Communication scientifique
Séance du 10 janvier 2006

Hypertension essentielle humaine et hypertension génétique chez le rat : la place du modèle lyonnais

MOTS-CLÉS : hypertension arterielle. hypertension arterielle/génétique. modeles animaux. rats. système rénine-angiotensine.
Human essential hypertension and genetic hypertension in rats : the Lyon model
KEY-WORDS : hypertension. hypertension/genetics. models, animals. rats. renin-angiotensin system.

Jean Sassard

Résumé

L’hypertension humaine dite essentielle implique des facteurs génétiques et environnementaux. La mise au point de modèles d’étude expérimentaux a consisté en la sélection génétique de rats présentant spontanément une pression artérielle élevée. Parmi les modèles existants, celui que nous avons sélectionné est le seul à associer à une hypertension modérée un « syndrome métabolique » incluant surcroît pondéral, protéinurie, hyperlipidémie et élévation du rapport insuline/glucose plasmatique. L’hypertension dans ce modèle est « rénine-dépendante » et de faibles doses d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion dépourvues d’effet antihypertenseur ont diminué durablement la protéinurie de ces animaux, ouvrant ainsi la possibilité d’une protection rénale indépendante de toute baisse tensionnelle.

Summary

Human essential hypertension is due to interacting genetic and environmental factors. Spontaneously hypertensive rats have been genetically selected as models in this setting. The genetically hypertensive rat model that we have selected is the only one to associate mild hypertension with a ‘‘ metabolic syndrome ’’ (increased body weight, proteinuria and hyperlipidemia and elevated insulin/glucose ratio). This is a renin-dependent model of hypertension, in which low-dose (non antihypertensive) angiotensin-converting-enzyme inhibitor therapy affords significant and durable nephroprotection.

INTRODUCTION

L’hypertension artérielle (HTA) dite essentielle représente plus de 95 % des cas observés chez l’Homme. Malgré le nombre impressionnant de travaux qui lui ont été consacrés force est de constater que si son traitement a fait d’immenses progrès sa physiopathologie reste encore largement obscure. La seule certitude est que cette dernière implique des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux qui, de surcroît, interagissent entre eux. Une des plus belles démonstrations en a été une étude canadienne établissant la relation entre la pression artérielle (PA) de parents et celle d’enfants adoptés — qui ne partagent avec eux qu’un même environnement — ou d’enfants qui partagent environnement et patrimoine génétique avec leurs parents [1]. Ce travail a mis en évidence que la PA des enfants était significativement reliée à celle de leurs parents naturels alors que cette même relation n’était plus significative dans le cas d’adoption.

Sur de telles bases, différents groupes ont cherché à obtenir par sélection génétique des modèles animaux représentatifs de l’HTA essentielle. Ces travaux ont généralement été menés chez le rat, animal dont la reproduction est assez rapide, l’entretien peu onéreux, et les caractéristiques cardio-vasculaires proches de celles de l’homme.

De surcroît, malgré une taille restreinte, le rat est suffisamment gros pour que des techniques sophistiquées d’enregistrement des paramètres cardio-vasculaires puissent être mises en œuvre de façon chronique chez l’animal conscient, non restreint et maintenu dans des conditions que l’on peut considérer comme physiologiques.

Enfin le génome du rat est largement déchiffré ce qui autorise l’abord génétique de ses caractéristiques.

Le principe de cette sélection génétique appliqué dès 1950 par des Néo-Zélandais [2] puis développé à grande échelle en 1963 par des Japonais [3] a consisté à repérer dans une population de rats ceux qui avaient la PA la plus élevée et à les croiser entre eux.

Vingt générations successives de croisements entre frères et sœurs présentant la PA la plus haute permettent d’obtenir des souches hypertendues dont la pureté génétique dépasse 99 %. L’obtention, par ce processus de sélection, de souches de rats spontanément hypertendus a donc confirmé ce que les études réalisées chez l’Homme avaient montré.

OBTENTION ET CARACTÉRISTIQUES DU MODÈLE EXPÉRIMENTAL LYONNAIS

A. Froment et H. Milon, ont en 1970 amorcé le processus de sélection qui s’est poursuivi dans mon laboratoire et a abouti au modèle d’hypertension génétique qui est internationalement reconnu et accepté sous le nom de « modèle lyonnais » [4].

Cette initiative ne fut pas une simple reproduction des travaux précédents car, à la différence de ce qu’avaient fait les Néo-Zélandais et les Japonais, A. Froment et H.

