Communication scientifique
Séance du 14 mai 2002

Le diagnostic génétique préimplantatoire : premier bilan du groupe parisien

MOTS-CLÉS : biopsie. diagnostic préimplantatoire. fragilité chromosomique.. transfert embryon
Preimplantation Genetic Diagnosis : update
KEY-WORDS : biopsy. embryo transfer. preimplantation diagnosis.

R. Frydman, G. Tachdjian, N. Achour-Frydman, P. Ray, S. Romana, S. Hamamah, S. Marcadet-Fredet, V. Kerbrat, R. Fanchin, J. Kadoch, T. Attie, M. Lelorc’h***, M. Vekemans, A. Munnich

Résumé

Le travail rapporte l’expérience parisienne du diagnostic génétique préimplantatoire (DPI). Cinquante-neuf couples ont été pris en charge de janvier 2000 à juillet 2001 au cours de 71 cycles. Les ovocytes recueillis ont été inséminés par injection intracytoplasmique de spermatozoïde et les embryons biopsiés au troisième jour de leur développement. L’analyse génétique a été effectuée le jour de la biopsie et la majorité des transferts embryonnaires ont eu lieu le quatrième jour post fécondation. Au cours des 71 cycles, 872 ovocytes ont été recueillis dont 731 étaient compatibles avec une injection intracytoplasmique de spermatozoïde. Parmi les 505 embryons obtenus, 421 ont été biopsiés et un résultat génétique a été obtenu pour 312 (74 %) d’entre eux. Cent vingt-sept embryons ont été transférés au cours de 58 transferts. Dix-huit grossesses biologiques et 12 cliniques ont été obtenues (7 uniques, 4 gémellaires et une triple). Seize enfants sont nés. Le DPI prend désormais sa place parmi les choix proposés aux couples à risque de transmission d’une maladie génétique de particulière gravité et incurable au moment du diagnostic.

Summary

To report the birth of the first fourteen infants conceived after preimplantation genetic diagnosis (PGD) in our unit. Fifty-nine couples were enrolled between January 2000 and July 2001. They had a total of 71 oocyte pick-up cycles. The collected oocytes were inseminated by intracytoplasmic sperm injection. The resulting embryos were biopsied on the third day of development and the genetic analysis was performed on the same day. Most of the embryo transfers were carried out on the fourth day. The 71 oocyte pick-up cycles yielded 872 oocytes of which 731 were suitable for intacytoplasmic sperm injection. Among the 505 embryos obtained, 421 embryos were biopsied and genetic diagnosis was performed for 312 (74 %) of these. 127 embryos were transferred during the course of 58 transfer procedures. There were 18 biochemical and 12 ongoing (7 singles, 4 twins and 1 triple) pregnancies. Sixteen infants have been born and 2 are expected. PGD has gained a place among the choices offered to couples at risk of transmission of a serious and incurable genetic disease.

Le diagnostic génétique préimplantatoire :

premier bilan du groupe parisien

Preimplantation Genetic Diagnosis : update

René FRYDMAN , Gérard TACHDJIAN , Nelly ACHOUR-FRYDMAN**, Pierre RAY ***, Serge ROMANA***, Samir HAMAMAH**, Sabine MARCADET-FREDET*, Violaine KERBRAT*, Renato FANCHIN*, Jacques KADOCH*, Tania ATTIE***, M. LELORC’H***, Michel VEKEMANS***, Arnold MUNNICH***

*

Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Antoine Béclère (AP-HP), 157, rue de la Porte de Trivaux — 92141 Clamart.


chromosome fragility.

INTRODUCTION

Le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) est une alternative au diagnostic prénatal. Il consiste à réaliser une analyse génétique sur des embryons humains obtenus par fécondation in vitro et à ne procéder au transfert intra-utérin que des embryons sains ou porteurs sains.

Le DPI a été possible grâce au développement des techniques de biologie moléculaire permettant une analyse génétique sur cellule unique, principalement la réaction en chaîne de la polymérase (PCR) et l’hybridation in situ avec des sondes fluorescentes (FISH).

