Communication scientifique
Séance du 23 mars 2010

Effets iatrogènes des traitements radiothérapiques (irradiation externe et/ou curiéthérapie) et chimiothérapiques sur la fertilité

MOTS-CLÉS : fécondité. ovaire. traitement médicamenteux. utérus.
Effects of radiotherapy (external and/or internal) and chemotherapy on female fertility
KEY-WORDS : cancer. drug therapy. regional perfusion.

Philippe Morice *, Catherine Uzan, Sébastien Gouy, Patricia Pautier, Catherine Lhomme, Corinne Balleyguier, Pierre Duvillard, Christine Haie-Meder

Résumé

L’effet de la chimiothérapie sur les fonctions ovariennes dépend en particulier de l’âge de la patiente, de la drogue utilisée et de sa dose. Les alkylants sont les plus gonadotoxiques. L’utilité des agonistes de la GnRH dans la prévention de cette toxicité est en cours d’évaluation dans un essai de phase III européen. L’impact de la radiothérapie et/ou de la curiethérapie sur les ovaires, est lui aussi très bien connu et dépend de trois facteurs : de l’âge de la patiente, de la dose reçue aux ovaires et de la combinaison éventuelle de la radiothérapie à une chimiothérapie. La transposition ovarienne avant irradiation est une technique chirurgicale simple et efficace dans certaines indications pour diminuer le risque de castration ovarienne. Quant à l’impact de la curiethérapie sur l’utérus, s’il existe incontestablement des effets de l’irradiation sur l’utérus en terme de vascularisation, de croissance (lorsque cet organe a été irradié dans l’enfance), de réponse au traitement de stimulation, beaucoup de données manquent en ce qui concerne l’influence de l’âge, des doses d’irradiation et des volumes irradiés.

Summary

The impact of chemotherapy on a woman’s fertility depends on her age and the types and doses of the drugs used. Alkylating agents have the biggest negative impact on ovarian function. A trial is currently examining the use of a GnRH agonist to protect ovarian function. The impact of external radiation therapy and brachytherapy on the ovaries depends on three factors : the patient’s age, the dose delivered to the ovaries, and concurrent use of chemotherapy. Ovarian transposition is a simple surgical procedure that can be used in selected cases to reduce the risk of early menopause. Both external and internal radiation has an impact on the uterus, notably by altering its vascularization and by reducing its growth when treatment is delivered during childhood.

L’évaluation et la mesure de l’impact des traitements anticancéreux sur la fertilité sont complexes et multifactorielles. En effet, les facteurs responsables des dysfonctionnements ovariens sont maintenant mieux connus : agents alkylants dans le domaine de la chimiothérapie, doses limites acceptables en curiethérapie ou en radiothérapie externe [1, 2]. Mais les conséquences sur l’utérus sont beaucoup plus mal connues car plus difficiles à évaluer [3]. A ce titre, l’étude de la fertilité ne représente qu’une étude extrêmement grossière des conséquences des traitements sur l’utérus.

À ces éléments objectifs, se surajoutent des facteurs subjectifs qui rendent complexes les analyses de fertilité dans une population donnée. Ainsi par exemple, dans une analyse rétrospective effectuée au Royaume-Uni, portant sur 1 232 enfants survivants après traitement pour cancer, comparés à 2 253 témoins appariés, le risque relatif d’infertilité pour les femmes était de 0,93 [4]. Dans une étude très récente norvégienne de type cas/témoin comparant les données sur la fertilité de 6 071 patients (dont 3 349 femmes ou jeunes filles), des résultats similaires ont été observés : les taux de fertilité étaient réduits de moitié chez les femmes traitées pour une pathologie maligne [5]. Il existait une amélioration du taux de fertilité chez les patientes traitées depuis 1988 (cette amélioration des résultats sur la fertilité étant particulièrement notable dans les cancers du testicule, du col utérin et de manière plus marginale pour les tumeurs ovariennes-5).

Enfin, l’association de plusieurs pathologies peut accroître ces risques d’infertilité.

Ainsi, les patientes porteuses d’adénocarcinomes à cellules claires du col ou du vagin ont fréquemment associés des malformations vaginales ou utérines qui, par elles seules, peuvent entraver leur fertilité. L’objectif de ce travail est d’évaluer l’impact de la radiothérapie (externe ou curiethérapie) et de la chimiothérapie sur l’ovaire et l’utérus.

EFFETS DE L’IRRADIATION EXTERNE ET/OU DE LA CURIETHÉRAPIE

L’irradiation externe et la curiethérapie vaginale ou utéro-vaginale ont un effet délétère potentiel tant sur l’ovaire que sur l’utérus [1, 3, 6, 7].

 

Effets sur les fonctions ovariennes

L’effet de l’irradiation sur les fonctions endocrines de l’ovaire est l’un des éléments les mieux et les plus anciennement connus en ce qui concerne l’impact des traitements anticancéreux sur la fertilité ultérieure [1, 8].