Milon ont cherché à obtenir simultanément et à partir d’un même lot de rats trois souches différant génétiquement par leur niveau de PA et non plus seulement une seule souche hypertendue. C’est ainsi que, au sein de la population de rats qu’ils ont utilisée, trois couples ont été choisis pour être chacun à l’origine d’une souche : le couple qui avait la PA la plus élevée a donné la souche hypertendue (LH), celui qui avait la PA la plus basse a été à l’origine de la souche hypotendue (LL) et celui qui avait une PA égale à celle observée en moyenne dans le groupe a donné la souche normotendue (LN). Cent générations après qu’en est-il ?

La souche hypertendue (LH) présente des caractéristiques particulièrement intéressantes car assez proches de ce que l’on observe fréquemment chez l’homme, à savoir :

. une élévation tensionnelle, présente dès la naissance, et qui s’accroît avec l’âge pour atteindre 170-180mmHg pour la PA systolique chez le rat mâle (moins chez la femelle). Malgré son caractère manométriquement modéré cette hypertension s’accompagne d’une réduction de l’espérance de vie très marquée puisqu’à un an d’âge 50 % des rats hypertendus et seulement 5 % des rats normotendus ont décédé. Au moment du décès ils présentent des lésions d’infarctus du myocarde, d’hémorragie cérébrale et de néphroangiosclérose [5] ;

. à cette HTA s’ajoute, et ceci est une caractéristique unique de notre modèle, un « syndrome métabolique » proche du syndrome X humain, qui inclut surcroît pondéral avec accumulation de graisse dans l’abdomen, hyperlipidémie spontanée, élévation du rapport insuline/glucose plasmatique et une importante albuminurie [6]. Il est intéressant de noter que ce syndrome métabolique a un déterminisme génétique partiellement différent de celui de l’élévation tensionnelle, comme l’a récemment montré l’analyse génétique complète de nos animaux [7]. Son existence permet de tester différentes hypothèses pathogéniques ou thérapeutiques expliquant ainsi que ce modèle soit, maintenant, développé aussi au Brésil, en Chine et aux Etats-Unis.

Quant à la souche hypotendue (LL), sa sélection fut un échec. En effet comme le montre la figure 1 les rats de cette souche ont une PA qui est proche de, sinon identique à celle de la souche normotendue (LN). Cette impossibilité d’obtenir des animaux franchement et régulièrement hypotendus — qui a été confirmée par d’autres équipes — peut avoir de nombreuses explications parmi lesquelles le fait qu’une pression artérielle constamment abaissée est probablement incompatible avec une survie convenable des organismes. Quoi qu’il en soit, cet échec constitue de fait un avantage important pour notre modèle. En effet, le rat LH est le seul rat génétiquement hypertendu qui ait pour témoins deux souches de rats présentant une PA normale. Comme ces deux souches témoins (LN et LL) ont été sélectionnées en même temps que la souche hypertendue, les comparaisons qui peuvent être faites entre ces trois souches sont plus sûres que dans les autres modèles où les témoins normotendus ont été sélectionnés a posteriori et sont donc susceptibles de présenter de nombreuses différences n’ayant aucun lien avec l’hypertension.

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PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HYPERTENSION DANS CE MODÈLE

Sur le plan de l’analyse physiopathologique nos efforts ont principalement porté sur deux points :

Le premier a concerné la méthodologie : en effet, connaître l’HTA implique de pouvoir mesurer correctement la PA, c’est-à-dire en évitant toute interférence majeure et difficilement contrôlable telle que anesthésie, stress, contention…. Ceci nous a conduit à mettre au point des méthodes de mesures de la PA directement dans l’aorte en continu chez le rat conscient et libre de ses mouvements. Dans un premier temps, cela a reposé sur l’introduction à demeure dans l’aorte abdominale du rat d’un fin cathéter qui pouvait être relié, via un joint tournant, à un capteur. On peut ainsi mesurer la PA chez un animal relativement libre de ses mouvements [8].

