Communication scientifique
Séance du 1 juillet 2003

L’effet immunomodulateur du VHC dans l’évolution vers la chronicité de l’hépatite C : vers de nouvelles approches thérapeutiques

MOTS-CLÉS : cellule dendritique.. hepatite c chronique
Immunomodulatory effects of HCV and development of chronic infection : towards new immunotherapeutic tools
KEY-WORDS : dentritic cells.. hepatitis c chronic

Françoise Stoll-keller*, Evelyne Schvoerer, Christine Thumann, MariaCristina Navas, Anne-Marie Aubertin

Résumé

En France, une personne sur cent est séropositive pour le virus de l’hépatite C (VHC). L’épidémie continue à se propager essentiellement chez les usagers de drogue qui utilisent la voie veineuse. Après une primo-infection passant le plus souvent inaperçue, près de 80 % des personnes infectées restent porteuses du virus et développent une hépatite chronique. Les facteurs responsables de la persistance du virus sont encore mal identifiés. Les patients chez qui l’infection persiste développent une réponse immunitaire lymphocytaire principalement de type Th2. Ce déséquilibre de la réponse immunitaire pourrait être lié à l’infection des cellules dendritiques par le VHC. De nombreux arguments expérimentaux et cliniques soutiennent cette hypothèse. Ces données récentes acquises sur la stratégie qu’emploie le VHC pour établir une infection chronique suggèrent que l’utilisation de molécules immunomodulatrices pourrait améliorer la prise en charge des patients infectés par le VHC.

Summary

In France, HCV seroprevalence is estimated to be 1 %. Most cases are related to illicit parenteral drug use. About 80 % of patients infected by HCV will develop chronic infection with HCV RNA detectable in their serum. Factors involved in viral persistence are nor yet clearly identified. Patients who develop a chronic infection show a predominant Th2 response, but a weak Th1 response. This immune response imbalance could result from HCV interaction with dendritic cells functions. Several experimental and clinical studies support this hypothesis. New data on HCV strategy to establish chronic infection suggest that immmunomodulatory molecules could be useful to improve efficacy of therapy.

L’effet immunomodulateur du VHC dans l’évolution vers la chronicité de l’hépatite C :

vers de nouvelles approches thérapeutiques

Immunomodulatory effects of HCV and development of chronic infection :

towards new immunotherapeutic tools

Françoise STOLL-KELLER*, Evelyne SCHVOERER, Christine THUMANN, Maria-Cristina NAVAS, Anne-Marie AUBERTIN

Le virus de l’hépatite C (VHC) infecte près de 170 millions de personnes dans le monde soit 5 fois plus que le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1). Si, dans les pays développés, la mise en place de tests de dépistage du VHC pour les dons de sang a pratiquement éliminé cette voie de contamination, le virus continue à se propager essentiellement parmi la population de toxicomanes utilisant la voie intraveineuse.

Après une primo-infection passant le plus souvent inaperçue, près de 80 % des personnes infectées restent porteuses du virus dans le sang et développent une hépatite chronique qui, dans 20 % des cas, peut évoluer vers la cirrhose avec un risque de 1 à 4 % par an de développer un hépatocarcinome [1].

Le système immunitaire joue un rôle essentiel dans la physiopathologie de l’hépatite C : il est responsable de l’apparition des lésions hépatiques mais est incapable de contrôler la réplication virale et d’éliminer totalement le virus chez plus de 80 % des patients.

L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE MALADIE

En 1989, le VHC a fait son entrée dans la littérature médicale confirmant les soupçons des médecins d’une « expansion silencieuse durant de nombreuses décennies par le biais de la transfusion sanguine dont il a accompagné l’essor », comme l’écrit J.C. Désenclos [2] responsable de l’Unité des Maladies Infectieuses au sein du Réseau National de Santé Publique.

En France, une personne sur cent est séropositive pour le VHC. Dans la population générale des 20-64 ans, le risque de nouvelles infections à VHC a été estimé à 5 000 par année environ , par extrapolation des chiffres de l’incidence de nouvelles infections chez les donneurs de sang connus durant la période 1994-1996. On relève comme facteurs de risque de contamination par ordre de fréquence décroissante :

l’usage de drogue par voie IV ou nasale (25 %), les examens endoscopiques (20 %) et les actes de la petite chirurgie (10 %) — soit 30 % de risque nosocomial — les relations sexuelles (8 %) et les expositions professionnelles (5 %). Il faut souligner que, dans 32 % des cas, aucun facteur de risque n’a pu être identifié !

