Résumé
Les infections nécrosantes des tissus mous (INTM), véritables urgences infectieuses nécessitent la mise en route d’une antibiothérapie précoce et empirique. Les classifications nosologiques actuelles ont un intérêt limité car leurs critères de définition sont flous et la description de leur spécificité bactériologique est souvent prise en défaut. L’objectif de ce travail a pour but de décrire la flore bactérienne isolée sur une cohorte de patients atteints d’INTM, d’étudier leur sensibilité afin de déterminer les facteurs qui peuvent guider le choix de l’antibiothérapie empirique. Cette étude a été réalisée de façon prospective chez 120 patients. Des prélèvements bactériologiques aéro et anaérobies ont été réalisés au sein du tissu infecté. L’analyse bactériologique a consisté en l’étude de la répartition bactérienne (aérobies vs anaérobies, puis Gram + vs Gram —) exprimée en pourcentage (%), puis au recueil et à l’étude des profils de sensibilité des différentes espèces isolées à 2 antibiotiques (ATB) anti-anaérobies (clindamycine et métronidazole) et à 5 ATB à activité anti-aéro et anaérobie (pénicilline G, amoxicilline, amoxicilline/acide clavulanique, pipéracilline/ tazobactam et imipénème/cilastatine). Ces données sont représentées selon la nature du tissu infecté (cellulites vs myonécroses) et selon la localisation de l’infection (abdominopérinéale, cervicale, membre). L’analyse statistique a utilisé l’analyse de variance ou le test de Student pour les variables quantitatives numériques et du Khi2 pour les variables qualitatives. 232 bactéries ont été isolées (aérobies=122, anaérobies=110). La répartition des bactéries anaérobies isolées (Gram + vs gram —) classées par localisation et en fonction de la nature de l’INTM ne présente pas de différence statistiquement significative. Le % des bactéries aérobies Gram négatif est plus important dans les INTM abdominopérinéales et des membres que dans les INTM cervicales (p<0,05). Le % de bactéries aérobies Gram positif est plus important dans les INTM cervicales (p<0,05). Le métronidazole a une sensibilité qui est supérieure à la clindamycine sur les bactéries anaérobies isolées (95 % vs 59 %, p<0,0093). Ces résultats sont comparables pour les anaérobies isolées en fonction de l’atteinte tissulaire et pour les localisations abdomino-périnéales et des membres. Par contre, pour les INTM cervicales, la clindamycine a une sensibilité comparable à celle du métronidazole. Parmi les ATB à large spectre, l’imipénème/cilastatine et la pipéracilline/tazobactam ont un % de sensibilité aux différentes souches isolées comparable (94 % vs 88 %, p=0,14) et significativement supérieur aux 3 autres et ce quelque soit la nature de l’INTM et pour les localisations abdomino-périnéales et des membres. Pour la localisation cervicale, les 5 ATB testés ont un % de souches sensibles statistiquement comparable. L’antibiothérapie des INTM doit prendre en compte la localisation de l’infection. Pour les localisations abdomino-périnéales et des membres, nous proposons en première intention une antibiothérapie du type bêta-lactamines à large spectre. Pour les localisations cervicales, un traitement par amoxicilline.acide clavulanique peut suffire.
Summary
Necrotizing soft tissue infections (NSTI) are infrequent but life-threatening, and require prompt empirical antibiotic therapy. Current nosologic classifications have limited value because the criteria used are imprecise and their bacteriological specificity is uncertain. The aim of this study was to describe the bacterial flora and its antibiotic sensitivity in a cohort of patients with NSTI, and to derive guidelines for the choice of antimicrobial chemotherapy. This prospective study involved 120 patients. Aerobic and anaerobic bacteriological samples were taken from infected soft tissues. The species distribution and susceptibility of the isolates to various antibiotic (ATB) combinations were analyzed. The data were analyzed according to the type (cellulitis versus myonecrosis) and anatomical location of NSTI (abdomen and perineum ; uterine cervix ; limbs). The chi-square test was used to analyze qualitative variables, and Student’s t test was used for quantitative variables. A total of 232 samples yielded bacterial isolates (122 aerobic, 110 anaerobic). The species distribution of anaerobes did not differ according to the nature of the involved tissue or the anatomic location. Gram-negative aerobes were more frequently isolated from abdominal, perineal and limb sites than from the cervix (p<0.05), while Gram-positive aerobes showed the reverse distribution (p<0.05). Metronidazole was more effective than clindamycin on cervical isolates (95 % vs 88 %, p=0.0093). Among the broad-spectrum antibiotics tested, imipenem/cilastatin and piperacillin/tazobactam were equally effective against the different groups of bacteria (94 % vs 88 %, p=0.14), and were clearly more active than the other antibiotics (p<0.05), whatever the site of isolation, the bacterial species, and the type of NSTI. The five antibiotics tested showed similar efficacy against cervical isolates. These results suggest that the choice of antibiotic therapy for NSTI should depend on the anatomical site of involvement rather than the nature of the infection. For abdominal, perineal and limb NSTI, we recommend first-line treatment with a betalactam-inhibitor combination (piperacillin/tazobactam or ticarcillin/clavulanate) plus an agent active on Gram-negative species (aminoglycoside or fluoroquinolone). For cervical NSTI, we recommend penicillin G/metronidazole, or amoxicillin/clavulanic acid.
Les infections aiguës nécrosantes des tissus mous :
importance de la localisation dans le choix de l’antibiothérapie de première intention
Necrotizing soft tissue infections :
role of the localization for the antibiotic management
Francis WATTEL *, et **, Daniel MATHIEU **, Catherine NEUT ***, Luc DUBREUIL ***, Jean-François CESARI *, Raphaël FAVORY **
Les infections aiguës nécrosantes des tissus mous sont des infections sévères dont la mortalité demeure encore élevée de l’ordre de 30 % [1]. Elles ont en commun la nécrose des tissus, expliquée par les multiples thromboses qui intéressent la quasi totalité des petits vaisseaux de la région infectée, le caractère non limité du processus infectieux, son extension qui touche plusieurs régions sans respecter les barrières habituelles à la diffusion, le caractère poly-microbien et le diagnostic difficile. Elles constituent de véritables urgences infectieuses et nécessitent une prise en charge multi-disciplinaire agressive [2, 3] associant chirurgie, antibiothérapie, réanimation et, pour certains, oxygénothérapie hyperbare.
