Communication scientifique
Séance du 9 mars 2010

À la redécouverte des syndromes hyperéosinophiliques

MOTS-CLÉS : imatinib. mepolizumab. syndrome hyperéosinophilique
New insights into hypereosinophilic syndromes
KEY-WORDS : hypereosinophilic syndrome. imatinib. mepolizumab

Olivier Blétry, Jean-Emmanuel Kahn, Félix Ackermann, Pierre Charles, Fanny Legrand **

Résumé

Le syndrome hyperéosinophilique (SHE) est un syndrome rare se caractérisant par la présence d’une hyperéosinophilie (HE) persistante, inexpliquée, responsable d’un infiltrat tissulaire. Le caractère d’« entité pathologique » attribué au SHE est maintenant légitimement contesté, en raison d’une expression clinico-biologique très hétérogène. Celle-ci témoigne de dérèglements qui affectent soit directement la lignée éosinophile (souvent lié à un gène de fusion FIP1L1-PDGFRA et correspondant alors à une leucémie chronique à éosinophiles), soit la lignée lymphoïde, où l’éosinophilie est secondaire à une expansion de lymphocytes T produisant des quantités importantes d’interleukine-5, cytokine impliquée dans l’éosinophilopoïèse. Ces découvertes récentes ont légitimé l’utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase comme l’imatinib, qui, en inhibant PDGFRA, ont bouleversé le pronostic de ces leucémies chroniques à éosinophiles, mais aussi l’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-IL-5, traitement prometteur des SHE cortico-dépendants.

Summary

Hypereosinophilic syndrome (HES) is characterized by chronic unexplained eosinophilia with organ involvement. The concept of HES as a single disease entity is being challenged by the recent identification of multiple underlying molecular mechanisms. HES can directly affect the eosinophil lineage (often linked to a fusion gene FIP1L1-PDGFRA, and corresponding in this case to chronic eosinophilic leukemia), or the lymphoid lineage, where eosinophilia is secondary to expansion of a T cell subset overproducing interleukin-5, a cytokine involved in eosinophilopoiesis. These recent discoveries have legitimized the use of tyrosine kinase inhibitors such as imatinib, which, by inhibiting PDGFRA, have transformed the prognosis of chronic eosinophilic leukemia, and also the use of monoclonal anti-IL-5 antibodies, which are promising treatment for steroid-dependent HES.

INTRODUCTION

Le terme de syndrome hyperéosinophilique (SHE) est employé depuis plus de trente ans pour décrire une grande variété de manifestations clinico-biologiques qui ont en commun l’existence d’une hyperéosinophilie (HE) sanguine inexpliquée, associé à des lésions tissulaires induites par les polynucléaires éosinophiles (PNE). Des avancées récentes ont permis d’individualiser au sein de cette entité hétérogène des sous-groupes de patients chez lesquels une explication moléculaire à l’origine de l’HE a pu être mise en évidence. Les plus marquantes au cours des quinze dernières années sont l’identification d’un gène de fusion FIP1L1-PDGFRA dans certaines formes de SHE myéloprolifératif (SHE-M) [1], et la présence d’anomalies lymphocytaires Th2 responsables d’une hypersécrétion d’ IL(interleukine)-5 [2], principale cytokine de l’éosinophilopoïèse. Ces constatations ont permis de développer des thérapeutiques ciblées qui constituent un progrès majeur pour une maladie dont le pronostic était jugé sévère dans les séries historiques. Nous détaillerons dans cette mise au point ces données récentes concernant les SHE, tant au plan physiopathologique (tyrosines kinases impliquées dans les SHE-M, mécanismes supposés du dysfonctionnement Th2 dans les SHE lymphoïdes) qu’au plan thérapeutique (imatinib et nouveaux anti-tyrosine kinases [ITK], anticorps monoclonaux anti-IL-5), ainsi que leurs conséquences pour la classification des SHE.

