Résumé
Après avoir défini la gestation pour autrui et distingué les cas où la femme n’est que gestatrice et ceux où elle est à la fois gestatrice et génitrice, les auteurs font la synthèse de l’analyse des législations étrangères, du contenu des auditions devant le groupe de travail, et de la littérature. Ils dégagent des arguments pour une levée de la prohibition et des arguments contre. Les arguments pour sont : — l’infertilité par absence d’utérus, congénitale ou consécutive à une hystérectomie ou à la destruction fonctionnelle de l’utérus, aux échecs répétés de fécondation in vitro , l’existence de maladies mettant en jeu la vie de la mère au cours d’une grossesse ; — la perception de cette infertilité et l’impossibilité d’y faire face ressentie comme une injustice ; — l’absence de toute alternative thérapeutique ; — la difficulté d’adopter et le fait que l’enfant n’est pas alors issu des gènes des parents adoptants ; — le recours actuel à la GPA à l’étranger très onéreuse, discriminatoire et laissant l’enfant dans une très difficile situation juridique à son retour en France ; — les résultats observés qui sont, dans l’ensemble, plutôt satisfaisants. Les arguments contre sont : — l’interdiction de la commercialisation du corps humain ; — un éventuel asservissement de la femme ; — l’ébranlement de la valeur symbolique de la maternité ; — les risques physiques et psychiques que l’on fait courir à la femme ; — les risques physiques et psychiques que l’on fait courir à l’enfant ; — les risques pour le couple de la gestatrice et pour la fratrie ; — les risques pour le couple d’accueil ; — les risques de dérives ; — les aspects financiers. Deux cas particuliers sont envisagés : celui où la gestatrice est aussi la mère biologique et celui où la gestatrice est choisie dans la famille. En consé- quence, l’Académie nationale de médecine considère que la GPA déborde les missions de la médecine, interpelle avant tout la société et relève prioritairement de la responsabilité du législateur. En revanche, elle considère qu’il lui appartient d’apporter tous les éléments d’appréciation touchant aux complications que pourrait entraîner une éventuelle reconnaissance législative. Elle remarque que les risques physiques et psychiques à court et long terme sont encore mal évalués et recommande que, dans le cas où le législateur serait conduit à autoriser la GPA, celle-ci soit assortie d’une démarche d’évaluation des risques rigoureuse, objective, contradictoire et strictement encadrée.
Summary
After defining surrogate pregnancy and distinguishing cases in which the surrogate mother simply bears the child from those in which she is also the egg donor, the authors summarize foreign legislation in this area, together with the task force auditions and the literature. They list arguments for and against removing the current ban on surrogate motherhood. Arguments for include: — infertility due to the lack of a uterus, either congenitally or following hysterectomy, or to functional destruction of the uterus, repeated failure of in vitro fertilization, and the existence of a disorder that would threatening the future mother’s life if she became pregnant ; — perception of this infertility and the resulting suffering as an injustice ; — the lack of alternative solutions ; — the difficulties of adoption, and the fact that the adopted child does not carry the genes of the adopting parents ; — the current recourse to surrogate mothers abroad, which is costly and discriminatory and leaves the child in a difficult legal situation on its return to France ; — the generally satisfactory observed outcomes. Arguments against include: — the ban on financial exploitation of the human body ; — possible exploitation of the surrogate mother ; — the risk of undermining the symbolic value of maternity ; — psychological and physical risks for the surrogate mother ; — psychological and physical risks for the child ; — risks for the surrogate mother’s couple and her other children ; — risks for the infertile couple ; — the risk of abuse ; and — financial issues. Two particular cases are envisaged: that in which the surrogate mother is also the biological mother, and that in which the surrogate mother is a member of the family. The French National Academy of Medicine considers that surrogate pregnancy is not only a medical matter but one that raises questions for society as a whole and should be dealt with principally by the legislator. In contrast, the Academy considers that it is within its remit to consider the possible complications that might ensue if this practice were to be legalized. The Academy points out that the long-term mental and physical risks are poorly assessed and recommends that, if surrogate pregnancy were to be legalized, the risks should be strictly evaluated, both objectively and transparently, and the practice should be strictly controlled.
INTRODUCTION
La Gestation pour autrui (GPA), jusqu’alors interdite en France, mais pratiquée de puis plusieurs décennies dans certains pays étrangers, est l’objet d’un débat social de plus en plus intense à l’approche de la révision de la loi de Bioéthique. La démarche de GPA se situe sur un terrain différent des autres modes d’assistance médicale à la procréation. Ce n’est pas un progrès scientifique. C’est un changement complet et inédit de relations humaines.
Tout en reconnaissant qu’il appartient par définition au seul corps législatif de se prononcer sur une évolution des dispositions actuelles qui prohibent cette pratique, l’Académie nationale de Médecine estime qu’elle ne peut se dispenser de donner son avis sur les aspects relevant de sa compétence, à savoir les enjeux médicaux, aussi bien physiques que psychologiques. C’est la raison et la finalité de ce rapport.
DÉFINITION
Le terme de « Gestation pour autrui » caractérise le fait pour une femme de porter un enfant pour le compte d’un couple qui en a assuré le projet et la conception et à qui il sera remis après sa naissance . Différentes expressions sont employées pour désigner la femme concernée par la GPA : gestatrice, mère porteuse, mère de naissance, mère gestante, mère gestationnelle, mère de substitution… Il en est de même pour le couple : couple accueillant ou d’accueil, couple d’intention, couple demandeur, couple intentionnel, couple commanditaire…
Pour une bonne rédaction, seules les expressions suivantes ont été retenues dans le présent rapport : gestatrice et couple d’intention .
Le terme de GPA recouvre plusieurs situations différentes :
— la conception de l’enfant résulte d’une Fécondation in vitro (FIV) des gamètes du couple d’intention, suivie du transfert chez la gestatrice ; le couple d’intention est dans la situation de parents génétiques de l’enfant ;
— la conception de l’enfant résulte d’une FIV (ou d’une insémination) utilisant les spermatozoïdes du partenaire du couple d’intention et les ovocytes de la gestatrice, suivie du transfert chez la gestatrice ; la gestatrice est à la fois « génétique » et « porteuse » ; le couple d’intention n’a qu’un lien génétique partiel avec l’enfant, par le partenaire géniteur ;
— la conception de l’enfant résulte de la FIV utilisant un ovocyte provenant d’une donneuse fécondé par les spermatozoïdes du partenaire du couple intentionnel, suivie du transfert chez la gestatrice, ou bien, situation en miroir, résulte de la fécondation de l’ovocyte de la mère d’intention par des spermatozoïdes provenant d’un donneur ; le couple d’intention n’a ici aussi qu’un lien génétique partiel avec l’enfant ;
— la conception de l’enfant résulte d’une FIV utilisant un double don de gamètes, spermatozoïdes d’un donneur et ovocytes d’une donneuse, suivie du transfert chez la gestatrice ; le couple d’intention n’a ici aucun lien génétique avec l’enfant.
Cette diversité de situations peut évidemment avoir de possibles retentissements, à l’avenir, sur les liens familiaux.
Par simplification et parce que c’est aussi la situation la plus fréquente nous aurons principalement en vue la situation no 1, d’autres situations seront abordées dans la section 7.
En fait, il convient de distinguer deux situations aux conséquences bien différentes : celle où la femme, uniquement gestatrice, prête son utérus et celle où elle à la fois gestatrice et génitrice .
SITUATION LÉGISLATIVE ET JURISPRUDENTIELLE ACTUELLE
À l’étranger, la situation est contrastée
Plusieurs situations sont à distinguer. Les éléments les plus significatifs sont les suivants [1].
Un bon nombre de pays prohibent expressément la GPA. Il en est ainsi de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal, de la Norvège, de la Suède et de la Suisse où des lois en prévoient l’interdiction.
D’autres pays ne disposent pas de tels textes. La GPA est alors pratiquée en dehors de tout cadre juridique, sans que les conséquences essentielles en matière de filiation puissent être parfaitement réglées. Ce sont la Belgique et le Danemark.
Dans le même sens, la pratique médicale néerlandaise reconnaît la GPA, mais pas le droit civil.
Deux pays reconnaissent et autorisent dans les textes la GPA, le Royaume-Uni et la Grèce.
Le Royaume-Uni (lois de 1985,1990 et 2008) prévoit de manière indirecte la GPA.
Il est précisé par les textes que les conventions de GPA ne sont pas exécutoires :
la gestatrice est toujours la mère légale de l’enfant, et ce n’est qu’ensuite, avec son accord, que la filiation peut être modifiée. Il est interdit aux intermédiaires de recevoir une rémunération. L’état civil est aménagé, en ce sens que la loi permet aux parents intentionnels de demander au tribunal une décision les déclarant parents. La décision de justice est inscrite dans un registre spécial et un nouvel acte de naissance est dressé qui indique pour mère légale la mère d’intention. Son mari est présumé être le père. La gestatrice ne peut pas consentir à donner l’enfant pendant les six premières semaines. Le transfert ne se fait qu’après un délai de six mois. L’un des membres du couple d’intention doit être domicilié au RoyaumeUni.
La législation grecque [2] diffère quelque peu de la loi britannique. Les actes juridiques (convention, consentements écrits…) anticipent sur la naissance, et la décision du juge également. C’est la mère d’intention qui est réputée comme étant la mère légale. « Il y a donc ici rupture avec le modèle traditionnel occidental qui désigne comme mère celle qui accouche de l’enfant. L’évènement de l’accouchement est ici court-circuité par une fiction qui en attribue le produit à une autre femme » . Le contrôle judiciaire intervient avant que l’embryon puisse être implanté.
Le consentement du mari de la gestatrice est requis. Toute contestation du lien de filiation est irrecevable sauf si elle est exercée dans les six mois après la naissance par la mère présumée et si l’enfant a été conçu avec l’un de ses ovocytes en violation de la loi. La GPA est réservée aux personnes domiciliées en Grèce. Cette législation est considérée par beaucoup comme étant la plus aboutie et la plus satisfaisante.
La distinction entre ces deux dernières législations est très importante. Dans la première, c’est la gestatrice qui prend toutes les décisions au cours de la grossesse et lors de la naissance ; dans la seconde, c’est le couple d’intention .
Aux États-Unis, pays pionnier dans ce domaine, les États ont sur le sujet des législations variées allant de la prohibition avec sanction à une totale ouverture y compris aux ressortissants d’autres Etats et à des non ressortissants des USA [3].
Il existe quelques Etats (une minorité) qui acceptent la GPA. La Californie, où le premier cas de GPA a eu lieu dès 1970, est l’un de ceux-là. Notamment les parents d’intention, ayant un lien génétique avec l’enfant, peuvent avant la naissance par gestatrice, obtenir une décision judiciaire leur attribuant la filiation.
En France, la prohibition est absolue
La loi et la jurisprudence interdisent la GPA.
La loi no 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain (première loi dite de bioéthique) a inscrit dans le code civil l’interdiction de la GPA. L’article 16-7 dispose en effet : « Toute convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui est nulle » . Le code pénal, dans son article 227-12 sanctionne de un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de leur remettre ». « Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double ».
La Cour de Cassation, avant toute législation, a condamné la pratique de convention liée à la gestation pour autrui. Elle a annulé l’association Alma Mater car elle avait pour objet « de faciliter la solution des problèmes qui se posent aux couples dont la femme est stérile, désireux d’accueillir un enfant à leur foyer et aux « mères porteuses » [4]. Par la suite , sur la base d’un arrêt de principe rendu le 31 mai 1991 [5], elle a toujours écarté la procédure d’adoption dans un tel cas : « La maternité pour autrui, dont le caractère illicite se déduit des principes généraux du Code civil et aujourd’hui de son article 16-7, réalise un détournement de l’adoption…. » [6].
Un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 25 octobre 2007 a relancé le débat [7].