Si l’annonce de la première grossesse obtenue après DPI fut relatée en 1990 en Angleterre [1], en France ce n’est qu’en été 1999 que l’Assistance Publique — Hôpitaux de Paris (AP-HP) (Hôpital Necker et A. Béclère) et le Centre Hospitalouniversitaire de Schiltigheim, bientôt rejoints par l’hôpital A. de Villeneuve de Montpellier, ont été autorisés à pratiquer le DPI.

Le législateur a encadré la pratique du DPI. Cet examen s’adresse aux seuls couples qui ont une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

Nous rapportons ici l’expérience du groupe parisien constitué des services de Gynécologie-Obstétrique, et de Biologie de la Reproduction (A. Béclère) et du Département de Génétique (Necker) réunis au sein d’une Fédération de l’Assistance Publique — Hôpitaux de Paris (AP-HP).

PATIENTS ET MÉTHODES

Recrutement des couples

De janvier 1999 à juillet 2001, nous avons reçu en consultation 230 couples.

Parmi les 230 couples venus de toutes les régions de France, 136 demandes ont été retenues après accord de l’une des deux Commissions pluridisciplinaires du diagnostic prénatal de la FAMA Necker-Béclère, dont l’avis est statutairement requis selon la législation en vigueur.

Parmi les 94 couples récusés, 14 l’ont été en raison de non éligibilité de l’indication de DPI et 80 en raison de la non faisabilité du diagnostic sur cellule unique.

Au cours de cette consultation, les taux de succès, les aléas éventuels de la fécondation in vitro (FIV) ainsi que du DPI ont été abordés ainsi que l’éventualité du recours au diagnostic anténatal en cas de grossesse.

En cas d’acceptation de l’indication, un bilan pré-fécondation in vitro (FIV) a été prescrit.

Un entretien psychologique a été systématiquement évoqué au cours de la première consultation, 86 couples y ont eu recours.

Au total, parmi les 136 couples qui ont été acceptés par l’équipe médicale, 59 ont bénéficié de janvier 2000 à juillet 2001 de 97 cycles de FIV avec DPI (26 cycles ont été annulés soit 26,8 % des cycles débutés). Soixante et onze tentatives avec ponctions ovocytaires et biopsie embryonnaire ont été réalisées dans les services de Gynécologie Obstétrique et de Biologie de la Reproduction de l’hôpital Antoine Béclère. A ces 59 couples, il faut ajouter 3 couples ayant des embryons congelés provenant d’autres centres de FIV, qui ont bénéficié à Antoine Béclère d’une biopsie embryonnaire pour DPI sur les embryons congelés. L’analyse génétique du ou des blastomè- res a été effectuée dans le département de génétique de l’hôpital Necker.

Caractéristiques des couples

Nous distinguerons les maladies chromosomiques et les maladies monogéniques car les populations concernées et les techniques proposées ne sont pas identiques.

La répartition des affections pour lesquelles un DPI a été réalisé est indiquée dans les tableaux 1 et 2. Vingt-cinq couples (groupe 1) présentaient un risque de déséquilibre chromosomique (Tableau 1) et 34 couples (groupe 2) présentaient un risque de transmission d’une maladie monogénique (Tableau 2). Concernant le groupe 1, les porteurs de ces translocations sont répartis en 64 % d’hommes et 36 % de femmes.

Au sein du groupe 2, il existe une répartition équivalente des maladies géniques autosomiques ou liées à l’X. Parmi les maladies autosomiques, on note la place prépondérante de la mucoviscidose.