PRINCIPALES MANIFESTATIONS CLINIQUES DES SHE

L’affirmation de l’infiltration tissulaire par des PNE et donc du retentissement viscéral d’une HE est capitale car elle peut influer sur la décision thérapeutique. La plupart des atteintes viscérales sont la conséquence directe des PNE et du relargage des protéines cationiques. Il est important de rappeler que la sévérité des manifestations n’est pas proportionnelle à l’importance de l’HE.

La nette prévalence masculine (4/1 à 9/1) décrite dans les séries historiques du SHE est probablement l’apanage des formes myéloprolifératives. En effet, des données récentes retrouvent un sex/ratio proche de 1/1 dans une étude rétrospective multicentrique internationale sur 188 patients SHE [3].

Les organes les plus fréquemment atteints sont la peau, les poumons, le tube digestif, le système nerveux et le cœur.

Les manifestations cardiaques évoluent en plusieurs phases : myocardite (souvent silencieuse), puis développement de thrombi endocardiques, dont le risque principal est lié à leur caractère emboligène. Le dernier stade, le plus grave et souvent irréversible, est le développement d’une fibrose sur le tapis de thrombose, aboutissant à une cardiopathie restrictive appelée fibrose endomyocardique. L’ECG peut montrer des troubles de la repolarisation, mais les examens de référence pour le dépistage sont l’échocardiographie et l’IRM cardiaque, probablement plus sensible.

Cette cardiopathie reste la manifestation la plus redoutable, mais sa fréquence réelle, auparavant estimée à 50 à 70 % selon qu’il s’agissait de séries cliniques ou autopsiques, semble en fait plus proche de 20 % dans la plus grande cohorte publiée à ce jour [3].

Les manifestations neurologiques centrales sont très polymorphes, pouvant se manifester par des céphalées inhabituelles par leur intensité et leur persistance, des troubles mnésiques ou de l’humeur qui sont parfois négligés par le patient et le praticien. Plus rarement surviennent un syndrome confusionnel, une démence, ou un accident vasculaire cérébral (lié à une embolie cardiaque, des phénomènes thrombotiques des vaisseaux cérébraux ou par vascularite cérébrale). Les neuropathies périphériques sont plus rares.

Les manifestations digestives sont fonction de la localisation des PNE dans la paroi digestive : une atteinte profonde (séreuse) pourra se résumer à des douleurs abdominales discrètes et surtout à une ascite, tandis qu’une atteinte muqueuse superficielle se traduira plus volontiers pas des diarrhées et des douleurs. Une hépatomé- galie ou une splénomégalie orientent vers une origine myéloïde.

Les manifestations broncho-pulmonaires sont non spécifiques : toux, asthme, infiltrats radiologiques alvéolo-interstitiels.

Les manifestations dermatologiques sont polymorphes, mais souvent utiles pour orienter vers une HE myéloproliférative ou lymphoïde. Les angio-œdèmes sont classiquement associés aux SHE-L ou aux formes idiopathiques, tandis que les ulcérations muqueuses buccales et/ou génitales semblent plus fréquentes dans les SHE-M. Toutes sortes d’autres lésions dermatologiques ont été associés aux SHE:

prurit, éruptions maculo-papuleuses, urticaire, nodules, hémorragies sousunguéales en flammèches, syndrome de Raynaud.

D’autres manifestations sont exceptionnelles : cystites, cholangites, accidents thrombotiques [4], syndrome de Budd-Chiarri, liés aux propriétés prothrombogènes des PNE.

SHE-M ET LEUCÉMIES CHRONIQUES A EOSINOPHILES

La présence d’une hyperéosinophilie (avec ou sans retentissement viscéral) était, depuis de nombreuses années, connue dans un certain nombre de syndromes myéloprolifératifs (SMP), dont la leucémie myéloïde chronique (LMC) liée au gène de fusion BCR-ABL. D’autres anomalies caryotypiques responsables de SMP avec

HE ont été décrites, comme les translocations impliquant les gènes codant pour le récepteur du PDGF (platelet derived growth factor), le récepteur du FGF (fibro- blast growth factor), ainsi que des mutations de JAK2 et KIT, mais leurs fréquences respectives restaient exceptionnelles [5].