En 2002, l’épidémie chez les usagers de drogues est loin d’être contrôlée. Des études de surveillance montrent que les résultats du programme d’échanges de seringues sont excellents pour la prévention de l’infection VIH, mais décevants pour l’infection VHC [3]. Le rôle du partage du matériel de préparation est primordial comme
le démontre une étude américaine publiée en janvier 2001 [4] : 54 % des usagers infectés dans l’année par le VHC n’avaient pas partagé la seringue mais avaient partagé la cuillère et le filtre servant à la préparation de la drogue. En France, la fréquence d’emprunt de la seringue est d’environ 18 %, la fréquence de la mise en commun de la cuillère et du filtre de l’ordre de 55 %. La diffusion du VHC semble également possible chez les usagers de drogue n’utilisant pas la voie intraveineuse mais la voie intra-nasale. Le partage de la paille servant à « sniffer », associé à des lésions de la muqueuse nasale, pourrait expliquer ce mode de contamination [5].

Si les contaminations nosocomiales ont certainement diminué depuis la mise en place de normes de désinfection des endoscopes et du matériel médico-chirurgical, en revanche, il est apparu récemment que les pratiques de piercing et de tatouage qui connaissent un fort engouement parmi les jeunes sont probablement des modes de contamination non négligeables. Cependant aucune étude épidémiologique n’a été réalisée à ce jour pour mesurer le risque lié à ces pratiques [6].

Parmi les 500 000 à 600 000 porteurs de VHC dans la population générale, plus de 50 % sont asymptomatiques et ignorent leur état infectieux. Ils peuvent donc transmettre le virus lors d’un accident d’exposition au sang (AES). Bien qu’un recensement national des contaminations professionnelles par le VHC ait permis d’établir que le taux de transmission du virus chez le personnel de santé sur la période 1997-1998 après AES restait faible (inférieur ou égal à 3 %), il n’en demeure pas moins que le risque professionnel de contamination est dix fois supérieur à celui de contamination par le VIH.

UNE DES CARACTÉRISTIQUES DE CETTE MALADIE EST LA GRANDE VARIABILITÉ DE SON ÉVOLUTION

Après une primo-infection la plus souvent silencieuse, l’histoire naturelle de l’hépatite C peut varier considérablement d’un individu à l’autre. Certains sujets ne développeront une hépatite chronique que 30 ans ou plus après l’infection, les autres en moins de 20 ans. Ainsi, la progression vers la chronicité sera plus lente chez la femme et les sujets jeunes. L’alcoolisme, l’âge (surtout après 50 ans) et une co-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou le virus de l’hépatite B favorisent la progression rapide vers la cirrhose [1].

Si les mécanismes précis qui expliquent cette grande variabilité de l’évolution de la maladie et qui permettent la persistance du virus dans l’organisme pendant des années sont encore mal connus, c’est en grande partie parce qu’on ne dispose pas de modèle animal permettant de les étudier. Le seul animal sensible au VHC est le chimpanzé, espèce très protégée. Aucun petit animal de laboratoire ne permet de reproduire la maladie.

LES PROTAGONISTES DE L’HÉPATITE

Un virus encore mal connu

Le VHC est constitué d’une enveloppe, d’une capside rigide et d’une molécule d’acide ribonucléique (ARN) portant l’information génétique qui lui permet de se répliquer dans les cellules. Il appartient à la famille des Flaviviridae dans laquelle se trouvent également les virus de la fièvre jaune et celui de la dengue.

Si la cible cellulaire principale du VHC est l’hépatocyte, des cibles extrahépatiques « accessoires », telles que le lymphocyte B, ont également été identifiées. Au moment de la contamination qui se fait le plus souvent par voie parentérale, les particules virales entrent en contact avec les hépatocytes en traversant les fenêtres des cellules endothéliales du sinusoïde hépatique [7, 8]. Plus tard, à la phase chronique, on estime que 50 % des hépatocytes sont infectés [1]. La multiplication virale est très importante tout au long de la maladie avec un taux de renouvellement des particules virales de l’ordre de 1012 [9] par jour.

