Communication scientifique
Séance du 10 mars 2009

Evolution des techniques de l’assistance médicale à la procréation (AMP)

MOTS-CLÉS : infertilite.. techniques d’assistance médicale à la procréation
Evolution of assisted reproductive technologies
KEY-WORDS : fertilization in vitro. infertility. reproductive techniques, assisted

Pierre Jouannet

Résumé

Quand la fertilité ne peut s’exprimer naturellement ou quand aucun traitement ne peut la restaurer si elle est défaillante, un geste technique médical peut être proposé pour favoriser la rencontre des gamètes, la fécondation et le développement embryonnaire. Les premières interventions médicales connues dans le domaine datent de la fin du e XVIII siècle quand les premières inséminations artificielles ont été réalisées avec le sperme du conjoint, créant une séparation entre sexualité et procréation. À la fin du e XIX siècle, le recours aux spermatozoïdes d’un tiers donneur a été à l’origine d’une rupture supplémentaire, en dissociant la composante génétique des autres éléments constituant la filiation. Dans la seconde moitié du e XX siècle, les possibilités médicales d’assister la procréation ont connu un développement spectaculaire grâce à deux progrès technologiques majeurs, la congélation cellulaire et la fécondation in-vitro (FIV). La première naissance d’un enfant conçu à partir de spermatozoïdes, ayant été congelés préalablement, date de 1953 et celle d’un enfant issu d’une FIV date de 1978. Les possibilités techniques se sont ensuite multipliées pour répondre de manière adaptée aux différentes situations d’infertilité. C’est ainsi par exemple que la fécondation par injection d’un spermatozoïde dans l’ovocyte (ICSI) a permis de résoudre de nombreux cas de stérilité masculine à partir de 1992. Dans la période la plus récente, la convergence des innovations en Biologie de la Reproduction et en Génétique humaine a permis de dépister des anomalies chromosomiques ou géniques sur l’embryon avant la nidation. L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) n’a plus alors pour seul but de se substituer à une infertilité mais permet d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’une pathologie. Si les nouvelles possibilités techniques augmentent la variété et la complexité des options offertes aux couples infertiles, elles sont quelquefois aussi utilisées pour répondre à des indications sociales, par exemple l’aide à la procréation de femmes seules ou de couples homosexuels, comme c’est le cas dans certains pays alors que d’autres restent réservés sur cette extension du champ de l’AMP. Ces nouvelles techniques conduisent donc à faire évoluer la vision que l’on peut avoir de la reproduction humaine, des nouvelles formes de parentalités sous jacentes et des conséquences que cela peut produire sur l’ensemble de la société.

Summary

When natural conception is impossible and the underlying problem cannot be treated, medical intervention can reproduce the steps necessary for fertilization and early embryo development. The first known medical action in the field of human reproduction took place at the end of the 18th century, in the form of artificial insemination with the husband’s semen, thus dissociating sexual intercourse from procreation. A further upheaval occurred at the end of the 19th century, with the use of donor sperm, separating the notions of genetic descent and parenthood. In the second half of the 20th century, medically assisted procreation saw two major technological advances, namely gamete freezing and in vitro fertilization (IVF). The first child conceived with frozen-thawed sperm was born in 1953, and the first IVF baby in 1978. Fertilization by intracytoplasmic sperm injection (ICSI), first developed in 1992, can overcome many causes of male infertility. The convergence of reproductive biology and genetics has now opened up the possibility of screening for chromosome and gene defects in the embryo, prior to implantation. Thus, assisted reproductive technologies (ART) not only serve as a substitute for natural conception but can also avoid the birth of a disabled child. While new technologies continue to extend the available options for infertile couples, they also have the potential to help single women and homosexual couples to have children. These practices are currently only accepted in certain countries. Overall, these new medical technologies have contributed to changing our conception of human reproduction, opening up new paradigms of parenthood and raising new challenges for society.

Se perpétuer à travers les générations suivantes est le dessein de toutes les espèces et des individus qui les composent. Si la fertilité est donc un sujet qui appartient à l’intimité de chacun, il nous concerne tous.

L’espèce humaine est peu fertile puisque 20 à 25 % seulement des femmes souhaitant un enfant deviennent enceintes naturellement lors de chaque cycle sexuel. Si dans la plupart des cas, la patience permettra à la fertilité de s’exprimer, certains couples sont totalement stériles ou présentent des altérations si importantes des fonctions génitales que leur capacité de procréer naturellement est extrêmement diminuée ou inexistante.