En 2003, un gène de fusion FIP1L1-PDGFRA (F/P), résultant en fait d’une délétion interstitielle de 800kb sur le chromosome 4 a été identifié chez 56 % des patients atteints de SHE dans une cohorte hématologique de seize patients [1]. Cette anomalie cytogénétique clonale a permis, selon les critères de l’OMS, le classement de cette forme particulière de SHE myéloprolifératif (SHE-M) en leucémie chronique à éosinophiles F/P+ (LCE F/P+).

La prévalence réelle de ce gène de fusion F/P semble proche de 10 à 15 % dans les plus grandes séries [3, 6-8]. Les patients présentant une LCE F/P+ partagent plusieurs caractéristiques communes : la prédominance masculine, initialement décrite dans les SHE avec un ratio 9/1 [9] est probablement le fait des SHE-M, et plus particulièrement des SHE F/P+ : moins de dix femmes F/P+ ont été rapportés dans la littérature. Il s’agit donc le plus souvent d’hommes d’âge moyen, mais il faut signaler la possibilité de cas pédiatriques. L’ensemble des organes habituellement atteints dans les SHE (peau, poumons, tube digestif, peau) peuvent être touchés, mais l’atteinte cardiaque et les ulcérations muqueuses semblent plus fréquentes dans ce sous groupe, et l’atteinte digestive plus rare [8, 10]. L’éosinophilie est variable, parfois modérée (< 2×109/l), mais souvent plus élevée que dans les autres formes de SHE. L’élévation de la tryptase [10] et de la vitamine B12 sont quasi constantes. Les autres éléments évocateurs sont une myélofibrose, une myélémie, une thrombopénie modérée et des IgE totales normales.

Si la fonction du gène FIP1L1 n’est pas connue, le gène PDGFRA code pour le récepteur du PDGFR, dont la fonction tyrosine kinase, constitutivement activée par cette délétion, aboutit au processus leucémogène par l’activation de voies de prolifération et de différenciation cellulaire [5]. Le rôle pathogène de cette protéine de fusion F/P est étayé par de nombreux arguments : la réversibilité de la maladie avec un inhibiteur spécifique de PDGFRA, l’imatinib mesylate (IM) [1] ; la réapparition de l’HE lors d’une mutation secondaire de F/P bloquant la fixation de l’IM ;

l’induction de la prolifération et la différenciation en PNE de cellules souches hématopoïétiques humaines transfectées avec F/P [11].

La sensibilité à l’IM a été rapportée chez un certain nombre de patients SHE chez lesquels le transcrit F/P n’était pas détecté, suggérant l’implication d’autres TK ou d’un partenaire de fusion autre que FIP1L1, non détecté par les techniques de nested-PCR ou de fluorescence in situ hybridization (FISH). Des publications récentes apportent un début d’explication, par la découverte de nouveaux gènes de fusion KIF5B-PDGFRA, CDK5RAP2-PDGFRA, ETV6-PDGFRA et STRNPDGFRA. Dans tous ces cas, il existe une anomalie cytogénétique détectable sur le caryotype conventionnel. Ces données confirment la nécessité d’un caryotype systématique devant toute HE sans diagnostic, et justifie la prescription d’IM en cas de corticorésistance et d’arguments indirects en faveur d’une origine myéloproliférative.

 

Enfin, la protéine de fusion F/P a été identifiée dans d’autres hémopathies associées à une HE : lymphomes T non hodgkiniens, leucémies aigues myéloblastiques [12], papulomatose lymphomatoïde [13], avec des conséquences thérapeutiques notables puisque l’IM a permis dans certains cas des remissions complètes durables en l’absence de toute chimiothérapie associée [12].

