Séance thématique
Maladies cardio-vasculaires du sujet âgé
Introduction
André VACHERON *
L’homme et la femme ont l’âge de leurs artères. Cette assertion est confortée par l’épidémiologie. L’impact sur le cœur, le cerveau et les reins de l’artériosclérose qui augmente la rigidité des artères et de l’athérosclérose qui réduit le calibre artériel et se complique d’oblitérations thrombotiques et d’embolies systémiques conditionne en grande partie la longévité et la qualité du vieillissement. Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de morbidité et de mortalité après 70 ans en raison de leur prévalence élective dans les tranches d’âge les plus élevées et du vieillissement de la population.
L’espérance de vie à la naissance dépasse aujourd’hui 80 ans. Dans la première moitié du vingtième siècle, un homme de 60 ans pouvait espérer vivre encore treize à quatorze ans. Actuellement il peut espérer vivre encore 21,5 ans et une femme 26,5 ans. La France compte aujourd’hui un million et demi d’octogénaires de plus de 85 ans dont plus de 16 000 centenaires. Dans plusieurs départements français, le nombre des plus de 60 ans dépasse celui des moins de 20 ans. Il dépassera celui des moins de 20 ans dans la France entière en 2020. Il est réconfortant de constater que l’espérance de vie sans incapacité augmente plus vite que l’espérance de vie proprement dite. Entre 1980 et 1990, nous avons gagné deux ans et demi d’espérance de vie à la naissance mais trois ans d’espérance de vie sans incapacité. Cependant le nombre des affections déclarées chez un même individu augmente avec l’âge et est plus élevé pour les femmes que pour les hommes : de 4 chez l’homme et de 5,3 chez la femme entre 40 et 64 ans, il s’élève à 6,5 chez l’homme et de 7,6 chez la femme à partir de 80 ans. Les polypathologies sont la règle chez les personnes âgées : atteintes de la vue, de l’audition, maladies cardio-vasculaires et ostéoarticulaires qui atteignent respectivement les trois-quarts et plus de la moitié des personnes âgées, diabète, cancers, maladie de Parkinson. La prise en charge des maladies cardio-vasculaires chez le sujet âgé s’inscrit donc souvent dans un contexte polypathologique avec atteinte pluriviscérale et dégradation de la fonction rénale dont il faut tenir compte
dans les prescriptions thérapeutiques. Le vieillissement cardiovasculaire est marqué par une intrication de la sénescence pure analysée par Bernard Swynghedauw à des pathologies de prévalence et de gravité croissantes.
La prévalence de l’hypertension artérielle atteint 70 % après 70 ans et l’élévation de la pression artérielle systolique augmente le risque relatif d’accident coronaire et cérébro-vasculaire et la mortalité cardio-vasculaire. Comme le démontre Pierre François Plouin, même chez le sujet âgé, le traitement antihypertenseur réduit le risque d’accident cardiovasculaire et d’accident vasculaire cérébral.
La prévalence et la gravité de l’athérosclérose coronaire augmente avec l’âge et cette dépendance avec l’âge est plus marquée chez la femme que chez l’homme. Aux Etats-Unis la mortalité après 65 ans est due dans 55 % des cas à la maladie coronaire et 75 % des décès d’origine coronaire surviennent après 65 ans. Jean-Paul Bounhoure nous expliquera les raisons du pronostic sévère des syndromes coronariens aigus du sujet âgé en dépit des progrès thérapeutiques actuels, et notamment de ceux de la revascularisation myocardique.
L’insuffisance cardiaque des sujets âgés est l’un des grands problèmes de santé publique en ce début du vingt et unième siècle. Sa progression est une conséquence des progrès réalisés dans la prise en charge des syndromes coronariens aigus et de l’hypertension artérielle qui prolonge la vie pendant de nombreuses années sans effacer totalement les conséquences délétères de l’ischémie et de l’hypertrophie myocardiques. Son incidence annuelle atteint cinquante pour mille après 75 ans. Son pronostic est sévère, la survie dépassant rarement 40 %, cinq ans après le diagnostic initial.
Les troubles du rythme et de la conduction cardiaques sont fréquents chez les sujets âgés et la prévalence de la fibrillation auriculaire qui expose aux accidents thromboemboliques notamment cérébraux avec le risque de handicap résiduel sévère, dépasse 10 % après l’âge de 80 ans.
A côté des traitements médicaux qui permettent dans la majorité des cas la prise en charge efficace des affections cardiovasculaires du sujet âgé, en tenant compte de la vulnérabilité particulière due à l’âge, la chirurgie cardiaque conserve des indications même aux âges très élevés, spécialement dans le rétrécissement aortique calcifié serré et dans les maladies coronaires tritronculaires sévères où elle donne de remarquables résultats au prix d’un risque opératoire acceptable.
L’augmentation régulière de la longévité de la population française durant ces dernières décennies est due en partie à l’amélioration du dépistage et du contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires mais ce contrôle est généralement insuffisant notamment pour l’hypertension artérielle et il a des limites, la progression de la prévalence de l’insuffisance cardiaque en est un bon exemple.
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, nos 4-5, 781-782, séance du 4 avril 2006