Malheureusement, l’état des connaissances en matière de reproduction normale et pathologique est si faible que les possibilités thérapeutiques sont très limitées.

Souvent la stérilité est liée à des évènements qui se sont produits pendant la vie embryo-fœtale et qui ont perturbé irréversiblement le développement des gonades sans correction possible à l’âge adulte.

 

Confrontés à des difficultés de procréation, depuis leur origine, les être humains ont su trouver des solutions, quelquefois même organisées par les coutumes de la collectivité dans laquelle ils vivaient, et qui avaient généralement pour but de leur assurer la poursuite de leur lignée.

L’époque récente est marquée par la médicalisation de la procréation, médicalisation qui a pour but de la limiter ou au contraire de la promouvoir. L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) cherche, dans la mesure de son possible, à créer un embryon susceptible de se développer in-utero pour donner naissance à un enfant en bonne santé quand la procréation naturelle est impossible ou dangereuse. En pratique, l’AMP implique toujours un traitement in-vitro d’un ou de plusieurs des éléments cellulaires participant à la conception. Trois niveaux d’intervention sont possibles, le traitement peut concerner soit les spermatozoïdes uniquement, la fécondation se produisant alors in-utero , soit la fécondation quand elle est réalisée in-vitro au laboratoire, soit enfin les embryons qui peuvent être cultivés jusqu’au stade blastocyste, stade à partir duquel leur développement nécessite une nidation dans la paroi de l’utérus.

Les techniques d’AMP sont nombreuses et sont de nature et de finalité variées. Il peut s’agir soit de rapprocher les gamètes pour favoriser la formation d’un embryon soit de conserver les éléments cellulaires pour permettre leur utilisation ultérieure soit de modifier ou de sélectionner gamètes ou embryons afin d’augmenter l’efficacité des techniques ou de favoriser la naissance d’un enfant en bonne santé. Enfin il est possible de substituer les gamètes et les embryons manquant par ceux de tiers donneurs.

RAPPROCHER

Les premières interventions médicales étaient très limitées. Il s’agissait de faciliter l’accès des spermatozoïdes aux voies génitales féminines en cas de dysfonction sexuelle. C’est ainsi qu’à la fin du xviiie siècle, John Hunter a conseillé à un homme souffrant d’hypospadias de recueillir le sperme au moment de l’éjaculation et de le placer dans le vagin de sa femme qui est devenue enceinte (figure 1). Cette intervention médicale répondait au souhait de pouvoir avoir un enfant mais séparait l’acte sexuel et l’acte de procréation, comme ce fut très clairement formulé dès 1803 par M.A. Thouret rapportant « … une expérience des deux sexes mais sans leur approche » [cité dans 1]. Cette dissociation de la sexualité et de la procréation, refusée par l’Eglise, est la base commune à toutes les techniques d’AMP qui ont été développées par la suite.

Au cours du xixe siècle, la pratique de l’insémination artificielle s’est progressivement étendue, plus souvent pour compenser des difficultés sexuelles que pour traiter une infertilité. Cependant en 1866, James Marion Sims a introduit un chapitre sur l’insémination artificielle dans le livre qu’il a publié sur la stérilité et qui a longtemps fait référence. En France, quelques excès professionnels ont cependant conduit les

Fig. 1. — Les principales dates ayant marquées l’évolution de l’Assistance Médicale à la Procréation autorités médicales à exprimer des réticences à la fin du xixe siècle et l’Église catholique a prononcé une condamnation formelle en 1897 [1].

Une nouvelle étape majeure fut franchie au cours de la seconde moitié du xxe siècle quand Robert Edwards et Patrick Steptoe réalisèrent les premières fécondations in-vitro (FIV) dans l’espèce humaine [2] qui conduisirent en 1978 à la naissance de Louise Brown, première enfant conçue grâce à cette technique [3]. La FIV offrait de nouveaux espoirs, notamment pour les femmes atteintes de stérilité tubaire, mais les premières applications cliniques furent lentes à se mettre en place. Grâce à l’action de quelques équipes pionnières localisées au Royaume-Uni, mais aussi en Australie, en France et aux USA, des procédures et des protocoles standardisés et efficaces furent développés. La maîtrise des traitements inducteurs d’ovulation permettant d’obtenir un nombre élevé d’ovocytes matures et fécondables contribua grandement à améliorer les taux de grossesse et a surtout permis d’organiser efficacement l’activité. Pendant les années 1980 les centres pratiquant la FIV se multiplièrent dans la plupart des pays du monde.