Dans la cellule hépatique, la réplication du génome viral est assurée par une enzyme virale appelée ARN-polymérase-ARN-dépendante. Comme celle-ci fait des erreurs, un certain nombre de variants sont produits au cours de la multiplication. Ceux-ci forment une population appelée « quasi-espèce », constituée d’un mélange hétérogène de variants viraux génétiquement distincts mais apparentés. Dans le génome de ces variants se trouve une zone appelée « Hyper Variable Région 1 » (HVR1) qui code pour un domaine de la protéine E2 de l’enveloppe dont le taux de mutation est très élevé. Compte tenu de nos connaissances actuelles, la protéine E2 serait la cible des anticorps neutralisants produits par le système immunitaire et sa variabilité permettrait au virus d’échapper aux défenses de l’organisme .

Six génotypes et de nombreux sous-types ont déjà été identifiés. La connaissance du génotype présent chez un patient a des implications thérapeutiques car certains génotypes, en particulier le génotype 1, répondent mal au traitement [1].

Les récepteurs et co-récepteurs spécifiques du virus sur la membrane de l’hépatocyte n’ont pas tous été identifiés. Il a été récemment montré que la glycoprotéine virale E2 peut se lier à la molécule « CD81 », une tétraspanine exprimée à la membrane des hépatocytes et des lymphocytes B [1]. Cependant, cette molécule CD81 est également présente sur de très nombreux autres types cellulaires ; sa présence n’est donc pas le seul facteur déterminant le tropisme hépatocytaire du VHC. Si les recherches progressent lentement, c’est qu’aucun système de culture ne permet d’obtenir des particules virales en quantités suffisantes.

La réponse lymphocytaire

Afin de bien comprendre la réponse de l’organisme à l’infection par le VHC, il convient de rappeler quelques généralités. Toute infection virale déclenche une
réponse immunitaire de défense spécifique qui se met en place après plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Elle a un triple but : éliminer le virus intracellulaire en détruisant les cellules infectées, neutraliser le virus extracellulaire circulant et enfin faciliter son élimination. Schématiquement, des lymphocytes T vont s’attaquer aux cellules infectées et les lymphocytes B vont produire des anticorps dont certains neutralisent le pouvoir infectieux du virus en se fixant sur les protéines de l’enveloppe virale. Le développement et le contrôle de ces réponses immunitaires nécessitent la présence d’un type cellulaire particulier découvert il y a une trentaine d’années, les cellules dendritiques (CD).

Celles-ci sont nécessaires au développement de la réponse immunitaire cellulaire car elles sont les seules à pouvoir absorber, dégrader et présenter l’antigène à des lymphocytes T naïfs.

On trouve des CD au niveau des muqueuses, portes d’entrée d’éventuels agents pathogènes dans l’organisme, dans le sang, la peau ainsi que dans de nombreux tissus comme le parenchyme hépatique. Les CD amènent les antigènes viraux vers les tissus lymphoïdes et les présentent à certains lymphocytes T (Ly T) en association avec les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de type I ou II.

Les Ly T CD4 reconnaissent l’antigène présenté par le CMH de classe II (CMH-II) et les lymphocytes T CD8 par le CMH de classe I (CMH-I) (Fig. 1). Les Ly T CD4 et les Ly T CD8 ainsi activés ont des fonctions très différentes. Les Ly T CD8 activés sont des cellules cytotoxiques qui lysent les cellules infectées. Les Ly T CD4 activés ou Ly T « auxiliaires » produisent des cytokines classées en Th1 ou Th2 qui à leur tour vont activer de nombreuses cellules autour d’elles. Les cytokines de type Th1 (IL-2, interféron-gamma) activent les macrophages, stimulent la division des Ly T CD8 augmentant ainsi la cytotoxicité. En revanche, les cytokines de type Th2 (IL-4, IL-10) favorisent la production d’anticorps par les lymphocytes B et diminuent la réponse Th1. Cette étape au cours de laquelle un Ly T CD4 devient soit une cellule de type Th1, soit une cellule de type Th2 a un impact critique sur l’évolution de l’infection virale, car l’activation des cellules cytotoxiques permet d’éliminer les cellules infectées, alors que les anticorps ne neutralisent que le virus extracellulaire, sans atteindre les virus intracellulaires. Notons aussi que la différentiation Th1/Th2 est sous l’influence d’un grand nombre de facteurs [10] et, en particulier, des cytokines sécrétées par les CD en contact avec l’agent pathogène. En général les virus induisent la sécrétion d’IL-12, favorisant la différentiation des lymphocytes T auxiliaires en cellules de type Th1, par les CD [10].

