L’Académie nationale de médecine rappelle aux pouvoirs publics le grand pas en avant qu’a constitué pour la santé en France le décret du 15 novembre 2006 interdisant de fumer sur les lieux de travail à partir du 1er février 2007 et dans les lieux de convivialité à partir du 1er janvier 2008. Cette mesure pourrait diminuer de moitié le nombre annuel de morts évalué à quatre mille dûs au tabagisme passif et tout assouplissement nuirait à sa compréhension et induirait des décès ainsi que des soins qui viendraient alourdir le déficit de la branche maladie de la Sécurité Sociale. L’exemple des pays ayant déjà adopté l’interdiction de fumer dans les lieux publics est à cet égard encourageant. En Italie, par exemple, la presse rapporte une réduction de 11,2 % de l’incidence annuelle des accidents coronariens aigus chez les sujets de trente-cinq à soixante-quatre ans. En France même, on note un effet bénéfique deux mois après l’entrée en vigueur de la loi d’après la base de données « Oscour » gérée par l’INVS. Ainsi, permettre la persistance de lieux de tabagisme librement accessibles au public serait un délit de mise en danger de la vie d’autrui, en particulier des femmes enceintes et des mineurs.
De plus, un tel changement brutal de la position des pouvoirs publics découragerait la communauté médicale qui s’était engagée dans cette lutte avec ferveur et serait déçue de voir l’intérêt général sacrifié sous la pression de corporatismes. Il désorienterait l’opinion qui a massivement approuvé ce décret et qui dans plus de 98 % des cas respecte scrupuleusement la nouvelle réglementation. Pourquoi les fumeurs continueraient-ils à se priver d’un plaisir pour respecter la santé de leur voisin si l’État lui-même estimait qu’on peut sacrifier la santé des clients et des salariés des bars-tabac pour satisfaire les intérêts financiers de quelques buralistes ? Faut-il rappeler que leurs revenus se sont accrus entre 1992 et 2002 et que selon les calculs du Secrétariat d’État *
Membre de l’académie nationale de médecine au budget rapportés dans la presse ils ont augmenté en moyenne de 27,7 % de 2002 à 2006 en partie grâce aux aides versées par l’État.
Ce décret a été le fruit d’un long processus de discussion démocratique auquel ont été associées une mission parlementaire et toutes les autorités de santé dont l’Académie Nationale de Médecine. Toute adaptation devrait respecter le même processus. L’attitude d’un groupe de pression ne saurait remettre en question la position de la totalité des autorités sanitaires et de plus de 80 % des Français. Introduire des dérogations serait renier les engagements pris par la France en ratifiant le traité de l’OMS, la Convention cadre de lutte antitabac qu’elle a pourtant été la première à ratifier parmi les États membres de l’Union Européenne.
Les autorités de l’Union Européenne (que la France présidera en juillet prochain), comprendraient mal, alors que la France était citée en exemple, cette reculade qui sacrifie la santé de la population aux clameurs de quelques contestataires.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 18 mars 2008, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.
** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 3, 581-582, séance du 18 mars 2008