L’effet direct de l’irradiation externe sur les follicules primordiaux a été étudié, chez la souris, en particulier par Gosden et col. [9]. Des doses d’irradiation de 0.1, 0.2 et 0.3 Gy réduisent le nombre total de follicules primordiaux selon un facteur corrélé à la dose d’irradiation [9]. Ce phénomène important explique, qu’en cas d’irradiation avec une dose « importante », une ménopause post-thérapeutique immédiate ou très rapide peut être observée. Lorsque la dose d’irradiation est plus faible, seule une déplétion partielle des follicules de réserve sera induite et en conséquence, on observera alors une ménopause plus précoce (mais qui surviendra à distance de la fin du traitement et donc sans forcement de rapport direct apparent avec celui-ci).

C’est un élément essentiel car dans un certain nombre de publications rapportant l’intérêt de certaines techniques chirurgicales visant à diminuer le risque de ménopause radio-induite (en particulier la transposition ovarienne), les « taux bruts » de ménopause iatrogènes sont rapportés, mais les âges de survenue de la ménopause, pour les patientes n’ayant pas eu de ménopause post-thérapeutiques iatrogènes, sont rarement rapportés.

La dose d’irradiation létale pour les fonctions endocrines de l’ovaire est en fait dépendante de trois facteurs :

• de l’âge des patientes au moment de l’irradiation, • de la dose reçue aux ovaires (dépendante bien sûr de la dose délivrée de l’irradiation et du champ d’irradiation), • et de l’association éventuelle d’une chimiothérapie à la radiothérapie [8].

Ainsi dans une étude publiée il y a quinze ans par Haie-Meder et coll ., les résultats sur la préservation des fonctions endocrines de l’ovaire étaient d’autant meilleurs que les patientes étaient jeunes [8]. Ainsi les patientes traitées avant vingt-cinq ans avaient un excellent taux de préservation des fonctions endocrines de l’ovaire. En fait, ces résultats dépendent aussi des doses délivrées aux ovaires. Des patientes de moins de vingt-cinq ans peuvent tolérer des doses reçues aux ovaires de l’ordre de 8 à 10 Gy alors que des patientes de trente-cinq à quarante ans seront castrées avec des doses de l’ordre de 2 Gy [8]. L’association d’une chimiothérapie de type MOPP (utilisée dans le cadre du traitement de la maladie de Hodgkin) augmentait alors significativement le risque de ménopause induite par la radiothérapie [8].

Techniques de « protection » visant à diminuer l’incidence des lésions ovariennes radioinduites : la transposition ovarienne et la transplantation ovarienne hétérotopique

Transposition ovarienne

La transposition ovarienne (TO) est une technique chirurgicale simple qui consiste à placer les ovaires hors de leur situation anatomique et de les transposer dans les deux gouttières pariéto-coliques afin de les éloigner des sources d’irradiation éventuelles. Cette chirurgie n’a d’intérêt que : — dans le cadre de tumeur traitée par une irradiation pelvienne (ou abdomino-pelvienne par exemple en cas d’irradiation de type « Y inversé » — réalisée dans certaines hémopathies) ; — chez des femmes < 40 ans car les résultats fonctionnels, en terme de maintien des fonctions endocrines, sont médiocres après cet âge et — dans des pathologies où le risque de métastases sur l’ovaire transposé est très faible voir nul.

Cette intervention a été décrite pour la première fois en 1958 par Mac Call qui avait proposé cette chirurgie chez des patientes traitées pour un cancer du col utérin [10].

Dans cette indication, historiquement la TO était associée, à une colpohystérectomie élargie, c’est-à-dire à une chirurgie radicale ne permettant pas de préserver la fertilité ultérieure. Plusieurs équipes ont rapporté les résultats du taux de préservation des fonctions endocrines de l’ovaire après TO dans ce cadre [11-13].

Dans ces différentes séries dans lesquelles le nombre de patientes traitées varie de 38 à 132 patientes, le taux de patientes ayant une préservation de leur fonction ovarienne après irradiation externe varie entre 50 et 72 % [11, 14]. Le taux de préservation des fonctions endocrines de l’ovaire après curiethérapie vaginale postopératoire est de 90 % [13]. Il est de 60 % après irradiation externe postopératoire [13].

Les complications les plus fréquentes des transpositions ovariennes sont les kystes sur ovaires transposés. Ceux-ci sont dans la plupart des cas accessibles à un traitement médical (combinaison oestro-progestative par voie orale). La chirurgie sera réservée aux kystes compliqués et/ou résistants au traitement médical et aux kystes suspects de métastases ovariennes secondaires. En fait, cette dernière complication, de loin la plus redoutable, est rarissime lorsque la TO est réservée à des indications très bien définies [15-17].

Ce risque existe dans les cancers du col utérin : dans les adénocarcinomes en particulier ou dans les tumeurs > 2 cm et/ou ayant une dissémination extra-cervicale (ganglionnaire ou autre) [15-16]. Pour réduire au maximum ce risque de métastase sur ovaire transposé dans un cancer du col utérin, l’indication de TO se discute donc uniquement en cas de tumeur < 2 cm, sans atteinte ganglionnaire, paramètriale et (pour certains) sans embols. Ces patientes sont souvent traitées par chirurgie exclusive. Lorsqu’il existe une indication d’irradiation post-opératoire dans un cancer du col utérin, c’est qu’il existe des facteurs pronostiques histologiques « défavorables » et il existe aussi dans ces situations des risques potentiels de métastases si l’ovaire était transposé. Les indications de TO dans les cancers du col utérin se confondent maintenant très clairement avec celles de la trachélectomie élargie (où les patientes sont traitées à priori par chirurgie exclusive) qui permet, outre la préservation des fonctions endocrines ovariennes, de préserver la fertilité ultérieure car le corps utérin est lui aussi conservé. Avec le temps, les indications de la TO dans les cancers du col utérin ont donc beaucoup diminué.