Une GPA a été réalisée en Californie selon les lois de cet Etat. Les parents intentionnels sont français et vivent en France. La mère porteuse a mis au monde en Californie deux enfants issus d’une fécondation in vitro . La Cour Suprême de
Californie a définitivement conféré au couple français la qualité de mère et père de ces enfants. Le ministère public, à l’occasion de la transcription sur les registres d’état civil français de ces naissances, en demande l’annulation, décision dont il saisit par la suite le tribunal de grande instance de Créteil, lequel, par jugement, la déclare irrecevable. Dans sa décision du 25 octobre 2005, la cour d’appel de Paris confirmait le jugement de première instance en déclarant que la demande du ministère public est irrecevable. Elle indiquait « qu’au demeurant la non transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à l’intérêt supérieur des enfants qui, au regard du droit français, se verraient privés d’état civil indiquant leur lien de filiation, y compris à l’égard de leur père biologique ». Cette décision, sur pourvoi formé par le parquet, a donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation en date du 17 décembre 2008 [8]. La décision d’appel est annulée avec renvoi devant la cour d’appel de Paris autrement composée. La motivation est essentielle puisqu’elle confirme la position antérieure de la juridiction suprême sur l’irrégularité de la démarche : « …Qu’en se déterminant par ces motifs, alors qu’il ressort de ses propres constatations que les énonciations inscrites sur les actes d’état civil ne pouvaient résulter que d’une convention portant sur la gestation pour autrui, de sorte que le ministère public justifiait d’un intérêt à agir en nullité des transcriptions, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cette procédure n’a pas manqué de relancer le débat autour de la GPA. Les enfants nés par ce procédé à l’étranger sont menacés de rester juridiquement orphelins en France .
LES CONNAISSANCES ACTUELLES CONCERNANT LES ASPECTS MÉDICAUX
La situation est différente selon les nations concernées. Elle est par ailleurs très évolutive, comme nous allons le voir à propos des Etats-Unis où cette activité est de plus en plus gérée selon des règles de marché.
Aux U.S.A.
Cette nation a été la première et reste la première, au plan quantitatif, à s’engager dans cette pratique. La GPA y a connu deux périodes en fonction de l’essor des techniques d’AMP.
Avant l’apparition de la FIV, la GPA reposait sur l’insémination avec le sperme du partenaire du couple, plus exceptionnellement avec le sperme d’un donneur. La gestatrice avait donc obligatoirement un lien génétique avec l’enfant. La simplicité de l’acte technique a eu comme conséquence un développement non contrôlé et non étudié. On ne dispose donc pratiquement d’aucune donnée médicale sur cette période.
Le recours à la FIV dans les années 80 [9] a permis de rompre ce lien en permettant le recours aux gamètes du couple d’intention, ou plus rarement à des gamètes de donneur que ce soit sperme ou ovocytes, pour pallier une défaillance du couple d’intention. De ce fait la participation de la gestatrice a été réduite au « prêt » de son utérus.
Avec l’apparition de la GPA à la suite d’une FIV, on aurait pu espérer une meilleure connaissance des pratiques, de leurs résultats et surtout de leurs éventuelles complications. Cet espoir de disposer d’études médicales conformes aux exigences modernes ne s’est malheureusement pas réalisé. Les publications sont restées rares, limitées au mieux à de courtes séries ne dépassant pas la centaine et ne répondant pas à des critères permettant une comparaison, encore moins une méta-analyse. Nous nous contenterons d’en citer quelques-unes parmi les plus notables.
Tout d’abord celle de l’équipe pionnière de Goldfarb [10]. Portant sur 112 couples et se limitant aux aspects purement techniques, elle met en évidence trois données :
— un taux de grossesses et de naissances d’enfants vivants sensiblement équivalent à ceux obtenus en FIV classique ; — une différence dans le nombre d’ovocytes recueillis chez les mères génitrices, plus élevé dans les cas d’absence congénitale d’utérus que dans les cas d’hystérectomie, différence attribuée aux perturbations de la vascularisation des ovaires dues à l’hystérectomie ; — l’absence de complications.
La deuxième série retenue, celle de Parkinson [11], porte sur 95 GPA. Elle apporte des données plus détaillées, dont on peut retenir : – le taux relativement élevé des embryons transférés : en moyenne 4,1, mais allant jusqu’à 5 et même 6 ; — en conséquence, un taux élevé de grossesses multiples : 55 % des naissances dont 7,7 % de triplés, malgré le recours à une réduction embryonnaire dans 5,2 % des cas ; — la notable proportion des poids de naissance inférieurs à 2 500g : 29,6 % dans les grossesses doubles et 33,3 % dans les grossesses triples ; — le taux élevé de césariennes : 21,3 % dans les grossesses simples, 59,3 % dans les grossesses multiples ; — des complications notables : une rupture utérine ayant nécessité une hystérectomie, et une hospitalisation en soins intensifs pour des durées de 4 à 30 jours chez 18 % des enfants ; — en revanche, sont à souligner : pour les gestantes, une moindre survenue de diabète ou d’hypertension que dans les FIV simples, et l’absence de dépression du postpartum ; pour les enfants, un taux de malformations équivalent à celui observé dans les FIV simples.
La troisième étude, celle de Serafini [12], est plus particulièrement centrée sur les enfants et leur devenir à court terme, deux ans. Elle confirme les aspects favorables concernant le taux de malformations qui ne dépasserait pas celui observé après FIV. Elle apporte de plus un élément favorable quelque peu surprenant : un poids de naissance pour les jumeaux et triplets issus de GPA, plus élevé que celui observé dans la FIV simple. Elle signale toutefois un retard du langage, surtout pour les enfants nés de grossesses multiples, mais avec une régression au cours de la seconde année. Cette publication se termine sur la nécessité de conduire des études sur toutes ces grossesses afin d’obtenir une meilleure connaissance dans un but préventif.
Bien qu’elle soit très limitée par son effectif, dix cas seulement, il nous semble nécessaire de faire état d’une quatrième étude américaine, celle de Duffy [13], car elle rapporte deux cas de complications sévères, survenus chez la gestante. Dans le premier cas, la gestatrice était une femme de 39 ans, sœur de la mère d’intention, pour laquelle elle avait déjà mené à terme une grossesse terminée par une césarienne. Dans la seconde grossesse, trois embryons avaient été transférés, entraînant une grossesse triple. Un début de travail à 29 semaines a obligé à une nouvelle césarienne donnant naissance à des triplets de très petit poids, 1 333g, 1 295g et 1 100g, dont un est mort rapidement. Une hémorragie importante du post partum a nécessité une hystérectomie d’urgence confirmant l’existence d’un placenta accreta. Dans les suites est survenu un accident vasculaire cérébral laissant comme séquelle une cécité. Le second cas concernait une gestatrice, apparentée également avec la mère d’intention, ayant eu précédemment trois grossesses normales. Au cours de la césarienne effectuée à terme pour une dystocie sur un enfant de 4 000g, est découverte une rupture utérine entraînant une hystérectomie. L’enfant réanimé présente dans les suites une infirmité motrice grave.
À ces séries centrées principalement sur les aspects somatiques, il convient d’ajouter le travail très important de Cicarelli et Beckman [14] qui apporte une synthèse de la littérature portant sur les aspects psychologiques de cette pratique.
Cette synthèse repose sur l’analyse des vingt-sept études publiées de 1983 à 2003.
Elle porte principalement sur les gestatrices et concerne : — leurs caractéristiques psychologiques ; — leurs motivations ; — leur opinion sur le vécu de la grossesse et des suites ; — leurs rapports avec le couple d’intention ; — le retentissement de leur initiative sur leur environnement familial et social. Par ailleurs, un nombre plus réduit de travaux porte sur les couples d’intention (au passage est notée leur appartenance en moyenne à une classe sociale plus aisée que celle des gestatrices). Ce très intéressant travail insiste à plusieurs reprises sur le caractère très limité, en nombre de cas comme en problématiques abordées, des études recensées. Il souligne en particulier qu’il a été impossible de trouver une seule étude portant sur le développement psychologique et social des enfants ainsi conçus.
Dans leur conclusion, après avoir pointé les insuffisances de connaissance mises en évidence par leur analyse, les auteurs fixent comme un objectif impératif le développement d’études sur l’avenir des enfants, non seulement ceux conçus par GPA mais aussi ceux de la fratrie issus de la Gestatrice.
En somme, qu’il s’agisse des aspects somatiques, en particulier des risques médicaux ou des aspects psychologiques avec les conséquences sur la deuxième génération, aussi bien sur les enfants ainsi conçus que sur ceux de la gestatrice, le manque de données exploitables est non seulement déplorable, mais inquiétant. Il est déplorable de la part de la nation qui a été leader dans ce domaine. Il est inquiétant parce que ce non-dit est couvert par un tintamarre médiatique qui laisse penser aux couples en quête d’une solution à leur infertilité d’origine utérine que ce problème est bien maîtrisé, tant dans ses risques immédiats que dans ses conséquences lointaines.
Comment expliquer une telle situation dont l’ampleur est illustrée par une seule constatation : l’impossibilité aujourd’hui de connaître le nombre de GPA réalisé depuis l’introduction de la FIV, de même que le nombre de GPA réalisé annuellement. Cette situation serait-elle imputable à une défaillance du corps médical des USA ? On serait au premier abord tenté par une telle interprétation. Mais ce serait oublier le climat dans lequel s’est développée, au cours des deux ou trois dernières décennies, cette activité si particulière. Il ne peut être mieux illustré que par la terminologie médiatique qui recouvre maintenant cette activité : « Baby business » [15] ou encore « Baby market » voire « Baby industry » [16]. La maîtrise du secteur a totalement échappé au corps médical au profit d’une nouvelle classe d’intervenants, les « surrogacy agency », agences privées souvent dirigées à l’origine par des femmes passées elles-mêmes par l’expérience personnelle d’une GPA. De la même manière se sont développées des structures privées gérant les dons de gamètes.
Dans de telles conditions, les soucis spécifiquement médicaux fondés sur une analyse des pratiques et une évaluation des risques, ont été éclipsés au profit de la recherche du rendement financier qui privilégie la communication dans le seul but d’un élargissement de la clientèle. Une communication qui n’a plus rien à voir avec une information médicale objective [17, 18].
Au Royaume-Uni
À la situation américaine bien regrettable s’oppose la situation anglaise. Certes, les publications concernant les aspects techniques et les risques somatiques sont rares, mais la démarche en matière de suivi psycho-sociologique est exemplaire.
Dans la première catégorie, il convient de citer le travail de Brinsden [19]. Il porte sur une série de 37 couples pris en charge dans la Bourn Hall Clinic, où la première GPA a été pratiquée par R. Edwards et P. Steptoe en 1987. La particularité de cette série tient d’une part aux exigences de la sélection des couples demandeurs et des volontaires pour conduire une GPA, d’autre part à une limitation du nombre des embryons transférés, n’excédant pas deux. Dans ces conditions, le taux de naissance par grossesse était compris entre 34 et 39 %. L’auteur émet un avis très favorable concernant cette pratique tout en soulignant la nécessité de larges études évaluant l’avenir des enfants à long terme.
C’est cette démarche de suivi d’une cohorte qu’a entreprise avec une méthodologie particulièrement rigoureuse l’équipe de S. Golombok. Elle a analysé les rapports entre les multiples participants d’une GPA et organisé le suivi longitudinal d’une cohorte comportant trois groupes où la procréation était artificielle : par don de sperme, don d’ovocyte et GPA, et un quatrième, formant un échantillon témoin, où la procréation était naturelle. Un bilan a été publié successivement après un an [20], deux ans [21] et trois ans de suivi [22]. Cette démarche a mis en évidence des données importantes : — des interactions parents-enfants plus étroites dans les différentes situations de procréations artificielles que dans les familles « naturelles » ; — aucune différence dans les tests psychologiques entre les enfants conçus par GPA et ceux des autres catégories ; — une plus forte proportion de parents ayant amorcé la révélation aux enfants des modalités de leur conception en cas de GPA que dans les cas de dons de gamètes ; — le maintien de relations de bonne qualité avec la gestatrice. On peut considérer ces constatations comme étant de bon augure pour l’avenir. Mais il est clair qu’il faudra attendre la période de l’adolescence, avec ses remises en cause des relations parents-enfants, pour avoir une idée plus précise.
