée à ces SAU. Ce n’est pas toujours le cas. En effet, en 2004, il n’existe plus dans les hôpitaux de l’Assistance Publique de Paris, aucun centre répondant strictement aux critères de sélection de la Fédération Européenne des Urgences Main. Le traitement des polytraumatisés présentant des lésions graves de la main n’est plus possible dans les hôpitaux de Paris.

EN CONCLUSION

La traumatologie de la main est une cause importante de dépenses de santé, d’invalidité, de déclassement social. Sa prise en charge chirurgicale a fait de grands progrès ces dernières années, aussi bien en ce qui concerne les techniques opératoires que la mise en place d’un quadrillage régional. Celui-ci permet de prendre en charge sans délai, dans les meilleures conditions, les lésions graves et donc de diminuer leurs conséquences humaines et professionnelles. Un effort de reconnaissance national est nécessaire, afin de promouvoir l’enseignement des spécialistes et des urgentistes, valider les diplômes, informer le grand public et les administrations sur les réseaux téléphoniques et chirurgicaux SOS main. L’action de l’Académie nationale de médecine sur ce point peut être très importante.

BIBLIOGRAPHIE [1] MAC INDOE A.H. — The burnt hand.

Med. press et circul . 1944, 211 , 57-61.

[2] STERLING BUNNEL J. — Surgery of the hand. 1 vol, 1948. 1079 p. Lippincott Philadelphie.

[3] BLUM A. — Chirurgie de la main. 1 vol, 1882, 207 p. Asselin Paris.

[4] ISELIN M. — Traité de chirurgie de la main. 1 vol, 1955, 626 p. Masson Paris.

[5] MICHON J., VICHARD P. — A propos du traitement loco régional des électrocutions. Ann. chir.

Plast., 1962, VII, 261-270.

[6] GOSSET J. — Les mutilations de la main. 1 vol, 1974, 118 p.

Expansion Scientifique Française,

Paris.

[7] VILAIN R., DARDOUR J.C. — Les petites plaies des doigts : médecin ou chirurgien ? Une tentative d’arbitrage, Chirurgie, 1984, 110, 33-35.

[8] TUBIANA R., BROWN P., MICHON J. — Plaies des mains In

Traité de chirurgie de la main, 1991, 6 vol.,

Vol 2, 97-141.

[9] DE LA CAFFINIERE J.Y., MALEK R. — Chirurgie reconstructive du pouce. 1 vol, 1981, 224 p.

Masson Paris.

[10] BRUSER P., GILBERT A. — Finger bone & joint injuries 1 vol, 1999, 382 p. Martin Dunitz London.

[11] MERLE M. — Les services d’urgence de la main : une nécessité. Bull. Acad. Natle. Méd., 1994, 178 , 4, 681-699.

[12] MOUTET F., HALOUA J.P. — La formation en chirurgie de la main

Chir. de la main, 2003, 22, 243-245.

[13] ALLIEU Y. — Naissance et évolution de la FESUM (Fédération Européenne des Services d’Urgence Mains), Chir. de la main, 2003, 22, 223-224.

[14] LE BOURG M. — Accidents de la main. Données socio économiques.

La main, 1998, 3 (Spécial), 1 5-22.

[15] NONNENMACHER J. — Responsabilité médicale en traumatologie de la main.

Chir. de la main, 2003, 22, 249-257.

[16] MASMEJEAN E.H., FAYE A., ALNOT J.Y., MIGNON A.F. — Trauma care systems in France.

Injury, 2003, 34 (9), 669-673.

DISCUSSION

M. Pierre BANZET

Compte tenu des difficultés inhérentes à la pratique d’une replantation digitale et de ses suites, quelles en sont, à ce jour, les indications préférentielles ? La qualité du résultat fonctionnel est certes liée à celle de l’acte chirurgical, mais aussi à la volonté du blessé de se rééduquer avec l’aide du kinésithérapeute. Quels sont, à ce jour, les progrès en ce domaine ?

Il y a deux indications majeures : d’une part, les amputations du pouce. Du fait de son importance, il faut toujours tenter de le conserver, même médiocre. Ce n’est qu’en cas d’échec qu’une tentative de plastie secondaire (avec un doigt voisin ou un orteil) sera proposée. D’autre part, en cas de mutilation pluri digitale, on cherchera évidemment à conserver le maximum. Vous avez raison d’insister sur l’importance de la kinésithérapie post opératoire. Les fractures peuvent maintenant être ostéosynthésées de façon stable, les réparations tendineuses sont plus solides et la mobilisation est commencée le plus vite possible. Encore faut il que le patient coopère. C’est une part majeure de la mission du rééducateur que de motiver le blessé.

M. Philippe VICHARD

Les problèmes évoqués par Claude Kenesi ne sont pas techniques : les pièges décrits et les solutions proposées (microchirurgie, urgences) sont connus depuis fort longtemps. La
question essentielle est de savoir pourquoi, dans les faits, en France, ces connaissances ne sont pas exploitées dans la pratique. Je voudrais donc que vous nous donniez votre sentiment sur les affirmations personnelles suivantes : Nous vivons dans un État où la santé est ‘‘ administrée ’’ et où l’État veut organiser sans prendre l’avis de professionnels compétents.

Tandis que le secteur privé est confiné dans un cadre pré-établi. Le corps chirurgical et orthopédique n’est pas vierge. Certes il est trop souvent marginalisé par l’administration.

Mais il professe, à l’égard des urgences et de domaines qui ne l’intéressent pas, un mépris coupable… Vous avez décrit avec complaisance l’organisation parisienne qui serait déplorable. Je dois dire qu’en province, et notamment à Besançon (depuis 1969), les urgences main sont prises en charge, sans difficulté particulière, dans les meilleures conditions.

L’organisation mise en place ayant justifié notre affiliation, dès le début (1973), à l’organisation SOS main.

Sur le rôle de l’Etat : je pense comme vous que les personnels compétents existent. Les centres urgences mains aussi. Les centres privés et publics n’ont pas le même mode de fonctionnement. Un accord entre eux doit toujours être trouvé. C’est le cas le plus fréquent et c’est très bien ainsi. Malheureusement, il existe parfois des difficultés. Vous évoquez dans votre troisième question le problème de Paris, mais il y a malheureusement d’autres sites où le fonctionnement n’est pas parfait. Je pense qu’alors l’État peut participer à la coordination des efforts sans empiéter sur le rôle des techniciens. Quant à la préférence des chirurgiens pour la chirurgie ‘‘ froide ’’, programmée, confortable, je pense comme vous que c’est toute une mentalité qu’il faudrait changer (et qui ne concerne pas seulement la chirurgie !) M. Jean MINÉ

L’orateur peut-il nous dire s’il existe des centres spécialisés dans nos territoires d’outremer ?

Il n’en existe pas à ma connaissance.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine 10 Avenue Constant Coquelin Paris VIIe ** Praticien hospitalier, chef de l’unité de chirurgie de la main, service de chirurgie orthopédique Hôpital Européen Georges Pompidou. 20-40 rue Leblanc 75908 PARIS Cedex 15 Tiré-à-part : Pr. Claude KENÉSI, même adresse. Article reçu le 8 janvier 2004, accepté le 1er mars 2004

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 5, 793-801, séance du 25 mai 2004