Résumé
Au cours de ces dernières années, l’obésité est devenue épidémique et de nouveaux aspects de la biologie des cellules adipeuses ont été mis à jour. D’une part, depuis la découverte de la leptine, l’adipocyte est désormais reconnu comme une cellule endocrine capable de sécréter de manière régulée une grande diversité de molécules qui agissent comme signaux sur l’organisme. Leur rôle dans la mise en place des complications de l’obésité est l’objet d’intenses recherches. D’autre part, les processus moléculaires de la différentiation des adipocytes ont été en grande partie élucidés, rendant possible expérimentalement le ciblage de l’expression de certaines protéines dans le tissu adipeux. Enfin la création de modèles de souris transgéniques dont certains présentent un phénotype résistant à l’obésité, permet d’identifier de nouvelles cibles adipocytaires pour le traitement de l’obésité.
Summary
During the last past years, obesity had become a major public health problem, and. new aspects of fat cells biology have been unraveled. First, since the discovery of leptin, the adipocytes has been recognized as true endocrine cells secreting a variety of factors in a regulated manner. The role of these factors on the development of obesity-associated metabolic complications is becoming increasingly clear. Also, the process of fat cell differentiation has been uncovered, leading to the possibility of efficient targeting protein expression in adipose tissue. Finally, lines of transgenic mice have been created, some of which are totally resistant to obesity. These models led to the identification of new potential adipose targets for the treatment of obesity.
L’ADIPOCYTE : STOCKAGE LIPIDIQUE ET CELLULE ENDOCRINE
L’adipocyte est la cellule de l’organisme spécialisée dans le stockage à long terme de l’énergie. Dans les cellules adipeuses, les acides gras sont stockés sous forme de triglycérides dans une vacuole lipidique extrêmement développée qui occupe la quasi-totalité du volume cellulaire. La quantité de lipides stockés dépend directement de l’équilibre de la balance énergétique, et des variations considérables de la masse adipeuse peuvent être observées au cours de l’obésité. Les principales caractéristiques de la fonction de l’adipocyte regroupent les processus de stockage des acides gras provenant majoritairement des lipides circulants, et les processus de mobilisation de ce stock au cours de la lipolyse [1]. S’il est reconnu depuis de nombreuses années que les cellules adipeuses adaptent leur métabolisme en fonction de l’environnement nutritionnel et hormonal, un aspect nouveau de la physiologie de ces cellules a été mis à jour au cours des dernières années. Depuis la découverte de la leptine, il est apparu que les adipocytes étaient aussi capables de produire des signaux agissant à distance sur l’organisme, élevant les adipocytes au rang de cellules productrices d’hormones. La liste des facteurs pouvant être produits et sécrétés par les adipocytes s’est allongée de manière rapide au cours de ces dernières années (Tableau 1). La diversité de ces facteurs est remarquable, et si la fonction de certains reste à ce jour inconnue, plusieurs ont été impliqués dans un grand nombre de processus physiologiques touchant le système cardiovasculaire, les processus inflammatoires ou l’homéostasie glucidique [2]. Etant donné les champs d’action potentiels de ces facteurs d’origine adipocytaire, qui concernent des pathologies généralement associées à l’obésité, la possibilité selon laquelle le tissu adipeux pourrait participer de manière active à la mise en place des complications métaboliques est désormais envisagée. En effet, il est important de noter que la production des facteurs adipocytaires varie généralement en fonction du degré de développement du tissu adipeux et de l’état du stock lipidique. Cette notion a permis de voir émerger de nouvelles approches du problème l’obésité, centrées sur l’adipocyte en tant qu’acteur primordial et relais important dans les désordres liés à l’obésité. A coté de ces aspects, les stratégies classiques visant à rééquilibrer la balance énergé- tique chez les obèses restent bien sûr envisageables, et d’importants efforts de recherche sont déployés pour trouver des traitements efficaces à long terme pour réduire les apports alimentaires.
LA DIFFÉRENCIATION DU TISSU ADIPEUX MAÎTRISÉE : IMPORTANCE DE PPAR γ
Leçons des souris sans tissu adipeux.