Dans l’état actuel de nos connaissances, on pense que c’est un déséquilibre entre la réponse Th1 et Th2 qui favoriserait l’évolution de l’hépatite vers la chronicité. Les soupçons qui pèsent sur le rôle d’un dysfonctionnement éventuel des CD dans ce déséquilibre ont conduit de nombreuses équipes à s’intéresser au rôle de ces cellules.

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1 .

IG F

UNE RÉPONSE IMMUNITAIRE FORTE ET MAINTENUE DE TYPE Th1 PERMET L’ÉLIMINATION DU VIRUS

Nous savons qu’environ 20 % des sujets infectés éliminent le virus après une poussée d’hépatite aiguë qui peut être marquée par un ictère, des malaises et de la fièvre.

Au cours de la crise d’hépatite aiguë, l’analyse de la réponse lymphocytaire T au moyen de techniques très fines a montré que l’élimination du virus est associée à une réponse lymphocytaire T CD4 et CD8, fortement active contre de multiples épitopes du VHC [11].

Cette réponse apparaît précocement et atteint un pic au moment du maximum de la cytolyse hépatocytaire objectivée par l’augmentation du taux de transaminases.

Après la résolution de la poussée d’hépatite clinique, il est essentiel que cette réponse se maintienne pour aboutir à une négativation de la virémie, évitant ainsi toute rechute. Au bout d’un certain nombre d’années, la réponse lymphocytaire cytotoxique reste toujours détectable, mais sera faible, chez les sujets qui ont éliminé le virus alors qu’elle n’existe plus chez les malades qui gardent une virémie positive ou qui passent à la chronicité [11]. Notons aussi que cette réactivité des lymphocytes T CD4 est souvent dirigée contre les protéines virales non structurales ; des épitopes très conservés (protéine NS3) ont d’ailleurs été identifiés [12]. Quant aux cytokines produites au moment de l’hépatite aiguë par des clones de Ly T CD4, elles sont de type Th1 lorsque le virus est éliminé, et plutôt de type Th2, lorsque l’infection évolue vers la chronicité [13].

UNE RÉPONSE IMMUNITAIRE CELLULAIRE TROP FAIBLE ET DE TYPE Th2 FAVORISE LA CHRONICITÉ ET L’ÉCHAPPEMENT DU VIRUS

Les malades chez qui l’infection persiste développent une réponse CD4 faible principalement de type Th2, avec la production préférentielle d’IL-4 et d’ IL-10 [13, 14]. On trouve chez eux un pourcentage faible de lymphocytes T CD8 cytotoxiques dans le sang [14].

Du fait de l’absence d’effet cytopathique du VHC, la réponse immune joue le rôle essentiel dans l’apparition et l’évolution des lésions hépatiques caractéristiques de l’hépatite chronique C. Des biopsies réalisées chez des patients porteurs chroniques du VHC ont mis en évidence la présence de Ly T CD4 qui sécrètent surtout des cytokines de type Th1 induisant la différentiation de Ly T CD8 cytotoxiques. Les hépatocytes infectés qui expriment à leur surface des antigènes viraux constituent la cible directe de ces lymphocytes. Mais ce mécanisme est insuffisant pour contrôler la multiplication virale, probablement parce que le rapport lymphocytes cytotoxiques/hépatocytes infectés est de l’ordre de 1/1000. La lyse hépatocytaire est accentuée par l’action des cytokines produites à la fois par les lymphocytes cytotoxiques
et par les Ly T CD4 de type Th1 [15, 16]. L’action loco-régionale de ces cytokines entraîne la destruction non seulement des hépatocytes infectés mais aussi celle des hépatocytes non infectés situés à proximité des premiers, favorisant ainsi l’extension des lésions.

L’incapacité pour le système cellulaire de contrôler la réplication virale pourrait favoriser l’apparition de mutants d’échappement. En effet, un certain nombre d’observations cliniques et expérimentales plaident en faveur de l’échappement du virus aux anticorps neutralisants.