La démarche de l’équipe de S. Golombok est remarquable dans son souci de quantification des données psychologiques de même que dans la constitution de groupes de comparaison. Toutefois la série est limitée et la participation fondée sur le volontariat. Pour avoir une plus grande valeur l’étude devrait porter sur la totalité des cas pris en charge.
Si les données à court terme semblent satisfaisantes, les interrogations quant à l’avenir restent entières. Ces interrogations ont été renforcées récemment par une publication canadienne [23] citant quelques déclarations spontanées sur leur « blog » de jeunes ayant été conçus par GPA. Elle révèle une grande souffrance du fait d’avoir été l’objet d’un don qui pour eux est vécu comme un abandon de la part de la gestatrice. On ne peut évidemment pas tirer partie de tels cas isolés, mais ils ne font que renforcer le besoin d’études longitudinales, seules capables de répondre pertinemment aux questions en suspens.
Il est évident qu’en l’absence d’une recherche conduite d’une manière rigoureuse et à une dimension temporelle à la mesure de cette interférence entre deux générations, on restera dans l’impossibilité de mesurer les différentes implications et conséquences d’une situation aussi complexe que celle réalisée par la GPA.
LES ARGUMENTS POUR UNE LEVÉE DE LA PROHIBITION
Ils proviennent de l’analyse de la littérature et du contenu des auditions devant le groupe de travail.
La gestation pour autrui, recours en cas d’infertilité d’origine utérine
C’est la seule possibilité offerte à une femme qui, bien qu’ayant fait le deuil de la grossesse, n’a pas fait celui de devenir la mère d’un enfant porteur de ses propres gênes.
La première indication de la gestation pour autrui pourrait être l’absence d’utérus, d’origine congénitale ou accidentelle.
L’absence d’utérus d’origine congénitale
L’absence congénitale d’utérus et des deux tiers supérieurs du vagin appelée syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) atteint environ une femme pour 4 500 [24], soit environ 200 par an.
Elle est soit isolée (MRKH de type I), soit associée à d’autres malformations (type II ou mullerian duct aplasia, renal aplasia and cervicothoracic somite dysplasia, MURCS) dont les plus fréquentes sont rénales (rein ectopique, agénésie rénale unilatérale) et osseuses (scoliose, soudure des vertèbres cervicales ou lombaires) Au plan clinique, ce syndrome se révèle à l’adolescence, le plus souvent entre 16 et 18 ans, soit par une aménorrhée primaire sans aucun autre trouble, les caractères sexuels secondaires, seins et pilosité, étant normalement développés, soit par l’impossibilité toujours très mal vécue d’avoir des rapports sexuels normaux.
Les ovaires sont présents, d’aspect normal et fonctionnent normalement comme en témoignent la courbe thermique, l’échographie, les dosages hormonaux et la coelioscopie. Toutefois, ils peuvent être en situation haute dans le bassin, au-dessus des vaisseaux iliaques, ce qui peut rendre plus difficile le prélèvement d’ovocytes. Le caryotype est normal.
La majorité des cas semble être sporadique, mais des cas familiaux ont été signalés, ce qui évoque un mécanisme génétique qui fait l’objet de recherches très actives, notamment dans le Programme sur les aplasie mullériennes (PRAM).
L’origine du syndrome est vraisemblablement polygénique et les recherches ont déjà mis en évidence des délétions au niveau des chromosomes 22, 4, et 17.
L’hypothèse d’une transmission autosomique dominante à pénétrance incomplète et expression variable a récemment été émise (Morel). La conclusion pratique est qu’un conseil génétique doit être envisagé devant tout syndrome de MayerRokitanski-Kûster-Hauser .
D’autre part, le syndrome MRKH semble devoir être distingué de deux autres syndromes très proches :
— Le syndrome WNT4 , du nom du gène du développement en cause, dont le phénotype est très voisin, qui est associé à une hyperandrogénie ;
— L’aplasie des dérivés mullériens, associée à une dysgénésie gonadique, dans laquelle le caryotype présente des anomalies à type de mosaïque siégeant sur les chromosomes sexuels.
L’ablation de l’utérus
L’hystérectomie est faite le plus souvent en urgence pour sauver la vie d’une femme ayant une hémorragie très abondante de la délivrance , éventualité qui se produirait dans un pour mille grossesses environ [25], soit 700 à 800 cas par an en France.
Mais, l’hystérectomie, surtout chez une primipare, n’est faite qu’après échec des traitements médicamenteux, des techniques chirurgicales conservant l’utérus (ligatures vasculaires, plicature ou compression par capitonnage des parois utérines) ou d’une embolisation artérielle. Une autre indication est la rupture utérine au cours de laquelle l’enfant peut mourir ou l’existence d’un placenta praevia accreta , dans lequel les villosités choriales s’incrustent dans le segment inférieur, voire percreta , dans lequel les villosités traversent le segment inférieur et se fichent dans le muscle de la vessie, rendant l’intervention particulièrement difficile. Ces deux éventualités, exceptionnelles autrefois, sont devenues plus fréquentes avec l’augmentation du nombre de césariennes.
L’hystérectomie d’hémostase est habituellement interannexielle, les ovaires et les trompes étant conservés et les connections vasculaires ovariennes préservées.
Certains auteurs [10] ont cependant remarqué que les femmes ayant une absence congénitale de l’utérus répondaient souvent mieux à l’induction de l’ovulation que celles ayant subi une hystérectomie. L’urgence dans laquelle se déroulent fréquemment ces hystérectomies peut expliquer que l’opérateur n’ait pas comme premier souci le respect la vascularisation ovarienne.
Les hémorragies du post-partum survenant dans les huit à dix jours après l’accouchement sont beaucoup plus rares tout en ayant parfois le même caractère d’urgence. Un traitement médical bien conduit évite habituellement l’ablation de l’utérus.
Une autre indication est l’ablation de l’utérus pour cancer , soit dans l’enfance ou l’adolescence (sarcome de l’utérus, tumeurs malignes de l’ovaire), soit à l’âge adulte (cancer de l’endomètre, cancer du col). Il est étonnant de constater que, dans une étude de Peter Brinsden [19], en 2003, les antécédents de cancers sont la cause la plus fréquente de gestation pour autrui. On assiste depuis quelques années, d’une part au rajeunissement de l’apparition de certains cancers, d’autre part au retard de plus en plus marqué de l’âge de la première grossesse ou à une grossesse tardive à la suite d’un remariage. Aux Etats-Unis, environ 50 % des treize mille nouveaux cas de cancer du col de l’utérus sont apparus avant 35 ans [26].
Très rares, et beaucoup plus rares qu’aux Etats-Unis, sont, en France, les hystérectomies faites pour ménorragies. Quant aux hystérectomies pour infections utérines étendues au petit bassin et au péritoine, observées autrefois après les avortements provoqués ou les accouchements, elles sont devenues exceptionnelles.
La deuxième indication serait l’existence d’anomalies fonctionnelles sévères de l’utérus.
Ces anomalies peuvent résulter de la présence de malformations utérines, d’anomalies liées à la prise de diéthylstilbestrol (DES) ou à des synéchies traumatiques.
Les malformations utérines : hypoplasie utérine, utérus unicorne, entre autres, entraînent une stérilité ou des avortements à répétition.
Le diéthylstilbestrol (distilbène) a été prescrit pendant la grossesse pour prévenir les avortements spontanés, à partir de l’année 1948 et jusqu’à la fin des années 70, avec un pic de consommation entre 1965 et 1975. On a découvert qu’il pouvait provoquer chez les filles des mères traitées des modifications importantes de forme et de volume de la cavité utérine [27, 28]. Par ordre de fréquence décroissante, il s’agit d’utérus hypoplasique en forme de T, d’utérus hypotrophique, d’utérus à bords déchiquetés avec des diverticules, des strictions et des dilatations, des synéchies.
On peut estimer à 80 000 le nombre de filles qui ont été concernées en France.
Néanmoins nombre d’entre elles ont pu ou pourront procréer. Par ailleurs, les conséquences de cette thérapeutique intempestive contrindiquée devraient disparaître à partir de 2010.
Ces anomalies sont à l’origine de stérilité essentiellement par difficulté de nidation de l’embryon, de grossesses extra-utérines, d’avortements spontanés à répétition, d’accouchements prématurés, de placenta accreta [29]. L’hystéroplastie d’agrandissement visant à agrandir la cavité, est une intervention chirurgicale délicate qui nécessite une grande expérience en hystéroscopie opératoire et dont les résultats sont parfois grevés de complications obstétricales dramatiques.
Les synéchies traumatiques succèdent à des curetages après avortements spontanés, dans les suites de couches ou, plus rarement, à des aspirations pour interruptions volontaires de grossesse. L’abrasion de la muqueuse utérine aboutit à un accolement des deux parois de l’utérus qui peut aller jusqu’à la disparition totale de la cavité, appelé syndrome d’Asherman. Leur fréquence est difficile à évaluer. On retrouve des synéchies dans 3,8 % des hystéroscopies faites pour stérilité secondaire et 5 % dans celles faites pour avortements à répétition [30]. Le traitement par hystéroscopie n’est pas toujours satisfaisant et dépend, en partie, de l’importance des lésions.
Les risques de rupture utérine seraient une troisième indication qu’elles soient dues à une intervention antérieure ayant ouvert largement la cavité de l’utérus comme une myomectomie, à un antécédent de rupture utérine ou de placenta praevia accreta.
Les antécédents d’avortements spontanés à répétition, de grossesses extrautérines à répétition, d’échecs répétés de fécondation in vitro après un parcours long et semé d’embûches, constitueraient une quatrième indication , d’autant plus que les parents ont atteint un âge où l’adoption devient plus difficile.
Les maladies mettant en jeu la vie de la mère au cours de la grossesse seraient une autre éventuelle indication , devenue exceptionnelle, qu’il s’agisse d’une hypertension artérielle grave, d’un diabète avec rétinopathie, d’une insuffisance rénale sévère, entre autres. A vrai dire, on peut s’interroger sur le bien-fondé du recours à une gestation pour autrui chez une femme gravement malade.
En résumé : La liste des situations susceptibles de justifier le recours à la gestation pour autrui établie ci-dessus n’est ni exhaustive, ni limitative. Des indications disparaîtront, d’autres pourraient devenir plus fréquentes. Cependant, pour autant que soit admise la gestation pour autrui, certaines seraient incontestables telles l’absence d’utérus et la destruction fonctionnelle d’une grande partie de celui-ci, d’autres ne seraient que relatives et devraient être appréciées par des gynécologues obstétriciens expérimentés.
Par ailleurs, il existe des situations dans lesquelles un don d’ovocytes pourrait être nécessaire :
— dans le Syndrome MRKH, s’il existe des cas familiaux, si tel est l’avis du généticien ou si la situation des ovaires ne permet pas un prélèvement d’ovocytes — dans le syndrome d’aplasie des dérivés müllériens, voisin du MRKH, en raison de la dysgénésie gonadique associée ;
— dans certaines hystérectomies dans lesquelles la circulation ovarienne a été lésée et dont les ovaires répondent mal à la stimulation ;
— dans les antécédents de cancer en raison des séquelles de chimiothérapie ou de radiothérapie ayant entraîné une diminution ou une destruction des follicules primordiaux et une fibrose ovarienne.