La description, dans les années soixante de lignées préadipocytaires établies, c’est à dire de cellules adipocytaires programmées, capables de reproduire in vitro l’ensem-
TABLEAU 1. — Les hormones adipocytaires et leurs effets biologiques.
ble du processus de différenciation, a constitué une étape décisive dans la connaissance moléculaire des adipocytes [3]. Grâce à ces cellules, les principaux facteurs de transcription qui orchestrent les mécanismes de différenciation ont pu être découverts, en particulier, le rôle clé joué par le facteur PPAR γ2 (Peroxysome-Proliferator Activated Receptor, type gamma2). PPAR γ2 a été identifié grâce à sa capacité unique de contrôler l’expression tissu spécifique des gènes adipocytaires [4]. Ainsi, la région de l’ADN reconnue par PPARγ2 sur le gène aP2 (qui code un transporteur d’acides gras) est en fait une région activatrice de la transcription, capable à elle seule, de cibler l’expression d’un gène dans les adipocytes. Grâce à cet outil molé- culaire il a été possible, par transgénèse, de faire exprimer n’importe quelle protéine dans les adipocytes. En particulier, des versions mutantes dominantes négatives de facteurs de transcription importants pour la régulation de l’expression des gènes adipocytaires ont conduit à la création d’animaux totalement dépourvus de tissu adipeux (Tableau 2). Ainsi, chez la souris au moins, il est possible d’empêcher l’obésité : sans adipocytes plus d’obèses ! Ces études ont été très instructives en terme de stratégie. En effet, quelles que soit les protéines ciblées par la transgénèse, toutes les lignées de souris sans tissu adipeux présentent un phénotype similaire :
l’absence de tissu adipeux provoque d’importants problèmes métaboliques qui se caractérisent par une stéatose hépatique majeure, accompagnée d’hyperlipémie et
TABLEAU 2. — Lignée de souris transgéniques dépourvues de tissu adipeux.
d’une insulino-resistance sévère. Ces mêmes troubles métaboliques sont présents dans les syndromes lipoatrophiques humains. Leur gravité rend désormais inacceptables les stratégies anti-obésité basées sur la disparition ou la réduction du nombre des adipocytes.
Les anti-diabétiques de la famille des Thiazolidinediones agissent sur les adipocytes.
Dans le même temps, l’efficacité des drogues de la famille des thazolidinediones ou TZD dans le traitement du diabète de type 2 ont permis de souligner l’importance des adipocytes dans le maintien de l’homéostasie glucido-lipidique de l’organisme.
En effet, ces drogues, développées initialement pour leur action insulinosensibilisante sur les tissus périphériques, se sont révélées être des ligands spécifiques de PPARγ, capables d’activer ce facteur de transcription qui appartient à la famille des récepteurs nucléaires[5]. Ainsi, la cible moléculaire des TZD est un facteur majoritairement exprimé dans les adipocytes, et qui joue un rôle crucial dans la différenciation de ces cellules. De cette observation est née la notion selon laquelle en activant PPARγ chez des patients diabétiques de type 2, on stimulait la différentiation de nouveaux adipocytes plus sensibles à l’insuline, ce qui permettait d’améliorer l’homéostasie glucidique chez ces patients, malgré leur surpoids. De plus, de nombreuses études métaboliques ont montré des améliorations de la sensibilité à l’insuline dans les tissus musculaires ou hépatiques, suggérant soit une action directe des TZD sur ces tissus qui n’expriment pas PPARγ, soit l’existence de facteurs adipocytaires produits en réponse à ces drogues et capables d’agir à distance sur ces tissus.
LES APPORTS DES MODÈLES TRANSGÉNIQUES À LA BIOLOGIE DU TISSU ADIPEUX
Au cours de ces dernières années, de nombreuses lignées de souris transgéniques dans lesquelles des gènes ont été invalidés ou surexprimés de manière adipospécifique ont été créées (pour revue exhaustive) [2]. Certaines de ces lignées ont permis de d’entrevoir de nouveaux aspects de la biologie de l’adipocyte, d’autres d’améliorer notre compréhension du métabolisme de ce tissu. Quelques exemples significatifs sont décrits ci-après.