Ainsi, chez un patient ou un chimpanzé présentant une infection chronique par le VHC, on trouve des anticorps qui sont capables de neutraliser les variants présents au moment de leur isolement, mais pas ceux isolés après plusieurs années qui correspondent probablement à des variants d’échappement [17]. Une étude prospective récente [18] a montré une variabilité génétique qui s’observe surtout dans la région HVR-1 de la glycoprotéine E2 de l’enveloppe et au moment de l’apparition des anticorps, confirmant l’hypothèse du rôle de la pression du système immunitaire sur l’apparition des mutants d’échappement. Au cours des premiers mois consécutifs à l’infection, l’évolution génétique de quasi-espèces est beaucoup plus importante chez les patients dont l’hépatite aiguë progresse vers la chronicité que chez ceux qui guérissent. Les Ly T cytotoxiques exerceraient également une pression de sélection positive sur les « quasi-espèces » du VHC et l’évolution de l’infection serait corrélée à l’apparition de mutations sur les épitopes restreints par le CMH-I [19].

Dès lors la question qui se pose est de savoir si la stratégie du virus pour persister dans l’organisme consiste à moduler la réponse immunitaire en l’orientant vers le type Th2. Dans l’affirmative, on pourrait imaginer d’empêcher l’évolution vers la chronicité en agissant sur la réponse immunitaire.

LA STRATÉGIE DU VIRUS : AGIR SUR LES CELLULES QUI CONTRÔ- LENT LA RÉPONSE IMMUNITAIRE POUR L’ORIENTER VERS UN TYPE Th2 ?

De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer l’incapacité de la réponse immunitaire de certains individus à éliminer le VHC. Elles font intervenir la cinétique de la réplication virale ou la charge virale ou encore des facteurs génétiques tels que de faibles taux d’interférons produits. Aucune n’a cependant abouti à la démonstration claire d’une relation de cause à effet, ce qui permet de se demander si les facteurs impliqués dans l’établissement de la chronicité ne sont pas multiples.

Plusieurs équipes, dont la nôtre, se sont intéressées à l’interférence du virus avec les fonctions des cellules du système immunitaire. Le VHC, en plus de son hépatotropisme, est lymphotrope et est capable d’infecter les cellules mononucléées sanguines [20]. De ce fait, on peut émettre l’hypothèse que l’infection des cellules immunitaires
par le VHC modifie ou supprime certaines de leurs propriétés, rendant ainsi leur action inefficace.

Parmi les cellules du système immunitaire, les CD jouent un rôle pivot dans le développement de la réponse immunitaire et plusieurs équipes ont focalisé leurs recherches sur leur interaction avec le VHC. Rappelons que les CD se déplacent de la périphérie vers les ganglions lymphatiques pour présenter l’antigène aux lymphocytes et induire la réponse immunitaire spécifique. Au cours de cette migration, elles passent de l’état immature à celui de cellule mature. Certaines CD peuvent même se différencier en cellules matures dans les tissus, où elles rencontrent l’antigène comme, par exemple, le foie [21].

Le virus pourrait de ce fait agir de plusieurs façons :

— diminuer le nombre de CD précurseurs ou empêcher leur recrutement sur le site de l’infection, — empêcher la maturation des CD, — interférer avec la présentation des antigènes viraux aux Ly T, — interférer avec l’activation des Ly T, — infecter et détruire les CD.

Différentes approches ont été utilisées pour étudier les interactions entre le virus et les CD au cours de l’hépatite C :

infection in vitro de CD provenant de donneurs sains avec du sérum de patients chroniquement infectés par le VHC, étude ex vivo des fonctions des CD isolées chez des patients chroniquement infectés par le VHC, évaluation de la synthèse des cytokines comme l’IL-12 efficacement produites par les CD, dans le sérum des patients ou en culture.