Tableau 1. — Désordres chromosomiques ayant fait l’objet d’une stimulation et d’une ponction en vue d’un DPI (groupe 1) Couples Femmes Hommes Total porteuses porteurs • Anomalies de structure

Translocations Robertsoniennes 4 7 11 der (13 ; 14) (q10 ; q10) der (13 ; 22) (q10 ; q10) 1 0 1 der (14 ; 21) (q10 ; q10) 1 4 5 Translocations Réciproques 1 0 1 t(13 ; 14) (q34 ; q13) t(2 ; 22) (q24 ; q11) 0 1 1 t(8 ; 14) (q22 ; q23) 0 1 1 t(11 ; 22) (q25 ; q12) 1 0 1 t(14 ; 18) (q21 ; q12) 0 1 1 t(18 ; 21) (q21 ; q22) 0 1 1 t(5 ; 6) (q36 ; q24) 1 0 1 • Anomalies de nombre 0 1 1 Trisomie 8 en mosaïque (50 %) 9 16 25 Total Les principaux antécédents obstétricaux sont caractérisés, pour le groupe 1, par la présence d’une infertilité primaire ou secondaire associée et une fréquence élevée de fausses couches spontanées (42 pour 25 couples vs 12 pour 34 couples dans le groupe 2). A l’inverse, le nombre d’interruptions médicales de grossesse (IMG) est beaucoup plus élevé dans le groupe 2 (24 sur 27 IMG totalisées dans les deux groupes).

Diagnostic génétique préimplantatoire

Les ovocytes recueillis ont été inséminés par injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). Au troisième jour de développement la biopsie embryonnaire a été réalisée, sous microscope inversé équipé de micromanipulateurs. A ce stade les embryons possèdent entre 6 et 8 cellules. Un orifice a été pratiqué dans la zone pellucide à l’aide d’un faisceau laser (Laser Fertilase, Société MTG, Altdorf, Allemagne). Une ou deux cellules ont ensuite été prélevées par aspiration dans une micropipette de 35 µm de diamètre interne. L’embryon a été alors replacé dans un milieu de culture jusqu’au moment du transfert [2].

Tableau 2. — Affections géniques ayant fait l’objet d’une stimulation et d’une ponction en vue d’un DPI (groupe 2) Couples

Autosomiques récessives

Amyotrophie spinale 5 Mucoviscidose 9*

Autosomiques dominantes

Myopathie de Steinert 3 • Liées à l’X

Retard mental lié à l’X 3 Myopathie de Duchenne 6 Déficit en Ornithine Carbamyl Transferase 1 Dysplasie spondylo-épiphysaire tardive 1 Syndrome de Vactrel 1 Maladie de Pelizaeus Merzbacher 1 Myopathie de Becker 1 Maladie de Menkes 1 Hémophilie A 1 • Pathologie mixte

Mucoviscidose et retard mental lié à l’X 1 Total 34 (*) 4 patients étaient porteurs d’une agénésie bilatérale des canaux déférents Dans le cas où le diagnostic utilisait l’amplification d’une séquence d’ADN par réaction en chaîne PCR ( Polymerase Chain Reaction ), la cellule a été placée dans un tube contenant un tampon de lyse permettant d’extraire l’ADN du noyau sous contrôle visuel sous loupe binoculaire. En revanche, lorsque le diagnostic utilisait l’hybridation in situ avec sonde d’ADN fluorescente ou FISH, la cellule a été placée sur une lame de verre contenant de l’acide chlorhydrique permettant de libérer le noyau à analyser [3, 4] (groupe 1).

La technique de FISH est utilisée pour les indications chromosomiques. Les sondes d’ADN utilisées sont spécifiques de la région du chromosome impliqué dans un remaniement de structure [5, 6] ou spécifiques des chromosomes X et Y lorsqu’il s’agit d’un diagnostic de sexe et dans certaines maladies liées à l’X.

Pour les autres affections géniques, la méthode utilisée est la PCR [7].

Transfert embryonnaire

Le résultat de l’analyse génétique a été rendu le soir même ou le lendemain de la biopsie, les transferts embryonnaires ont eu lieu dans la majorité des cas le quatrième jour de développement.

Les embryons sains ou porteurs sains surnuméraires ont été laissés en culture jusqu’au sixième jour et congelés s’ils avaient atteint le stade de blastocyste. Pour trois couples le DPI a été réalisé à partir d’embryons congelés obtenus dans d’autres centres au cours de FIV précédentes lorsque le DPI n’était pas encore autorisé.

RÉSULTATS

Les patientes étaient âgées de 32,7 ans en moyenne (24 à 40 ans).

De janvier 2000 à juillet 2001, 71 cycles ayant abouti à une ponction sont analysés.