La FIV ne permettait cependant pas de résoudre tous les problèmes de stérilité dans la mesure où elle exigeait qu’un nombre relativement important de spermatozoïdes fonctionnels soient placés autour de l’ovocyte. En effet, lors de la FIV l’interaction gamétique conduisant à la formation de l’embryon implique que soient accomplis tous les événements cellulaires et moléculaires de la fécondation tels qu’ils se déroulent dans la trompe in-vivo . En cas de spermatogénèse déficiente ou d’immaturité gamétique, les aptitudes fécondantes des spermatozoïdes sont souvent très altérées et la fécondation échoue, que ce soit in-vivo ou in- vitro . Cet inconvénient fut résolu en 1992 quand l’équipe d’André Van Steirteghem démontra que la micro injection d’un spermatozoïde directement dans l’ovocyte (ICSI = Intra cytoplasmic sperm injection) permettait d’activer ce dernier, d’obtenir des embryons se développant normalement et la naissance d’enfants avec la même efficacité que la FIV habituelle [4]. Cette technique a été à l’origine d’un bond extraordinaire pour la prise en charge de la stérilité masculine. Cependant son caractère très invasif et l’absence d’expérimentation animale préalable suffisante suscitèrent une inquiétude légitime sur son innocuité. Bien que le recul ne soit pas encore très important, toutes les évaluations faites à ce jour sont relativement rassurantes et montrent que les risques liés à la technique d’ICSI ne sont apparemment pas supérieurs à ceux des autres techniques d’AMP. En fait, plus que la technique elle-même, c’est l’utilisation de gamètes provenant d’une spermatogenèse altérée, et eux-mêmes potentiellement porteurs d’anomalies génétiques, qui représente le risque le plus important pour la santé des enfants.

CONSERVER

Les premières expériences cherchant à congeler des spermatozoïdes humains datent de 1938 mais la technique n’était pas très efficace. Après la seconde guerre mondiale, une évolution technologique a joué un grand rôle, en Angleterre Ernest John Christopher Polge et ses collaborateurs ont découvert en 1949, que le glycérol possédait des propriétés cryoprotectrices très intéressantes pour préserver la fonction des spermatozoïdes congelés [5]. La technique fut rapidement appliquée de manière extensive en médecine vétérinaire pour organiser la reproduction d’animaux d’élevage comme les bovins. Elle fut ensuite utilisée dans l’espèce humaine et la première naissance consécutive à une insémination avec spermatozoïdes préalablement congelés fut rapportée par RG Bunge et JK Sherman en 1953 [6]. Les premières banques de sperme médicales ont été organisées à partir des années 1970.

Elles avaient pour but de préserver la fertilité potentielle d’hommes recevant des traitements gonadotoxiques, généralement anti-cancéreux, ou d’hommes ayant recours à la vasectomie dans un but contraceptif. Surtout la congélation du sperme a permis de rationaliser la pratique des inséminations artificielles avec sperme de donneur. Elle facilite l’organisation de l’accueil des donneurs, le traitement de leur sperme et la réalisation des actes médicaux et de sécurité sanitaire imposés par le don. La congélation permet enfin de séparer ces actes liés au don de l’utilisation des spermatozoïdes qui peut être assurée à d’autres moments et en d’autres lieux.

Quand la technique de FIV fut cliniquement et efficacement appliquée, il se révéla très vite que tous les embryons créés ne pouvaient être transférés dans l’utérus sinon au prix de grossesses multiples aux conséquences quelquefois dramatiques. Dès 1972, DG Wittingham et ses collaborateurs avaient montré qu’il était possible d’obtenir la naissance de souriceaux après transfert d’embryons qui avaient été préalablement congelés [7]. Des résultats similaires ont été rapidement obtenus avec d’autres modèles animaux. Les embryons de toutes les espèces de mammifères ayant des propriétés physico-chimiques très proches, la technique devait pouvoir s’appliquer relativement facilement aux embryons humains fécondés in-vitro. La premier enfant issu d’un transfert d’embryon qui avait été congelé précédemment naquit en Australie en 1984 [8].