SHE LYMPHOÏDES

Le variant « lymphoïde » du SHE résulte d’une dérégulation de l’homéostasie lymphocytaire avec une sécrétion accrue de facteurs de croissance des éosinophiles (IL-5 principalement) par des lymphocytes Th2. Différentes études ont permis la mise en évidence, par cytométrie de flux, de phénotypes T « aberrants » [14, 15]. Il s’agit principalement de lymphocytes T CD3-CD4+, pouvant représenter jusqu’à 90 % des lymphocytes circulants. D’autres phénotypes aberrants ont été décrit de manière plus anecdotique : cellules T CD3+CD4-CD8-, CD4+CD7-. Ces lymphocytes expriment souvent des marqueurs de cellules T activées (HLA-DR+ et/ou CD25+) ou de cellules T mémoires (CD45RO+).

L’origine des dérèglements affectant les lymphocytes n’est pas connue : processus oncogène, viral, anomalie de la lymphopoïèse précoce, implication des cellules dendritiques ? Des données récentes ont montré, dans des cellules CD3-CD4+, un défaut d’expression de CD3gamma associé à des modifications d’expression des facteurs de transcription de la famille NFAT [16], susceptibles d’expliquer le défaut d’expression membranaire du CD3. En dehors des complications liées aux PNE, le pronostic semble lié au développement d’un authentique lymphome, rapporté chez plus de dix patients [17]. Cet évènement pourrait être favorisé par la survenue d’anomalies chromosomiques clonales (délétion en 6q, délétion en 10p…) [18].

Ces patients ont plus souvent une atteinte cutanée (dont l’angiœdème), et l’atteinte cardiaque est rare (tableau 3). L’élévation polyclonale des gammaglobulines, des IgE totales (dont la production est favorisée par l’IL-4) sont des marqueurs biologiques évocateurs de SHE-L, mais peu spécifiques. La thymus activated and regulated chemokine (TARC/CCL17), ligand du récepteur CCR4 impliqué dans l’amplification de la réponse Th2, pourrait constituer un marqueur biologique de ces SHE lymphoïdes : les taux sériques de TARC étaient 100 fois plus élevés dans un groupe de 17 patients présentant un SHE-L que dans différentes populations contrôles (parasitoses, atopie, SHE non lymphoïdes) [19].

En dehors des situations typiques (clonalité T et phénotype T CD3-CD4+) où l’origine lymphoïde de l’HE apparaît certaine, la détection d’une clonalité T isolée (sans anomalie du phénotype T) ou d’une anomalie phénotypique plus rare sans clonalité T peuvent poser un problème d’interprétation. En effet, la recherche d’une clonalité T est une technique extrêmement sensible, peu spécifique (détection possible de clones T circulants lors d’authentiques LCE F/P+ [20], et dont la positivité devra absolument être confirmée dans le temps. À l’inverse, la détection d’une

Tableau 1. — Principales caractéristiques des SHE lymphoïdes et myéloprolifératifs clonalité T circulante n’est pas systématique dans d’authentiques SHE-L [15]. Le dosage sérique de cytokines Th2 (IL-5, IL-4) n’apparait pas non plus discriminant entre les SHE-L et les SHE-M [8, 20], notamment en raison de la possible synthèse de ces cytokines par les PNE eux-mêmes. L’approche la plus séduisante, mais difficile à réaliser en pratique quotidienne, serait le dosage d’Il-5 ex vivo dans des surnageants de culture de lymphocytes circulants [15].

La fréquence des SHE-L est variable de 8 à 56 % [8, 15, 21] selon les critères retenus (clonalité T, et/ou phénotype aberrant et/ou production excessive d’IL-5 dans des surnageants de culture de lymphocytes T), la spécialité (possible surreprésentation des SHE-L dans des recrutements dermatologiques du fait de lymphomes T cutanés épidermotropes indolents et non diagnostiqués initialement [15]). La réponse aux corticoïdes est habituelle, avec malheureusement un degré variable de corticodépendance.