Néanmoins, il ne faut pas « oublier » cette procédure chirurgicale simple et qui rend de grand services, car la TO est donc une technique fiable pour préserver les fonctions endocrines de l’ovaire chez les patientes devant bénéficier d’une irradiation post-opératoire dans le cadre du traitement d’une tumeur pelvienne. Même si sa réalisation dans les cancers du col utérin a quasiment disparu, elle garde donc de très bonnes indications dans certaines tumeurs lésions relevant d’une irradiation (ependymome de la queue de cheval, certains sarcomes pelviens, tumeurs rectales ou du canal anal chez la femme jeune, certaines hémopathies…). Lorsqu’elle doit être pratiquée, la voie d’abord coelioscopique doit être privilégiée [17].

Transplantation ovarienne hétérotopique

Cette technique, encore expérimentale, a un intérêt potentiel certain. Elle consiste a réaliser un prélèvement d’un ovaire et de ses pédicules, qui sera ensuite immédiatement regreffé en hétérotopique. La première procédure a été réalisée il y a vingt ans chez une jeune femme de dix-huit ans devant être irradiée pour une maladie de Hodgkin [18]. La greffe a eu lieu dans l’avant bras. La préparation du site de transplantation a été effectuée deux mois avant la procédure en mettant en place une prothèse testiculaire. Une transposition de l’ovaire controlatéral a été associée à la transplantation qui a été un succès en ce qui concerne la reprise des fonctions endocrines [18]. D’autres cas ont été rapporté (cancer du col utérin localement avancé, etc.) [19]. Néanmoins cette procédure reste encore expérimentale, techniquement assez lourde et avec des indications à préciser. Elle ne peut en particulier être proposée en cas d’irradiation corporelle totale (TBI) ou de chimiothérapie intensive.

Effets sur l’utérus

Les études portant sur les conséquences de l’irradiation spécifiquement sur l’utérus sont très rares. Elles concernent d’une façon plus générale l’étude de la fertilité dans de grandes séries de malades irradiées dans l’enfance.

Hawkins et coll . [20] ont publié une étude portant sur la survenue de grossesses après traitement pour cancer dans l’enfance en Grande-Bretagne. Un questionnaire était adressé par la poste à 2 083 médecins généralistes qui assuraient la surveillance de ces patientes traitées entre 1940 et 1977, essentiellement pour des néphroblastomes.

Une réponse à ce questionnaire était obtenue dans 85 % des cas. La population de patientes était secondairement divisée entre celle exposée à une irradiation utérine et celle non exposée. Le pourcentage de patientes ayant des enfants était respectivement de 22 % et de 41 % selon les antécédents ou non d’irradiation. Le poids moyen à la naissance était dans la population de mères irradiées au moins 300 grammes inférieur à celui observé chez les mères non irradiées. Cependant, aucune mention ne concernait le type d’irradiation effectuée, le volume ou la dose délivrée ni même l’âge auquel le traitement par irradiation avait été réalisé.

Une analyse de même envergure a été rapportée sur 1 522 patients de sexe féminin ou masculin suivi après greffe de moëlle associée à une chimiothérapie par Busulfan à hautes doses ou à une irradiation corporelle totale [21]. Parmi les patientes, 41 grossesses ont été observées dont seulement 50 % ont abouti à la naissance d’un enfant chez les malades ayant reçu une irradiation corporelle totale contre 78,5 % chez celles qui avaient eu uniquement une chimiothérapie. Dans la population de patientes ayant été irradiées, seize malades ont présenté une grossesse dont six se sont terminées par un avortement spontané et deux par un avortement provoqué, à la demande des patientes. Si l’on ne retient que le taux d’avortements spontanés, celui-ci reste significativement plus élevé (38 %) dans la population irradiée par rapport à celui observé chez les patientes n’ayant pas reçu d’irradiation corporelle totale (21 % ; p. < 0,02). Si aucune relation dose-effet n’a pu être mise en évidence de façon formelle dans cette étude puisque toutes les malades avaient reçu une dose unique de 10 Gy ou une dose fractionnée de 2.25 Gy par jour pendant sept jours avec un débit de dose de 5 à 8 Gy par minute, les auteurs remarquent cependant l’effet potentiel du débit de dose sur le risque d’avortement spontané.

À l’Institut Gustave-Roussy, plusieurs populations différentes ont été étudiées.