Actuellement nous utilisons un matériel commercialisé comprenant un cathéter aortique relié à un émetteur radio implanté dans la cavité abdominale de l’animal (Data Sciences International — St Paul — USA). Cet émetteur radio envoie la courbe de PA à une unité réceptrice située à l’extérieur de la cage de l’animal. Cette unité, reliée à un ordinateur, permet grâce à des logiciels que nous avons mis au point au laboratoire, la reconnaissance et le stockage des valeurs de PA pour chaque battement cardiaque. Le nombre de données ainsi obtenues (environ 500 000 par jour et par rat) permet d’utiliser un nombre réduit d’animaux, ce qui en soi est toujours souhaitable, sans nuire à la puissance statistique de l’analyse des résultats.

Par ailleurs, cette méthode permet de connaître avec précision des paramètres qui auparavant étaient peu accessibles, tels que : la variabilité spontanée de la PA, les différences jour/nuit et l’influence de différentes modifications environnementales qu’il s’agisse de bruits ou de changements alimentaires. À cet égard, il est à noter que l’hypertension dans le modèle lyonnais est sensible au sel [9].

À l’aide de la méthodologie ainsi mise au point nous nous sommes particulièrement intéressés au rôle du système rénine angiotensine (SRA) et avons démontré que toutes les anomalies hémodynamiques qui différencient le rat hypertendu du rat normotendu (élévation tensionnelle et vasocontriction généralisée, encore que spé- cialement marquée au niveau rénal) disparaissent après un blocage précoce et chronique du SRA par le périndopril, un inhibiteur de l’enzyme de conversion [10].

Donc l’HTA dans notre modèle est rénine dépendante .

Récemment, sur la base de données aussi bien cliniques qu’expérimentales une controverse est apparue concernant la protection des fonctions rénales par les inhibiteurs du SRA. Pour certains auteurs, la néphroprotection était entièrement expliquée par la diminution de PA provoquée par ces inhibiteurs [11]. Pour d’autres équipes au contraire [12], les inhibiteurs du SRA étaient, de façon spécifique, capables de conférer une protection rénale supérieure à celle attendue de la seule baisse de PA ou même en dehors de toute diminution de la PA. Nous avons appliqué notre modèle à l’étude de cette question. Dans ce but nous avons étudié les effets de l’administration précoce (dès le sevrage) de très faibles doses d’un inhibiteur de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine sur la PA systolique et sur l’excrétion urinaire de protéines et de la N-Acetyl-Seryl-Aspartyl-Lysyl-Proline (AcSDKP), (peptide dont l’accumulation dans les urines témoigne du blocage de l’enzyme de conversion au niveau rénal et plasmatique [13]). Une analyse histologique semiquantitative des reins a été réalisée en aveugle sur des coupes d’organes fixées dans l’AFA (alcool, formaldéhyde, acide acétique). On a ainsi déterminé le score histologique, c’est-à-dire la somme du nombre de glomérules présentant des lésions de sclérose focale et segmentaire parmi cinquante glomérules examinés par rein ainsi que de l’intensité (graduée de 0 à 3) des signes de fibrose interstitielle et d’inflammation.

Comme le montre la figure 2 toutes les doses de perindopril utilisées — de 0,01 à 0,4 mg/kg/jour — ont amené une élévation, dose-dépendante, de l’excrétion urinaire de l’AcSDKP. Seule la plus forte dose (0,4 mg/kg/j) a diminué la PA, mais on observe une réduction de la protéinurie avec une posologie dix fois moindre. Ceci suggère qu’un ralentissement de la dégradation rénale puisse être obtenu avec des doses non anti-hypertensives d’inhibiteurs du système rénine-angiotensine. De surcroît cette relative indépendance de la protection rénale et de la diminution de la PA apparaît confirmée lorsque l’on examine la relation entre la protéinurie et, soit le niveau tensionnel, soit l’importance des lésions histologiques rénales. En effet (figure 3) dans le cadre de cette étude, la protéinurie n’est pas significativement corrélée au niveau tensionnel alors qu’elle l’est très étroitement au degré des lésions rénales de glomérulosclérose et d’inflammation. Il est évident que ces résultats expérimentaux ne peuvent être extrapolés à l’homme. Néanmoins, au milieu d’un ensemble d’essais thérapeutiques aux conclusions non concordantes, ils incitent à réfléchir à l’éventuelle utilité d’essais visant à préciser l’effet de faibles doses d’inhibiteurs du système rénine angiotensine chez l’homme.