Lien entre obésité et glucocorticoïdes : Rôle de la 11 β hydroxysteroid deshydrogénase de type 1 (11 β HSD)
Les patients atteints de la maladie de Cushing présentent des niveaux élevés de glucocorticoïdes circulants et une obésité de type viscérale. Cependant, chez la plupart des obèses avec une répartition similaire de la masse adipeuse dans la partie haute du corps, les taux de glucocorticoïdes circulants sont normaux. Ainsi, bien que de nombreuses études in vitro aient clairement montré l’effet positif des glucocorticoïdes sur le stockage lipidique, la relation entre ces hormones et l’obésité humaine est longtemps restée obscure. La description récente du phénotype de souris transgéniques surexprimant une enzyme du métabolisme intermédiaire des stéroïdes, la 11βHSD, a permis de mieux comprendre ce lien[6]. En effet, ces souris développent, lorsqu’elles sont nourries avec un régime riche en lipides, une obésité de type viscéral qui ressemble au syndrome humain. Ainsi, la production intracellulaire de glucocorticoïdes actifs apparaît comme une étape cruciale de la réponse à ces hormones, en plus des concentrations circulantes. Ces observations permettent de définir la 11βHSD adipocytaire comme une nouvelle cible pharmacologique potentielle pour des stratégies anti-obésité. Dans ce cadre, il faut noter que l’importance de la localisation anatomique du tissu adipeux, en terme de complications métaboliques associées, est considérable. De nombreuses études rapportent un risque accru de complications cardiovasculaires dans les obésités viscérales.
Quelles enzymes pour la lipolyse adipocytaire et la synthèse des triglycérides ?
Parfois les modèles transgéniques réservent des surprises. Ainsi, l’invalidation de gènes codant des protéines spécifiques de l’adipocyte accomplissant des fonctions clé dans les processus de stockage ou de lipolyse produit parfois des animaux normaux ou qui présentent, paradoxalement très peu d’anomalies. Par exemple, les souris n’exprimant plus la lipase hormono-sensible, considérée pourtant comme l’enzyme clé de la lipolyse, présentent un tissu adipeux normal en taille, et restent capables de mobiliser des acides gras[7]. De manière similaire, l’invalidation du gène codant l’enzyme de la dernière étape de la biosynthèse des triglycérides, la DGAT (Diacylglycerol Acyl transférase) produit des animaux dont le tissu adipeux, para-
doxalement, est normal et contient autant de triglycérides que les animaux sauvages [8]. Ces études suggèrent la présence dans les adipocytes de protéines non encore caractérisées et qui pourraient intervenir de façon redondante dans les processus de stockage ou de mobilisation des réserves énergétiques.
Les souris résistantes à l’obésité.
Rôle de FOXC2
Parmi les nombreuses lignées transgéniques décrites à ce jour, certaines sont particulièrement intéressantes du point de vue de la physiopathologie de l’obésité.
Lorsqu’elles sont placées dans un environnement nutritionnel qui mime celui de nos sociétés industrialisées, le régime riche en graisses, ces souris sont capables de rester minces, et montrent une résistance à l’obésité. C’est le cas des souris qui surexpriment de manière adipo-spécifique le facteur de transcription FOXC2 (forkhead C2).
Ce facteur de transcription joue un rôle important au cours de l’embryogenèse, et qui n’est exprimé, à l’état adulte, que dans les tissus adipeux. Les souris transgéniques FOXC2 sont plus minces que leurs congénères et la morphologie de leurs adipocytes présentent l’aspect typique des cellules du tissu adipeux brun, avec des gouttelettes lipidiques de petite taille et de nombreuses mitochondries [9]. D’un point de vue biochimique, il apparaît que la surexpression de ce facteur dans les adipocytes accentue l’expression des gènes impliqués dans les phénomènes de dissipation d’énergie que l’on trouve habituellement dans le tissu adipeux brun chez les rongeurs. Cette transformation métabolique du tissu adipeux blanc en tissu adipeux brun permet en grande partie d’expliquer la résistance à l’obésité de ces animaux, puisque le tissu adipeux brun est spécialisé dans la dissipation de l’énergie sous forme de chaleur. La question de savoir si des approches ciblées sur ce facteur pourraient éventuellement être envisagées pour l’obésité humaine reste à démontrer, une restriction pourrait provenir de la quasi-absence de tissu brun chez l’homme adulte.
Rôle de PPAR δ
Les approches qui consistent à favoriser les voies métaboliques impliquées dans la dissipation de l’énergie, restent, à coté de celles qui visent à diminuer la prise alimentaire, une des seules stratégies raisonnables pour lutter contre l’obésité. Dans cette optique, une étude récente souligne l’intérêt d’activer le facteur de transcription PPARδ [10].