Flamant et coll. [22] ont rapporté les séquelles à long terme après traitement conservateur par chirurgie, curiethérapie et chimiothérapie chez dix-sept enfants porteuses de rhabdomyosarcomes vulvaires ou vaginaux ayant un recul minimum de dix ans. Parmi elles, onze pouvaient être évaluées en terme de séquelles utérines :

les onze patientes étaient normalement réglées, dont une avec un traitement hormonal de substitution. Trois grossesses menées à terme étaient observées chez deux patientes. Au moment de l’étude, l’âge des enfants nés de ces jeunes femmes traitées s’échelonnait de six à huit ans et aucune anomalie n’avait été relevée chez eux. Plus récemment, Magné et al [23, 24] ont étudié les séquelles à long terme de la curiethé- rapie chez les petites filles traitées pour un rhabdomyosarcome vulvo-vaginal. Trois jeunes femmes sur vingt en âge de procréer ont eu au moins un enfant. Les séquelles observées étaient d’autant moins marquées que le volume irradié était limité. En particulier, après 1990, seul le volume tumoral résiduel après chimiothérapie était traité par curiethérapie alors qu’avant 1990, l’ensemble du volume tumoral initial était inclus dans le volume de la curiethérapie.

Nous avons rapporté il y a quelques années les résultats en termes de fertilité après transposition ovarienne chez trente-sept patientes traitées pour une tumeur pelvienne par irradiation externe ou curiethérapie [25]. Les résultats montrent une différence importante de la fréquence des grossesses en fonction de la pathologie tumorale : elle était de 15 % dans la population des adénocarcinomes à cellules claires et de 80 % dans la population traitée pour un dysgerminome ovarien. Cette différence est bien sûr liée au type des pathologies rencontrées, la fréquence des anomalies associées dans la population des adénocarcinomes à cellules claires étant très élevée.

Les effets de l’irradiation sur l’utérus lui-même sont peu documentés. Il est vraisemblable que l’irradiation est responsable de modifications de la structure utérine, à la fois en terme de vascularisation et de structure du muscle. Les hypothèses les plus fréquemment avancées ont été celles d’une réduction de la vascularisation et d’une diminution de la tonicité et de l’élasticité provoquées par la radiothérapie [1, 3]. Ces hypothèses ont été d’ailleurs validées par des mesures de hauteur et d’épaisseur utérines et de vascularisation par écho-doppler [6]. Cette étude comparait ces mesures chez des femmes ayant été traitées dans l’enfance par irradiation panabdominale à celles de vingt-deux femmes ayant eu une castration non radioinduite. Toutes les patientes étaient sous traitement hormonal substitutif. Les résultats montraient une hauteur utérine significativement plus réduite (p < 0,01) chez les patientes traitées par irradiation. Aucun signal correspondant aux artères utérines n’était détecté chez cinq des dix patientes irradiées. Après stimulation hormonale, aucune augmentation d’épaisseur du muscle utérin n’était observée chez trois femmes antérieurement irradiées alors qu’elle entraînait une augmentation linéaire significative chez dix-huit patientes non irradiées. Plus récemment, Critchley et coll . [7] ont insisté sur les modifications fonctionnelles hormonales endométriales liées à la radiothérapie. Cependant, les données concernant l’étude des doses totales d’irradiation, de la dose par fraction, des volumes irradiés, la place respective de la radiothérapie externe et de la curiethérapie sont peu documentées.

Il semble exister comme dans l’ovaire une dose seuil au-delà de laquelle l’utérus ne se développe plus. Une étude que nous avons menée portant sur les altérations de la myocontractilité après curiethérapie montrait qu’au-delà de 30Gy, il existait des troubles de cette myocontractilité [26]. D’autres études semblent suggérer que l’isoforme ζ de la PKC est potentiellement un des co-facteurs altérés après irradiation [27]. Cependant de multiples questions persistent : quelle dose d’irradiation peut-on atteindre pour pouvoir obtenir un bénéfice potentiel d’une stimulation hormonale ? Quel est l’impact de l’âge de l’irradiation sur les séquelles utérines ?

EFFETS DE LA CHIMIOTHÉRAPIE

Il n’y a pas d’effet délétère connu de la chimiothérapie sur l’utérus mais l’impact sur l’ovaire est important.

Ces effets sont variables et dépendent essentiellement de l’âge de la patiente au moment de la chimiothérapie, de la chimiothérapie reçue, des doses cumulées de chimiothérapie [1]. Certains médicaments cytotoxiques ne font qu’inhiber la croissance folliculaire, d’autres plus toxiques comme les alkylants, induisent des lésions léthales des follicules primordiaux [1] mais les follicules en cours de maturation sont préservés. La femme peut ainsi garder une fonction ovarienne presque normale avec des cycles réguliers pendant quelques mois mais ne pas être en mesure de se reproduire puisque le stock folliculaire est établi définitivement pendant la vie intrautérine.

Fertilité et âge au moment de la chimiothérapie

La baisse du stock folliculaire au cours du temps est probablement responsable de l’augmentation du risque de stérilité avec l’âge au moment de la chimiothérapie [28].

Ainsi, même en l’absence d’aménorrhée pendant et après la chimiothérapie, les troubles du cycle sont fréquents et la plupart des femmes traitées par chimiothérapie sont exposées à une ménopause précoce [29].