Le geste chirurgical consiste en un débridement large et précoce avec des incisions ouvrant le tissu sous-cutané jusqu’aux aponévroses musculaires et l’ouverture des espaces de décollement jusqu’à ce que la main ressente une résistance, traduction d’un tissu non encore clivé par le processus nécrosant [4]. L’antibiothérapie pose le problème du diagnostic bactériologique car ces infections polymicrobiennes associent dans la majorité des cas, la présence d’une flore mixte aérobie et anaérobie [5, 6, 7]. De plus, au vu de la gravité de certains tableaux cliniques, il est impossible d’attendre les résultats des examens bactériologiques, ce d’autant que les délais de culture sont relativement longs pour la flore bactérienne anaérobie. En outre, l’apparition de résistances bactériennes de plus en plus fréquentes rend les choix délicats. La difficulté est donc de cibler le spectre anti-bactérien.
Pour aider le clinicien, différentes classifications nosologiques existent telles la classification bactério-clinique de Finegold et la classification anatomo-clinique européenne, mais la description de leur spécificité bactériologique semble souvent prise en défaut. Aussi, la mise en route d’un traitement antibiotique empirique est-elle guidée sur l’estimation de la nature de l’infection, les connaissances sur l’écologie habituelle de cette infection et sur les mécanismes de résistance des différentes bactéries en cause.
L’objectif de ce travail a pour but de décrire la flore bactérienne isolée sur une cohorte de patients atteints d’infection aiguë nécrosante des tissus mous, d’étudier sa sensibilité afin de déterminer les éléments susceptibles de guider le choix de l’antibiothérapie empirique.
Patients et méthodes
Cette étude a été réalisée de façon prospective chez 120 patients adressés dans le Service de Réanimation médicale et de Médecine Hyperbare du CHRU de Lille et par les Laboratoires de Bactériologie de la Faculté de Pharmacie et de l’Hôpital Calmette.
Chez ces patients, ont été recueillies et calculées, différentes données cliniques et paracliniques : âge, sexe, indice de gravité simplifié à l’admission, durée de séjour, nécessité d’une ventilation mécanique et sa durée, antibiothérapie à l’admission. Les patients étaient répartis en 3 groupes selon l’état infectieux (sepsis, sepsis sévère et choc septique). Différents facteurs de risque ont été relevés : tabac, alcool, hypertension, néoplasie, diabète, insuffisance rénale (baisse de la clairance de la créatinine de plus de 25 %), corticothérapie au long cours, prise récente d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, obésité (« Body Mass Index » > 30), chimiothérapie et radiothérapie. L’évolution était notée favorable ou décès.
La distinction entre cellulites et myonécroses était faite cliniquement par les médecins du service.
Les prélèvements bactériologiques consistaient en des biopsies réalisées au sein du tissu infecté (zone frontière saine/lésée). Les prélèvements à visée anaérobie étaient conservés dans 1,5 ml de solution Ringer cystéinée au ¼, puis acheminés en moins de 30 minutes au laboratoire pour y être étudiés.
L’analyse bactériologique a consisté en l’étude de la répartition bactérienne (aérobies vs anaérobies, puis Gram + vs Gram-) exprimée en pourcentage (%), puis au recueil et à l’étude des profils de sensibilité des différentes espèces isolées à 2 antibiotiques anti-anaérobies (clindamycine et métronidazole) et à 5 antibiotiques à activité anti-aéro et anaérobie [pénicilline G, amoxicilline, amoxicilline/acide clavulanique, pipéracilline/tazobactam et imipénème/cilastatine].
Pour l’étude statistique, les patients inclus, les analyses bactériologiques correspondantes (aérobies versus anaérobies, puis Gram positif versus Gram négatif) et leur sensibilité sont divisés en plusieurs groupes selon l’atteinte anatomique du tissu infecté (cellulite versus myonécrose) et selon la localisation de l’infection (infection cervicale, abdomino-périnéale, membres). Les variables quantitatives numériques sont exprimées en moyenne plus ou moins écart-type, les variables qualitatives en pourcentage. L’analyse statistique a utilisé l’analyse de variance ou le test de Student pour les variables quantitatives et du Khi 2 pour les variables qualitatives.
Résultats
Ils concernent la population des malades et les données bactériologiques.
Les malades — 60,8 % des patients sont des hommes ( sex ratio = 1,55). L’âge moyen est de 52,17 fi 16,58 ans. La durée moyenne de séjour est de 21.96 fi 15.12 jours. 47 patients (soit 39,16 %) bénéficient d’une ventilation mécanique dont la durée moyenne est de 6,65 fi 12,55 jours.
— Parmi les 120 patients, 85 étaient porteurs d’une cellulite (70 %) et 35 d’une myonécrose (30 %), la localisation, les deux types confondus, était cervicale dans 26 cas (23 %), abdomino-périnéale dans 48 (40 %) et aux membres 46 (37 %).
— Au regard de ces caractères descriptifs, il n’y a pas de différence significative suivant que l’infection est une cellulite ou une myonécrose. Les groupes et les sous-groupes ne sont pas identiques au niveau de l’âge. En effet, les patients porteurs d’une localisation cervicale ou des membres sont statistiquement plus jeunes que ceux atteints d’une forme abdomino-périnéale. Le pourcentage de patients ventilés est statistiquement plus élevé dans les atteintes cervicales.