Une moyenne de 12,3 ovocytes a été recueillie, dont 84 % ont pu être inséminés.

Quatre cent vingt et un embryons ont pu être biopsiés. Un résultat génétique a été obtenu pour 312 d’entre eux (74 %). Parmi ceux-ci 127 ont été transférés au cours de 58 transferts (soit une moyenne de 2,2 embryons par transfert). Treize transferts n’ont pas été réalisés car l’ensemble des embryons était atteint.

Le Tableau 3 indique le nombre de grossesses évolutives par ponction et par transfert, ainsi que les naissances obtenues après DPI. Ces résultats incluent les transferts d’embryons décongelés ayant bénéficié d’un DPI.

Au total, 61 transferts ont été effectués, 20 dosages positifs de l’hCG ont été notés (33 %), parmi lesquels 7 sont restés biochimiques (>100 et <1000 UI hCG), une fausse couche est survenue à 10 semaines d’aménorrhée, 12 grossesses ont été évolutives (19,7 %, avec 16 enfants attendus (26,2 %) dont 14 sont déjà nés.

Parmi les 132 embryons frais et décongelés transférés, 19 activités cardiaques ont été observées soit un taux d’implantation embryonnaire de 14,4 % et de 31,1 % par transfert.

Concernant la fausse couche qui s’est produite à 10 semaines d’aménorrhée : il s’agit d’un DPI pratiqué pour une translocation (13 ; 14) paternelle. Le produit de fausse couche a pu être récupéré, l’analyse chromosomique faite dans de bonnes conditions techniques n’a pas retrouvé d’aneuploïdie.

Parmi les 12 grossesses évolutives ayant dépassé 12 semaines d’aménorrhée, 7 grossesses étaient simples, 4 grossesses étaient gémellaires mais une s’est réduite spontanément en grossesse simple et une grossesse triple a été réduite médicalement en grossesse gémellaire au terme de 11 semaines d’aménorrhée.

C’est ainsi que nous pouvons à ce jour rapporter les 16 premières naissances issues de 4 grossesses gémellaires (dont la grossesse triple réduite) et de 8 grossesses simples.

Tableau 3. — Grossesses évolutives et naissance après DPI (janvier 2000 – juillet 2001) Chromosomique Génique Total DPI après Total Couples décongélation (n=25) (n=34) (n=59) (n=3) (n=62) Ponction (n) 30 41 71 – – Cycle de transfert 22 36 58 3 61 hCG+ 5 13 18 2 20 Activité cardiaque+ 8*

10**

18 1 19 Grossesses évolutives > 12 SA 4 7 11 1 12 dont simple 2 5 7 1 8 dont gémellaire 2 2 4 4 Enfants nés 6 9 15 1 16 (*) Une fausse couche à 10 SA, une réduction médicale de triple à gémellaire (**) Une réduction embryonnaire spontanée d’une grossesse gémellaire Un prélèvement de sang de cordon a été effectué systématiquement à la naissance afin de confirmer le DPI. Aucune erreur de diagnostic n’a été notée. Tous les enfants ont été examinés par un pédiatre à la naissance. Une étude de suivi à 1 an et 3 ans est actuellement en place.

DISCUSSION

La liste des maladies génétiques ayant pu bénéficier d’un DPI a été récemment mise à jour [8].

Compte tenu des moyens limités dont nous disposons, nous avons concentré nos efforts de mise au point sur des mutations assez fréquentes, touchant un nombre important de patients (mucoviscidose, amyotrophie spinale, maladie de Steinert).

Au sein du Groupe d’Etude et de Travail du DPI en France (GET-DPI) nous avons proposé une organisation en fonction des spécificités de chaque centre avec en particulier, pour le groupe parisien, la mise au point du diagnostic de la drépanocytose, du déficit en Ornithine Carbamyl Transférase (qui a abouti à la première naissance d’un enfant né en France après DPI [9]) et du syndrome de l’X fragile, le groupe strasbourgeois développant également la prise en charge de l’X fragile, de la maladie de Huntington et de l’achondroplasie. Le groupe parisien a par ailleurs initié en France la prise en charge des risques chromosomiques (25 cas).