Le risque d’infertilité est variable également selon la chimiothérapie. Les alkylants (et tout spécialement le cyclophosphamide), en induisant des dommages directs au follicule primaire, sont les premiers responsables d’infertilité. Néanmoins, cet impact sur les follicules (évalué par le compte folliculaire) est significativement plus important avec les alkylants (comparé aux autres types de chimiothérapie-30).

D’autres drogues comme la doxorubicine, l’aracytine et les vinca alcaloïde comme la vincristine induiraient des dommages de l’épithélium germinatif. La plupart des antimétabolites (méthotrexate, 5fluoro uracile, mercaptopurine) n’induiraient pas de dommage sur l’épithélium germinatif. Il semble y avoir peu d’effets additifs des associations de drogues sur la toxicité gonadique mais cela reste discuté.

Le risque d’infertilité augmente également avec la dose totale de cytotoxique reçue.

Une dose totale supérieure est nécessaire chez les femmes jeunes pour les rendre stériles [1]. Il n’y a pas de preuve de l’effet de la durée du traitement, de l’effet de la dose intensité, de la voie d’administration, sur la fertilité après chimiothérapie [31] Mécanismes et évaluation de la gonadotoxicité

L’action de la chimiothérapie sur la fécondité semble liée à l’induction par les drogues de lésions létales responsables de la mort par apoptose des ovocytes. Des auteurs comme Tilly se sont intéressés aux gènes potentiellement responsables de la mort des ovocytes après chimiothérapie [32]. Ils ont traité par doxorubicine des souris et des ovocytes de souris isolés et ont observé les résultats de manipulations chimiques et génétiques sur la capacité du médicament à infliger des dommages à l’ovocyte. Il semble que la p53, protéine impliquée dans l’induction de l’apoptose des cellules tumorales après chimiothérapie, ne soit pas impliquée dans l’apoptose des ovocytes après chimiothérapie. Seraient impliqués les gènes bax (les souris knockout pour le gène bax ont une préservation de leur activité ovarienne après une chimiothérapie qui diminue considérablement le stock de follicules primordiaux chez la souris normale), certains inhibiteurs des céramides (effet protecteur d’apoptose), et surtout un gène de la famille des caspases, exécuteurs de la mort cellulaire.

L’évaluation et la mesure de la gonadotoxicité est complexe. Une façon d’évaluer la toxicité gonadique d’une chimiothérapie pourrait être la comptabilisation histologique du nombre de follicules primordiaux avant et après chimiothérapie. Mais chez la souris traitée par le cyclophosphamide par exemple, le taux de reproduction n’est pas affecté en comparaison des groupes contrôle malgré une diminution significative du taux de follicules primaires ; ce n’est donc pas toujours un bon paramètre pour l’évaluation de la toxicité gonadique de la chimiothérapie [33].

L’utilisation de biomarqueurs prédictifs pourrait s’avérer plus intéressante. Néanmoins, cette évaluation avant la puberté n’est pas possible car l’axe gonadohypothalamo-hypophysaire est encore quiescent. Chez des patientes après la puberté, la mesure de l’inhibine B et de l’AMH (hormone anti-mullerienne) pourrait être des bons marqueurs de la réserve ovarienne dans ce contexte et sont en cours d’évaluation [34, 35].

Prévention de la gonadotoxicité chimio-induite

La première prévention repose sur l’utilisation, à efficacité équivalente, de la drogue, ou de la combinaison thérapeutique la moins cytotoxique. L’autre aspect concerne l’utilisation d’un « blocage« ovarien (avec une contraception oestroprogestative ou bien d’agonistes de la GnRH. Ainsi certaines études semblaient montrer une réduction du taux de ménopauses chimio-induites chez des patientes traitées par MOPP ou ABVD et bénéficiant de l’administration de GnRH [36]. D’autres études semblaient rapporter des résultats similaires chez l’adolescente [37]. Néanmoins ces résultats restent très discutés actuellement. Une étude randomisée est en cours et devrait permettre de mieux évaluer le bénéfice éventuel de ce traitement.

RISQUE D’ANOMALIES CONGÉNITALES CHEZ LES ENFANTS DE PARENTS AYANT ÉTÉ TRAITÉS PAR CHIMIOTHÉRAPIE ET RADIOTHÉ- RAPIE

Il existe un effet mutagène sur les cellules germinales en cours de maturation chez l’homme, et ceci pendant et au moins cent jours après la chimiothérapie pour maladie de Hodgkin [38]. Il est peu probable que cela ait une incidence sur le taux d’anomalies congénitales, les spermatozoïdes anormaux ayant peu de chance de pénétrer dans l’ovocyte. Par contre, cela risque d’être un problème en cas de fécondation in vitro de type ICSI.

Une étude cas témoins comparant les parents d’enfants atteints d’une anomalie congénitale nés entre 1979 et 1986 a été publiée par Dodds et coll . [39]. Cette étude n’a pas retrouvé d’association entre anomalie congénitale chez l’enfant et un antécédent de cancer et de traitement anticancéreux chez l’un des deux parents.

Une revue de la littérature très récente de Green et all. Colligeant les données de la littérature disponibles ne retrouvent pas d’augmentation de l’incidence des malformations congénitales chez les patientes traitées par irradiation ou cytostatiques [40].