— Parmi les 12 facteurs de risque étudiés, la prise d’anti-inflammatoires non stéroï- diens est statistiquement plus souvent retrouvée chez les patients atteints d’une cellulite que d’une myonécrose. Elle est également plus fréquente dans les localisations cervicales. La toxicomanie est un des facteurs de terrain retrouvé uniquement dans les localisations concernant les membres. Le pourcentage de patients diabétiques est plus élevé dans les atteintes abdomino-périnéales et des membres que dans celles affectant la région cervicale.
— Les données du 1er jour en réanimation objectivent un index de gravité simplifié moyen égal à 25,43 fi 14,62. Il est statistiquement plus élevé dans les formes abdomino-périnéales et cervicales que dans celles des membres, qu’il s’agisse de cellulite ou de myonécrose. A l’admission, 85 patients (71 %) présentent un sepsis, 17 un syndrome septique sévère (14 %), 18 (15 %) un choc septique. Cette répartition n’est pas statistiquement différente quelque soit la forme anatomique ou la localisation de l’infection.
— Le traitement s’établit comme suit : 119 patients sur 120 ont bénéficié d’une intervention chirurgicale. Elle consiste en un débridement large avec des incisions ouvrant le tissu sous-cutané jusqu’aux aponévroses musculaires, associées à l’ouverture des espaces de décollement jusqu’à ce que la main ressente une résistance, et à l’ablation des tissus manifestement nécrosés. 70 (59 %) d’entre eux n’ont été opérés qu’une seule fois et 49 (41 %) ont nécessité une reprise chirurgicale. A l’admission, 66 patients (55 %) ne bénéficient pas de traitement antibiotique. Pour les 54 malades déjà traités, 7 avaient une monothérapie, les 47 autres étaient traités en bi voire trithérapie et 17 % d’entre eux (9/54) avaient une antibiothérapie inadaptée (spectre anti-bactérien aéro et anaérobie non respecté).
Durant le séjour, 115 patients ont bénéficié d’une antibiothérapie (soit 96 % des admissions), les 5 patients non traités bénéficiaient d’un geste chirurgical radical (sacrifice fonctionnel majeur). Le protocole utilisé dans le service associait une bêta-lactamine à large spectre (type pipéracilline/tazobactam) associée à un aminoside (amikacine). Le traitement a été administré par voie intra-veineuse, adapté à la fonction rénale. La durée du traitement a été de 15 à 21 jours pour les deux molécules utilisées. En cas de manifestations allergiques sévères aux bétalactamines connues ou survenant sous traitement, celle-ci était remplacée par l’association d’un lincosamide à un imidazolé (clindamycine + métronidazole).
Tous les patients ont, de plus, reçu de manière adjuvante une oxygénothérapie hyperbare à raison de 2 séances par jour (2,5 ATA d’oxygène pur pendant 90 minutes) pour une moyenne de 12 à 17 jours de traitement par patient.
— Le devenir des malades fait apparaître un taux de mortalité de 14,2 % (soit 17/120 patients). Ce taux n’est pas statistiquement différent qu’il y ait ou non atteinte musculaire ; par contre, la mortalité est statistiquement moins importante lorsque l’infection touche les membres inférieurs. Elle est plus importante chez les patients obèses quelles que soient la localisation et la forme anatomique. L’indice de gravité simplifié des patients décédés est statistiquement plus important que celui des patients dont l’évolution est favorable, tous groupes confondus (46,2 fi 5,02 vs 21,99 fi 0,07, p. < 0.001). Le taux de mortalité est statistiquement plus élevé parmi les patients sous antibiotiques à l’admission (22,2 % vs 7,6 %, p. = 0,0221). Le pourcentage de décès est de 9,9 % dans le groupe des 71 malades n’ayant eu qu’une seule intervention chirurgicale et de 20,4 % dans celui des 49 patients pour lesquels une reprise chirurgicale a été nécessaire, mais la différence n’est statistiquement pas significative (p = 0,1033).
Les données bactériologiques
Celles-ci concernent les espèces bactériennes isolées et leur sensibilité aux antibiotiques.
Espèces bactériennes isolées — 232 bactéries ont été isolées (aérobies : 122, anaérobies : 110) à partir des 120 prélèvements. 81 patients, soit 67,5 % ont des prélèvements positifs :
41 d’entre eux (50,6 %) ont des prélèvements uniquement positifs pour les germes aérobies, 8 (9,9 %) pour les anaérobies et 32 (39,5 %) sont positifs pour les aérobies et les anaérobies. Le nombre de bactéries aérobies isolées par prélèvement réalisé est de 1,7, celui des bactéries anaérobies est de 2,75. Enfin, 39 patients ont des prélèvements négatifs dont 21 étaient déjà sous antibiotique à l’admission.
— L’analyse statistique de la répartition des bactéries anaérobies ne montre aucune différence significative (germes anaérobies de genre Clostridium versus non Clos-
tridium et Gram + versus Gram -), quelque soit l’atteinte tissulaire ou la localisation de l’infection. Néanmoins, certaines tendances ressortent :
• l’espèce microbienne anaérobie la plus fréquemment isolée est le Peptostrepto- coccus (39 % des anaérobies), puis les clostridii (20 %) et les Bacteroïdes (14 %).
On sait que le
Peptostreptococcus spp est ubiquitaire, retrouvé au sein de la flore normale de l’homme, en particulier, au niveau de la bouche, de l’arbre respiratoire, de l’intestin et du tractus génital.
• dans les localisations cervicales, on note l’absence de Bacteroïdes (hôte naturel du tube digestif sous-mésocolique et de l’appareil uro-génital) et un pourcentage équivalent de Gram + et de Gram —. Les anaérobies Gram négatif isolés sont des fusobacterium , des Prevotella et des Porphyromonas qui sont des hôtes de la cavité buccale. Parmi les anaérobies Gram positif isolés, on note une prédominance d’ Eubacterium le plus souvent isolé à partir d’infections dentaires.