L’infertilité d’origine utérine est perçue comme une souffrance et une injustice
La situation d’infertilité est toujours une souffrance . Elle aboutit souvent pour les couples à des troubles de la sexualité, à une marginalisation familiale, un isolement, une perte d’estime de soi, une blessure narcissique et, en définitive, parfois à une séparation du couple. Nombre de femmes culpabilisent.
A cette souffrance s’ajoute, dans les cas d’infertilité d’origine utérine, un sentiment d’injustice . D’une part, parce que leur fonction ovarienne étant le plus souvent normale, nombre de ces jeunes femmes ne se considèrent pas comme stériles.
D’autre part, parce que l’on déploie toute une gamme de traitements pour toutes les autres formes de stérilité, même si les résultats sont loin d’être toujours satisfaisants, alors que la stérilité d’origine utérine reste la seule forme de stérilité irrémédiable à ce jour en France.
Enfin, parce qu’aujourd’hui, dans les pays occidentaux, les couples supportent de plus en plus mal l’absence de traitement de l’infertilité, tant s’est imposée l’idée d’une maîtrise complète de la procréation.
L’absence d’alternatives thérapeutiques
Dans une approche théorique du problème, la transplantation d’utérus pourrait être imaginée comme solution alternative à la gestation pour autrui quand les femmes souhaitent procréer alors qu’elles n’ont pas d’utérus fonctionnel.
Indépendamment des questions éthiques, les questions médicales à résoudre concernent la technique chirurgicale et la vascularisation de l’organe greffé y compris en cas de grossesse, les modalités de conditionnement et de préservation de l’organe et sa résistance à l’ischémie, les risques obstétricaux d’une gestation après greffe et la toxicité éventuelle pour l’enfant des traitements immunosuppresseurs qui devraient être utilisés pendant la grossesse.
Les résultats acquis chez l’animal indiquent que la transplantation chirurgicale avec revascularisation satisfaisante de l’utérus greffé semble réalisable chez la femme.
Resterait à s’assurer que l’organe greffé pourrait supporter les modifications, notamment vasculaires, inhérentes à la grossesse.
Une seule transplantation d’utérus entreprise dans l’espèce humaine a été rapportée dans la littérature [31]. Elle a été réalisée en Arabie Saoudite chez une femme de 26 ans. Après un premier épisode de rejet au 9e jour, au 99e jour posttransplantation, des signes de nécrose utérine sont apparus avec thrombose vasculaire qui ont conduit à une hystérectomie.
Par ailleurs, les résultats acquis chez les femmes pour lesquelles d’autres organes avaient été greffés suggèrent que les grossesses menées dans ces circonstances sont de toute façon à haut risque obstétrical [32]. Surtout, les résultats acquis ne permettent pas de conclure actuellement à l’innocuité pour l’enfant, que ce soit à court comme à long terme, des traitements immunosuppresseurs qui devraient être administrés pendant la grossesse.
Enfin, les contraintes et les risques de ces traitements conduiraient à envisager une hystérectomie après que la grossesse désirée aura été menée à terme.Il convient de s’interroger sur la légitimité d’une transplantation de cet organe alors qu’aucun pronostic vital n’est en jeu et qu’il existe d’autres moyens pour que les femmes stériles concernées puissent devenir mères.
Dans l’avenir, la reconstruction d’un utérus à partir de cellules souches ou de fragments tissulaires serait-elle envisageable ? Récemment il a été montré qu’il était possible de construire un vagin complet et apparemment fonctionnel chez la lapine à partir de petits fragments de tissu autologue développés sur des structures polymères [33]. Une approche similaire, si elle est envisagée pour l’utérus dans un but de gestation, serait aussi complexe qu’aléatoire du fait des modifications extraordinaires que connaît cet organe durant la grossesse.
La difficulté de la procédure d’adoption
L’adoption est une démarche dont la difficulté s’accentue. En France, les données chiffrées sont les suivantes — les demandes annuelles d’adoption sont de 28 000 (parents disposant de l’agrément et en attente de pouvoir adopter) ;
— 4 000 enfants sont adoptés chaque année, venant tant de France que de l’étranger ;
— 800 enfants sont adoptables annuellement en France alors que 2 100 sont placés de manière durable.
Il y a ainsi un déséquilibre entre le nombre de parents ou futurs parents ayant abouti dans la démarche d’agrément, et le nombre d’enfants qui sont réellement adoptés Si l’adoption internationale a augmenté de 1980 à 1990, elle est maintenant en recul, probablement en raison d’une moralisation (chute de 20 % en deux ans, de 2005 à 2007), même si apparaît une amorce d’amélioration. Par ailleurs le risque d’enfants « à particularités » (enfants malades, handicapés ou mal formés) existe.
Les pouvoirs publics, à la suite du Rapport remis au Président de la République par J.M. Colombani, ont annoncé en août 2008 vouloir simplifier les démarches des familles et relancer les procédures d’adoption [34].
Il n’en demeure pas moins qu’à ce jour la démarche reste difficile, longue et source de beaucoup d’insatisfactions pour les parents candidats à l’adoption, d’autant plus que des échecs répétés de FIV ont pu retarder leur demande. Dès lors, certains se tournent vers la GPA.
Par ailleurs, l’enfant adopté n’est pas issu de leurs propres gènes.
La gestation pour autrui à l’étranger ou une pratique clandestine en France
Certains pays sont ouverts à une pratique non réservée à leurs ressortissants
Le désir exacerbé d’avoir un enfant issu de ses propres gènes, l’absence de toute autre alternative crédible, la difficulté d’adopter un enfant, le fait que la gestation pour autrui soit autorisée ou tolérée dans de nombreux états, a conduit à un « tourisme procréatif » ou « exode procréatif » qui a pour conséquence une insécurité juridique quant à la filiation des enfants . On assiste, peu à peu, à une « mondialisation » du marché.
La GPA à l’étranger répond à deux modalités . Dans la première, les couples choisissent la gestatrice avec laquelle ils sont mis en contact par l’intermédiaire d’une agence ou par relation. Certains couples, préférant les pays francophones, vont au Canada ou en Belgique. D’autres vont aux Etats-Unis, en particulier en Californie, ou en Israël. Aux Etats-Unis où s’est développé un véritable marché, des agences proposent des « locations d’utérus » (wombs for rent). Elles établissent des contrats de droit privé fixant les droits et les devoirs des parties, le montant de la rémunération étant laissé aux soins du marché. Le coût est, dans l’ensemble, élevé pour les couples d’intention, de 60 000 à 150 000 euros, comprenant le voyage, les frais médicaux, le séjour, la traduction éventuelle, l’assurance et l’assistance juridique. Le dédommagement de la gestatrice est loin d’être la part majeure. Elle est de l’ordre de 15 000 à 30 000 euros.
Dans la deuxième modalité, les couples ne rentrent pas en contact avec la gestatrice et ne conservent aucune relation avec elle. C’est ce qui se produit dans les pays de l’Est, notamment en Ukraine, en Pologne, en République Tchèque ou encore en Inde, pays dans lesquels la maternité de substitution constitue une source de revenus très prisée. Les agences et cliniques spécialisées dans le « baby business » se sont multipliées. Certaines sociétés proposent aux couples stériles des forfaits « clé en main ». Le coût est moindre qu’aux Etats-Unis ou au Canada, de l’ordre de 15 000 euros ; le dédommagement de la gestatrice est environ de 3 000 euros. Le marché est évalué à 290 millions d’euros par an. Devant l’afflux de demandes, le gouvernement Indien envisage une loi qui devrait limiter le nombre de grossesses pour autrui chez une même gestatrice.
Outre les difficultés juridiques concernant la filiation des enfants au retour dans notre pays, la solution étrangère est onéreuse et aboutit à une discrimination par l’argent . Ne peuvent y recourir que les couples qui disposent des moyens financiers nécessaires. Il n’offre aucune garantie aux couples qui y recourent, et présente des risques de dérives.
En dehors de toute considération financière, la GPA à l’étranger répond à deux conceptions différentes. Dans l’une, le prêt d’utérus est anonyme et rémunéré et les parents ne conservent aucun contact avec la gestatrice. Dans l’autre, l’aspect altruiste domine, l’aspect mercantile est en principe absent, et parents accueillants et gestatrice conservent des relations.
Du fait de son caractère clandestin au regard de la loi française, on ne dispose évidemment pas de chiffres vérifiables concernant les couples français choisissant cette solution. Des estimations de deux à quatre cents couples par an sont avancées.
Une pratique clandestine en France
L’accouchement dans l’anonymat, dit accouchement sous X, peut camoufler une GPA. L’acte peut revêtir deux formes.
Dans la première, la femme souvent jeune, dans la plus grande détresse et/ou pour des raisons financières, accepte que son enfant soit reconnu avant ou après l’accouchement par le conjoint du couple d’intention. En fait, il s’agit là d’une déviation du processus d’adoption car l’enfant n’a aucun lien génétique avec le couple d’intention.
Dans la seconde forme, véritable GPA, la femme, pour des raisons le plus souvent financières, accepte de porter l’enfant conçu par FIV et accouche dans l’anonymat, le conjoint du couple d’intention reconnaissant l’enfant avant ou après l’accouchement. Son épouse, mais non sa compagne, peut formuler une requête en adoption de l’enfant de son conjoint.
On conçoit qu’aucun chiffre ne soit disponible, mais il semble, d’après les observations du Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles, que de telles éventualités restent exceptionnelles.
La pratique de l’accouchement à domicile peut faciliter l’un ou l’autre de ces moyens de contourner la législation.
L’analyse des auditions et des résultats publiés
Concernant les résultats, il convient de rappeler que la plupart des études disponibles sont fondées sur le volontariat et l’auto évaluation et comportent des biais de recrutement.
La gestatrice
La GPA implique pour la gestatrice un comportement psychologique particulier.
La grossesse et l’enfantement supposent en effet une complémentarité harmonieuse entre le processus biologique, être enceinte, et le processus mental, dont l’implication est nécessaire pour devenir réellement mère. Que la gestatrice soit animée de désir altruiste, qu’elle ressente un bien être à être enceinte ou qu’elle ait des besoins d’argent, elle n’a pas le sentiment d’attendre « son » enfant. Elle ne se ressent pas mère de l’enfant qu’elle porte pour une autre et n’a aucun projet parental ce qu’expliquent parfaitement de nombreuses gestatrices, du moins lorsqu’elles ne sont pas en même temps mères biologiques.
Ce comportement est à rapprocher d’un phénomène troublant, le déni de grossesse, connu des obstétriciens, des psychiatres et des magistrats. Selon Freud, « Le déni est un mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante ». La maturation psychique de la mère prenant conscience du développement de l’enfant ne se fait pas (Sophie Marinopoulos). La grossesse se déroule dans l’impensable. La réalité est niée. Qui plus est, le corps ne se modifie pas. Par un phénomène mal expliqué, la femme ne prend que peu de poids. L’abdomen grossit anormalement peu. Les femmes ne perçoivent pas les mouvements du fœtus. L’entourage ne se rend compte de rien. Même les proches, même les médecins peuvent être abusés. L’accouchement se termine le plus souvent dramatiquement. La grande différence entre le déni de grossesse et la grossesse chez une femme qui se propose pour porter l’enfant pour autrui par altruisme, est que, dans ce dernier cas, le déni est conscient. En outre, c’est un déni de maternité et non de grossesse.
Si elle se vérifiait, cette explication impliquerait une sélection attentive des femmes qui se proposent pour porter un enfant tenant compte notamment de leur motivation qui est de trois sortes.
La première est altruiste . Certaines femmes, estimant avoir beaucoup reçu de la vie, agissent par générosité. D’autres le font avec l’arrière-pensée d’une quelconque réparation ou d’une dette à l’égard de la société. Ce peut être une histoire familiale d’abandon ou d’adoption, une interruption de grossesse ou l’abandon d’un enfant, une stérilité dans leur entourage, un divorce des parents mal supporté. D’autres enfin souhaitent une reconnaissance sociale ou vivent dans un milieu altruiste.