Au total, l’effet de la chimiothérapie sur les fonctions ovariennes est bien connu. Son impact dépend en particulier de l’âge de la patiente, de la drogue utilisée et de sa dose. Les alkylants sont les plus gonadotoxiques. L’utilité des agonistes de la GnRH dans la prévention de cette toxicité est en cours d’évaluation dans un essai de phase III européen.

L’impact de la radiothérapie et/ou de la curiethérapie sur les ovaires, est lui aussi très bien connu et dépend de trois facteurs : de l’âge de la patiente, de la dose reçue aux ovaires et de l’association éventuelle de la radiothérapie à une chimiothérapie. La transposition ovarienne avant irradiation est une technique chirurgicale simple et efficace dans certaines indications pour diminuer le risque de castration ovarienne.

Quant à l’impact de la curiethérapie sur l’utérus, s’il existe incontestablement des effets de l’irradiation sur l’utérus en terme de vascularisation, de croissance (lorsque cet organe a été irradié dans l’enfance), de réponse au traitement de stimulation, beaucoup de données manquent en ce qui concerne l’influence de l’âge, des doses d’irradiation et des volumes irradiés.

BIBLIOGRAPHIE [1] Meirow D., Nugent D. — The effects of radiotherapy and chemotherapy on female reproduction. Hum. Reprod. Update. , 2001, 7, 535-743.

[2] Morice P., Pautier P., Fanchin R. et al . — Therapy Insight : fertility in women after cancer treatment.

Nat. Clin. Pract. Endocrinol. Metab. , 2007, 3 , 819-26.

[3] Critchley H.O., Wallace W.H. — Impact of cancer treatment on uterine function.

J. Natl

Cancer Inst. Monogr. , 2005, 34 , 64-68.

[4] Byrne J., Mulvihill J.J., Myers M.H. et al . — The effects of treatment on fertility in long-term survivors of childhood or adolescent cancer.

New Engl. J. Med. , 1987, 317 , 1315- 1321.

[5] Cvancarova M., Samuelsen S.O., Magelssen H. et al. — Reproduction rates after cancer treatment : experience from the Norwegian radium hospital.

J. Clin. Oncol. , 2009, 27 , 334-343.

[6] Critchley H.O., Wallace W.H., Shalet S.M. et al. — Abdominal irradiation in childhood ;

the potential for pregnancy.

Br. J. Obstet. Gynaecol,. 1992, 99 , 392-394.

[7] Critchley H.O. — Actors of importance for implantation and problems after treatment for childhood cancer. Med. Pediatr. Oncol. , 1999, 33 , 9-14.

[8] Haie-Meder C., Mlika-Cabanne N., Michel G. et al . — Radiotherapy after ovarian transposition : ovarian function and fertility preservation.

Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys. , 1993, 25 , 419-424.

[9] Gosden R.G., Wade J.C., Fraser H.M. et al . — Impact of congenital or experimental hypogonadotrophism on the radiation sensitivity of the mouse ovary.

Hum. Reprod. , 1997, 12 , 2483-2488.

[10] Mc Call M.L., Keaty E.C., Thompson J.D. — Conservation of ovarian tissue in the treatment of the carcinoma of the cervix with radical surgery. Am. J. Obstet. Gynecol. , 1958, 75 , 590-600.

[11] Feeney D.D., Moore D.H., Look K.Y. et al. — The fate of the ovaries after radical hysterectomy and ovarian transposition.

Gynecol. Oncol. , 1995, 56 , 3-7.

[12] Anderson B., Lapolla J., Turner D. et al. — Ovarian transposition in cervical cancer.

 

Gynecol. Oncol. , 1993, 49 , 206-214.

[13] Morice P., Juncker L., Rey A. et al . — Ovarian transposition for patients with cervical carcinoma treated by radio-surgical combination.

Fertil. Steril. , 2000, 74 , 743-748.

[14] Chambers S.K., Chambers J.T., Kier R . et al . — Sequelae of lateral ovarian transposition in irradiated cervical cancer patients.

Int. J Radiat. Oncology Biol. Phys. , 1991, 20 , 1305-1308.

[15] Natsume N., Aoki Y., Kase H. et al. — Ovarian metastasis in stage IB and II cervical adenocarcinoma.

Gynecol. Oncol. , 1999, 74 , 255-258.

[16] Sutton G.P., Bundy B.N., Delgado G. et al. — Ovarian metastases in stage IB carcinoma of the cervix : a Gynecologic Oncology Group study.

Am. J. Obstet. Gynecol. , 1992, 166, 50-53.

[17] Morice P., Castaigne D., Haie-Meder C. et al. — Laparoscopic ovarian transposition for pelvic malignancies : Indications and functional outcomes.

Fertil. Steril. , 1998, 70 , 956-960.

[18] Leporrier M., Von Theobald P., Roffe J.L. et al. — A new technique to protect ovarian function before pelvic irradiation. Heterotopic ovarian autotransplantation.

Cancer , 1987, 60 , 2201-2204.

[19] Hilders C.G., Baranski A.G., Peters L. et al . — Successful human ovarian autotransplantation to the upper arm.

Cancer , 2004, 101 , 2771-2778.