Notre groupe de travail s’est particulièrement investi dans l’étude in vitro de la sensibilité et de la permissivité des CD au VHC. Ainsi, lorsqu’on infecte des CD, obtenues à partir de monocytes sanguins différenciés in vitro en présence de

GM-CSF et d’IL-4, avec des sérums de patients ayant une virémie très élevée, on peut détecter la réplication du génome viral mais pas la production de nouvelles particules virales infectieuses [22]. D’autres auteurs ont isolé des CD chez des patients chroniquement infectés et ont mis en évidence la présence de séquences génomiques du VHC dans ces cellules, confirmant qu’elles sont effectivement infectées par le virus in vivo [23]. Même si cette infection n’aboutit pas à la production de particules infectieuses, on peut imaginer qu’elle soit capable de modifier les propriétés fonctionnelles des cellules.

Comparées aux CD de donneurs sains, les CD isolées chez des patients chroniquement infectés par le VHC ont partiellement perdu la capacité de présenter l’antigène aux Ly T [23].

De plus les CD immatures de patients chroniquement infectés répondent faiblement à un stimulus induisant leur maturation [24]. En revanche, les CD de patients ayant guéri après un traitement antiviral se comportent comme celles de donneurs sains.

Quant aux cytokines produites par les CD comme l’IL-12, peu de résultats ont été publiés jusqu’à présent. Cependant, une étude clinique [25] rapporte que, parmi les patients traités par interféron-α, ceux dont les transaminases se normalisent et qui éliminent le virus, ont des taux plus élevés d’IL-12 dans leur sérum que ceux qui ne répondent pas au traitement.

Il est encore prématuré de tirer des conclusions définitives du rôle des CD dans la pathogénie de l’hépatite chronique car ces études ont toutes été menées soit in vitro , soit à partir de cellules de patients au stade d’hépatite chronique alors que les CD jouent leur rôle déterminant au moment du déclenchement de la réponse immunitaire. Il est certain que la connaissance des phénomènes très précoces qui se mettent en place dans le foie au moment de l’infection serait particulièrement importante.

Mais les études à réaliser dans les premiers jours qui suivent la contamination étant impossibles à faire chez l’homme, pour des raisons éthiques aisément compréhensibles, il n’y a que le chimpanzé qui soit susceptible de faire progresser nos connaissances.

NOUVELLES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES

Depuis 1991, les traitements de l’hépatite C ont progressé de manière spectaculaire.

L’administration d’interféron seul pendant 6 mois n’était efficace de façon durable que chez moins de 10 % de patients. Le traitement de référence actuel consiste à associer deux médicaments : l’interféron pégylé (l’interféron alpha est couplé à une substance non active, le PEG, polyéthylène glycol, qui permet sa libération prolongée pendant une semaine) et la ribavirine. On obtient ainsi, dans plus de 55 % des cas, une réponse durable c’est-à-dire l’absence de virus circulant 6 mois après l’arrêt du traitement [26].

Ces chiffres, en apparence optimistes, ne doivent pourtant pas occulter l’absence à ce jour d’alternative thérapeutique pour les malades qui ne répondent pas à ces traitements. Ainsi, plus de 60 % des malades infectés par le VHC seraient aujourd’hui en impasse thérapeutique. Ce sont les non-répondeurs, essentiellement infectés par le génotype 1, les patients qui présentent une contre-indication au traitement ou encore ceux chez lesquels il entraîne des effets secondaires importants.

Un des défis de la recherche dans le domaine de l’hépatite C pour améliorer les traitements est donc de comprendre les mécanismes qui permettent au VHC de se maintenir dans l’organisme infecté et d’échapper aux défenses immunitaires. Il a été récemment montré que l’interféron pégylé, seul ou en association avec la ribavirine, est associé à une réponse TCD4 de type Th1 plus rigoureuse, multispécifique et plus soutenue que celle de l’interféron-α en monothérapie.

L’augmentation de l’efficacité de l’interféron-α pégylé en monothérapie ou en association pourrait être due à cette stimulation du système immunitaire [27]. Une stratégie d’immunothérapie spécifique, combinée au traitement actuellement proposé, pourrait donc être utile. Les recherches s’orientent, comme pour le VIH ou le VHB [28], vers la mise au point de vaccins à visée « thérapeutique », c’est-à-dire destinés non pas à protéger la population saine de façon préventive, mais à stimuler le système immunitaire des personnes qui sont déjà infectées.