EN CONCLUSION

Les modèles animaux n’ont certes pas encore permis d’élucider la pathogénie de l’HTA humaine essentielle. S’ils en ont confirmé le déterminisme partiellement génétique il n’est pas certain qu’ils rendent possible la connaissance des quelques gènes responsables tant sont complexes les interactions entre gènes comme entre gènes et environnement. Cependant, l’existence de différents modèles animaux d’hypertension génétique laisse quelque espoir. En effet il est possible que la comparaison des anomalies génétiques présentées par ces différents modèles fasse apparaître quelques éléments communs. L’analyse détaillée de ces éléments communs devrait alors faciliter l’identification des gènes impliqués dans le plus grand nombre de formes d’HTA essentielle.

FIG. 2. — Effets de différentes doses de périndopril sur la pression artérielle systolique (PAS) et les rapports protéines/créatinine (Upr/cr) et AcSDKP/créatinine urinaires chez le rat LH.

FIG. 3 — Corrélation entre le rapport protéines/créatinine urinaire et la pression artérielle systolique (en haut) ou l’intensité des lésions histologiques rénales (en bas) chez des rats LH traités avec différentes doses de périndopril.

REMERCIEMENTS

Nous remercions le Dr M. Lo et Ms E. Egan pour leur aide ; le Dr F. Dijoud pour l’analyse anatomo-pathologique ; Mme Nguyen pour les dosages d’AcSDKP et le Pr J.

Ménard pour ses conseils.

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[13] AZIZI M., ROUSSEAU A., EZAN E., GUYENE T.T., MICHELET S., GROGNET J.M. et al. —Acute angiotensing-converting enzyme inhibition increase the plasma level of the natural stem cell regulator N-Acetyl-Seryl-Aspartyl-Lysyl-Proline. J. Clin. Invest ., 1996, 97 , 839-844.

DISCUSSION

M. Alain LARCAN

Avez-vous étudié les gradients électrolytiques des parois vasculaires, et particulièrement en ce qui concerne Na+ et K+ ? Quelle est la réactivité aux catécholamines des trois souches ?

Si une hypertension reste dépendante du système rénine-angiotensine, quelles sont les différences avec le modèle expérimental rénine-dépendante, type Goldblatt ?

Nous n’avons malheureusement jamais eu la possibilité technique d’aborder ce problème crucial du contenu intracellulaire en Na+ dans les vaisseaux des rats génétiquement hypertendus. La réactivité cardio-vasculaire aux catécholamines a, par contre, été déterminée avec soin et aucune différence n’a été trouvée entre les trois souches. La similitude possible avec l’hypertension par sténose expérimentale de l’artère rénale décrite par Godblatt est réelle dans la mesure où une des hypothèses physiopathologiques actuellement retenue dans notre modèle est l’existence d’une vasoconstriction exagérée au niveau des artérioles préglomérulaires conduisant ainsi à considérer que nos rats portent des sténoses multiples des petites artères rénales.

M. Jean-Daniel SRAER

Il est actuellement montré que de petites doses d’inhibiteurs d’ECA non anti-hypertensives éliminent la décroissance de la fonction rénale en partie dans la néphropathie diabétique.

Comment comprendre la simultanéité de l’apport de NaCl et le système rénine-angiotensine dans la pathologie de l’HTA esssentielle ?

Les rats que nous avons sélectionnés présentent un paradoxe fréquemment observé chez l’homme car ils associent une dépendance vis-à-vis du système rénine angiotensine et une sécrétion diminuée de rénine. Cette sécrétion basse de rénine peut à la fois être expliquée par une accumulation — intracellulaire ? — de Na+ et rendre compte de l’aggravation de l’hypertension observée lors d’une charge sodée.

M. René MORNEX

Je souligne l’importance du travail et la nécessité d’une ténacité et d’une méticulosité exceptionnelles. Ma question concerne le versant métabolique de votre modèle. Avez-vous déjà abordé ou pensez-vous aborder avec ce modèle la physiopathologie du syndrome X ?

Je vous remercie de votre commentaire. Concernant le syndrome métabolique nous n’avons pas, par manque d’expérience, abordé la question importante de ses mécanismes.

Nous savons simplement qu’il est génétiquement déterminé et ce en partie différemment du niveau tensionnel. Par ailleurs nous entreprenons une série d’expériences qui vise, en rendant nos rats franchement diabétiques, à majorer l’importance des troubles métaboliques qui sont les leurs.

M. André VACHERON

Ne pensez-vous pas que l’effet néphroprotecteur des faibles doses d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine devrait être utilisé précocément, largement et quasi systé- matiquement chez les diabétiques non hypertendus ?