La population des couples porteurs d’anomalies chromosomiques se singularise par l’existence fréquente d’une infertilité qui peut être notre biais de recrutement de cette population.

En effet au cours d’un bilan d’infertilité masculine relevant de l’injection intracytoplasmique (ICSI), le caryotype peut révéler une anomalie chromosomique. La fréquence des remaniements chromosomiques étant de 2 à 6 % dans la population infertile [10]. Cependant, comme l’ont montré certains auteurs [11, 12], dans un pourcentage de cas à peu près équivalent, la conjointe de l’homme infertile peut elle-même être porteuse d’un remaniement chromosomique. Ce qui rend absolument nécessaire la réalisation du caryotype du couple avant toute ICSI, afin de pouvoir bénéficier d’un conseil génétique qui peut aboutir soit à une demande de DPI soit à une prise en charge en diagnostic anténatal.

La population des couples porteurs d’un risque génique est dans notre expérience très différente. Ce ne sont pas des couples infertiles mais au contraire des couples fertiles éprouvés par la maladie de leurs enfants (1 ou 2) à charge ou ayant subi parfois plusieurs interruptions médicales de grossesse (IMG). S’il est vrai qu’une IMG est toujours traumatisante, nous avons été frappés, et c’est sans doute le biais du recrutement de la consultation de DPI, par le vécu difficile des couples qui se tournent vers le DPI en raison d’une prise en charge jugée comme insuffisante du diagnostic anténatal.

Parmi les 215 accouchements rapportés par le Consortium Européen du DPI, le taux et le type de complications gravidiques relevés après l’analyse de blastomères [8, 13, 14] apparaissent pour l’instant comparables aux données habituelles de la littérature, de même que les naissances après analyse du 1er globule polaire [15].

Ce premier bilan montre que la pratique du DPI s’est développée relativement rapidement dans notre groupe et qu’après 18 mois de fonctionnement, nous avons pu, en bénéficiant de l’expérience des plus anciens, offrir des résultats comparables aux données du Consortium Européen qui réunit 25 centres pour l’année 2001.

Finalement, si le DPI a permis la naissance d’enfants indemnes de la maladie recherchée, il a permis, en récusant le transfert dans 13 cas où il n’y avait que des embryons atteints disponibles, d’éviter la survenue d’enfants atteints de maladies graves et incurables, ce qui est également l’objectif poursuivi. Dans l’analyse globale du bilan du DPI, ce point (absence de transfert) mérite d’être noté comme un élément positif.

Cependant, ce bilan positif doit être tempéré par le fait qu’un grand nombre de maladies orphelines ne peuvent être prises en charge rapidement du fait du manque de moyens pour effectuer les mises au point diagnostiques préalables.

De nouvelles perspectives diagnostiques s’ouvrent, telles les maladies mitochondriales, mais il faut noter l’apparition de deux indications qui existent à l’échelle européenne et ne sont pas autorisées en France : le DPI pour risque d’aneuploïdie et le DPI pour choix de sexe.

Pour le premier cas, il s’agit soit de patients en cours de FIV âgés de plus de 38 ans (n=101), soit de patients jeunes ayant eu déjà 3 échecs de FIV (n=45) ou plusieurs fausses couches (n=116) à qui l’on a proposé une FIV afin de diagnostiquer les
embryons aneuploïdes. Au total pour 2001, 331 cycles ont été réalisés en Europe par 11 centres pour cette indication. Cette indication vise à diminuer le taux de fausses couches spontanées [16].

Soixante-dix-huit couples ont été traités pour choix du sexe par 3 centres européens.

Cette indication a soulevé de la part de notre groupe une réprobation [17] considé- rant que le DPI, comme le diagnostic anténatal (DAN), ne doivent pas être effectués à des fins de convenances hors de tout risque de pathologie médicale.

Ce dernier point pose de façon cruciale la cohérence des politiques de santé à l’échelle européenne.