• dans les localisations abdomino-périnéales et des membres, la flore bactérienne anaérobie est répartie dans des proportions différentes avec une prédominance de Gram positif pour les infections des membres où l’espèce la plus représentée est le Peptostreptococcus . Concernant les gram négatif, la répartition est de 40 % au niveau abdomino-périnéal avec une prédominance de
Bacteroïdes et de
Prevotella versus 22 % au niveau des membres.
— La répartition des bactéries aérobies isolées ne présente pas de différence statistiquement significative entre les cellulites et les myonécroses. Elle est par contre corrélée à la localisation de l’infection. Le pourcentage de bactéries aérobies Gram négatif est plus important dans les localisations abdomino-périnéales et des membres que dans les formes cervicales (p<0,05). A l’inverse, le pourcentage des bactéries aérobies Gram positif est plus élevé dans les localisations cervicales (p<0,05).
— La seule différence statistiquement significative concerne la répartition des bactéries aéro et anaérobies en fonction de l’atteinte tissulaire. En effet, la proportion de bactéries aérobies est plus importante dans les cellulites (77 % versus 45 %, p. = 0,007) alors que dans les myonécroses, les bactéries anaérobies prédominent (60 % versus 50 %).
2.2. Sensibilité aux antibiotiques — Parmi les 110 souches de bactéries anaérobies isolées, 86,4 % sont sensibles à la clindamycine (95/110), 99,1 % aux imidazolés (109/110) et 84,6 % à l’amoxicilline (93/110). La sensibilité à l’amoxicilline/acide clavulanique, à la pipéracilline/ tazobactam et à l’imipénème est de 100 %. La sensibilité des différentes souches étudiées en fonction de l’atteinte tissulaire n’est pas statistiquement différente. Le pourcentage de souches sensibles à l’amoxicilline est statistiquement plus élevé dans les infections nécrosantes des membres que dans les localisations abdominopérinéales (p = 0,0465).
— Pour ce qui est des bactéries aérobies Gram positif, parmi les 19 antibiotiques testés, ceux qui ont le pourcentage de sensibilité le plus élevé sont : les glycopeptides (100 %), l’ampicilline (80 %), la pristinamycine (79,2 %), l’amikacine (70 %) et la gentamycine à haute concentration (91,3 %). Les glycopeptides ont une sensibilité qui est statistiquement supérieure à l’ampicilline, à la fosfomycine, la pristinamycine, la rifampicine et à l’acide fusidique. L’ampicilline, la fosfomycine, la rifampicine et l’acide fusidique ont une sensibilité à la flore étudiée qui n’est pas statistiquement différente. L’amikacine a une sensibilité qui n’est pas statistiquement différente de celle de la gentamycine à haute concentration. Le pourcentage de sensibilité à l’ofloxacine et à la péfloxacine est statistiquement plus élevé dans les myonécroses que dans les cellulites (p = 0,0237), du fait de la présence plus importante de Streptocoques dans les cellulites. La sensibilité à la pénicilline et à la céphalotine est statistiquement plus élevée dans les localisations cervicales que dans les formes abdomino-périnéales (p = 0,0121 et p. = 0,0256 respectivement), expliquée par la prédominance de Gram positif dans ces infections (77 %).
— Pour ce qui est des bactéries aérobies Gram négatif, parmi les différents antibiotiques relevés, ceux qui ont le pourcentage de sensibilité le plus élevé sont :
l’imipénème (94 %), les céphalosporines de 3ème génération (ceftriaxone/ cefotaxime = 96,8 %) et la pipéracilline/tazobactam (88 %). La sensibilité de ces 3 antibiotiques est statistiquement comparable. De plus, pour chacune de ces 3 molécules, leur sensibilité globale aux Gram négatif relevés dans cette étude est statistiquement plus élevée quand on les compare respectivement à l’amoxicilline, à la ticarcilline, à la pipéracilline, à une céphalosporine de 1ère génération et à la ticarcilline/acide clavulanique. Enfin, la sensibilité de l’amikacine (90,1 %) est statistiquement comparable à celle de la ciprofloxacine (83,6 %). Les pourcentages de sensibilité aux différents antibiotiques actifs sur les bactéries Gram négatif ne sont pas statistiquement différents entre les cellulites et les myonécroses.
Comparaison de l’efficacité de différents traitements antibiotiques
La flore bactérienne de chaque patient a été étudiée vis-à-vis de sa sensibilité à 10 antibiotiques exprimée en pourcentage.
Pour les antibiotiques à activité anti-anaérobie (métronidazole, clindamycine) le métronidazole a une sensibilité qui est supérieure à la clindamycine sur les anaérobies isolées (95 % versus 59 %, p. < 0,05 %). Ces résultats sont comparables pour les anaérobies isolés en fonction de l’atteinte tissulaire et pour les localisations abdomino-périnéales et des membres. Par contre, pour les localisations cervicales, la clindamycine a une sensibilité qui est statistiquement comparable à celle du métronidazole. Il apparaît donc que ce dernier semble être le meilleur anti-anaérobie et que la clindamycine ne peut être utilisée que dans les formes cervicales.
Pour les antibiotiques actifs sur les Gram négatif (amikacine, ciprofloxacine, ofloxacine), l’amikacine et la ciprofloxacine ont une sensibilité qui est statistiquement comparable sur l’ensemble des souches isolées. De plus, elle est statistiquement supérieure à celle de l’ofloxacine. L’étude de la sensibilité de ces 3 antibiotiques n’est pas différente suivant que les souches isolées proviennent d’une cellulite ou d’une myonécrose ou encore d’une localisation particulière. L’amikacine est donc aussi efficace que les fluoroquinolones comme anti-Gram négatif.
