Communication scientifique
Séance du 6 février 2007

Introduction

Daniel Couturier et René Mornex

Séance thématique sur les stratégies médicales chez les sujets âgés Coordonnateurs : Daniel Couturier et René Mornex

Introduction

Daniel COUTURIER *

La formulation du thème de cette séance conduit à deux réflexions préalables.

Qu’appelle-t-on « personne âgée » ? La définition qui repose sur le calendrier et l’état civil fixant un âge limite au-delà duquel toute personne est déclarée « âgée » satisfait les statisticiens, les démographes, les épidémiologistes : son caractère arbitraire est adapté aux logiques de Santé publique. Cette définition est beaucoup plus contestable en pratique médicale.

Des propositions cherchant à mieux appréhender l’influence de l’âge sur les décisions des médecins ont été faites. Certaines retiennent la population âgée de plus de 65 ans si elle est atteinte d’une pathologie chronique alors qu’un sujet indemne ne sera considéré comme âgé qu’au-delà de 75 ans. Pour tenter d’affiner l’évaluation de l’âge sur l’état de santé d’un individu, des questionnaires sont maintenant proposés, l’avenir nous dira si leur usage permet de perfectionner la prescription médicale chez le sujet âgé.

Ce bref rappel situe déjà la problématique que nous avons cherché à aborder au cours de cette réunion. Elle sera mieux comprise si l’on veut bien considérer les voies convergentes que René Mornex et moi-même avons emprunté pour formuler le titre général de la réunion. Le premier, préoccupé par les contraintes, les nuisances, les risques de l’application protocolaire des règles de diagnostic, de traitement curatif voire préventif aux personnes âgées souhaitait qu’on attire l’attention sur la priorité qui doit être donnée au confort de vie quitte à considérer comme secondaire et aléatoire un gain de durée de vie ; le second confronté à la logique de la décision médicale reposant sur les acquis de la science (Evidence Based Medicine), insistait sur les difficultés rencontrées, qu’il s’agisse d’investigations invasives, ou de décision de traitement, pour proposer le meilleur choix alors qu’on ne dispose pas de résultats d’étude validés chez les personnes âgées.

Adapter nos comportements médicaux à la spécificité du sujet âgé en veillant à préserver son plaisir de vivre mais sans lui faire perdre le bénéfice des moyens médicaux et chirurgicaux dont on dispose, telle a été notre conjointe préoccupation.

La prise en charge médicale du sujet âgé est un sujet d’actualité : l’Afsapps, l’Entreprise du Médicament (Leem, anciennement SNIP), la CNAM, la Haute Autorité de Santé (HAS), avec des préoccupations diverses, ont abordé ce sujet.

Dans sa réunion du 4 avril dernier, à l’initiative d’André Vacheron, notre Compagnie a traité un des chapitres principaux de la pathologie du sujet âgé, les maladies cardiovasculaires [1]. On ne peut que rappeler les chiffres de la démographie du sujet âgé rapportés par André Vacheron dans son introduction : 16 % de la population française a plus de 65 ans, il y a environ 1,5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, 16 000 centenaires. La durée moyenne de vie (espérance de vie) augmente de trois mois chaque année et ainsi la population âgée augmente régulièrement.

L’étendue du sujet, l’absence de réponse argumentée à d’importantes questions nous ont conduit à limiter notre ambition. Nous avons renoncé à aborder les moyens qui prétendent, non pas compenser la maladie, mais repousser les limites de la durée de vie humaine. Les débats concernant le comportement médical chez les personnes âgées en fin de vie ont une spécificité qu’il convient de traiter à part.

Plus modestement nous avons cherché, avec l’aide d’experts qui ont accepté de prêter leur concours, à guider notre réflexion sur quelques aspects de la délicate question de la pertinence des décisions médicales chez le sujet âgé.

Régis Gonthier analyse les ressorts des souhaits du patient, en tenant compte du « renoncement progressif accepté » et de la préservation du confort de vie.

Sylvie Legrain et Patrice Queneau envisagent la prescription médicale et son interruption éventuelle. La première s’interroge sur les risques de la polymédication qui peut laisser échapper l’indication d’un traitement essentiel ; le second, dans une démarche qui se rapproche de l’Assurance Qualité, insiste sur la nécessité de discuter régulièrement du bénéfice apporté par des traitements qui sont parfois indûment renouvelés.

Yves Logeais, tirant partie de son exceptionnelle expérience de la chirurgie cardiaque, explicite, chiffres en main, le rapport coût / bénéfice de la chirurgie du rétrécissement aortique du sujet très âgé. Ce travail exemplaire devrait inciter à des études analogues dans d’autres domaines de la chirurgie et des thérapeutiques invasives.

Ne pas négliger un cancer débutant, pour le traiter avec une efficacité optimale, tel est l’objectif du dépistage. Il impose toutefois des contraintes de plus en plus importantes avec l’âge des sujets concernés, c’est le délicat sujet qu’envisage Jacques Rouëssé.

Puisque la prise en charge médicale du sujet âgé est d’un coût économique très élevé, faisons en sorte que les intéressés en tirent les meilleurs avantages, même si l’objectif est la satisfaction des souhaits du patient plus que les considérations financières.

BIBLIOGRAPHIE [1]

Bull. Acad. Natle Méd ., 2006, 190 , no 4 et 5.

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 2, 235-236, séance du 6 février 2007