Communiqué
Séance du 2 mai 2006

Champs électromagnétiques et IRM : recommandations à propos de la directive 2004/40/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dûs aux agents physiques (champs électromagnétiques)

MOTS-CLÉS : champ électromagnétique. directive planification santé.. imagerie par résonance magnétique. implications radiations sur santé et environnement. magnétisme

Emmanuel-Alain Cabanis, André Aurengo, Maurice Tubiana a reçu, au nom d’un groupe de travail relevant de notre délégation à la Fédération européenne des Académies de médecine.

COMMUNIQUÉ au nom d’un groupe de travail relevant de notre délégation à la Fédération Européenne des Académies de Médecine

 

Champs électromagnétiques et IRM :

recommandations à propos de la directive 2004/40/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dûs aux agents physiques (champs électromagnétiques)

Emmanuel-Alain CABANIS **, André AURENGO *, Maurice TUBIANA *

Le Professeur Maurice Tubiana a reçu, au mois de février 2006, du Professeur André Govaerts, Secrétaire Général de la Fédération Européenne des Acadé- mies de Médecine, des documents concernant la Directive européenne sur les agents physiques 2004/40/EC, sur laquelle un avis de l’Académie Nationale de Médecine a été sollicité. Cette Directive concerne les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques). Elle suit deux Directives précédentes sur la protection des travailleurs de la nocivité potentielle des agents physiques (EPAD). La première portait sur les vibrations (2002/44/CE, 25.06.02) et la seconde sur le bruit (2003/10/CE, 06.02.03).

Cette troisième Directive prend en compte les données habituelles concernant le grand public et les professionnels de la communication, du radar au téléphone portable, des télécommunications au four à micro-ondes. Elle méconnaît les conditions d’utilisation clinique de l’une des avancées majeures de la médecine, dans ces vingt dernières années, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM). En vingt ans, la pratique de l’IRM a bouleversé l’exercice de plusieurs spécialités médicales, à la fois par sa haute sensibilité et son innocuité. Elle donne accès à de nouveaux diagnostics, presque instantané- ment, et sans souffrance (pathologies tumorales, vasculaires, traumatiques et dégénératives, chez l’enfant et l’adulte par exemple, de la tête, du cerveau et de la moelle épinière). Elle remplace plusieurs explorations invasives, comme l’artériographie. Cette efficacité explique qu’en 2005, 90 millions de patients ont bénéficié d’un examen IRM sur l’une des 12 000 machines (dont 250 en France) qui fonctionnent dans le monde. On estime à un milliard le nombre d’examens IRM qui ont été pratiqués depuis 1985, sans qu’aucun effet nocif n’ait été signalé.

Un imageur RM associe un champ magnétique statique puissant (jusqu’à 1,5 et 3Tesla) et deux champs électromagnétiques. Le premier est « tournant ». Il met en résonance les atomes d’hydrogène, ou protons, à une valeur fixe, 63,86 MHz à 1,5 T et 127,71 MHz à 3 T. Le deuxième champ électromagnétique est « fixe » avec des « gradients d’intensité magnétique » qui sélectionnent les plans de coupes.

Or, la Directive européenne attribue aux champs électromagnétiques et aux radiofréquences, de 0 Hz à 300 GHz, des valeurs limites d’exposition très infé- rieures aux valeurs utilisées depuis vingt ans, sans justifier ces chiffres par des données scientifiques et sans prendre en compte les bénéfices de l’IRM ainsi que les particularités des examens des enfants et des patients fragiles (impossibilité dans le cadre de la Directive de laisser infirmière, manipulateur et médecin à leurs côtés).

L’émotion qui s’est emparée de la communauté scientifique britannique, première à réagir, est vive. Le 20 septembre 2005, douze universitaires britanniques renommés (dont un Prix Nobel), ont saisi le secrétaire d’État à la Santé de leur Gouvernement, du grave danger qu’entraînerait, pour les malades, l’application de la directive. Ils craignent l’interruption brutale de l’usage et du développement de l’IRM et demandent que la mise en application et sa transposition dans la législation britannique soient suspendues avec un délai de deux ans.

La Fédération Européenne des Académies de Médecine (FEAM) a demandé à chacune des Académies de Médecine de se prononcer sur un projet de rapport destiné à la Commission Européenne, suite à la demande britannique. En réponse, l’Académie nationale de médecine de France adhère, sans réserve, au rapport * élaboré par la FEAM et recommande de le renforcer en augmentant de deux à trois ans le délai de transposition nationale de la directive et en élargissant la saisine à l’Organisation Mondiale de la Santé, pour le développement d’une recherche mondialement coordonnée et accélérée.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 2 mai 2006, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

* Le rapport et son volume d’annexes sont déposés et consultables à la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine.

* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, nos 4-5, 1081-1082, séance du 2 mai 2006