Pour les antibiotiques ayant une activité anti-aéro et anti-anaérobie (pénicilline, amoxicilline, amoxicilline/acide clavulanique, pipéracilline/tazobactam et imipé- nème), la comparaison des pourcentages de sensibilité des différents antibiotiques entre eux montre qu’elle est statistiquement comparable entre l’imipenem et la piperacilline-tazobactam pour l’ensemble de la population (94 % versus 88 %, p. = 0,14) et quelque soit la nature et la localisation de l’infection nécrosante. De plus, ces deux antibiotiques ont une pourcentage de sensibilité aux différentes souches isolées qui est statistiquement supérieur aux 3 autres. On peut enfin noter que la pénicilline garde, en pourcentage, une sensibilité plus élevée dans les cellulites que dans les myonécroses (38 % versus 7 %, p. = 0,00135) et dans les localisations cervicales par rapport aux formes abdomino-périnéales (75 % versus 12 %, p. = 0,036).
Commentaires
Les infections nécrosantes des tissus mous (INTM) nécessitent une prise en charge médico-chirurgicale précoce. Tout retard dans le diagnostic et dans l’acte chirurgical aggrave le pronostic [8, 9]. Le traitement médical associe les mesures de réanimation non spécifique et la mise en route d’une antibiothérapie. Cette dernière doit être précoce et empirique puisqu’il paraît inconcevable d’attendre les résultats des différents prélèvements bactériologiques [10]. Cette antibiothérapie repose sur plusieurs principes : tout d’abord, elle doit être à large spectre (couverture aéro et anaérobie) car ces infections sont le plus souvent polymicrobiennes [5,6,11] ; ensuite elle doit tenir compte du site de l’infection car la flore infectante est souvent endogène (proximité d’une cavité naturelle) et sa connaissance peut permettre d’affiner le choix des molécules [11] ; enfin, elle doit prendre en compte des phénomènes de résistances bactériennes qui permettent de guider au mieux le clinicien.
Le traitement de référence a été pendant longtemps la pénicilline G, mais avec l’apparition de phénomènes de résistances bactériennes, le spectre d’action de la pénicilline s’est réduit. A fortes doses, elle reste encore active sur les streptocoques du groupe A et sur un grand nombre d’anaérobies ( Peptostreptococcus, Veillonella et
Clostridium perfingens ). L’adjonction d’un imidazolé ou de la clindamycine est proposée par les auteurs américains en association avec un anti-Gram négatif [12].
La dernièe conférence de consensus française sur la prise en charge des fasciites nécrosantes (Tours, Janvier 2000) propose l’association pénicilline G et clindamycine ou rifampicine dans les fasciites streptococciques et nécrosantes à Clostridium ,
et dans les autres fasciites, l’association d’une pénicilline à large spectre (type uréidopénicilline) et d’un imidazolé associé à un aminoside dans certains cas particuliers [1].
Il paraît toutefois difficile, lors de la prise en charge initiale d’un patient, de cibler l’antibiothérapie sur l’aspect clinique lésionnel ce d’autant que ces lésions sont évolutives dans le temps.
Dans notre étude, la population est jeune puisque l’âge moyen est de 52 ans, avec une prédominance masculine. Les patients atteints d’INTM cervicales et des membres supérieurs sont statistiquement plus jeunes que la population globale. Ceci est en accord avec les données de la littérature où, même si une INTM peut survenir à tout âge, la moyenne d’âge rapportée s’échelonne entre 46 et 60 ans [2, 3, 13].
Par ailleurs, on retrouve également la notion d’une origine dentaire prédominante dans les INTM cervicales [14, 15], comme dans notre série où elle représente 42 % des INTM cervicales et celle de « conduites à risques » (traumatiques ou toxicologiques) dans les localisations aux membres [16, 17]. Enfin, la plupart des grandes séries notent une prédominance masculine (de l’ordre de 1,5/1) qui a été confirmée par une étude d’incidence réalisée récemment au Canada [13].
Le pourcentage de malades sous ventilation mécanique est de 40 % dans notre collectif, ce qui témoigne probablement de leur gravité (IGS moyen = 25). Les patients dont l’atteinte est cervicale ont un pourcentage et une durée de ventilation plus élevés que les autres groupes (abdomino-périnéales et membres). En effet, la proximité de la sphère laryngée et les phénomènes inflammatoires locaux importants nécessitent un maintien prolongé de la ventilation.
De très nombreux facteurs de risque ont été cités avec des niveaux de preuves extrêmement variables. Parmi les facteurs généraux, les principaux facteurs qui ressortent sont l’âge, le diabète (25 à 30 %), l’immusuppression, la toxicomanie (8 %), l’alcoolisme (17 %) [13]. Le rôle des anti-inflammatoires non spécifiques est un sujet ancien de controverse. Retrouvés dans 11 % de notre population avec une fréquence plus élevée dans les INTM cervicales (30,8 %), les anti-inflammatoires non spécifiques ne constituent pas un facteur de risque proprement dit, mais témoignent de la présentation inflammatoire initiale de la pathologie.
La mortalité chez nos patients est de 14,2 %. Les différentes publications retrouvent une mortalité aux alentours de 30 % [18] avec pour les plus anciennes, des pourcentages de 50 à 76 % [19]. Elle semble avoir diminué au cours de ces trente dernières années, fortement corrélée à un retard de la prise en charge chirurgicale, à la présence d’une bactériémie [9,13], à un nombre élevé de défaillances d’organes [9].
La mortalité est également influencée par la sévérité initiale de l’état septique, l’âge et la présence de comorbidités (obésité, diabète…). Certains auteurs retrouvent une mortalité plus élevée en fonction de la localisation : les lésions des extrémités auraient un meilleur pronostic que celles situées au niveau du tronc et de la région cervicale, probablement d’un abord chirurgical des membres plus facile et accessible à des excisions complètes [4].