[20] Hawkins M.M., Smith R.A. — Pregnancy outcomes in childhood cancer survivors ; probable effect of abdominal irradiation. Int. J. Cancer , 1989, 43 , 399-402.

[21] Sanders J.E., Hawley J., Levy W. et al . — Pregnancies following high-dose Cyclophosphamide with or without high-dose Busulfan or total body irradiation and bone marrow transplantation. Blood , 1996 , 87 , 3045-3052.

[22] Flamant F., Gerbaulet A., Nihoul-Fekete C. et al. — Long-term sequelae of conservative treatment by surgery, brachytherapy, and chemotherapy for vulval and vaginal rhabdomyosarcoma in children. J. Clin. Oncol. , 1990 , 8 , 1847-1853.

Magné N., Haie-Meder C. — Brachytherapy for genital-tract rhabdomyosarcomas in girls :

technical aspects, reports, and perspectives. Lancet. Oncol. , 2007, 8 , 725-729.

[23] Magné N., Oberlin O., Martelli H. et al . — Vulval and vaginal rhabdomyosarcoma in children : Update and reapprasail Institut Gustave Roussy brachytherapy experience.

Int. J.

Radiat. Oncol. Biol. Phys. , 2008, 72 , 878-883.

[24] Morice P., Thiam-Ba R., Castaigne D . et al . — Fertility results after ovarian transposition for pelvic malignancies treated by external irradiation or brachytherapy.

Hum. Reprod. , 1998, 13 , 660-663.

[25] Haie-Meder C., Morice P., Paris B. et al . — Consequences of brachytherapy on uterine myocontractility.

Radiother. Oncol. , 2004, 71, S54.

[26] Gouy S., Tanfin Z., Breuiller-Fouché M. et al . — Impact de l’irradiation sur la fertilité utérine : Étude du rôle de la PKC dans l’altération de la myocontractilité utérine après irradiation externe ou curiethérapie utéro-vaginale 12 ème Journées Parisiennes d’Endoscopie Gynécologique. Paris. 5 et 6 Fevrier 2009.

[27] Damewood M.D., Grochow L.B. — Prospects for fertility after chemotherapy or radiation for neoplastic disease. Fertil. Steril. , 1986, 45 , 443-459.

[28] Byrne J., Fears T.R., Gail M.H . et al. — Early menopause in long-term survivors of cancer during adolescence.

Am. J. Obstet. Gynecol. , 1992, 166 , 788-793.

[29] Oktem O., Oktay K. — Quantitative assessment of the impact of chemotherapy on ovarian follicle reserve and stromal function. Cancer , 2007, 110 , 2222-2229.

[30] Bines J., Oleske D.M., Cobleigh M.A. — Ovarian function in premenopausal women treated with adjuvant chemotherapy for breast cancer. J. Clin. Oncol. , 1996, 14 , 1718-1729.

[31] Tilly J.L. — Molecular and genetic basis of normal and toxicant-induced apoptosis in female germ cells. Toxicol. Lett. , 1998, 102-103 , 497-501.

[32] Meirow D., Lewis H., Nugent D. et al . — Subclinical depletion of primordial follicular reserve in mice treated with cyclophosphamide : clinical importance and proposed accurate investigative tool. Hum. Reprod. , 1999, 14 , 1903-1907.

[33] Bath L.E., Wallace W.H., Shaw M.P. et al . — Depletion of ovarian reserve in young women after treatment for cancer in childhood : detection by anti-Müllerian hormone, inhibin B and ovarian ultrasound. Hum. Reprod. , 2003, 18 , 2368-2374.

[34] Van Rooij I.A., Broekmans F.J., Scheffer G.J. et al. — Serum antimullerian hormone levels best reflect the reproductive decline with age in normal women with proven fertility : a longitudinal study. Fertil Steril. , 2005, 83 , 979-987.

[35] Blumenfeld Z., Dann E., Avivi I. et al . — Fertility after treatment for Hodgkin’s disease. Ann.

 

Oncol. , 2002, 13 Suppl 1, 138-147.

[36] Pereyra P.B., Mendez Ribas J.M., Milone G . et al . — Use of GnRH analogs for functional protection of the ovary and preservation of fertility during cancer treatment in adolescents : a preliminary report. Gynecol. Oncol. , 2001, 81 , 391-397.

[37] Robbins W.A., Meistrich M.L., Moore D. — Chemotherapy induces transient sex chromosomal and autosomal aneuploidy in human sperm. Nat. Genet. , 1997, 16 , 74-78.

[38] Dodds L., Marrett L.D., Tomkins D.J. et al . — Case-control study of congenital anomalies in children of cancer patients.

BMJ. , 1993, 307 , 164-168.

[39] Green D.M., Sklar C.A., Boice J.D. JR et al. — Ovarian failure and reproductive outcomes after childhood cancer treatment : results from the Childhood Cancer Survivor Study.

J. Clin.

Oncol. , 2009, 27 , 2374-2381.