CLASSIFICATION PHYSIOPATHOLOGIQUE DES SHE

Le terme « syndrome hyperéosinophilique » a été introduit par Hardy et Anderson en 1968, et, des critères diagnostiques ont été établis par Chusid [22] en 1975.

Ces critères, à la lumière des nouveaux mécanismes moléculaires responsables d’HE (clones lymphocytaires sécrétant de l’IL-5, anomalies clonales de la lignée myéloïde), sont apparus insuffisants, notamment dans la prise en compte de l’hétérogénéité clinique et biologique des SHE.

La classification proposée par des experts internationaux en 2005 [23] regroupe dans un même ensemble toutes les pathologies à éosinophiles inexpliquées (figure 1) :

Fig. 1. — Classification des SHE, adapté d’après Klion AD [23] — les exceptionnelles HE familiales [24], — les pathologies frontières, de mécanisme inconnu, associées à une HE sanguine et/ou tissulaire, qui pouvaient remplir les critères de Chusid mais dont l’expression clinique étaient restreinte à un organe ont été incluses dans ce cadre des pathologies à éosinophiles (pneumonie à éosinophiles, gastro-entérite à PNE à éosinophiles, œsophagite à éosinophiles…).

— les SHE, en introduisant les notions de variants lymphoïdes et myéloïdes, et en identifiant les différents type de SHE-M : — leucémie chronique à éosinophiles F/P+, terme maintenant admis pour désigner les SHE FIP1L1-PDGFRA+ ;

— leucémie chronique à éosinophiles F/P- mais comportant des blastes circulants et/ou une autre anomalie cytogénétique (par exemple ETV6-PDGFRB) ;

— SMP avec HE (SMP-Eo), non classable, sans anomalie moléculaire ou cytogénétique détectable, défini par des « anciens » critères évocateurs de SMP :

hépatosplénomégalie, élévation de la vitamine B12 et/ou de la tryptase, présence d’une cytopénie, d’une myélofibrose et d’une corticorésistance.

INNOVATIONS THÉRAPEUTIQUES ET PRINCIPES DE TRAITEMENT

La meilleure compréhension des mécanismes moléculaires à l’origine des SHE a considérablement modifié la prise en charge de cette pathologie, permettant le développement de thérapies ciblées, principalement les inhibiteurs de tyrosines kinases et le mepolizumab (anticorps monoclonal anti IL-5)

Imatinib mesylate (IM)

L’intérêt de l’IM (premier ITK, actif sur ABL, PDGFRA, et KIT) a été mis en évidence avant même la découverte de l’existence du gène de fusion F/P [25], puis confirmé dans plusieurs études chez les patients atteints de LCE F/P+ [1, 7, 26, 27].

Dans ces LCE F/P+, de faibles doses d’IM (100mg/j) permettent habituellement une rémission hématologique rapide en moins de quinze jours. Cette posologie, près du quart de celle utilisée dans la LMC, s’explique par une concentration inhibitrice de l’IM sur F/P très inférieure à celle sur BCR-ABL. Une augmentation jusqu’à 400mg /j est rarement nécessaire. Moins de dix cas de résistance à l’IM ont été rapportés [5]. Dans la plupart des cas, il s’agit de l’apparition d’une mutation T674I sur le domaine de fixation de l’ATP (et de l’imatinib), empêchant la fixation de l’imatinib. La question de la durée du traitement n’est pas encore résolue. Une étude préliminaire, évaluant de manière prospective l’arrêt de l’imatinib chez cinq patients F/P+ en rémission moléculaire s’est conclu par une rechute moléculaire dans tous les cas, motivant la reprise du traitement. La possibilité de myocardite aigue, à l’induction d’un traitement par imatinib, a été signalée, probablement par dégranulation des PNE [28], incitant à une surveillance hospitalière lorsque ce traitement est introduit à un patient ayant un retentissement cardiaque connu du SHE. La réversibilité des lésions viscérales (fibrose endomyocardique [29], myélofibrose [30]) semble possible sous imatinib, mais inconstante.