Une troisième indication mérite réflexion c’est celle d’une demande de DPI pour éviter une maladie génétique (maladie de Franconi) associée à une identification du groupe HLA en vue de pouvoir greffer des cellules souches hématopoïétiques compatibles à un aîné (sans donneur compatible).

Le Comité National d’Ethique a été saisi de ces demandes aujourd’hui récusées en France et n’a pas encore donné de réponse.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue la difficulté du diagnostic sur une cellule et le Consortium Européen relève 8 erreurs de diagnostic, dont 2 en postnatal. Afin de diminuer le risque d’erreur, de nouvelles attitudes peuvent être préconisées : biopsie sur deux cellules prélevées plutôt qu’une, et surtout développement de nouvelles techniques telles que la PCR multiplex, la PCR fluorescente [18], linkage analysis ou encore le développement de l’hybridation génomique comparative (CGH) [19].

Le DPI prend place dans les possibilités offertes aux couples à risque de transmission d’une maladie génétique. La lourdeur de la procédure, les incertitudes du résultat doivent toujours être mises en balance avec les alternatives, en particulier un diagnostic prénatal bien conduit.

Il n’en reste pas moins qu’une page est tournée, l’embryon humain « malade » d’invisible et d’intouchable qu’il était devient sujet d’étude et peut être demain deviendra un sujet qui bénéficiera d’un traitement.

REMERCIEMENTS

Ils vont à l’ensemble des médecins, ingénieurs, sages-femmes, techniciennes, infirmières, secrétaires, qui constituent les équipes de la F.A.M.A Necker-Béclère. Ils ont, par leurs activités, permis la réalisation du DPI.

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DISCUSSION

M. Denys PELLERIN

Vous avez bien souligné les exigences, le coût matériel et psychologique du DPI, ses résultats limités, et bien indiqué que le DPI ne saurait se substituer au diagnostic prénatal. Cependant, je m’inquiète du risque de « banalisation » que prônent certains groupes d’opinion, sans doute mal informés, qui revendiquent l’utilisation du DPI bien au-delà de son cadre limité, dans les conditions strictes de la loi de 1994 que vous avez rappelée. Les demandes portent actuellement sur des indications bien particulières du DPI : diagnostic prédictif de la maladie de Huntington qui pose tout le problème du refus d’une situation tardive révélée 20, 30 ou 40 ans avant qu’elle se manifeste. Ce qui peut être admissible pour la maladie de Huntington le serait-il dans tous les diagnostics prédictifs aux conséquences individuelles ou sociales. J’évoque ici les 135 patients souffrant de la maladie de Gaucher, dont il nous a été parlé récemment ici-même, dont le pronostic est si sévère, mais aussi le coût du traitement si élevé (425 000 euros par patient et par an) ; utilisation du DPI pour permettre le choix le tri d’un embryon HLA compatible pour servir au traitement immédiat ou futur d’un enfant déjà né atteint de maladie de Fanconi. Cette utilisation du DPI pour obtenir un « enfant remède », comporte le rejet des autres embryons sains au motif qu’ils ne pourraient être utilisés pour soigner l’enfant malade. J’aimerais que vous nous donniez votre avis sur ces aspects et la dérive possible du DPI ?

Je ne pense pas que l’on puisse parler de banalisation pour une méthode qui reste un parcours difficile, et aléatoire quant à ses résultats. Par ailleurs, l’encadrement législatif est une garantie supplémentaire de ces indications, mais il est vrai qu’il peut y avoir des extensions de celle-ci. Mais ce n’est pas parce qu’il y a des extensions que celles-ci ne peuvent pas être encadrées. Vous évoquez le problème de la maladie de Huntington qui se révèle 20, 30 ou 40 ans plus tard, on peut comprendre les jeunes femmes qui ont vu mourir leur père, leur oncle, et qui se savent porteuses du risque de cette transmission, et qui ne veulent pas vivre avec cette épée de Damoclès pour leur enfant. La médecine est souvent faite au cas par cas, et se doit d’apprécier dans la sérénité l’ampleur d’une telle souffrance. En ce qui concerne le tri d’embryons HLA compatibles, je distinguerai le cas où il existe une maladie génétique transmissible de celle où il n’en existe pas. Pour cette dernière situation (enfant présentant une hémopathie non génétique et une volonté des parents de garder des cellules souches au cas où) je suis très dubitatif sur la légitimité de son indication. En revanche, lorsqu’il y a une maladie génétique comme la maladie de Fanconi, il est vrai que d’ajouter une recherche supplémentaire de compatibilité tissulaire au DPI nécessaire pour éviter la maladie me paraît plus compréhensible, car il faut là encore entendre les femmes qui demandent comment accueilleront-elles un enfant issu d’un DPI né HLA non compatible, quel regard lui porteront-elles alors que le frère la sœur s’éteindra faute de cellules compatibles. En fait, loin d’une banalisation, nous serons amenés sans doute à répondre à des demandes extrêmement précises qui concernent des cas quantitativement faibles, mais dont la charge émotive et la douleur sont intenses.