 

DISCUSSION

M. Yves VILLE

Cinquante-deux pour cent des cancers de l’ovaire et 10 % des cancers du sein sont génétiquement déterminés en particulier avec le gène BRCA2. Ce cas de figure est d’autant plus probable que ces femmes sont jeunes. Cette possibilité est-elle envisagée ? Comment, dans la prise en charge du cancer, mais aussi dans le cadre du conseil génétique de ces femmes désirant une grossesse et a fortiori lorsqu’elles entrent dans un programme de FIV avec la possibilité technique et légale d’un diagnostic préimplantatoire ?

L’existence d’une prédisposition héréditaire est un élément qui peut modifier la prise en charge thérapeutique des patientes. En effet l’existence d’une mutation d’un gène BRCA (1 ou 2) ou HNPCC peut être un élément modulant l’indication éventuelle d’un traitement conservateur d’une tumeur épithéliale maligne de l’ovaire ou d’un cancer endomé- trial. De même, l’existence d’une mutation d’un gène BRCA, même si elle ne va pas modifier directement la prise en charge immédiate d’une patiente traitée pour un cancer du sein, va modifier les modalités de sa surveillance post-thérapeutique. Une consultation en oncogénétique est donc organisée chez les patientes ‘‘ jeunes ’’ (entre 30 et 40 ans en fonction du type de la tumeur) traitées pour l’une de ces pathologies en vue de rechercher ces éventuelles prédispositions héréditaires.

M. Guy DIRHEIMER

La radiothérapie et/ou les traitements médicamenteux n’augment-ils pas les mutations dans le stock d’ovocytes, donc les risques de malformations chez la descendance ? En rétablissant la fertilité, ne courre-t-on pas des risques importants ?

A priori non. Les données récentes semblent démontrer qu’il n’existe pas d’augmentation significative du taux de malformation dans la descendance des patient(e)s traitées pour un cancer.

 

M. Jean-Daniel PICARD

Étant donnée la complexité des traitements et les incertitudes de l’avenir, j’aimerais savoir quelle est l’attitude du thérapeute. Influence-t-il plus l’abstention ? Est-il impartial dans l’orientation décisionnelle ?

Le thérapeute, malgré les incertitudes sur les résultats de certaines de ces techniques, doit intégrer dans le plan de traitement qu’il va envisager, la discussion éventuelle de ces procédures. Néanmoins, le planification de celles-ci ne doit pas être à l’origine d’un retard éventuel à la mise du route des traitements du cancer pouvant impacter le pronostic ultérieur. Il faut donc discuter au cas par cas en fonction du degré de l’urgence carcinologique. Cette discussion est donc une concertation d’équipe regroupant oncologue, radiothérapeute, pédiatre (dans le cas des tumeurs de l’enfant), gynécologue et spécialiste des techniques de procréation médicalement assistée.

M. Pierre JOUANNET

L’essentiel des données que vous avez rapportées concernent les jeunes femmes postpubères. Peut-on adapter la même stratégie thérapeutique et préventive quand le cancer gynécologique touche la petite fille avant la puberté ? A partir de quel âge peut-on proposer une cryoconservation du tissu ovarien ?

Certaines de ces procédures (cryopréservation ovarienne, transposition d’ovaire par exemple) sont maintenant proposées dans certaines situations chez les petites filles ou chez les jeunes adolescentes en période pré-pubertaire (en pédiatrie en particulier).

M. Denys PELLERIN

Avez-vous eu l’occasion d’un suivi lointain des ces petites filles devenues adultes et avez-vous observé des récidives tumorales tardives sur l’ovaire transféré ou in situ ?

A priori dans le cadre des tumeurs pédiatriques gynécologiques traitées avec conservation ovarienne, ce risque de récidive ovarienne tardive n’est pas important. Il existe pour certains types de tumeurs ovariennes traitées par annexectomie unilatérale. Néanmoins, dans ce cas de figure, les récidives (si elles surviennent) sont observées le plus souvent dans les trois années après le traitement.

M. Henry LACCOURREYE

Qu’en est-il de la fertilité, après cancers hors gynécologiques traités par chimiothérapie ?

En dehors des cancers gynécologiques (pelviens et mammaires), ces techniques visant à préserver le fertilité féminine sont aussi discutées en pédiatrie ou en hématologie, voir dans d’autres pathologies (certaines tumeurs digestives ou pelviennes non gynécologiques relevant d’une irradiation pelvienne par exemple).

 

M. Roger HENRION

Le désir d’avoir un enfant chez les femmes atteintes de cancer est-il plus intense de nos jours ?

La demande des patientes est en tout cas plus ‘‘ marquée ’’ car les patientes sont souvent (assez bien) informée de ces possibilités lorsqu’elles viennent pour le traitement de leur pathologie tumorale. Evoquer cet aspect de l’impact des traitements sur la fertilité (même s’il n’est pas toujours possible de la préserver) est donc non seulement une demande des patientes (et de leur conjoint) mais aussi un des ‘‘ indicateurs ’’ pour eux de la qualité et de l’exhaustivité de leur prise en charge.

 

<p>* Institut Gustave Roussy, 39 rue Camille Desmoulins, 94805 Villejuif. France., E mail : philippe.morice@igr.fr Tirés à part : Professeur Philippe Morice, même adresse Article reçu le 11 février 2010, accepté le 15 mars 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 481-494, séance du 23 mars 2010