La deuxième motivation , souvent associée à la première, est le désir d’être enceinte . Ces femmes, qui ont eu auparavant une ou plusieurs grossesses faciles, éprouvent à cette occasion une sensation de plénitude, d’épanouissement. Elles ne se sentent jamais aussi bien que lorsqu’elles sont enceintes.
La troisième motivation est l’intérêt financier • Les femmes souhaitent avoir de l’argent pour rester chez elles et ne pas travailler ou, plus souvent, elles en ont un urgent besoin.
On comprend l’importance d’une part de l’accueil, de la reconnaissance, de l’empathie, manifestés à la gestatrice par le couple des parents d’intention, manifestations qui aident celle-ci à se sentir valorisée, d’autre part d’un défraiement correct de tous ses frais.
Il est écrit que la gestation pour autrui ne doit pas être rémunérée [35]. Certes, mais on ne peut pas ne pas tenir compte des modifications physiologiques, de la durée, de l’inconfort et des risques que représentent pour la mère gestante le déroulement d’une grossesse et de l’accouchement.
Un autre aspect du succès de la GPA, là où elle est officiellement pratiquée, est le rôle très important des professionnels de santé dans les informations qu’ils donnent et le soutien qu’ils apportent à la gestatrice aussi bien qu’aux parents accueillants, à court ou à long terme.
Dans une étude comparative de Golombok et coll [20], les gestatrices n’ont pas éprouvé de souffrance psychologique particulière un an après la naissance de l’enfant. D’autres auteurs sont moins optimistes, mais la proportion de mères gestantes ne regrettant pas leur acte serait de l’ordre de 75 % [14].
Quoiqu’il en soit, en l’absence d’un don d’ovocyte par la gestatrice, celle-ci n’est ni la mère génétique, ni la mère affective, ni la mère sociale de l’enfant.
L’enfant
La même étude de Golombok et coll . [20] et le témoignage des associations ne révèlent l’existence d’aucun trouble particulier chez l’enfant. Néanmoins, la plupart des études et l’expérience des associations sont encore limitées dans le temps. Ces réserves émises, les risques psychiques pour les enfants ainsi nés ne semblent pas plus grands que dans les autres formes de procréation médicalement assistée, tels le don d’ovocyte ou le don d’embryon.
Comme tous les enfants conçus par AMP, ils seraient mieux équilibrés que ceux conçus naturellement, car plus entourés par leurs parents, sollicitude qui, à l’inverse, peut être préjudiciable à l’enfant du fait d’un « surinvestissement ».
En outre, pour certains, ces enfants auraient l’avantage sur les enfants adoptés, d’une part d’être à la fois les enfants génétiques et affectifs du couple d’intention, en l’absence de tout don d’ovocyte bien entendu, d’autre part d’être très fortement désirés dès leur conception, souvent accompagnés au cours de la grossesse par les parents d’intention et très bien accueillis dès leur naissance. En outre, il semblerait plus facile d’annoncer à ces enfants la manière dont ils ont été conçus que dans les autres modes de procréation médicalement assistée.
Le couple d’intention
Les couples accueillants semblent, dans l’ensemble, satisfaits de la solution qu’ils ont adoptée souvent en désespoir de cause, après des démarches d’adoption longues et éprouvantes. Cette satisfaction apparaît non seulement dans l’audition de ces couples et des associations, mais aussi dans celle des gynécologues obstétriciens (Bernard Paniel, Thierry Harvey, Bruno Salle) qui ont eu à prendre en charge les grossesses et les accouchements. Les couples d’intention ont l’avantage sur ceux bénéficiant d’une adoption de répondre à deux des niveaux de filiation : le biologique et l’affectif. Mais les études portant sur ces couples restent rares.
Le choix de la gestatrice s’effectue par le biais des associations, par relation ou par Internet, ce dernier mode permettant un contact, des discussions, des échanges, tout en maintenant une certaine distance.
Les relations avec la gestatrice seraient souvent bonnes ou satisfaisantes. Cette dernière est présentée comme une « nounou » ou comme une « marraine » et la plupart des couples conservent des contacts épisodiques avec elle. Ces contacts peuvent être directs, se renouveler à l’occasion de fêtes ou d’anniversaires. Ils peuvent être épistolaires ou téléphoniques. Ils s’espaceraient habituellement au fil du temps. On ressent « le désir de préserver à la fois une certaine distance et l’envie de partager une certaine proximité » (Dominique Mehl). Néanmoins, on peut s’interroger sur le désir que pourraient avoir les enfants devenus adultes de rétablir un lien avec la gestatrice.
Il serait important que l’accueil de l’enfant soit programmé • Cela peut consister pour la mère et le père d’intention à assister aux consultations de grossesse, aux échographies, à toucher la paroi abdominale, à parler dans l’environnement de l’enfant, à être présent lors de l’accouchement, sans pour autant écarter la gestatrice. Dans le même état d’esprit, certains insistent sur l’utilité de susciter une montée laiteuse chez la mère d’intention et de lui permettre d’allaiter ce qui a été possible dans plus de la moitié des cas dans une étude anglaise [19], bien que l’allaitement ait du être complété.
LES ARGUMENTS CONTRE LA GESTATION POUR AUTRUI
Comme pour les arguments en faveur de la GPA, les arguments contre cette méthode proviennent de l’analyse de la littérature et du contenu des auditions.
Il faut distinguer des arguments de principe d’ordre éthique et moral et des arguments purement médicaux fondés sur l’existence de risques.
Des arguments de principe, d’ordre éthique et moral
La commercialisation du corps humain
La reconnaissance de la dignité du corps et le respect qui lui est dû sont des principes récents. « Certes, le corps est un instrument de travail. Mais, dans ce travail, on rémunère ce que fait quelqu’un, le temps ou le produit de son activité intellectuelle ou manuelle, et non pas ce qu’il est lui-même, sa propre existence corporelle… En ce sens, on peut dire avec le philosophe Kant que les choses ont un prix, tandis que les personnes ont une dignité » (Sylviane Agacinski). C’est pourquoi le droit français n’autorise pas l’usage d’une femme comme gestatrice. Ce corps n’est pas un objet et n’a pas le statut d’une propriété susceptible d’être louée ou vendue, aliénée au sens juridique du terme. Selon le code civil (Art 16-1), « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ».
Envisageant plus spécifiquement la situation de la GPA, le droit précise : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » (Art16-7). La loi française prévoit des peines pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement pour quiconque aurait demandé à une femme de porter en elle un enfant en vue de le lui remettre et la peine est encore plus lourde pour ceux qui s’entremettent dans un but lucratif (Art 227-12 NCP).
L’asservissement de la femme
La grossesse ne peut être considérée comme une activité normale. Elle entraîne une profonde métamorphose dans la vie d’une femme. « Demander à une femme de vivre cette métamorphose à la place d’une autre, en la coupant de toute signification pour elle-même, c’est lui demander de faire abstraction de sa propre existence corporelle (et morale), de la traiter comme un moyen et non comme une fin, afin de faire de son corps un simple outil » (Sylviane Agacinski).
En outre, dans cet acte, la liberté des uns et des autres n’est pas toujours égale. Du côté des demandeurs, il s’agit de satisfaire à tout prix un désir ; de l’autre, de louer parfois son utérus pour subsister ce qui n’est pas l’expression d’une liberté mais d’une misère, voire d’une oppression. On retrouve d’ailleurs souvent la notion d’un décalage dans les niveaux économiques et sociaux en faveur des couples d’intention dans les observations colligées [14]. C’est pourquoi, certains y voient une exploitation des femmes démunies ou même une forme moderne d’esclavage (René Frydman).
Une atteinte fondamentale au statut de la maternité
En effet, la GPA est une remise en cause de la valeur symbolique de la maternité en dissociant la grossesse et l’accouchement d’une part, la filiation d’autre part. A ce propos, on doit remarquer que, dans le don d’embryon, qui n’a suscité aucune réaction défavorable, la mère, comme dans la GPA, n’a aucun lien génétique avec l’enfant qu’elle porte, mais c’est elle qui accouche, respectant ainsi le principe :
« mater semper certa est . »
Des arguments médicaux : la crainte de risques à court et long terme
Ces risques sont susceptibles d’entraîner des plaintes et des procès où peuvent être impliqués des gynécologues obstétriciens.
Les risques éventuels pour la gestatrice
Les risques physiques
Dans la GPA, du fait que la grossesse doit répondre à la double condition d’âge et d’antécédent de parturition normale et sera particulièrement surveillée, les compli- cations devraient être limitées. Cette situation favorable, qui n’exclut toutefois pas la possibilité d’une grossesse extra-utérine, d’une poussée hypertensive, d’une hémorragie de la délivrance, voire d’une césarienne, est valable en cas de grossesse unique. Or, en cas de GPA, il est habituel, pour assurer le succès, de transférer plusieurs embryons [11]. Ceci aboutit à des grossesses multiples avec parfois le recours à une réduction embryonnaire, une augmentation du risque de césarienne pour la mère et de prématurité pour l’enfant sur laquelle nous reviendrons ci-dessous.
La césarienne peut être nécessaire en cas de dystocie dynamique ou mécanique associée ou non à une souffrance fœtale, en cas de souffrance fœtale due à un circulaire ou une procidence du cordon, à une présentation du siège ou encore à une hémorragie due à une insertion basse du placenta. Cette intervention comporte une morbidité et une mortalité non négligeables. En outre, la cicatrice sur l’utérus fait courir le risque d’une rupture utérine lors d’une grossesse ultérieure et peut limiter le nombre de grossesses ce qui doit entrer en ligne de compte de nos jours chez une femme jeune. On sait la fréquence des divorces et des séparations et le désir de nombreuses femmes, qui se remettant en couple, souhaitent donner un enfant à leur nouveau partenaire.
L’hémorragie de la délivrance reste une complication redoutable qui, nous l’avons vu, peut se terminer malgré les thérapeutiques médicales, chirurgicales et les procédés modernes d’embolisation artérielle par une hystérectomie d’hémostase, voire par le décès de la femme. Rappelons que cette complication reste la cause la plus fréquente des morts maternelles en France [25].
Les risques psychologiques
Les risques, différents si la gestatrice a fourni l’ovocyte, ne sont pas envisagés ci-dessous et sont traités dans le chapitre sur les « Cas particuliers ».
Le traumatisme de l’abandon
La gestatrice abandonne l’enfant plus ou moins rapidement selon les législations et le type de contrat signé, abandon que l’on retrouve dans l’accouchement sous X.
Mais ce qui interroge dans le cas de la GPA, est la notion d’un abandon, non seulement approuvé par la société, mais autorisé par l’état, programmé et organisé.
On a pu parler « d’abandon sur ordonnance » (Marie-Thérèse Hermange).
D’autre part, le moment de la séparation de la gestatrice et de l’enfant qu’elle porte depuis neuf mois pourrait être beaucoup plus pénible que prévu. Les sentiments de la gestatrice à l’égard de l’enfant peuvent avoir évolué au cours de la grossesse , évolution qu’il est difficile de prévoir. Peuvent se manifester alors chagrin, dépression et, à l’extrême, refus de donner l’enfant, comme dans le cas célèbre de « baby M » [16] qui a fait l’objet d’une retentissante affaire judiciaire aux États-Unis.
On connaît la fréquence des dépressions du post-partum, de l’ordre de 15 %. La gestatrice peut faire une forme grave, une décompensation psychologique sévère après la naissance. La séparation sera d’autant plus pénible que le comportement du couple intentionnel sera désagréable, ne supportant pas la présence de la gestatrice et lui interdisant tout contact avec l’enfant dès lors que le contrat est rempli.