M. Roger HENRION

Je suis moins pessimiste que le professeur Denys Pellerin. En effet, nous avons entendu à peu près les mêmes discussions lorsque nous avons commencé à faire, il y a 30 ans, les premières amniocentèses précoces et les premiers diagnostics prénataux. Or, sauf exception, si nous avons observé en France une augmentation du nombre des amniocentèses, nous n’avons pas déploré de dérives ni assisté à une inflation dans les indications.

Je pense qu’il y a malgré tout une augmentation du nombre d’amniocentèse effectuée mais que, dans le diagnostic génétique préimplantatoire, nous sommes dans un cadre extrêmement différent car cela s’adresse à des patients qui se savent porteurs du risque de transmission d’une maladie et qui ont déjà subi pour eux-mêmes ou dans leur entourage proche cette loi du destin. Cela ne concerne donc pas le tout-venant, mais uniquement une population extrêmement ciblée.

M. Claude SUREAU

Le risque de banalisation qui vient d’être évoqué n’est pas très convaincant pour la simple raison que le DPI suppose une FIV dont le taux de succès ne dépasse guère 20 %. En ce qui concerne le problème éthique posé par le diagnostic de maladie de Huntington, avec son délai d’apparition, il n’est pas spécifique du DPI. Il est présent aussi dans le DPN et pour nombre d’affections dont la révélation peut être plus ou moins tardive, telle que l’épidermolyse bulleuse, la mucoviscidose ou la myopathie. Il en va de même du coût de la prise en charge de ces diverses affections, coût qui constitue un argument en faveur de l’interruption de grossesse pour raisons médicales ; cet argument est valable, mais non spécifique du DPI ;

il vaut aussi pour le DPN ; en fait, il est inclus depuis longtemps dans des dispositions législatives admises depuis les lois de 1975 et 1994. Enfin, cet exposé nous apporte un élément de réponse à la question du moment où le fœtus devient un patient. Puisqu’il est soumis à la biopsie que représente le DPI, c’est donc dès la fécondation qu’il est un patient, ce qui est un concept médical et non juridique.

Je pense effectivement qu’il est important d’insister sur le concept médical de patient. Je dirais volontiers que l’on peut considérer l’embryon comme un patient et insisterais sur le mot « comme » pour ne pas faire de confusion avec la définition de personne.

M. Michel ARTHUIS

Concernant les 14 couples atteints d’amyotrophie spinale et de mucoviscidose, combien de couples avec amyotrophie spinale ?

Six couples présentaient une amyotrophie spinale dans le groupe étudié.

M. Georges DAVID

A propos des translocations, observez-vous une diminution du nombre des embryons porteurs de la translocation par rapport à ce que l’on pourrait normalement attendre ? Lorsque vous êtes conduit à pratiquer un DPI pour une des indications que vous avez précisées, et que
la femme a un âge tel que le risque de Trisomie 21 est élevé, envisagez-vous un dépistage supplémentaire par sonde dépistant la Trisomie 21 ?