Ce facteur de la même famille que PPARγ est exprimé dans tous les tissus. Cependant, sous l’effet de ligands spécifiques, il active une série de gènes différents de ceux contrôlés PPARγ. En effet, alors que les gènes cible de PPARγ sont impliqués dans le stockage lipidique et la différentiation des adipocytes, les cibles de PPARδ se sont révélées récemment agir plutôt sur le versant de l’oxydation des lipides et de la dissipation de l’énergie. En effet, en créant une souris transgénique surexprimant une forme active de ce facteur de transcription dans les adipocytes, les auteurs ont
pu observer un phénotype mince et totalement résistant à l’obésité induite par régime hyperlipidique. Ce phénotype est du à l’expression élevée des protéines découplantes UCP (Uncoupling Proteins) et des enzymes de l’oxydation lipidique dans les adipocytes. Ainsi, ces données permettent d’envisager la possibilité d’utiliser des ligands spécifiques de PPARδ capables d’empêcher l’accumulation lipidique en stimulant son oxydation.
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DISCUSSION
M. Michel BOUREL
Y a-t-il un parallélisme entre stéatose hépatique et accumulation de triglycérides dans les tissus et les autres organes ? Quelle signification donner aux mimicostéatoses parfois appelées spongiocytoses au niveau du foie ?
Il existe effectivement une grande similarité entre la stéatose hépatique et l’accumulation de lipides dans les autres organes dans le sens ou les structure cellulaires impliquées dans l’accumulation lipidique intracellulaire : les gouttelettes lipidiques sont structurées de manière identique dans tous les tissus. Il faut cependant remarquer que la présence de lipides dans certaines conditions ne résulte pas toujours d’une accumulation intracellulaire, mais de la présence d’adipocytes parmi les cellules constituant le tissu.
M. Jean-Daniel SRAER
Si les dérivés métaboliques de l’acide arachidonique tels les prostaglandines ont un effet sur le recrutement des adipocytes, a-t-on constaté des modifications de poids ches les patients traités au long cours par les AINS ?
Les données concernant le recrutement de préadipocytes par des médiateurs lipidiques tels que les prostaglandines ont été obtenues sur les modèles cellulaires in vitro . Ces effets n’ont pas été rapportés, à ma connaissance, sur les patients traités au long cours par les AINS. Leur mise en évidence nécessiterait des études portant sur la cellularité du tissu adipeux (taille et nombre des adipocytes) chez ces patients.
M. Raymond ARDAILLOU
Les adipocytes secrètent des chimiokines qui attirent les macrophages. Quel est le rôle de ces macrophages, par leurs propres secrétions sur les fonctions des adipocytes ?
La question porte sur la présence des macrophages, attirés au sein du tissu adipeux par la sécrétion de chimiokines, et leur rôle éventuel sur le métabolisme des cellules adipeuses.
Cette question reste actuellement ouverte. Un élément de réponse peut être apporté par des études qui montrent une parenté entre les lignages adipocytaires et macrophagiques.
Ces travaux mettent en évidence des similarités entre macrophages et adipocytes, en terme d’expression protéique. De plus, la possibilité de trans-différentiation entre ces deux lignages cellulaires fait également l’objet d’études. Une difficulté pour l’interprétation de ces travaux réside en l’absence de marqueurs biochimiques pouvant définir le préadipocyte.
M. Jean CIVATTE
Qu’est-ce qui différencie biologiquement et fonctionnellement un adipocyte d’une cellule identique faisant partie d’un lipome, c’est-à-dire d’une tumeur bénigne, bien différenciée du
tissu adipeux ? Apparemment, l’adipocyte du lipome ne répond pas aux incitations normales que subit l’adipocyte du tissu adipeux normal et reste indifférent à des variations même très importantes de volume et de poids d’un individu.
L’implication de translocations chromosomiques a été montrée dans certains lipomes, ayant pour conséquence des modifications dans l’expression de certains facteurs de transcription importants pour la différenciation adipocytaire (comme les facteurs de la famille C/EBP). Dans cette optique, il a été montré que le traitement avec des ligands de PPAR γ normalise le fonctionnement de ces cellules. L’effet positif de ces drogues suggère que leur fonction anormale et leur indépendance vis à vis de l’état métabolique pourrait résulter d’un état de différenciation immature.