En outre, lorsque la motivation répond à un désir de réparation, le risque de voir réapparaître une culpabilité enfouie n’est pas exclu. D’où l’importance d’un examen psychologique particulièrement attentif de la gestatrice, de ses antécédents personnels et familiaux, et de ses motivations.
Un autre problème est celui de l’allaitement • Qui doit allaiter l’enfant ? La gestatrice au risque de s’attacher à l’enfant ou la mère d’intention ce qui est fait en Angleterre?
Les relations avec les parents d’intention
On avance qu’elles seraient souvent bonnes, bien que complexes. Mais elles peuvent être franchement mauvaises. La gestatrice peut être écartée d’emblée et se sentir ignorée, méprisée, les parents d’intention la traitant comme une employée liée par contrat. Il peut arriver aussi, qu’au fil du temps, elle estime ne pas avoir eu la reconnaissance qu’elle était en droit d’attendre et se sente flouée. La désillusion est à la hauteur de l’énormité du « prêt » et de l’effort consenti. Elle a le sentiment désagréable d’avoir été considérée « comme un sac » (Myriam Szejer).
Afin d’éviter ces conflits préjudiciables, un choix bilatéral entre la gestatrice et le couple d’intention serait souhaitable.
Les risques pour l’enfant
Les risques physiques
Ils ne sont pas spéciaux à la GPA mais posent dans ce cas des problèmes complexes et cruciaux.
La gestatrice devant être multipare, jeune, à « l’âge des fécondités faciles », en bonne santé, indemne de toute pathologie chronique et de tout antécédent pathologique, les accidents devraient être rares, d’autant que celle-ci s’engagera par contrat à ne pas boire d’alcool et à ne pas fumer et que la surveillance de la grossesse sera stricte. On ne peut écarter cependant le risque d’avortements spontanés (11 %), de prématurité (7 %), de retard de croissance in utero (9 %), de malformations (2 %), de souffrance fœtale survenant au cours du travail ou lors de l’accouchement à la suite d’une dystocie mécanique ou dynamique, d’une procidence ou d’un circulaire du cordon, d’une pathologie quelconque liée à une infection bactérienne, virale ou parasitaire au cours de la grossesse.
En pratique, les problèmes critiques peuvent se poser dans plusieurs circonstances : la grossesse multiple, la très grande prématurité, la découverte d’une malformation, la souffrance fœtale aiguë. Dans toutes ces situations pénibles, voire dramatiques, va se poser le même problème angoissant : qui doit prendre la décision, la gestatrice ou les parents d’intention ?
La grossesse multiple
Il est conseillé de limiter le nombre d’embryons transférés. Toutefois, nous l’avons vu, le désir d’augmenter les chances de succès conduit à replacer deux ou trois embryons, voire plus. Les grossesses multiples, plus pénibles pour la mère, sont également plus dangereuses pour l’enfant. Si une réduction embryonnaire était envisagée, qui prendra la décision ?
La très grande prématurité
La très grande prématurité (moins de 28 semaines d’aménorrhée ou 1000 grammes de poids de naissance) se rencontre dans la population générale dans 0,4 à 0,5 % des naissances d’enfants vivants. On sait que, malgré l’amélioration constante des soins à ces prématurés, 25 à 30 % d’entre eux meurent à la naissance et 15 à 20 % ont de graves séquelles psycho motrices, handicapant lourdement leur vie et celle de leur entourage. Même si l’enfant ne souffre pas d’infirmité motrice cérébrale, il présente fréquemment des troubles cognitifs, des troubles du comportement, des difficultés scolaires [36]. Même au-delà de 28 semaines et avant 32 semaines, des complications peuvent survenir. Qui décidera du bien fondé ou de l’arrêt éventuels de la réanimation ?
Les malformations
La surveillance échographique prévue au cours de la grossesse peut entraîner la découverte d’une malformation ce qui soulève, en fonction de sa gravité, de nombreuses questions, rarement envisagées dans la littérature. On peut distinguer plusieurs situations, sachant que toute distinction est schématique et que chaque cas est particulier.
— La malformation est irrémédiablement mortelle ou l’anomalie est tellement grave que des séquelles importantes sont prévisibles (anencéphalie, hydrocéphalie, agénésie rénale, spina bifida par exemple). Les couples demandent le plus souvent l’interruption de grossesse. Qui prendra la décision ?
— La malformation ne met pas en jeu la survie de l’enfant mais le handicap est sévère et compromet sa vie en société et la vie de la fratrie. L’exemple type en est l’enfant porteur d’une trisomie 21. Rares sont les couples acceptant ce handicap. Qui prendra la décision ?
— La malformation est opérable à la naissance avec de très fortes chances de succès à condition qu’elle soit isolée (sténose du duodénum, omphalocèle et laparoschisis, nombre de cardiopathies, tumeur sacro-coccygienne par exemple). Le plus souvent, les couples acceptent que la grossesse se poursuive. Qui prendra la décision ?
— La malformation atteint la morphologie externe du fœtus, véritable situation emblématique de nouvelles exigences tendant au désir « d’enfant parfait » (malformation des mains, amputation d’un membre ou d’un segment de membre par exemple). Malgré les possibilités d’appareillage, ces anomalies sont toujours très mal supportées car elles impliquent le regard des autres, et une interruption de grossesse est parfois demandée. Qui prendra la décision ?
— La malformation n’est pas mortelle mais l’existence ou non d’un retard mental est imprévisible. L’exemple en est l’agénésie du corps calleux (environ 20 % des cas de retard mental sévère). Qui prendra la décision d’interrompre la grossesse ?
Plus redoutable encore est la découverte de la malformation à la naissance. Les parents d’intention peuvent refuser l’enfant malformé et non conforme à leur souhait, refus que peut également exprimer la gestatrice.
La souffrance fœtale aiguë
La souffrance fœtale aiguë peut aboutir à des séquelles psychomotrices graves. Se posera alors, là encore, la décision de mettre en œuvre une réanimation à la naissance et de la poursuivre ou non. Qui prendra la décision ?
En conclusion, dans tous ces cas litigieux et très sensibles , la formulation de la législation retenue, anglaise ou grecque, ou les termes du contrat conclu, confiant la responsabilité de la décision, soit à la gestatrice, soit au couple d’intention, est fondamentale. Dans le rapport du Sénat [35], il est écrit : « Il appartiendrait à la gestatrice, et à elle seule, de prendre les décisions afférentes au déroulement de la grossesse, notamment de demander son interruption », sans qu’en soient précisées les circonstances. Peut-on humainement imposer au couple d’intention d’élever un enfant gravement malformé ou trisomique, malformation détectée in utero ? La gestatrice pourra-t-elle imposer une interruption de grossesse alors que l’enfant est opérable à la naissance ? A tout le moins, ces évènements doivent être clairement exposés aux divers intervenants, les solutions nettement codifiées et un consentement libre et éclairé dûment recueilli avant le début de la grossesse.
Les risques psychologiques
Les effets de la vie in utero ne se limitent pas à des conséquences physiques
Le traumatisme de l’abandon
Pour l’enfant abandonné, la naissance représenterait une coupure radicale par rapport à ce qu’il a connu au cours de sa vie intra-utérine. Ses perceptions post-natales sont différentes de ce qu’il a pu mémoriser dans l’utérus, qu’il s’agisse de la voix de la gestatrice, des divers bruits du corps, des goûts imprégnant le liquide amniotique (Marie-Claire Busnel). « Tout ce qui permet à un nouveau né de se repérer dans les premiers moments de la vie et fonde les bases de la confiance en soi lui est brusquement soustrait » (Myriam Szejer). Pour certains psychanalystes, l’abandon laisserait même une trace qui peut ressurgir à certaines époques de la vie, notamment au moment de l’adolescence, « nouvelle naissance au monde adulte ». Pour peu que les rapports avec ses parents soient mauvais, l’adolescent peut souffrir, ayant le sentiment d’avoir été abandonné et « donné » [23]. Il pourrait alors demander à voir la gestatrice et s’en rapprocher, créant une situation difficile.
D’où l’importance de favoriser les contacts entre la gestatrice et la mère d’intention au cours de la grossesse et de restituer au maximum les repères prénataux après la naissance de l’enfant pour lui donner un sentiment de sécurité.
Les acquis prénataux
Les échanges biologiques entre la mère et son fœtus sont de mieux en mieux connus et on découvre peu à peu la complexité et la richesse des liens entre la mère, l’enfant in utero et son environnement.
L’état de la mère n’est pas sans conséquence pour l’avenir de l’enfant. On sait qu’une dénutrition de la mère provoquant un retard de croissance in utero peut favoriser l’apparition ultérieure de troubles métaboliques et cardiaques chez l’adulte mâle [37]. Des stress répétés de la rate gravide ou l’administration d’adrénaline entraînent une difficulté d’apprentissage et des troubles du comportement chez les ratons [38]. Chez la souris, la sécrétion de sérotonine maternelle serait nécessaire au développement normal du cerveau de l’embryon et en contrôlerait la morphogénèse [39].
D’autre part, on connaît de mieux en mieux la sensorialité fœtale (Marie-Claire Busnel). L’étude des réactions du fœtus et des prématurés a montré que le tact était fonctionnel vers 3-4 mois, l’olfaction vers 6-7 mois, le goût vers 7-8 mois [40]. On sait que les structures anatomiques permettant l’audition du fœtus sont en place entre le quatrième et le cinquième mois de la grossesse et que l’audition du fœtus se développe à partir du sixième mois ou septième mois de la grossesse. Le fœtus peut mémoriser les sons avec une sensibilité différentielle dépendant de l’âge gestationnel, de la fréquence et de l’intensité d’émission, et réagit à la voix de sa mère et à d’autres excitations sonores [41]. Ces phénomènes ont été contrôlés in utero par stimulation acoustique provoquant chez le fœtus des modifications du rythme cardiaque et des mouvements actifs, ainsi que par d’autres méthodes plus sophistiquées [42]. Ils l’ont été également chez les prématurés.
Enfin, aux dires de certains psychiatres, l’indifférence qu’aurait témoigné à son fœtus la mère qui le porte pendant la grossesse pourrait affecter ultérieurement le psychisme de l’enfant (Myriam Szejer).
Il est donc difficile de nier l’importance des acquis prénataux et des liens qui peuvent se tisser entre la mère et son enfant. Cependant, on peut objecter que:
— les réactions à la voix maternelle s’atténuent en quelques jours et qu’une période de développement du cerveau avec un enrichissement synaptique considérable se produit entre la naissance et l’âge de deux ans [43] ;
— que l’environnement joue un rôle très important dans l’établissement de la fonction synaptique [44, 45] ;
— que les enfants adoptés, dans la majorité des cas, sont équilibrés, même si subsiste chez certains d’entre eux une fragilité psychologique. En outre, en cas de GPA, ces enfants ont l’avantage d’être à la fois très attendus et d’être les enfants biologiques de leurs parents d’intention (Bernard Golse).
Des interrogations subsistent sur le long terme. Certaines déclarations spontanées de jeunes ayant été conçus par GPA sur leur « blog » [23] révèlent une souffrance du fait d’avoir été l’objet d’un don qui, pour eux, est vécu comme un abandon de la part de la gestatrice.
Le mauvais accueil des parents d’intention
Nous avons souligné précédemment l’utilité, voire la nécessité, au cours de cette grossesse si particulière qu’est la GPA, d’une prise de distance psychologique de la gestatrice à l’égard de l’enfant porté. En contrepartie, on peut considérer qu’une évolution est nécessaire chez le couple d’intention. Il ne suffit pas qu’il ait désiré l’enfant. Il faudrait encore, selon les psychologues, qu’il y ait chez ce couple une maturation dynamique qui doit les trouver, au moment de la remise de l’enfant, dans la possibilité de jouer d’emblée leur rôle de parents et d’assurer l’environnement affectif et matériel qui va conditionner son avenir. En somme, le passage de statut de couple d’intention à celui de couple d’accueil. On peut imaginer qu’un revirement des parents soit possible.