L’utilisation de CD incubées avec des peptides ou transfectées par des vecteurs viraux ou non, pour qu’elles expriment des antigènes viraux ou des molécules immunomodulatrices et induisent une réponse immunitaire spécifique efficace est envisagée. Des essais de ce type sont d’ores et déjà en cours pour tenter de lutter contre des affections néoplasiques [29]. Les cytokines méritent également d’être évaluées, comme l’IL-12 qui est actuellement en cours d’évaluation clinique [30].

Cependant, si l’importance de la réponse Th1 permet d’éviter le passage à la chronicité, elle conditionne aussi la gravité de l’atteinte hépatocytaire. Ainsi, l’approche thérapeutique par la réponse Th1 pourrait, de ce fait, rester limitée.

PEUT-ON A L’AVENIR ESPÉRER LA MISE AU POINT D’UN VACCIN PRÉ- VENTIF CONTRE LE VIRUS DE L’HÉPATITE C ?

On ne dispose actuellement d’aucun vaccin sur le marché. Les premiers essais de vaccination sur le chimpanzé se sont révélés décevants. Les difficultés proviennent essentiellement de la grande variabilité du virus. Par ailleurs, l’absence d’un système de culture in vitro du virus rend impossible la constitution de stocks de virus. Le développement de modèles animaux et de cultures in vitro représente donc un enjeu majeur.

CONCLUSION

L’hépatite C est une infection chronique qui évolue très lentement et dont les symptômes ne se manifestent souvent que plus de 10 ans après la date de la contamination, bien que, dans un certain nombre de cas, celle-ci ne puisse être déterminée avec précision. Ainsi, bien que l’incidence des nouvelles contaminations ait fortement diminué depuis 1990, il est à prévoir que le nombre de malades va augmenter jusqu’en 2010-2030. Aujourd’hui déjà, les observations confirment une augmentation des cas de cancer du foie entraînant une forte mortalité et dans lesquels le VHC, mais aussi celui de l’hépatite B, sont impliqués.

Quelle attitude doit-on avoir devant le développement de cette épidémie ? Il appartient aux responsables de santé publique de multiplier et d’intensifier les efforts de dépistage et de prévention, principalement envers les populations qui sont aujourd’hui les plus exposées, les usagers de drogues. La recherche doit s’orienter
d’une part sur la mise au point de nouveaux traitements antiviraux et antifibrosants, d’autre part sur le développement d’un vaccin.

En ce qui concerne ce dernier point, et, étant donné la part que prennent les grands laboratoires pharmaceutiques dans cette approche, la récente polémique sur la responsabilité éventuelle du vaccin contre l’hépatite B dans l’apparition d’atteintes démyélinisantes du système nerveux central, est susceptible de décourager les industriels. On est confondu par une récente décision de justice qui, pour établir la responsabilité du vaccin contre l’hépatite B dans l’apparition d’une sclérose en plaques, s’est basée sur deux rapports d’experts alors que de nombreuses études cas témoins n’ont pas pu établir un tel lien. N’oublions pas, comme l’a souligné récemment E. Aron [31], que « c’est au principe fondamental de protection que l’on doit les plus retentissantes conquêtes de la médecine ».

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DISCUSSION

M. Emile ARON

Parmi les facteurs qui peuvent conditionner l’évolution de 20 % des hépatites C vers une guérison spontanée, les cellules de Kupffer peuvent-elles jouer un rôle ? La différence de l’histoire naturelle du virus B et du virus C est curieuse. a) Le virus B se transmet par voie sexuelle, ce n’est pas le cas du virus C ? b) La transmission d’une mère contaminée au nouveau-né existe pour le virus B et pas pour le virus C ? c) Le vaccin contre l’hépatite B est d’une remarquable efficacité. Le virus C est capricieux et pose des problèmes non résolus pour obtenir un vaccin. Ce sera, je l’espère dans un bref délai, la bonne solution.

Les cellules de Kupffer occupent une place privilégiée dans le sinusoïde hépatique pour capturer les particules virales et les éliminer de la circulation sanguine. Nous nous sommes posé la question de savoir si le VHC se multiplie dans les cellules ou si au contraire le virus est dégradé par ces cellules. Nos résultats démontrent clairement que les cellules de Kupffer ne sont pas permissives au VHC : le génome viral disparaît en 3 à 4 jours et reste indétectable. Les cellules de Kupffer semblent jouer leur rôle de barrière dans l’hépatite C mais le virus peut atteindre les hépatocytes par une autre voie.Cette différence avec le virus de l’hépatite B peut en partie s’expliquer par le fait que la virémie est en général plus faible dans l’infection par le VHC que la virémie associée au VHB. De plus, le VHC est rarement détectable dans le sperme de patients chroniquement infectés, ce qui n’est pas le cas du VHB. Par ailleurs, les cellules des muqueuses sont peut-être moins sensibles à l’infection par le VHC que par le VHB.