La plupart des études microbiologiques publiées ces dernières années prouvent que les INTM sont de nature polymicrobienne, associant une flore mixte aéro et anérobie [6, 9]. Dans notre série, seulement 40 % des patients prélevés positifs ont une flore mixte alors que dans les différentes séries de Brook [6,17], les pourcentages s’échelonnent de 52 à 68 % de flore mixte. Le plus faible pourcentage de patients à flore mixte observé dans notre série s’explique probablement par le fait que 45 % des malades étaient déjà sous traitement antibiotique lors de l’admission. Le nombre de bactéries isolées par prélèvement est de 1,7 pour les aérobies et de 2,75 pour les anaérobies. Ces chiffres correspondent aux données de la littérature [6,9,17], tout comme la prédominance des espèces Bacteroïdes et Prevotella retrouvées dans les localisations abdomino-périnéales [20, 21], celle de
Fusobacterium et de Porphyromonas dans les infections cervicales [6, 11, 14, 15] ou de Peptostreptococcus au niveau des membres supérieurs [22]. Enfin, les infections des pieds chez les diabétiques retrouvent deux espèces anaérobies prédominantes : Bacteroïdes et Peptostreptococcus [23].
L’évolution de la résistance aux antibiotiques est un phénomène général qui n’a pas épargné les bactéries anaérobies strictes, notamment en France. Différents mécanismes sont décrits et semblent émerger : la résistance aux pénicillines par production d’une bêta-lactamase est observée chez Prevotella (50 à 70 %), Fusobacterium (10 %) et quelques espèces de
Clostridium [24, 25]. De rares souches de Bacteroïdes fragilis (1,5 % en France) sont maintenant résistantes aux carbapénèmes [26]. Le mécanisme de résistance est la production de bêta-lactamases, dont certaines sont résistantes à l’association amoxicilline/acide clavulanique (5 % aux Etats-Unis, 10 % en France) [27, 28]. 30 % des souches de Bacteroïdes seraient résistantes à la clindamycine en France [34]. Chez les anaérobies Gram +, la résistance à la clindamycine est de l’ordre de 20 à 30 % pour les Clostridium et les Peptostreptococcus [28]. Globalement, la plupart des espèces anaérobies sont sensibles au métronidazole (à l’exception de 10 à 20 % des
Peptostreptococcus , 100 % des Propionibacterium et des Actinomyces ), aux carbapénèmes et aux associations de bêtalactamines + inhiniteur des bêta-lactamases.
Nos résultats sont corrélés aux données de la littérature : 16 % des souches sont résistantes à l’amoxicilline et traduisent la présence d’une sécrétion de bêtalactamases (prédominance de Gram —), 15 % sont résistantes à la clindamycine et 1 % au métronidazole [27]. Toutes les souches « Amox-R » sont sensibles à l’association amoxicilline/acide clavulanique.
Ainsi, au vu de la répartition bactérienne et des profils de résistances connus, il est nécessaire que le traitement empirique mis en route dans ces INTM couvre à la fois les anaérobies et les aérobies Gram négatif. Il doit également tenir compte du fait que bon nombre de ces infections surviennent chez des patients déjà hospitalisés et les germes impliqués peuvent être multi-résistants. Le choix est donc restreint et les différents antibiotiques actifs sur cette flore mixte sont : les carbapénèmes, les bêta-lactamines à large spectre + inhibiteurs en association avec un aminoside ou une quinolone, le métronidazole pour les anaérobies uniquement [11].
Concernant les pénicillines à large spectre, des études cliniques ont confirmé leur efficacité clinique et bactériologique [29, 30]. D’autre part, une étude randomisée en double aveugle et multi-centrique a confirmé l’efficacité comparable de la ticarcilline-acide clavulanique et de la piperacilline-tazobactam dans le traitement des infections des tissus mous [31].
Conclusion
Le traitement des infections nécrosantes aiguës des tissus mous nécessite la mise en route d’une antibiothérapie rapidement active, ce d’autant que, malheureusement, dans de nombreux cas, le diagnostic et la prise en charge chirurgicale peuvent être retardés. De plus, la chirurgie actuelle tente de respecter au maximum le pronostic fonctionnel des patients ; il est donc impératif que la chimiothérapie anti-infectieuse empirique soit d’emblée efficace.
Cette antibiothérapie ne peut être ciblée en fonction de la nature de l’infection (cellulite versus myonécrose), mais doit prendre en compte la localisation. L’étude des flores bactériennes isolées au sein du foyer infectieux et des profils de sensibilité confirme cette hypothèse. Au vu des résultats rapportés, il peut être proposé :
— Une antibiothérapie par pénicillines à large spectre (type carboxypénicillines ou uréidopénicillines associées à un inhibiteur des bêta-lactamases) pour les infections abdomino-périnéales et des membres.
— Une antibiothérapie par pénicilline G + métronidazole ou amoxicilline/acide clavulanique dans les localisations cervicales.
— En cas d’allergie à la pénicilline, l’association clindamycine + métronidazole + amiklin (ou ciprofloxacine) dans les localisations abdomino-périnéales et des membres et l’association métronidazole + clindamycine dans les atteinte cervicales.
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DISCUSSION
M. Alain LARCAN
Ne faut-il pas substituer à la classification anatomo-clinique d’Altemeier et de Bigelow, celle plus récente de Diono, qui distingue les infections nécrosantes (myonécrose, fasciites, cellulites profondes extensives dites parfois synergistiques) et les cellulites non nécrosantes ? Peut-on avant les nécessaires constatations opératoires distinguer ces différentes lésions en utilisant les bilans enzymatiques, la tomodensitométrie, l’IRM… ? Avez-vous pu faire des constatations concernant les souches d’origine : phospholipase C pour le Clostridium, protéines M, superantigènes de certains streptocoques ?
La classification anatomo-clinique de Diono qui distingue les infections nécrosantes (myonécroses, fasciites, cellulites profondes extensives) et les cellulites non nécrosantes est pleinement justifiée dans la mesure où le caractère nécrosant et extensif des lésions induit la gravité du pronostic et conditionne le traitement. On sait que ce dernier repose dans les infections nécrosantes aiguës sur une prise en charge multidisciplinaire associant dans l’urgence, chirurgie, réanimation, oxygénothérapie hyperbare et antibiotiques lesquels se doivent d’être immédiatement efficaces bien que leur prescription soit empirique.
