Publié le 16 mai 2023

Les organoïdes cérébraux ne sont pas des mini-cerveaux

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Les organoïdes cérébraux ne sont pas des mini-cerveaux[1]

Communiqué de l’Académie nationale de médecine

16 mai 2023

 

L’interprétation abusive des terminologies et travaux scientifiques peut être source de confusion et de défiance vis-à-vis de la science. C’est le cas s’agissant des « organoïdes cérébraux ».

La capacité des cellules souches pluripotentes embryonnaires ou induites (iPSC : induced pluripotent stem cells), ou des cellules souches adultes, à s’autoorganiser en trois dimensions et à se différencier in vitro est une découverte remarquable en biologie cellulaire (1). Ces cellules, en présence ou non d’une matrice extracellulaire artificielle ou naturelle, se groupent en agrégats appelés organoïdes qui peuvent reproduire plusieurs fonctions du tissu concerné. Leur étude revêt un intérêt considérable pour comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la différenciation cellulaire, le mode d’action et la toxicité des médicaments, la physiopathologie, pour limiter les essais sur animaux, et pour améliorer le traitement de certaines maladies.

En neurosciences, l’utilisation des organoïdes étend le champ des investigations jusque-là restreintes par la difficulté d’accès, chez l’Homme, aux tissus et cellules du système nerveux central. La possibilité d’isoler des iPSC par reprogrammation génétique de cellules adultes (cellules sanguines, fibroblastes cutanés …) obtenues par un geste peu invasif, puis de les différencier en cellules cérébrales, lève en partie cette difficulté. Au laboratoire, la production des structures tridimensionnelles, que sont les organoïdes cérébraux, permet ensuite de les étudier in vitro (2) ou après les avoir greffées chez des rongeurs (3). Des travaux récents montrent que les cellules composant l’organoïde sont capables, non seulement de s’autoorganiser et de communiquer entre elles, mais aussi de se différencier en plusieurs types cellulaires dotés de marqueurs de fonctions spécifiques de chaque type de cellule (par exemple, l’émission d’impulsions électriques ou la capacité d’organisation en réseau).

Pour étudier la connectivité entre différentes régions du cerveau, il est également possible de constituer des « assembloïdes » associant des organoïdes simulant différentes régions cérébrales grâce à la diversité des cellules qui les composent (divers types de neurones, astrocytes, cellules de la microglie ou de vaisseaux…) (4,5). Pour étudier le développement du tissu cérébral, des « embryoïdes » porteurs d’une structure cérébrale élémentaire ont été créés chez la souris après incubation dans un utérus artificiel (6).

Néanmoins, les activités cellulaires observées dans ces organoïdes cérébraux ne peuvent être assimilées aux processus cognitifs, sensoriels ou moteurs propres au cerveau humain. Si l’apport scientifique qui s’attache à l’étude de ces organoïdes, est important, la présentation de ces travaux de recherche comme relevant de la mise au point de mini-cerveaux qui pourraient être doués de sensibilité ou encore de conscience minimale, relève d’une interprétation abusive et déformante des objectifs et des résultats de ces travaux (7).

L’Académie nationale de médecine souligne que :

– Les travaux de recherche visant à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau humain conduisent à une meilleure compréhension des causes et du développement des maladies neurologiques;

– En France, les recherches faisant appel aux cellules embryonnaires humaines sont encadrées par la Loi (8) ;

– Une interprétation abusive des objectifs et des résultats des travaux expérimentaux portant sur les organoïdes, notamment cérébraux, risque de nourrir une vision erronée de ces recherches dans l’esprit du public et de susciter la défiance vis-à-vis de la science, alors que des progrès en sont attendus s’agissant de traitements de plusieurs maladies neurologiques.

Références

– Ardaillou R, Debré P, Delpech M., Les organoïdes : une modélisation tridimensionnelle des organes in vitro aux usages multiples. Bull. Acad. Natle Med. 2021; 205: 766-774.

– Bredenoord A, Clevers H, Knoblich JA., Human tissues in a dish: The research and ethical implications of brain organoid technology. Science. 2017;355:eaaf9414. doi: 10.1126/science.aaf9414.

– Chen HI, Wolf JA, Blue R, et al., Transplantation of Human Brain Organoids: Revisiting the Science and Ethics of Brain Chimeras. Cell Stem Cell. 2019 25:462-472. doi: 10.1016/j.stem.2019.09.002

– Kanton S, Pasca PS. Human assembloids. Development 2022; 149: dev201120. doi.org/10.1242/dev.201120

– Lena S, Caffo BS, Gracias DH et al., Organoid Intelligence (OI): The New Frontier in Biocomputing and Intelligence-in-a-Dish. Frontiers in Science 2023 1: 1–23. doi:10.3389/fsci.2023.1017235.

– Zhang M, Reis AH, Simunovic M. Human embryoids : A new strategy of recreating the first steps of embryonic development in vitro. Seminars in Cell & Developmental Biology 2023; 141:14-22.

– Balci F, Hamed SB, Boraud T et al., A Response to Claims of Emergent Intelligence and Sentience in a Dish. Neuron 2023 111: 604–5. doi:10.1016/j.neuron.2023.02.009.

– Loi N° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.

 

[1] Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie.