Communication scientifique
Séance du 9 mars 2010

Épidémiologie des parasitoses, hyperéosinophilies sanguines et IgE d’origines parasitaires en milieux tempérés et tropicaux

MOTS-CLÉS : climat tropical. eosinophilie. gabon. immunoglobulines. parasitoses intestinales. parasitoses pulmonaires
Epidemiology of parasitic deseases, hypereosinophilia, IgE from tropical and european parasitological origins
KEY-WORDS : eosinophilia. gabonesse repubic. immunoglobulines. intestinal diseases, parasitic. lung diseases, parasitic. tropical climate

Dominique Richard-Lenoble, Maryvonne Kombila, Dominique Gendrel

Résumé

La démarche diagnostique d’une hyperéosinophilie sanguine, souvent accompagnée d’une élévation du taux des IgE, est fonction de l’origine géographique ou des voyages du patient. En France les helminthiases pratiquement les seules parasitoses à éosinophiles, sont pour certaines fréquentes mais peu graves comme l’oxyurose de l’enfant mais parfois plus graves et heureusement plus rares dans le cas des distomatoses, de la trichinellose, de taeniases, de l’échinococcose ou de syndromes de larva migrans viscérale. Chez l’autochtone ou voyageurs de retour d’un environnement tropical à l’hygiène insuffisante, les éosinophilies sont le fruit d’un polyparasitisme intense précoce et leur valeur diagnostique est faible. au Gabon en milieu africain équatorial chaud et humide, un enfant d’école rurale héberge en moyenne plus de trois parasites différents susceptibles d’entraîner une hyperéosinophilie ou une augmentation des IgE sériques. Leur éosinophilie croît dès le plus jeune âge, dès le sevrage et les contacts avec le sol, et rapidement jusqu’à l’âge adulte, avec un moyen tout âge confondu atteignant 1 580 éosinophiles par mm3 et un taux moyen des IgE de 3300 kU/l. Le diagnostic direct des parasitoses chroniques est possible et des traitements spécifiques des affections reconnues sont prescrits. Par contre au cours d’une consultation de parasitologie européenne fréquentée par des migrants ou des voyageurs s’étant rendus en milieu tropical, le diagnostic évoqué par une hyperéosinophilie est difficile et la démarche diagnostique, rarement appuyée sur la découverte d’une forme parasitaire, est fondée sur des arguments épidémiologiques, cliniques, et sérologiques. Sur ces arguments des traitements souvent probabilistes seront prescrits associant albendazole, ivermectine et praziquentel.

Summary

Etiologic investigations of hypereosinophilia, often accompanied by IgE elevation, depends on the patient’s geographic origin and travel history. In France, helminth diseases are the only parasitoses associated with hypereosinophilia. Some, such as oxyurosis in children, are frequent but generally mild. More severe but less frequent infections include distomatoses, trichinellosis, taeniasis, echinococcosis and visceral larva migrans. Among subjects originating from or having travelled to tropical areas with poor hygiene, eosinophilia may be due to early intense polyparasitism and has little etiologic value. In Gabon, a warm, humid country in equatorial Africa, schoolchildren harbor an average of three different parasites capable of inducing hypereosinophilia or serum IgE elevation. These children’s eosinophil counts start to rise at very young age, after weaning and contact with soil, and continue to increase rapidly until adulthood. Average values across all age groups are 1580 eosinophils/mm3 and 3300 kU IgE/L. Direct diagnosis of chronic parasitic infections is often possible in this setting, and specific treatments can be prescribed. In contrast, hypereosinophilia has less etiologic significance in patients originating from or having travelled to the tropics and who present to European parasitology units. Direct examination is rarely positive, and the etiologic diagnosis will thus be guided by epidemiologic, clinical and serologic findings. These findings are sometimes sufficient to initiate probabilistic treatment with albendazole, ivermectin and praziquentel.

DISCUSSION

M. André-Laurent PARODI

Connaît-on la prévalence réelle des larves migroms à toxocara opp. dans les populations vivant en zones tempérées ?

Une analyse sur la contamination des « bacs à sable » avait montré une forte prévalence de Toxocara canis et T. cati (> 10 %). Dans la population des enfants éosinophiliques, les tests sérologiques sont souvent positifs, mais les réactions croisées avec d’autres verminoses sont fréquentes.

M. Jean-Yves LE GALL

Pourquoi les africains, testés en Afrique, ont-ils des taux d’immunoglobuline beaucoup plus élevé que ceux des européens ? Est-ce en raison de facteurs génétiques ou uniquement pour des causes environnementales ?

Il semble que les multiples et durables stimulations antigéniques bactériennes, parasitaires et virales, et le paludisme en particulier, soient en relation avec l’augmentation au moins des IgG totales.

M. Christian NEZELOF

Sait-on pourquoi certaines parasitoses s’accompagnent toujours d’une éosinophilie et d’autres (celles associées à des protozoaires) n’entraînent jamais d’hyperéosinophilie ?

Les parasitoses ayant des cycles larvaires tissulaires (comme c’est le cas des verminoses) sont plus particulièrement éosinophilogènes.

M. Yves CHAPUIS

Vous avez évoqué la situation en Seine et Marne en matière de parasitose d’origine tropicale.

Avez-vous recherché des contaminations locales, en particulier l’échinococcose alvéolaire liée à la propagation inquiétante de cette parasitose par le renard et les animaux domestiques contaminés ?

L’échinococcose alvéolaire est un problème rare mais grave en France. Effectivement, c’est un diagnostic d’exception à rechercher face à une hyperéosinophilie chez un sujet n’ayant pas quitté la France.

M. André VACHERON

Avez-vous observé des cas d’endocardite fibroplastique chez vos filarioses hyperéosinophiliques durant votre long séjour à Libreville au Gabon ?

En douze ans de pratique médicale au Gabon, en relation avec le Pr Pierre Kombila, éminent cardiologue, nous n’avons pas reconnu de relations directes entre la filariose à Loa loa et la prévalence des endocardites fibroplastiques. Epidémiologiquement, on peut avancer l’hypothèse d’une relation probable entre l’hyperéosinophilie au long cours (type celle de la loaose), l’implication des éosinophiles et les endocardites fibroplastiques.

M. PETITHORY

Qu’en est-il des parasitoses contractées en France ?

Globalement, parmi les vers intestinaux, seule l’oxyurose est fortement représentée chez l’enfant. L’anguillulose et l’ankylostomose (maladies professionnelles !) ont disparu, l’ascaris de même. La trichocéphalose apathogène dans nos régions, est de moins en moins diagnostiquée, de même que les tæniases. Chez le patient n’ayant jamais quitté la

France, il faut garder en tête trois diagnostics : la distomatose, la trichinellose (petites épidémies familiales) entraînant de fortes éosinophilies, et la rare échinococcose alvéolaire, exception des départements de l’Est. Chez l’enfant, on peut ajouter les syndromes de Larva migrans viscérales.

 

<p>* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine Parasitologie-Médecine tropicale — CHR Tours, e-mail : drl@med.univ-tours.fr ** Parasitologie-Médecine tropicale e l’USS Libreville (Gabon) *** Pédiatrie, Hôpital des Enfants-Malades Necker — Paris Tirés à part : Professeur Dominique Richard-Lenoble, même adresse</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 561-564, séance du 9 mars 2010