Les constatations cliniques ne permettent pas toujours de distinguer entre les différentes entités anatomiques et c’est le chirurgien qui va faire le diagnostic précis de la nature du tissu infecté et établir un bilan d’extension. Cependant ces constatations si importantes soient-elles ne renseignent pas obligatoirement sur le choix de l’antibiothérapie. C’est l’intérêt de ce travail de montrer comment le siège de l’infection nécrosante (cervical, abdomino-périnéal, membres) influe sur la nature de la flore microbienne aéro-anaérobie responsable et partant permet de proposer des protocoles efficaces établis à partir de l’étude des profils de sensibilité à différents antibiotiques. La performance du Laboratoire de Bactériologie est ici un élément essentiel. A la question de savoir si les examens complémentaires permettent de distinguer ces différentes lésions avant les nécessaires constatations opératoires, on peut répondre qu’actuellement aucun marqueur biologique ne permet de distinguer entre les différentes entités avec une sensibilité et une spécificité satisfaisantes. Quant à l’imagerie, si la tomodensitométrie permet de faire une bilan d’extension, elle ne permet pas non plus de faire la différence entre infection
d’origine musculaire et infection du tissu sous cutané. Par contre, l’IRM paraît être un apport intéressant si on peut en disposer en urgence sans retarder la prise en charge thérapeutique. Dans ce travail, il n’a pas été pratiqué de recherches de facteurs de virulence sur les souches isolées.
M. Philippe VICHARD
Quelle place réservez-vous à la chirurgie dans une affection qui reste avant tout chirurgicale ? La fasciite nécrosante et la gangrène gazeuse sont des entités différentes au point de vue anatomique, clinique et thérapeutique. Que pensez-vous de cette distinction ?
La chirurgie occupe la place essentielle dans le traitement des infections nécrosantes aiguës des tissus mous. Vous avez pleinement raison de souligner que la myonécrose Clostridiale ou gangrène gazeuse est effectivement une entité différente de la cellulite ou de la fasciite nécrosante, même si le caractère non limité du processus infectieux, son extension qui touche plusieurs régions sans respecter les barrières habituelles à la diffusion, sont la règle. C’est une chirurgie difficile qui doit être effectuée par des praticiens d’expérience. Elle se déroule dans un contexte de grande infection voire de choc septique. De plus, sur le plan technique, elle exige une parfaite connaissance des espaces celluleux anatomiques. Les principes généraux guidant l’intervention chirurgicale sont les mêmes quelle que soit l’entité mais leur application aboutira à des interventions très différentes : par exemple, dans une myonécrose clostridiale l’excision musculaire risque d’être très large et de mettre en jeu le pronostic fonctionnel, au contraire de celles pratiquées dans une fasciite ou une cellulite nécrosante qui ne concernent que du tissu sous cutané et respectent ainsi le pronostic fonctionnel ultérieur. L’acte opératoire consiste en un débridement large avec des incisions ouvrant le tissu sous cutané jusqu’aux aponévroses musculaires, débridement associé à l’ouverture des espaces de décollement jusqu’à ce que la main ressente une résistance et à l’ablation des tissus manifestement nécrosés tout en essayant de limiter l’importance du sacrifice anatomique. Lames et drains sont largement utilisés. L’oxygénothérapie hyperbare qui permet en quelques séances de fixer la limite entre tissus manifestement morts et tissus potentiellement vivants a permis de réduire le nombre des amputations effectuées en première intention ;
il n’empêche que la reprise chirurgicale est loin d’être exceptionnelle. Dans ce contexte, l’imagerie permet de guider le geste opératoire. Ainsi, dans les cellulites gangrèneuses du cou, le scanner pratiqué en coupes rapprochées du menton jusqu’au thorax, permet de dépister l’extension médiastinale éventuelle.
M. Pierre GODEAU
Dans les infections des membres (supérieurs surtout) observées chez les héroïnomanes, y a-t-il intervention d’un syndrome des loges ? Le rôle des AINS n’est-il pas de masquer le tableau clinique donc de retarder le diagnostic et donc d’augmenter la gravité ? Dans les formes cervicales doit-on discuter pour le diagnostic différentiel l’actinomycose ?
Effectivement, un syndrome des loges est souvent une composante du tableau clinique des infections des membres supérieurs observées chez les héroïnomanes. C’est la raison pour laquelle les incisions chirurgicales doivent être faites en urgence et suffisamment profondes pour libérer les masses musculaires et réduire la pression intracompartimentale. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens contribuent certainement à
masquer le tableau clinique et donc à retarder le diagnostic. Ils peuvent également faire « flamber » en quelque sorte le processus infectieux et en augmentent la gravité du fait de leur action sur les moyens de défense de l’organisme. Classiquement, l’actinomycose de localisation cervicale est une infection sub-aiguë qui pose surtout la question du diagnostic différentiel avec la tuberculose. Quelques rares formes aiguës ont été décrites ce qui renvoie d’ailleurs à l’utilisation des AINS. Quoiqu’il en soit la prise en charge n’est guère différente et sur le plan de l’antibiothérapie initiale, les germes sont sensibles aux bétalactamines. Ils sont donc pris en compte dans les antibiothérapies proposées.
M. Maurice GOULON
Pourquoi dans votre série, des malades déjà traités par antibiotiques lors de leur admission dans votre service ont-ils un pronostic plus grave ? Quelles sont les différences entre le sepsis et le sepsis sévère ?