La congélation ovocytaire ne fut pas aussi simple à réaliser. En effet, l’ovocyte est une cellule très volumineuse chargée en eau et donc très sensible à la cristallisation et aux importantes variations osmotiques se produisant au moment de la congélation et de la décongélation. Surtout, le noyau de l’ovocyte mature obtenu au moment de l’ovulation est bloqué en métaphase de deuxième division de méiose. A ce stade, le fuseau mitotique peut être désorganisé au moment de la congélation avec des conséquences délétères sur l’état chromosomique de l’embryon. En 1977 DG Wittigham avait obtenu la naissance de souriceaux à partir d’ovocytes congelés [9] et dans l’espèce humaine, le premier enfant conçu dans les mêmes conditions est né en 1987 [10]. Cependant la technique s’est révélée peu efficace et donc difficilement applicable, notamment pour préserver la fertilité des jeunes femmes quand elle est menacée. Récemment, des techniques de congélation ultra rapides des ovocytes par vitrification ont été proposées mais elles sont encore au stade de leur évaluation.

Plus récemment, la congélation de fragments d’ovaires contenant des ovocytes immatures et dont le noyau est au stade de vésicule germinale a été proposée. Cette approche, qui a aussi l’intérêt de pouvoir être utilisée avant la puberté, implique que le tissu ovarien cryo-conservé soit ensuite replacé par autogreffe chez la femme pour restaurer la fertilité. Une première naissance a été obtenue selon cette méthode en 2004 [11] mais les résultats sont encore très aléatoires. Une autre possibilité serait de reproduire la folliculogénèse et la maturation des ovocytes in-vitro , ces derniers pouvant alors être fécondés in-vitro selon la technique habituelle. Cette dernière technique est encore au stade expérimental et n’a été appliquée avec succès que par une seule équipe uniquement chez la souris.

MODIFIER OU SÉLECTIONNER

Disposant des gamètes et des embryons au laboratoire, il est envisageable de les analyser et/ou d’agir sur eux pour améliorer les chances de conception et de développement, pour identifier des pathologies dont on ne souhaite pas la transmission ou pour corriger des dysfonctionnements afin de permettre la naissance d’enfants en bonne santé. Quand la FIV a été mise au point avec des ovocytes humains, très vite on a cherché à la réaliser à partir d’ovocytes maturés in-vitro comme dans d’autres espèces [12]. Ensuite on a cherché à corriger des altérations ovocytaires y compris par des techniques très invasives. Par exemple en 1997, le transfert de cytoplasme ovocytaire anucléé dans les ovocytes apparemment déficients d’une femme stérile a conduit à la naissance d’un enfant [13]. Cette technique a ensuite été proposée pour prévenir la transmission de pathologies mitochondriales mais son utilisation clinique a été freinée après l’apparition d’aneuploïdie des chromosomes sexuels chez les enfants. Chez l’homme, les spermatozoïdes prélevés directement dans les testicules sont immatures et sont parfois inefficaces pour créer des embryons se développant normalement à terme. Le traitement in-vitro des spermatozoïdes par de la pentoxyfilline, qui augmente l’AMPc intracellulaire, améliore leur fonctionnalité et les résultats de l’ICSI [14].

Il a aussi été proposé de trier les spermatozoïdes porteurs du chromosome X et du chromosome Y par cytométrie en flux en utilisant des marqueurs fluorescents de l’ADN. Il est possible de modifier significativement le sex-ratio à la naissance quand les spermatozoïdes ainsi sélectionnés sont inséminés. Cette technique peut-être utilisée pour prévenir la transmission de pathologies liées au sexe mais elle est aussi utilisée dans certains centres américains pour des raisons de convenance [15].

Aujourd’hui, les possibilités d’agir sur les gamètes ou d’identifier précisément ceux qui permettraient d’améliorer de manière importante les résultats des AMPs restent encore très limitées. Par contre des progrès significatifs ont été réalisés sur les embryons. En 1990, Alan Handyside et ses collaborateurs ont démontré qu’il était possible de prélever des blastomères sur l’embryon au troisième jour de son développement sans altérer ses capacités de développement ultérieur [16]. L’analyse chromosomique ou génique des blastomères prélevés permet de réaliser un diagnostic préimplantatoire afin d’éviter le transfert et le développement d’embryons atteints de pathologies graves. Cette technique complexe est devenue une pratique courante dans de nombreux pays.

