Communication scientifique
Séance du 17 janvier 2006

La maladie du charbon revue : les tocines de Bacillus anthracis comme nouveaux acteurs de l’évasion immunitaire de l’agent pathogène ?

MOTS-CLÉS : agents pathogenes transportes sang/isolement et purification. erythrocyte. plaquettes. plasma sanguin. sante publique/ economie.. transfusion sanguine
Anthrax revisited : bacillus anthracis toxins as novel actors of immune escape ?
KEY-WORDS : blood-borne. blood platelets. blood transfusion. erythrocytes. pathogens/isolation and purification. public health/economics.

Jean-Nicolas Tournier, Anne Quesnel-Hellmann, Aurélie Cleret*, Jacques Mathieu*, Pierre L. Goossens**, Michèle Mock**, Dominique R. Vidal*

Résumé

L’utilisation de spores de Bacillus anthracis lors des attaques bioterroristes récentes a été à l’origine de plusieurs cas de charbon d’inhalation, soulignant les besoins croissant dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie du charbon. Dans cet article nous présentons succinctement l’intérêt des travaux sur B. anthracis en terme de bio-défense, les principales caractéristiques de l’agent pathogène, ses principaux aspects cliniques, puis les aspects actuels du charbon d’inhalation (forme pulmonaire de la maladie). A la lumière des travaux récents concernant les effets des toxines secrétées par B. anthracis sur le système immunitaire à travers la dérégulation des fonctions des cellules dendritiques, nous analyserons le rôle singulier des toxines dans l’évasion de la réponse immunitaire. La transfusion des produits sanguins labiles, concentrés de globules rouges, concentrés de plaquettes et plasma, demeure une thérapeutique essentielle, efficace et vitale, en l’absence d’alternative thérapeutique. Le niveau de sécurité transfusionnelle est actuellement élevé avec les mesures de sélection médicale et biologique du donneur qui ont été mises en place. Malgré toutes ces interventions, il persiste un risque résiduel de transmission d’une infection, en particulier un risque bactérien avec les concentrés plaquettaires, un risque parasitaire avec les concentrés de globules rouges et d’une manière générale la crainte de voir apparaître de nouveaux virus émergents liés aux modifications épidémiologiques mondiales et aux voyages. L’inactivation des agents pathogènes par modification des acides nucléiques des agents infectieux par des substances chimiques ou photochimiques apparaît comme une mesure de sécurité préventive et à large spectre. Ces techniques existent déjà pour inactiver le plasma et sont en cours de développement clinique pour inactiver les concentrés plaquettaires et bientôt les concentrés érythrocytaires. On peut penser que l’inactivation universelle des agents pathogènes dans tous les produits sanguins labiles n’est qu’une question de temps si les essais cliniques et l’hémovigilance renforcée montrent que les produits conservent bien leurs propriétés biologiques, leur efficacité thérapeutique et n’entraînent pas de manifestations toxiques à long terme. L’introduction de telles méthodes en transfusion doit être prise en fonction du mieux-être apporté aux malades en tenant compte du rapport coût-efficacité sur la prévention du risque médical et sur la santé publique.

Summary

The recent bioterrorist attacks have stressed the need of a better knowledge of Bacillus anthracis infection pathophysiology. We present here the increasing interests of B. anthracis studies in term of bio-defense, the main pathogen characteristics, the main clinical features of inhalational anthrax (the pulmonary form of the disease), and recent aspects of its physiopathology. Next, we address the main results concerning the toxin effects on immune system through impairing the dendritic cell functions, and we analyze the singular role of anthrax toxins in immune evasion.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine Établissement français du Sang-Alsace, Inserm U.311 BP 36, 10, rue Spielmann, 67065 Strasbourg cedex.

Tirés-à-part : Professeur Jean-Pierre CAZENAVE, à l’adresse ci-dessus.

Article reçu le 21 juin 2005, accepté le 3 octobre 2005.


* Département de Biologie des agents transmissibles, CRSSA, 38702 La Tronche cedex-France. ** Toxines et Pathogénie Bactérienne (URA 2172, CNRS), Institut Pasteur, Paris, France. Tirés-à-part : Docteur Jean-Nicolas TOURNIER, même adresse. Article reçu le 24 novembre 2004, accepté le 13 juin 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 1, 155-167, séance du 17 janvier 2006