Autres ITK

De nouveaux ITK (dasatinib, sorafenib, PKC 412, nilotinib, EXEL 0862) ont été développé pour la LMC, et la plupart d’entre eux se sont avérés des inhibiteurs potentiels des récepteurs du PDGFRA. Surtout, ils ont démontré in vitro (lignée cellulaire EOL-1 dérivée d’un patient atteint de LCE F/P [31]) ou in vivo (modèles murins de SMP F/P+ [32]) leur capacité à inhiber la prolifération cellulaire en présence du transcrit F/P sauvage mais aussi porteur de la mutation T674I. Ces ITK pourraient s’avérer des thérapeutiques de deuxième ligne dans les SHE-M ne répondant pas à l’imatinib, soit en raison d’une mutation identifiée (T674I) de F/P, soit dans l’hypothèse de l’implication d’une autre tyrosine kinase insensible à l’imatinib.

Anticorps anti-IL-5

L’IL-5 apparaît comme une cible thérapeutique privilégiée des SHE : son action est exclusivement ciblée sur le PNE (seule cellule à exprimer la sous-unité á du récepteur à l’IL-5). Elle exerce son action dès les stades les plus précoces de la différenciation jusqu’à la survie du PNE. De plus, sa surexpression a été clairement mise en évidence dans les variants lymphoïdes de SHE. Deux anticorps anti-IL-5 ont été développés à ce jour (mepolizumab et reslizumab), les données de la littérature étant plus nombreuses pour le premier. Son intérêt a été confirmée par une étude multicentrique prospective randomisée, testant le mepolizumab (750mg/mois intraveineux) contre placebo, chez 85 patients atteints de SHE F/P- corticodépendant [33].

L’objectif était d’évaluer l’épargne cortisonique induite par le mepolizumab chez des patients recevant entre 20 et 50 mg/j de prednisone. Dans le groupe mepolizumab, 84 % des patients (versus 43 % dans le groupe placebo, p<0,001) ont pu diminuer la dose quotidienne de prednisone en dessous de 10mg/j pendant au moins 8 semaines (critère principal). Cette différence était d’autant plus significative que le niveau de corticodépendance à l’inclusion était important : parmi les patients recevant plus de 30mg/j de prednisone, 77 % des patient du groupe mepolizumab ont rempli le critère primaire, contre seulement 8 % dans le groupe contrôle. Alors que la dose moyenne de prednisone quotidienne était identique à l’inclusion dans les deux groupes (environ 30 mg/j), elle était de 6,2 mg (+/- 1,9mg) à la semaine 36 chez les patients traités, contre 21,8 mg (+/- 1,9mg, p<0,001) chez les contrôles. Enfin, 47 % des patients traités ont pu arrêter leur corticothérapie, et ce jusqu’à la fin de l’étude, contre 5 % dans le groupe placébo (analyse post hoc ). Ce traitement, à l’instar de la plupart des biothérapies, semble avoir un effet purement suspensif (réapparition de l’hyperéosinophilie à l’arrêt du traitement), mais sa longue demivie offre la possibilité d’un espacement important entre les doses.

Principes de traitement

Il semble raisonnable de traiter tous les patients, symptomatique ou non, ayant un variant myéloprolifératif (LCE F/P+ ou F/P-, SMP-Eo sans anomalie cytogéné- tique) en raison de la plus grande fréquence des atteintes viscérales (notamment cardiaque) et du risque de transformation en leucémie aigüe à long terme. En revanche, en l’absence d’argument pour un SHE-M, si le bilan étiologique complet et la recherche d’un retentissement viscéral sont négatifs, l’importance de l’HE ne doit pas être un critère de début d’un traitement chez les patients asymptomatiques.

En effet, des patients peuvent garder une HE, parfois massive (>10 × 109/L), pendant plusieurs années sans aucun retentissement clinique.

Dans les LCE F/P+, l’imatinib doit être la première option thérapeutique, avec une efficacité initiale quasi constante. Il est aussi indiqué dans les autres formes de LCE F/P- impliquant une tyrosine kinase sensible à l’imatinib (translocations impliquant PDGFRB ou PDGFRA). La prescription d’imatinib peut se justifier aussi dans les SHE-M sans anomalie cytogénétique mais avec des arguments indirects de SMP, en raison de la possible implication d’autres TK ou d’autres transcrits impliquant PDGFRA, non identifiables par les outils actuels de biologie moléculaire. En cas d’échec, l’hydroxyurée et l’interféron, souvent en association, peuvent être proposés [34]. La place des nouveaux ITK reste à définir dans les SHE-M en cas de résistance à l’imatinib.

Dans les autres situations, une corticothérapie (prednisone 0,5 à 1mg/kg/jour) est habituellement efficace, au moins initialement. En cas d’inefficacité ou de cortico- dépendance, le mepolizumab apparaît comme une alternative idéale en raison de son efficacité et de sa tolérance. L’intérêt de l’interféron et de l’hydroxyurée est connu depuis longtemps [34]. Si l’action de ce dernier est principalement lié à ses propriétés myélotoxiques, l’efficacité de l’IFN met en jeu des mécanismes plus complexes : régulation négative de la sécrétion d’Il-5 par les lymphocytes Th2 [35], une diminution de la sécrétion de protéines cationiques [36], une inhibition de l’éosinophilopoïèse [37]. Toutefois, la tolérance de l’interféron et de l’hydroxyurée est médiocre et conduit à leur arrêt chez près de 75 % des patients [3]. De nombreux autres immunosuppresseurs ont été proposés de manière anecdotique dans les SHE : étoposide, vincristine, cyclosporine, méthotrexate. L’alemtuzumab, anticorps monoclonal anti CD-52 [38], une allogreffe de moelle [39] peuvent être envisagés en dernière ligne.

PERSPECTIVES

Dans la publication princeps de Chusid en 1975, la survie moyenne était de neuf mois, soit 12 % à cinq ans [22]. En 1990, une série française portant sur quarante patients faisait état d’une survie de 80 % à cinq ans et 42 % à quinze ans [40]. Dans cette série, le pronostic était principalement lié au développement d’une atteinte cardiaque (9 fois sur 12 décès). Bien que nous ne disposions encore d’aucune donnée chiffrée, il est probable que les progrès diagnostiques et thérapeutiques aient considérablement amélioré le pronostic de la maladie, notamment par l’apport de l’imatinib dans les formes myéloïdes, considérées comme les plus graves (risque d’atteinte cardiaque et de leucémie à long terme). Les enjeux futurs sont multiples et doivent s’orienter vers une meilleure compréhension et classification des 50 % de SHE encore considérés comme idiopathiques. La découverte et/ou la validation de nouveaux biomarqueurs, facilement utilisable en pratique clinique, est indispensable :

TARC dans les SHE-L, tryptase, mais aussi WT1 dans les SHE-M (initialement considéré comme un marqueur de leucémie, une étude récente suggère son élévation aussi bien dans les LCE que dans les SHE idiopathiques [41]) ; L’identification de nouvelles mutations impliquant PDGFRA ou d’autres TK devrait permettre de mieux définir les indications respectives des différents ITK. Enfin, la compréhension des mécanismes responsables du dérèglement Th2 dans les SHE-L est un préalable indispensable au développement d’une thérapie ciblée afin de diminuer le risque de transformation lymphomateuse.

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DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

La splénomégalie autrefois décrite dans ce que nous avions classé comme « leucémie à éosinophiles » est-elle encore observée ? Quelles sont les relations de cette leucémie à éosinophiles avec la leucémie myéloïde chronique ? A-t-on essayé l’imatinib dans d’autres éosinophilies tissulaires ?

Une splénomégalie peut être observée au cours des syndromes hyperéosinophiliques myéloïdes et en particulier au cours de la leucémie à éosinophiles avec transcrit de fusion PDGFRA-FIP1L1. Cette constatation est cependant rare. La splénectomie n’a aucun intérêt diagnostique ou thérapeutique. Le tableau clinique peut être assez proche de la leucémie myéloïde chronique avec plusieurs nuances. Les polynucléaires neutrophiles n’ont pas la toxicité viscérale et en particulier cardiaque des éosinophiles et en principe on ne trouve pas le gène de fusion ou BCR-ABL au cours des leucémies à éosinophiles.

De plus l’imatinib (Glivec) est efficace à faibles doses (I 100 mg/j) au cours des leucémies à éosinophiles. Le Glivec a pu être essayé dans certains syndrome hyperéosinophiliques idiopathiques réfractaires aux corticoïdes, il est très généralement inefficace.

 

M. André VACHERON

Quelles sont les relations entre l’endocardite de Löffler et les endocardites fibroplastiques restrictives subtropicales et tropicales ?

Löffler a décrit en 1936 une endocardite qu’il a appelé fibroplastique chez deux patients hyperéosinophiliques. Dix ans plus tard Davies a décrit en Afrique une endomyocardite fibreuse, dont on peut penser que la cause essentielle était parasitaire (filarioses en particulier). C’est le mérite de Brockington (chirurgien en Afrique) et d’Olsen (anatomopathologiste à Londres) d’avoir montré qu’il s’agissait en fait de la même maladie à des stades différents. On peut considérer que le premier stade comporte des infiltrats myocardiques éosinophiliques (libérant leur protéines cationiques toxiques dans le myocarde) et des thrombi intra-ventriculaires. Plus tard apparaît une fibrose myocardique, au dernier stade les thrombi inter-ventriculaires sont remplacés par une produ tion.fibreuse endocardique qui peut se localiser à l’apex ventriculaire (d’où les cardiopathies restrictives) et/ou sur les cordages des valves auriculo-ventriculaires (d’où les insuffisances mitrales et/ou tricuspidiennes). Actuellement la cardiopathie hyperéosinophilique s’observe essentiellement au cours des syndromes hyperéosinophiliques myéloïdes.

Mme Denise-Anne MONERET-VAUTRIN

Comment traitez-vous les SHE idiopathiques, notamment en cas de cortico-résistance ?

Les SHE idiopathiques représentent 40 à 50 % de l’entité décrite par Chusid en 1975.

L’attitude thérapeutique est la même en cas de SHE idiopathique et en cas de SHE « lymphoïde », on ne traite que les SHE avec manifestations viscérales. On commence par la Prednisone (0,5 à 0,7 mg/kg/j) qu’on diminue progressivement pour trouver la dose seuil qui maintient l’éosinophilie en dessous de 600/mm3. En cas de cortico-résistance à un trop haut niveau (plus de 1 mg de Prednisone pour 10 Kg de poids corporel), il est logique d’introduire un anticorps anti-IL5 (Mepolizumab) à la posologie de 750 mg toutes les 8 à 16 semaines selon la réponse biologique (ce produit n’a pas encore l’autorisation de mise sur le marché).

 

<p>* Médecine interne, 40, rue Worth, Hôpital Foch — 92151, Suresne cedex, e-mail : je.kahn@hopital-foch.org ** Réseau éosinophile. Laboratoire d’Immunologie. Faculté de médecine, 1, place de Verdun — 59045 Lille cedex Tirés à part : Professeur Jean-Emmanuel Kahn, même adresse Article reçu le 11 février 2010, accepté le 1er mars 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 547-560, séance du 9 mars 2010