Or, de nombreuses mères d’intention ont eu à faire face à un passé difficile, susceptible de laisser des traces psychologiques profondes. Elles ont du affronter, les unes des difficultés sexuelles et une intervention chirurgicale en raison de l’absence de vagin, d’autres ont du faire le deuil de leur utérus après une hystérectomie d’hémostase, d’autres ont subi le contrecoup d’un traitement fait à leur mère lorsqu’elle était enceinte, d’autres encore ont été opérées d’un cancer dans leur adolescence. D’où la possibilité d’une réactivation d’un traumatisme psychique défavorable à l’accueil de l’enfant.
On conçoit que, dans l’éventualité où la pratique de la GPA serait autorisée, un examen psychologique attentif des parents d’intention et, éventuellement, une préparation à la « parentalité », revêtiraient une importance primordiale.
En outre, les parents ont, dans l’adoption, un délai de maturation de plusieurs mois après la naissance avant de recevoir l’enfant, ce qu’ils n’auront pas ou auront moins dans le cas de gestation pour autrui.
Tout doit être fait pour éviter un éventuel revirement des parents apparemment possible dans la législation du Royaume-Uni, et préserver l’enfant.
Le divorce, la séparation ou le décès accidentel des parents d’intention
On sait la fréquence avec laquelle, en France, les couples se séparent ou divorcent.
Un enfant sur quatre vit désormais avec un seul de ses parents selon le rapport de la « défenseure » des enfants en 2008. On ne peut donc pas faire l’économie de s’enquérir de ce que deviendra le nouveau né dans une telle éventualité.
La situation, toujours dramatique pour les enfants, l’est encore plus pour ceux nés d’une gestation pour autrui. Ils risquent d’être d’emblée, à peine nés, l’objet de litige, d’être rejetés par les parents d’intention et la gestatrice, et de ne plus être l’enfant de personne. Le législateur devra tenir compte de cette éventualité et la stabilité des couples d’intention devra être dûment appréciée. De même que deviendrait l’enfant si les parents d’intention décédaient accidentellement au cours de la grossesse ?
Les perturbations dans l’enfance et l’adolescence
Chacun s’accorde à considérer que l’enfant doit être informé et la gestatrice nommée et désignée (Myriam Szejer). La discussion tourne autour de l’âge auquel il convient de le faire. Certains auteurs anglo-saxons recommandent de le faire très tôt, dès l’âge de trois ans. La formulation de l’annonce est le plus souvent nuancée :
« Le ventre de maman est cassé. Papa et maman ont donné la petite graine qui a été déposée dans le ventre de ta nounou ».
Lorsque l’enfant est scolarisé, il pourrait être amené à dire que, bien que n’étant pas adopté, sa mère n’est pas sa mère ou qu’il a deux mères, ce qui l’oblige à une délicate explication et peut le mettre mal à l’aise. A l’adolescence, à l’occasion de conflits avec ses parents, il pourrait souhaiter aussi se rapprocher de la gestatrice et présenter les mêmes revendications que certains enfants adoptés.
Les risques pour le couple et la fratrie de la gestatrice
Il est très difficile de se faire une opinion sur ce que pense le mari de la gestatrice sur les contraintes directes (absence de rapports au moment de l’implantation) ou indirectes du fait de l’état de grossesse, hormis les cas où celle-ci constitue une source de revenus bienvenue dans le ménage. Cet aspect du problème a été assez mal étudié. La majorité des maris des gestatrices aideraient leurs femmes. On peut supposer qu’à l’occasion de disputes, de séparation ou d’un divorce, cette grossesse insolite ne refasse surface.
Quant aux autres enfants de la fratrie, il est également difficile de savoir comment ils réagiront et ce qu’ils ressentent. Considèreront-t-ils l’enfant porté par leur mère comme un demi-frère ou une demi-sœur ou comme un intrus ?
Tout dépendra, là encore, de la manière dont sera présentée aux autres enfants de la fratrie cette naissance dans des conditions tellement inhabituelles. On manque d’éléments de comparaison. Ni les enfants nés par les autres procédés de procréation médicalement assistée, ni ceux de familles recomposées ne sont dans la même situation.
Les risques pour le couple d’accueil
Le couple d’intention pourrait être confronté à :
— l’accueil d’un enfant malformé ou souffrant de séquelles psychomotrices, ou d’une quelconque pathologie, hypothèse déjà discutée, sachant que le couple devra assumer, quoi qu’il arrive, ses responsabilités dès lors qu’il a été déclaré parent de l’enfant ;
— un changement d’avis de la gestatrice voulant interrompre sa grossesse ou au contraire se ravisant à la naissance et désirant garder l’enfant ;
— une intrusion dans sa vie privée et une immixtion de la gestatrice dans l’éducation de l’enfant ;
— parfois, un véritable chantage financier.
Enfin, il n’est pas impossible que des couples puissent se trouver en but à l’incompréhension ou la désapprobation de membres de leur famille ou de leurs amis.
Les risques de dérives
La multiplication des parents
En cas de don d’ovocytes, la situation peut se compliquer s’il existe également un don de sperme. L’enfant a alors plusieurs « parents » : le donneur de sperme, la donneuse d’ovocytes, la gestatrice, le père et la mère d’intention.
L’Académie a eu connaissance d’une situation encore plus surprenante. Un homme célibataire a fait porter un embryon par une gestatrice, après une FIV réalisée avec ses spermatozoïdes et un ovocyte obtenu d’une donneuse recrutée sur internet. Ce père a renouvelé l’opération à plusieurs reprises. Les enfants ont donc des gestatrices inconnues et un père, qui ne voulant aucune femme dans son entourage, les fait élever par des gouvernantes !
Une autre situation serait créée par les couples d’hommes homosexuels ayant recours à une gestatrice, solution qui n’est pas rare aux États-Unis mais n’a pas paru souhaitable à la majorité des psychiatres entendus en audition.
La commercialisation
Non seulement la commercialisation se constate dans les pays où les conditions de vie sont difficiles mais elle pourrait se produire dans notre pays où le recrutement des gestatrices, en grande détresse sociale, peut se faire par internet.
La demande de pure convenance sans indication médicale
Certaines femmes développent une véritable phobie de la grossesse. Les unes parce qu’elles sont incapables de devenir psychologiquement mères. D’autres parce qu’elles ne supportent pas l’idée de la transformation de leur corps et craignent le retentissement de la grossesse sur leur image corporelle.
Les aspects financiers
La participation de plusieurs personnes à une même GPA (couple d’intention, gestatrice, éventuel(s) donneur(s) de gamètes) ne peut manquer de soulever la question des coûts et de leur prise en charge, et celle du bénéfice des droits sociaux attachés à la maternité, notamment les indemnités de repos et les droits supplé- mentaires en matière de retraite.
Les frais médicaux directs concernant la grossesse, l’accouchement et les suites de couches devraient relever de l’assurance maladie de la gestatrice, éventuellement complétée par une assurance complémentaire.
Mais la GPA entraîne des frais supplémentaires, directs ou indirects, non pris en charge par les organismes sociaux. Ils sont plus difficiles à évaluer mais surtout ils posent le problème d’une compensation financière. Dans la plupart des pays étrangers acceptant de répondre aux demandes de GPA de non-ressortissants, il est prévu une rétribution de la gestatrice par les couples d’intention.
Ce principe, s’il était accepté en France constituerait une atteinte à la règle de la gratuité prévalant en matière de don d’organe. Aussi le Groupe de travail du Sénat sur la Maternité pour autrui [35] propose-t-il un « dédommagement raisonnable » versé par le couple d’intention à la gestatrice. Il serait fixé par une autorité judiciaire, ce qui ajouterait un poste supplémentaire de dépenses.
DEUX CAS PARTICULIERS
La gestatrice est aussi la mère biologique
C’était le cas avant que n’apparaisse la FIV. La gestatrice était l’objet d’une insémination avec le sperme du mari du couple d’intention. Les conséquences peuvent être alors très différentes.
Contrairement à la gestatrice dont la grossesse a une durée limitée dans le temps, la donneuse de gamètes transmet en partie son hérédité, notion qui dépasse leur personne elle-même et implique sa descendance.
La gestatrice aura plus de difficultés à prendre de la distance vis-à-vis de l’enfant qu’elle porte puisque c’est le sien . Elle est véritablement mère porteuse. Elle peut plus souvent regretter son acte, se sentir coupable d’abandonner son enfant, refuser de le remettre à la naissance ou faire une dépression sévère dans les suites de couches [23].
Si une situation de crise surgit à l’adolescence de l’enfant, celui-ci pourra souhaiter rencontrer sa mère et vivre près d’elle.
Les rapports du père d’intention avec la mère porteuse peuvent être plus ambigus comme peuvent l’être également ceux de son mari avec elle.
Les sentiments des enfants de la mère porteuse peuvent être différents vis-à-vis de l’enfant car il ne s’agit plus d’un enfant qui ne leur est rien, mais bien d’un demi frère ou d’une demie sœur.
Pour toutes ces raisons , la majorité des psychiatres entendus en audition se sont montrés très réticents pour autoriser le don d’ovocytes par la gestatrice. C’est également pour ces raisons que certains couples, contraints de recourir à un don d’ovocytes (ovaires non fonctionnels ou lésés à la suite d’une radiothérapie ou d’une chimiothérapie, ou impossibilité de prélever les ovocytes), préfèrent un don d’ovocytes anonyme. A ce propos, on doit rappeler que la loi grecque précise que toute contestation du droit de filiation est irrecevable, sauf si elle est exercée dans les six mois de la naissance par la mère présumée ou par la gestatrice et s’il est prouvé que l’enfant a été conçu avec un ovocyte de la gestatrice.
Enfin, si la gestatrice est la mère biologique, on devra s’enquérir de ses antécédents familiaux dans l’enquête précédant la mise en œuvre de la gestation pour autrui, à la recherche d’une maladie génétique.
La gestatrice est choisie dans la famille
Il peut s’agir de la mère, d’une sœur ou d’une cousine. Cette solution peut sembler favorable. Elle est tolérée en Belgique, entre autres. Cependant, elle a été récusée par la plupart des psychanalystes que le groupe de travail de l’Académie a entendus par crainte d’un brouillage des repères familiaux, de conflits, de pressions psychologiques, et d’une éventuelle tendance de la gestatrice à interférer dans l’éducation de l’enfant. Cette possibilité devrait être, à tout le moins, discutée au cas par cas.
EN CAS D’OUVERTURE LÉGISLATIVE, NÉCESSITE D’UNE PHASE D’ÉVALUATION OBJECTIVE ET CONTRADICTOIRE
Si la décision de lever la prohibition de la GPA relève totalement de la responsabilité du législateur, son application relèverait du corps médical, engageant directement sa responsabilité. Or la constatation faite précédemment d’une carence majeure en données factuelles sur les risques éventuels mettrait les praticiens concernés dans une situation paradoxale. En effet dans toute circonstance où il est appelé à intervenir le médecin a un double devoir :
— apporter au patient les données les plus complètes possibles d’une part sur les indications, les modalités des actes et les options éventuelles, d’autre part sur les bénéfices attendus et surtout sur les risques encourus. Ceci afin que le consentement du patient, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une personne en bonne santé, ce qui est le cas de la gestatrice, soit donné en toute connaissance de cause ;
— assurer le plus haut niveau de prévention des complications dont nous avons vu qu’elles peuvent en l’occurrence être graves.
Il est clair que pour répondre à cette double obligation, il faudrait mettre en œuvre une démarche d’évaluation rigoureuse. Certes, elle ne peut dans la situation considérée répondre à ce qui se fait en matière d’essai thérapeutique médicamenteux, avec ses phases bien définies et surtout une randomisation avec un groupe témoin. Mais l’impossibilité de recourir à une telle méthodologie ne peut justifier de s’ouvrir à l’inconnu. Il conviendrait de garder l’objectif d’une évaluation. Quelle pourrait être concrètement la nature de cette démarche d’encadrement strict à objectif d’évaluation ?
Il s’agirait d’élaborer un protocole (annexe 1) définissant notamment — les conditions d’inclusion : concernant les indications, les critères requis (physiques, psychologiques, sociaux) et les motivations aussi bien pour le couple d’intention que pour la gestatrice ;
— les modalités de la prise en charge des soins et de l’accompagnement psychologique et l’organisation des structures ;
— les modalités de suivi et de recueil des données ;
— l’exploitation des données par des structures indépendantes des soins ;
— l’interprétation des résultats soumis à une analyse contradictoire.
Cette démarche reste la condition préalable à une éventuelle levée de la prohibition actuelle.
*
* *
L’Académie, saisie dans sa séance du 10 mars 2009, a adopté le texte de ce rapport avec 67 (soixante-sept) voix pour, 3 (trois) contre et 12 (douze) abstentions.
RECOMMANDATIONS
L’Académie nationale de médecine • profondément concernée par la détresse des couples frappés par une infertilité d’origine utérine, d’autant plus ressentie que les autres causes d’infertilité ont progressivement trouvé le secours des techniques d’Assistance médicale à la procréation, • consciente que cette pratique interdite en France est l’objet de la part de couples français d’un recours à l’étranger qui est cause de sérieuses difficultés quant au statut des enfants à leur retour en France, • constate que la GPA :
— soulève, comme les autres modes d’Assistance médicale à la procréation, des problèmes graves et inhabituels ; graves parce qu’ils concernent le domaine personnel le plus sensible, celui de la filiation et aussi le plus intime, celui de la sexualité et de la conception ; inhabituels parce que, intéressant deux générations, on entre dans une dimension inédite, la médecine intergénérationnelle ;
— inaugure une rupture entre d’une part la grossesse et l’accouchement et d’autre part la filiation ; rupture qui remet fondamentalement en cause le statut légal, anthropologique et social de la maternité et de ce fait ne manque pas de susciter de légitimes réserves éthiques ;
— a la particularité, de plus, de concerner une personne en bonne santé, la gestatrice, engagée dans un parcours, la grossesse, qui n’est pas sans risque ;
— met en jeu non seulement les intéressés directs, couple d’intention, gestatrice et enfant conçu, mais aussi d’autres personnes, le partenaire de la gestatrice, et les fratries du couple d’intention et de la gestatrice.
Version no 1
Version no 2
En conséquence, l’Académie nationale de En conséquence, l’Académie nationale de médecine :
médecine • consciente de l’importance du désir • considère qu’elle n’a pas à apporter son d’enfants de certains couples frappés par une aval à la pratique de la GPA qui, au demeuinfertilité d’origine utérine d’autant que les rant, déborde le cadre de la médecine, interautres causes de stérilité ont trouvé une solu- pelle la société et relève exclusivement de la tion grâce au secours des techniques responsabilité du législateur ;
d’AMP ;
• rappelle qu’elle a, en revanche, le devoir • estime qu’au titre de sa mission médicale conformément à ses missions, d’en apprécier elle ne peut être favorable à la GPA ;
les risques, physiques et psychologiques, à court et à long terme, dont la survenue éven• tient à souligner que la démarche de la GPA tuelle ne manquerait pas d’engager la response situe sur un terrain totalement différent. sabilité du corps médical ;
Par la nature des problèmes qu’elle soulève, la GPA interpelle avant tout la Société et relève • constate, de ce point de vue, qu’une telle de la décision du législateur ;
évaluation est aujourd’hui encore trop limitée du fait de l’insuffisance des données dis• considère que, tout à fait consciente de sa ponibles au plan international malgré une responsabilité médicale, il lui appartient pratique de plusieurs décennies dans certains d’apporter tous les éléments concernant les pays ;
complications que pourrait entraîner une éventuelle reconnaissance législative, compli- • recommande que, dans le cas où le législacations et situations complexes contre les- teur serait conduit à autoriser la GPA, fut-ce quelles elle met en garde.
dans des conditions très restrictives, celle-ci soit assortie d’une démarche d’évaluation des risques, rigoureuse, objective, contradictoire, strictement encadrée ;
• estime que toute mesure devrait alors être prise pour proscrire tout risque de commercialisation du corps des femmes.
Le texte de la version no 1 a été adopté avec 43 voix pour
Le texte de la version no 2 a recueilli 31 voix pour
Il y a eu pour l’ensemble des deux recommandations : 5 non et 4 abstentions
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[3] http://www.surrogacy.com/ [4] 1ère civ., 13 déc. 1989, no pourvoi 88-15655.
[5] Ass. Plén. 31 mai 1991, D. 1991, 417, rapp. Y. Chartier.
[6] 1ère civ, 9 déc. 2003, no pourvoi 01 03927.
[7] 1ère ch., Gaz. Pal. 27-29 janv. 2008, p. 21, note G. de Geouffre de La Pradelle.
[8] Arrêt no 1285, pourvoi no T 07-20.468.
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[35] ANDRÉ M., MILON A., DE RICHEMONT H. — Les rapports du Sénat. Contribution à la réflexion sur la maternité pour autrui. 2007-2008, 421 , p. 77-78.
[36] SALLE B., SUREAU C. — Le prématuré de moins de 28 semaines, sa réanimation et son avenir. Bull. Acad. Natle. Med, 2006, 190 , 1261-1274.
[37] GLUCKMAN P/D., HANSON M.A., COOPER C., THORNBURG K.L. — Effect of in utero and early-life conditions on adult health and disease. N. Engl. J. Med ., 2008, 359 , 61-73.
[38] LIEBERMAN N.W. — Early developmental stress and labor behaviour.
Science , 1963, 141 , 824-825.
[39] CÔTÉ F., FLIGNY C., BAYARD E. et coll . — Maternal serotonin is crucial for murine embryonic development.
Proceeding of National Academy of Science , 2007, 104 ,329-334.
[40] LECANUET J.P., GRANIER-DEFERRE C., BUSNEL M.C. — Sensorialité fœtale. Ontogénèse des systèmes sensoriels, conséquences de leur fonctionnement fœtal. In Médecine Périnatale , Flammarion édit., Paris, p. 201-225.
[41] CHELLI D., CHANOUFI B. — Audition fœtale. Mythe ou réalité ?
J. Gynecol. Obstet. Biol.
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[42] QUERLEU D., RENARD X., CRÉPIN G. — Perception auditive et réactivité fœtale aux stimulations sonores. J. Gynecol. Obstet. Biol. Reprod ., 1981, 10 , 307-310.
[43] KLINGER C. — Synapses à géométrie variable. —
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[44] WIESEL T.N., HUBEL D.H. — a) Effect of visual deprivation mophology and physiology of cells in the cat’s lateral geniculate body. b) Single-responses in striate cortex of kittens deprived of vision in one eye . J. Neurophysio ., 1963, 26 , 978-993/1003-1017.
[45] LEDOUX J. — Neurobiologie de la personnalité. Odile Jacob édit., Paris, p. 103-107.
ANNEXE I
Propositions complémentaires
Roger HENRION et Pierre JOUANNET Éléments à considérer en cas d’autorisation de la Gestation Pour Autrui Indication de la gestation pour autrui
Elle doit être appréciée par un gynécologue obstétricien expérimenté. Certaines indications sont indiscutables : absence d’utérus ou destruction fonctionnelle d’une grande partie de celui-ci, d’autres le sont moins et demandent à être précisées.
Critères requis pour être gestatrice
Au plan physique :
Elle doit être jeune. L’âge requis est variable selon les pays. A tout le moins, il ne pas doit être inférieur à 21 ans, ni supérieur à 43 ans.
Elle doit être en bonne santé et ne présenter aucune pathologie chronique tels que diabète ou hypertension artérielle.
Elle ne doit pas avoir un mode de vie déréglé (consommation de substances psychoactives, addictions diverses).
Elle ne doit avoir aucun antécédent gynécologique pouvant interférer avec le déroulement de la grossesse.
Elle doit avoir eu au moins un enfant avec grossesse, accouchement et suites de couches normaux.
Elle ne doit pas être plus d’une fois gestatrice, sauf éventuellement pour la même famille.
L’avis d’un conseil génétique doit être envisagé en cas de maladie de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser
Au plan social :
Elle ne devrait pas être dans un état de totale dépendance financière.
Dans la mesure du possible, elle devrait avoir des affinités avec les parents d’intention. Un certain appariement est souhaitable (mode de vie, religion).
Au plan psychologique :
Elle doit être indemne de toute pathologie psychiatrique.
Ses motivations devraient être précisées : purement altruiste, avec une arrière pensée de réparation quelconque ou de dette vis-à-vis de la société, désir d’être enceinte, considération financière. Chacune de ses motivations doit être approfondie.
Sa capacité de donner l’enfant à la naissance doit être soigneusement appréciée.
Sa capacité à respecter un certain nombre de contraintes devrait également être appréciée : ne pas boire d’alcool pendant la grossesse, ne pas fumer, ne pas avoir de rapports sexuels avec son mari pendant huit semaines précédant l’implantation de l’embryon.
Elle ne devrait pas avoir d’antécédents de maltraitance ou d’abus sexuels pendant son enfance.
Elle doit être parfaitement informée des conséquences et des risques de sa décision et donner son consentement éclairé. De même, l’opinion du mari devrait être recueillie et son consentement clairement exprimé.
Critères requis pour le couple d’intention
La stabilité du couple doit être appréciée au regard du projet parental.
Aucun des deux membres du couple ne doit souffrir de troubles psychiatriques.
Le couple doit être en âge d’assurer l’éducation et l’avenir de l’enfant.
Le désir de devenir parent doit être réel. Désirer un enfant ne veut pas dire devenir le parent de cet enfant. Cela suppose une dynamique qui doit s’enclencher.
Le passé médical difficile de la mère d’intention, susceptible de laisser des traces psychologiques profondes, devrait être exploré.
Mise au point sur certaines décisions éventuelles particulièrement délicates
L’entente entre la gestatrice et les parents d’intention doit être parfaitement claire et congruente quant à des décisions particulièrement délicates pouvant se poser au cours de la grossesse ou à l’accouchement, et doit être formalisée :
Conduite devant une grossesse multiple (réduction embryonnaire ?) Conduite devant la découverte d’une malformation (interruption de grossesse, poursuite de la grossesse ?) Conduite en cas de réanimation nécessaire (grands prématurés, mort apparente).
Allaitement, date et modalités de la remise de l’enfant, droit de visite de la mère porteuse.
Entente sur le suivi de la grossesse, le lieu et le mode d’accouchement.
Un test ADN doit être fait sur l’enfant à la naissance.
Rémunération
La couverture de tous les frais médicaux ou autres directement liés à la grossesse doit être envisagée avant la grossesse. Certains devraient logiquement être à la charge de l’état, d’autres non (frais de justice, rétribution d’un avocat par exemple).
Un dédommagement raisonnable de la gestatrice par le couple d’intention est souhaitable.
Établissement d’un protocole médical
Il serait souhaitable de limiter le nombre d’embryons transférés afin d’éviter les grossesses multiples et, si possible, de ne transférer qu’un seul embryon.
Les mêmes précautions de sécurité sanitaire que pour un don de sperme et d’ovocyte devraient être utilisées pour maîtriser le risque de contamination virale de la femme enceinte.
Un bilan préconceptionnel rigoureux est indiqué ainsi qu’une surveillance particulièrement attentive de la grossesse.
Un accompagnement spécifique, notamment dans la période sensible du post-partum, serait indispensable.
Une répartition des coûts financiers devrait être envisagée, la collectivité publique n’ayant pas à prendre en charge l’intégralité des frais entraînés par cette grossesse si particulière.
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 3, 583-618, séance du 10 mars 2009