A l’admission en réanimation, 54 malades (45 %) étaient déjà sous antibiotiques, 7 avaient une monothérapie, les 47 autres étaient traités en bi voire trithérapie et 17 % d’entre eux (9/54) avaient une antibiothérapie inadaptée (spectre anti-bactérien aéro et anaérobie non respecté). Ceci explique en partie la gravité et le pronostic plus sévère observés chez ces patients. Du fait de l’absence d’efficacité du premier traitement, il s’est produit un biais de recrutement faisant que les malades qui nous ont été confiés en 2ème intention étaient plus graves que ceux que nous avions pris en charge en 1ère main. La distinction entre les trois entités que sont le sepsis, le sepsis sévère et le choc septique, résulte d’une recommandation émise par une conférence de consensus américaine qui s’est tenue en 1992 « définitions for sepsis and organ failure and guidelines for the use of innovative therapies in sepsis ». The ACCP/SCCM Consensus Conference Committee.
American College of Chest Physicians/Society of Critical Care Medicine. Bone RC, Balk RA, Cerra FB, Dellinger RP, Fein AM, Knaus WA, Schein RM et Sibbald WJ. Chest , 1992, jun ; 101 (6) 1644-1655). De manière résumée, on peut dire que le sepsis recouvre l’infection, le sepsis sévère indique qu’il existe des manifestations d’hypoperfusion tissulaire et que dans le choc septique existe un collapsus tensionnel avec des signes de souffrance d’organe.
M. Pierre BEGUE
Comment expliquez-vous la forte prépondérance de l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans les localisations cervicales ?
La moitié des localisations cervicales de nos malades a une origine dentaire et c’est probablement la raison de la prescriptions des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ceci doit inciter à développer vis à vis des chirurgiens dentistes un message précisant qu’aucune thérapeutique par anti-inflammatoires ne devrait être prescrite sans être associée à une antibiothérapie empirique adaptée. Enfin, cela pose la question plus générale de l’utilisation des AINS en tant qu’antalgiques de première intention.
M. Jacques EUZEBY
Avez-vous isolé des lésions nécrotiques, des champignons (mucormycoses) qui se développent très bien chez les sujets diabétiques et qui seraient susceptibles de fausser vos pourcentages et exiger une antibiothérapie specifique ?
Les prélèvements tissulaires effectués chez nos malades ont été systématiquement étudiés sur le plan mycologique et bactériologique. Aucune infection à champignons n’a été isolée.
M. Georges DAVID
Il y a une quinzaine d’années, dans le domaine du choc septique du purpura fulminans méningococcique, on a eu, un moment, l’espoir d’une efficacité d’un anticorps antitoxine, le Centoxin. Malheureusement, son efficacité ne s’est pas confirmée. Il y a une trentaine d’années, c’est l’hibernothérapie qui avait soulevé un espoir vite abandonné. Mais ces deux voies sont-elles définitivement dépassées ?
Dans le contexte général du traitement du choc septique, toutes les études cliniques concernant l’utilisation d’anticorps dirigés soit vers le LPS, soit les cytokines impliquées dans sa génèse ont été négatives voire même ont montré un effet délétère pour les patients traités. Actuellement, il n’y a aucune place pour leur prescription en clinique mais des recherches se poursuivent pour expliquer cet apparent paradoxe d’un traitement efficace dans les situations expérimentales animales et délétère chez l’homme. Quant à l’hibernothérapie qui avait également soulevé quelque espoir, elle s’est révélée être trop délicate à mettre en œuvre et présente des risques non négigleables, en particulier sur le plan hémodynamique, chez des patients en grande toxémie infectieuse voire en situation de choc septique, pour un bénéfice réel non démontré.
M. Charles PILET
Quelles sont les espèces de Clostridies qui ont été les plus fréquemment isolées ?
Un total de 21 Clostridii ont été isolées dont : C. bifermentans (n=1) ; C. chauvei (n=1) ;
C. clostridioforme (n=6) ; C. perfringens (n=5) ; C. septicum (n=1) ; C. sp. (n=4) ; C.
sphenoides (n=1) ; C. sporogenes (n=1) ; C. subterminal (n=1) M. Jean-Marie MANTZ
Le parallèle que vous avez établi entre la topographie des lésions et la nature des germes responsables est une contribution importante à la prise en charge, antibiothérapique en particulier, de ces redoutables infections. Le caractère gazogène des lésions permet-il de suspecter une flore bactérienne prédominante ?
Malheureusement, la réponse est non. L’étude des corrélations entre les signes cliniques, dont le caractère gazogène, et la composition de la flore anaérobie n’a pas permis de mettre en évidence de relation significative.
M. Jean-Daniel PICARD
Une fois le traitement institué, je suis surpris que vous négligiez l’IRM qui est essentielle pour étudier les parties molles. Cette technique doit permettre de limiter les exérèses chirurgicales en appréciant précisément l’étendue des lésions des tissus mous.
Cette présentation s’attachait essentiellement à la prescription des antibiotiques dans les infections nécrosantes des tissus mous en réanimation. J’aurai dû insister certainement plus sur la nécessaire prise en charge multidisciplinaire de ces malades en état critique.
L’IRM paraît actuellement être le meilleur examen d’imagerie pour préciser la nature et l’extension des lésions. Cependant, elle ne permet pas, semble-t-il, à un stade initial de distinguer entre les tissus dont l’atteinte est définitive et qui doivent être excisés et ceux dont la viabilité est toujours possible. Vous avez raison de souligner le fait qu’elle permet de limiter les exérèses chirurgicales. Dans notre pratique, ceci est d’autant plus important que la répétition de cet examen permettrait de mieux visualiser la délimitation obtenue par l’oxygénothérapie hyperbare entre tissus manifestement nécrosés et tissus encore viables qu’il convient de conserver.
* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. ** Service de Réanimation et de Médecine Hyperbare, boulevard du Professeur Leclercq, CHRU, 59037 — Lille Cedex — e-mail : f-wattel@chru-lille.fr *** Laboratoire de Bactériologie — Faculté de Pharmacie de Lille. Tirés à part : Professeur Francis WATTEL, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 9 décembre 2003 ; accepté le 2 février 2004.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 3, 473-490, séance du 23 mars 2004