M. Pierre TIOLLAIS

Quelles sont les hypothèses qui pourraient expliquer en terme de biologie moléculaire le rôle du VHC dans le déclenchement du cancer du foie ?

Le rôle direct du VHC dans le cancer du foie n’est pas clairement établi. Il s’agit d’un virus à ARN dont le génome ne s’intègre pas dans le génome cellulaire comme c’est le cas du VHB. Des souris transgéniques exprimant la protéine du core ont développé au bout de quelques mois une stéatose hépatique et un hépatocarcinome suggérant que cette protéine virale pourrait avoir un effet direct sur le développement d’un hépatocarcinome.

M. Michel BOUREL

Question d’ordre génétique : Y a-t-il des différences parmi les sous-types des deux variants étudiés ? Qu’en est-il des sujets C282Y+ (gène de HFE) ? Question d’ordre thérapeutique :

Quels résultats en fonction ou non du traitement par INF pégylé + ribavirine ? Quelles molécules immunomodulatrices évoquez-vous dans vos dernières lignes ?

Nous n’avons pas recherché s’il y a des différences entre les sous-types des génotypes étudiés. Les résultats publiés jusqu’à présent suggèrent que les sous-types d’un même génotype aient les mêmes propriétés biologiques. Des résultats contradictoires ont été publiés en ce qui concerne les sujets C282Y+ et la progression de la fibrose chez les patients chroniquement infectés. Nous avons uniquement choisi d’inclure des patients avant la mise sous traitement. Il serait extrêmement intéressant, de suivre l’évolution de la production de cytokines chez ces patients et de rechercher une éventuelle corrélation avec la réponse au traitement. Nos connaissances sur la réponse immunitaire au VHC sont encore trop parcellaires et les cytokines agissent en induisant une cascade d’événements que nous ne savons pas encore contrôler. Des essais cliniques utilisant l’IL-12 ont été développés. Les résultats ne sont pas supérieurs à ceux des traitements déjà utilisés.

M. André Laurent PARODI

A-t-on établi une relation entre le complexe majeur d’histocompatibilité des sujets infectés et l’évolution de l’infection, soit vers la guérison, soit vers la chronicité ?

Il y a des travaux publiés qui démontrent qu’il existe une corrélation entre le CMH des sujets infectés et l’évolution de l’infection. Certains allèles du CMH Classe II sont associés à l’élimination du virus et d’autres cellules au passage à la chronicité.

M. Jacques Louis BINET

Actuellement chez les patients atteints de VIH des essais de vaccination ont été pratiqués après le traitement antiviral. Ces vaccinations ont-elles été essayées chez des patients avec l’hépatite C et ces vaccinations peuvent-elles éviter le passage à la chronicité ?

Des vaccinations contre le VHB sont réalisées chez les sujets VIH+, mais l’efficacité de ces vaccinations n’a pas été clairement établie. Il n’y a pas de vaccin contre l’hépatite C actuellement et les traitements antirétroviraux semblent inactifs sur le VHC.

M. Christian NEZELOF

Où sont les cellules dendritiques présentatrices d’antigènes dans un foie normal ? La cellule de Langerhans, un archétype de cellule dendritique, est-elle permissive pour le virus de l’hépatite C ?

Dans un foie normal les cellules dendritiques présentatrices d’antigène seraient localisées dans le parenchyme. Dans les foies de patients présentant une atteinte chronique du foie des CD activées ont été décrites dans les aires portes. A ma connaissance, la permissivité de la cellule de Langerhans au VHC n’a pas été étudiée.


* Institut de Virologie de la Faculté de Médecine et Unité INSERM 544-3 rue Koeberlé — 67000 Strasbourg. Tirés-à-part : Professeur Françoise STOLL-KELLER, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 5 décembre 2002, accepté le 17 février 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 6, 1147-1161, séance du 1er juillet 2003