Vous faites référence aux études qui évoquent la possibilité d’une autorégulation des embryons porteurs d’une translocation, mais maintenant nous savons qu’ils atteignent également le stade de blastocyste dans 25 à 30 % des cas au lieu des 50 % habituels. Le dépistage d’un risque de trisomie 21 chez une patiente devant bénéficier d’une fécondation in vitro se pose effectivement puisque ce dépistage sera habituellement pratiqué en cas de grossesse. Il serait plus logique de le faire avant plutôt qu’après afin d’éviter chez ces femmes âgées, donc à l’espoir de fertilité limité, une éventuelle interruption médicale de grossesse. Cela devrait s’adresser aux patientes devant de toute façon passer par la fécondation in vitro et qui accepteraient, voire réclameraient, le principe d’un diagnostic prénatal et préféreraient le diagnostic génétique préimplantatoire.

M. Jean-Baptiste PAOLAGGI

Comment sont prises, en pratique, les décisions « collégiales » que vous avez évoquées ?

La consultation en trinôme réunit un généticien, une psychiatre-psychanalyste et un gynécologue-obstétricien. Une fois l’indication retenue celle-ci est soumise au centre pluridisciplinaire de médecine anténatale, comme cela est prévu par la loi. Il y a donc une réelle participation collective à la décision des indications du DPI.

M. Raymond BASTIN

Je souhaiterais revenir sur les réunions européennes auxquelles vous avez fait allusion. Y avez-vous déjà observé l’esquisse de dérives concernant les indications ?

Effectivement trois centres européens sur la cinquantaine qui fonctionnent ont donné des résultats concernant le choix du sexe sans aucune pathologie sous-jacente, uniquement pour « équilibre familial ». Les deux centres français agrées pour le DPI ont fait un éditorial qui a été publié au début de cette année dans la revue Européenne Human Reproduction affirmant notre opposition à ces pratiques de convenance qui tournent le dos à l’indication médicale du diagnostic génétique préimplantatoire, qui doit être la seule retenue.

M. Christian NEZELOF

Que sait-on des risques que fait courir la biopsie d’un ou deux blastomères sur les autres blastomères ?

Cinq cents enfants sont nés après DPI et leur poids de naissance, leur taille et le développement des premières années ne posent pas de problème médical. On peut donc penser que la biopsie d’un ou deux blastomères ne porte pas à conséquence, ce qui rejoint les situations que nous connaissons, par exemple après décongélation embryonnaire où il n’est pas rare que nous réimplantions des embryons qui ont perdu un ou deux de leurs blastomères et avec des résultats tout à fait satisfaisants.

M. Jacques BATTIN

Dans l’expérience mondiale de DPI, y a t-il eu des diagnostics faussement négatifs ? En ce qui concerne le screening des aneuploïdies, la FISH ne pouvant accéder à toutes les paires chromosomiques, comme avec le DPN, les publications sur la DPI signalent aussi l’allélic drop out, à savoir le défaut d’amplification qui peut faire ignorer une mutation génique.

Est-ce que l’empreinte génomique qui intervient lors de la gamétogenèse et de l’embryogenèse précoces peut perturber et augmenter le risque d’anomalies du développement par les procédures utilisées ?

Certes, dans la mesure où l’on va trouver ce que l’on cherche il est possible qu’indépendamment de telle ou telle translocation se développe une anomalie portée par un autre chromosome. Dans ce sens le DPI n’est pas une garantie contre toute anomalie génétique. Il existe des faux diagnostics. Trois ont été publiés au début de la pratique dans les années 1990, les techniques semblent s’être affinées, cependant, il est logique de proposer aux patientes un contrôle prénatal en leur mentionnant que la fiabilité des techniques de DPI ne peut être retenue à 100 %. Aucun risque d’anomalie de développement lié à la technique n’a été mis en évidence.


** Service d’Histologie-Embryologie-Cytogénétique à orientation Biologique et Génétique de la Reproduction, Hôpital Antoine Béclère (AP-HP), 157, rue de la Porte de Trivaux — 92141 Clamart. *** Département de Génétique, Hôpital Necker-Enfants malades — 75743 Paris cedex 15. Tirés-à-part : Professeur René Frydman, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 26 février2002, accepté le l1 mars 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 5, 865-878, séance du 14 mai 2002