Il n’est bien entendu pas possible d’extrapoler à l’homme des résultats obtenus dans expérimentation animale. Néanmoins, les résultats que nous avons obtenus, de même que ceux de divers essais cliniques militent en faveur de la conduite à tenir que vous évoquez.

L’ANAES a récemment pris position en ce sens. Si en outre on suivait la recommandation émise l’an dernier par l’Académie nationale de médecine sur la nécessité d’un dépistage plus systématique et plus précoce de l’insuffisance rénale il fait peu de doute
que les inhibiteurs du système rénine angiotensine ne voient leur utilisation accrue afin de ralentir la détérioration des fonctions rénales chez les malades hypertendus et/ou diabétiques.

M. Raymond ARDAILLOU

Quels sont les gènes candidats responsables de l’hypertension artérielle et du syndrome métabolique constatés chez le rat lyonnais hypertendu ? Quelles sont les lésions histologiques rénales observées chez le rat lyonnais hypertendu et que deviennent-elles après traitement par le périndopril ?

Les lésions histologiques rénales chez le rat LH sont faites de néphroangiosclérose, de fibrose interstitielle et d’infiltration monocytaire. Elles sont, toutes trois, très diminuées si un antagoniste du système rénine angiotensine — périndopril ou losartan — est administré de façon précoce. Il y a dans ce cas une étroite corrélation entre l’amélioration sur le plan histologique et la baisse de la protéinurie. Parmi les gènes candidats nous avons malheureusement surtout pu faire des exclusions (gène de la rénine et du canal ENaC).

En l’absence de gènes candidats à proposer, nous savons seulement que l’hypertension est reliée à des gènes situés sur les chromosomes 1, 13 et 17 et les anomalies constitutives du syndrome métaboliques dépendantes du chromosome 17. Nous générons actuellement des souches de rats « consomiques » pour ces trois chromosomes afin de connaître l’importance fonctionnelle des gènes qu’ils portent.

M. Pierre RONCO

Vous avez montré, dans votre modèle de rat lyonnais que de faibles doses d’inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) dépourvues d’effet anti-hypertenseur, diminuaient durablement la protéinurie chez ces animaux. Les travaux de l’équipe de Christos Chatziantoniou et Jean-Claude Dussaule dans mon Unité, indiquent également que dans des modèles d’hypertension expérimentale chez la souris et chez le rat, l’effet néphroprotecteur des antagonistes des récepteurs de type 1 (ATR1) de l’angiotensine-2 est indépendant des valeurs tensionnelles systémiques, et qu’il peut être observé alors que l’HTA n’est pas contrôlée. Ne pensez-vous pas que, dans ces conditions expérimentales, l’effet soit expliqué, en partie au moins, par une amélioration de l’hémodynamique intrarénale secondaire à la vasodilatation de l’artériole efférente du glomérule ? Avez-vous observé les mêmes effets avec les bloqueurs ATR1 ? Vous avez élégamment démontré un effet préventif de l’administration précoce des IEC sur la structure et la fonction rénales. Cependant, en clinique humaine, les lésions de néhroangiosclérose sont souvent constituées au moment du diagnostic. Avez-vous testé un effet curatif potentiel des IEC dans le modèle de rat lyonnais, qui pourrait avoir des implications thérapeutiques importantes ? Quelle place accordez-vous aux effets pro-inflammatoires de l’angiotensine-2 dans le développement des lésions rénales chez le rat lyonnais ?

Une vasodilatation glomérulaire efférente avec baisse de la pression intraglomérulaire est très probablement le mécanisme essentiel de l’action des inhibiteurs du système rénine angiotensine. Pour expliquer les effets des très faibles doses on pourrait, comme vous le suggérez, évoquer aussi une action bloquante des effets proinflammatoires de l’angiotensine II. Dans notre expérience, les antagonistes des récepteurs de type 1 à l’angiotensine ont des actions similaires à celles des inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Les deux types de molécules sont actifs lorsqu’ils sont donnés de façon curative. Toutefois nous n’avons pas étudié l’effet curatif de faibles doses.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Département de Physiologie et Pharmacologie Clinique — Faculté de Pharmacie — 8 avenue Rockefeller 69373 — Lyon cedex 08. Tirés-à-part : Professeur Jean SASSARD, même adresse. Article reçu le 2 juin 2005 et accepté le 3 octobre 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 1, 111-121, séance du 10 janvier 2006