M. Roger NORDMANN
Ne convient-il pas de différencier les surcharges adipocytaires abdominales des extraabdominales ? Que sait-on des différences métaboliques entre ces deux localisations ?
Pouvez-vous également nous préciser si des différences de répartition abdominale et extraabdominale des lipides stockés apparaissent dès avant la puberté ou seulement après celle-ci ? Est-il exact que la prépondérance de la surcharge abdominale chez l’homme explique sa plus grande dangerosité par rapport à la femme ?
De nombreuses différences métaboliques ont été rapportées dans la littérature, selon la localisation adipeuse, tant du point de vue de leur capacité de stockage que de leur activité lipolytique, et même de leur aptitude à sécréter différentes hormones comme la leptine. Des études sur des sujets transsexuels ont démontré l’importance des stéroides sexuels sur ces différences. En accord avec le rôle de ces hormones, ces différences s’expriment après la puberté. L’idée qui prévaut actuellement est que ces différences métaboliques pourraient largement expliquer la plus grande dangerosité de la surcharge adipeuse dans le site abdominal comparé aux autres localisations. Cependant, d’autres facteurs semblent impliqués, comme l’afflux plus grand d’acides gras adipocytaires au foie depuis les sites intra-adbominaux, notamment au cours de la lipolyse.
M. Claude DREUX
Existe-t-il actuellement des recherches pharmacologiques sur les agonistes du PPAR delta ?
Le rôle du facteur de transcription PPARδ sur l’expression des gènes impliqués dans l’oxydation mitochondriale des acides gras, ainsi que le phénotype résistant à l’obésité des souris transgéniques sur-exprimant le facteur dans le tissu adipeux a effectivement suscité un grand intérêt pour le développement de ligands spécifiques capables d’activer directement l’activité transcriptionnelle de ce facteur. Ces molécules existent actuellement, leurs effets métaboliques font l’objet d’études exhaustives par les grands groupes pharmaceutiques.
M. Roger BOULU
A-t-on observé des phénomènes d’apoptose dans les adipocytes ?
La mort cellulaire programmée n’a jamais été observée dans des adipocytes différenciés dans les conditions physiologiques. De tels phénomènes, touchant des cellules extrême-
ment riches en réserves lipidiques poseraient le problème du devenir des lipides ainsi libérés hors de structures cellulaires. Cependant la question de tels phénomènes touchant la population des cellules préadipocytaires reste ouverte.
M. Gabriel BLANCHER
Le tissu adipeux brun, dont l’importance est grande à la naissance, mais qui disparaît ensuite chez la plupart des sujets, peut-il jouer un rôle dans l’apparition de certaines obésités ?
Le rôle du tissu adipeux en tant que site capable de dissiper de l’énergie sous forme de chaleur joue un rôle important dans l’apparition de certaines obésités chez les rongeurs.
Chez l’homme adulte, il est cependant peu abondant. Un élément nouveau dans ce contexte est la découverte de nouvelles protéines apparentées à la protéine découplante du tissu brun, capables elles aussi de découpler les oxydations mitochondriales et la production d’ATP énergie. La présence de ces protéines chez l’homme dans de nombreux tissus comme le muscle permet d’envisager leur rôle potentiel dans l’obésité humaine.
M. Jacques-Louis BINET
Une remarque sur les adipocytes de la moëlle osseuse tels que les observent les hématologistes : — ils ne sont pas modifiés par la maladie « obésité », — ils sont en rapport avec la maladie hématologique disparaissant dans l’apparitioin de cellules anormales. — ils peuvent disparaître très vite après l’irradiation par exemple au cours d’une greffe de moëlle.
Les particularités des adipocytes présents dans la moelle osseuse sont tout à fait remarquables dans le sens ou leur mode de fonctionnement semble être plus dépendant des conditions locales que de l’état de la balance énergétique. La physiologie de ces cellules est peu étudiée dans le contexte du métabolisme énergétique et les raisons de ces différences sont inconnues.
* INSERM U465, Nutrition Métabolisme, Obésité. — 15 rue de l’École de médecine, 75006 Paris. Tirés à part : Madame le Docteur Isabelle DUGAIL à l’adresse ci-dessus. Article reçu et accepté le 13 octobre 2003 .
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 7, 1357-1366, séance du 28 octobre 2003