SUBSTITUER

Remplacer la semence de l’homme stérile par celle d’un homme fertile pour procréer est une démarche très ancienne qui s’est toujours pratiquée en dehors de tout contexte médical. La première intervention médicale connue dans le domaine est celle de William Pancoast, médecin de Philadelphie, qui a pratiqué avec succès, en 1884, la première insémination artificielle avec le sperme d’un donneur (un de ses étudiants) pour résoudre l’infertilité d’un de ses patients. Pendant la première moitié du xxe siècle, la pratique de l’insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD) s’est poursuivie occasionnellement mais surtout de manière clandestine et n’a donc fait l’objet d’aucune évaluation. Alors que l’IAD suscitait toujours autant de réserves et d’oppositions morales, elle a été sortie de la clandestinité dans les années 1970 par les médecins qui se sont intéressés à la stérilité masculine. En France, c’est Georges David qui, en créant les Centres d’Etude et de Conservation des Oeufs et du Sperme (CECOS), a proposé en 1973 une organisation rationnelle de cette activité en milieu hospitalier et selon des critères garantissant les meilleures conditions sur le plan médical et sanitaire mais aussi éthique.

De manière similaire quand la technique de FIV fut mise au point, il devint possible d’aider des couples à devenir parents en utilisant les ovocytes d’une donneuse ou en accueillant les embryons préalablement conçus par un autre couple, ce qui fut fait pour la première fois en 1983 et 1984 [17, 18]. Peu de temps après, en 1985, naquit le premier enfant dont le développement in-utero avait été assuré par une autre femme [19]. Ainsi non seulement les couples souffrant d’une stérilité due à une pathologie gamétique ou gonadique mais aussi les femmes atteintes de stérilité utérine purent procréer grâce à l’aide d’un tiers.

QUELLES ÉVOLUTIONS DANS L’AVENIR ?

Depuis plus de trente ans, les techniques d’AMP se sont multipliées et diversifiées pour résoudre au mieux les différentes situations rencontrées par les hommes et les femmes souhaitant devenir parents malgré leur infertilité. Aujourd’hui, La première préoccupation de la plupart des biologistes et des médecins qui les prennent en charge est d’améliorer l’efficacité et l’innocuité des méthodes existantes et de les simplifier en diminuant les contraintes qu’elles imposent. Il s’agit avant tout d’allé- ger les traitements utilisés pour obtenir les ovocytes nécessaires à l’AMP et surtout de diminuer l’incidence des grossesses multiples [20]. Cet objectif sera notamment atteint par l’augmentation des capacités d’identification des spermatozoïdes, des ovocytes et des embryons offrant les meilleures chances de développement pour former un enfant en bonne santé. Si des progrès sont encore à faire dans ce domaine, ils ne sont possibles que si les gonades produisent des gamètes, même très partiellement. Si ce n’est pas le cas, la différenciation et la maturation des cellules germinales, par exemple par la maitrise in vitro des différentes étapes de la folliculogénèse et de la spermatogénèse, devraient permettre de résoudre certaines stérilités aujourd’hui inaccessibles à l’AMP. Demain, il sera peut-être aussi possible de créer des gamètes par la différenciation de cellules germinales primordiales obtenues à partir de cellules souches embryonnaires, elles mêmes créées par transfert du noyau d’une cellule somatique de la personne stérile dans un ovocyte énucléé, comme le suggè- rent quelques résultats expérimentaux obtenus chez la souris. Cette perspective, qui suscite par ailleurs d’importantes questions éthiques, est cependant loin d’être assurée tant les difficultés techniques et scientifiques à résoudre sont nombreuses.

À plus court terme, les principales interrogations sur la médicalisation de la procréation vont plutôt concerner l’extension des champs d’application des méthodes d’AMP existantes comme par exemple l’aide à la procréation de femmes seules ou de couples homosexuels. Ceci est déjà fait dans plusieurs pays proches de la France et a pour conséquences de placer le médecin devant de nouvelles responsabilités puisqu’il doit répondre à des indications sociales et non plus seulement médicales.

 

En faisant évoluer l’appréhension de la reproduction humaine et en donnant forme aux nouvelles parentalités qu’elles autorisent, ces nouvelles techniques conduisent donc à s’interroger sur les conséquences que cela peut produire sur l’ensemble de la société.

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[20] Jouannet P. — La procreation médicalisée en France, état des lieux et perspectives.

Bull. Acad.

 

Natle Méd ., 2008, 192 , 117-132.

 

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine Laboratoire de Biologie de la Reproduction-CECOS, Hôpital Cochin, Université Paris Descartes Tirés à part : Professeur Pierre Jouannet, même adresse</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 3, 573-582, séance du 10 mars 2009