Communication scientifique
Séance du 23 mars 2010

Grossesse après cancer gynécologique ou mammaire

MOTS-CLÉS : grossesse. naissance prématurée. récidive. tumeurs
Pregnancy after gynecologic or breast cancer
KEY-WORDS : neoplasms. neoplasms recurrence.. pregnancy

Bruno Carbonne *, Yan Ansquer *

Résumé

Le cancer mammaire touche fréquemment la femme jeune, en âge de procréer. La grossesse dans ce contexte est devenue de plus en plus courante. De nombreuses études montrent que la grossesse n’a pas d’influence sur le pronostic de la maladie et le délai à respecter après un cancer du sein pour démarrer une grossesse doit donc tenir compte essentiellement des risques de récidive et de localisations secondaires de la tumeur initiale. La grossesse par elle-même ne présente pas de particularité. Après un cancer gynécologique, le traitement de la maladie peut comporter des risques importants sur le pronostic de la grossesse, en particulier le risque de prématurité ou de fausse couche après cancer du col utérin ayant bénéficié d’un traitement chirurgical conservateur. Le maintien de la possibilité de grossesse après cancer de l’ovaire ou de l’endomètre nécessite une sélection rigoureuse des cas car il existe un risque non négligeable de récidive au cours ou au décours de la grossesse.

Summary

Breast cancer often occurs in women of childbearing age, many of whom go on to have children. Several studies suggest that pregnancy does not worsen the outcome of breast cancer, and that a history of breast cancer does not affect the outcome of pregnancy. The timing of pregnancy after breast cancer should take into account the risk of recurrence and metastasis. Conservative surgical treatment for cervical cancer may increase the risk of late fetal loss or preterm birth. Candidates for conservative treatment of ovarian and endometrial cancer must be carefully selected, as recurrence during or after pregnancy is not uncommon.

INTRODUCTION : LE DÉSIR DE GROSSESSE APRÈS UN CANCER

E Ù tre enceinte, après avoir été frappée par le cancer et en avoir été guérie peut paraître un souhait dérisoire, voire irresponsable aux yeux des proches. Pourtant porter un enfant et le mettre au monde est sans doute l’un des signaux les plus forts adressés à l’entourage et à soi-même, de sa propre énergie vitale après une épreuve aussi traumatisante.

Certains cancers touchent la femme jeune, en âge de procréer et le désir de grossesse peut donc être exprimé dès la fin des traitements. L’une des principales questions que se pose le praticien devant cette demande est celle du risque de récidive du cancer au cours de la grossesse. Cette question paraît d’autant plus importante que la tumeur initiale est hormono-sensible comme le cancer du sein. Les notions d’« autorisation » ou d’« interdiction » de mener une grossesse ont été, en principe, rendues obsolètes par les termes de la loi du 4 mars 2002 qui stipule que « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé » . Le praticien se doit donc de délivrer une information aussi claire que possible sur les risques connus de récidive et leur pronostic en fonction du stade initial, des traitements reçus et du délai écoulé depuis le début de la maladie. L’information ne doit pas minimiser les risques ni être génératrice d’un excès d’anxiété si le choix de la personne traitée est in fine de démarrer une grossesse. En pratique, la patiente se fie le plus souvent à l’avis de l’équipe d’oncologie qui l’a prise en charge et à qui sa confiance est acquise lorsqu’une rémission a été obtenue.

GROSSESSE APRÈS CANCER DU SEIN

Le cancer du sein, le plus fréquent des cancers féminins, est hormono-dépendant.

Les œstrogènes en particulier sont un facteur favorisant de développement du cancer du sein, ce qui explique les craintes que suscite a priori la grossesse dans ce contexte.

 

La grossesse peut elle être acceptée après un cancer et dans quelles conditions ?

Jusque dans les années 70, la notion d’un risque accru de récidive de cancer du sein au cours de la grossesse semblait admise et la grossesse était le plus souvent déconseillée par les médecins dans ce contexte.

Plusieurs études cas-témoins réalisées dans les années 70-80 ont battu en brèche ces données [1-4].

Ces études ont été réalisées chez des patientes indemnes de rechute, appariées pour l’âge, la date du diagnostic, l’année de traitement, le statut TNM, l’histologie de la tumeur et les traitements locaux et généraux et toutes aboutissent à des conclusions similaires :

— Les courbes de survie des patientes ayant été enceintes ne sont pas différentes de celles qui ne l’ont pas été.

— À stade initial équivalent de la maladie, la grossesse ne majore pas le risque de récidive.

— Le pronostic est moins bon chez les patientes ayant une atteinte ganglionnaire d’emblée (N+), mais sans différence selon qu’elles ont été enceintes ou non.

— Le fait qu’une grossesse démarrée soit menée à terme ou bien interrompue volontairement ne modifie en rien l’évolution du cancer.

— Les patientes dont la grossesse a débuté précocement après le traitement du cancer (dans les six mois) ont un pronostic similaire à leurs témoins.

— Chez les patientes présentant des rechutes, le délai moyen d’apparition n’est pas différent selon qu’elles ont été enceintes ou non.

— Le taux de rechutes n’est pas différent selon que la grossesse a été menée à terme ou non.

Il ressort de ces données que le pronostic du cancer n’est pas modifié par la grossesse.

D’autres études ou séries de cas, sont venues apporter des résultats similaires par la suite [5-12].

Les recommandations concernant un désir de grossesse doivent donc se baser essentiellement sur la sévérité initiale de la maladie, son pronostic propre et le délai naturel d’apparition des récidives et des métastase :

— Les cancers de bon pronostic (en particulier N-) ne doivent pas faire déconseiller une grossesse. Dans ce cas, les études ne justifient pas de recommander un long délai entre le traitement de la maladie et le début d’une grossesse en termes de pronostic. Dans les faits, le délai habituellement préconisé est d’environ deux ans.

— Pour les tumeurs de moins bon pronostic (N+), le délai moyen d’apparition des récidives ou de métastases est de deux à trois ans et le plus souvent avant cinq ans, il paraît souhaitable de recommander un délai plus important avant de démarrer une grossesse. Le risque diminuant avec le temps, ce délai permet de limiter la probabilité qu’une récidive apparaisse au cours de la grossesse. Un délai de trois à cinq ans est donc généralement préconisé afin d’éviter la survenue d’une récidive ou d’une métastase au cours même de la grossesse, néanmoins, il ne modifie pas le pronostic du cancer par rapport aux femmes qui n’ont pas de grossesse.

— En cas de survenue d’une grossesse, la décision de poursuite ou non n’influence pas le pronostic et la perspective d’une naissance dans un contexte de maladie maternelle de mauvais pronostic devrait être le principal critère de choix de la patiente en l’absence de signe de rechute. Les autres situations faisant pencher pour l’interruption médicale de grossesse sont l’absence de désir de grossesse ou l’existence d’une rechute nécessitant un traitement de type radiothérapie ou chimiothérapie.

 

Consultation pré-conceptionnelle. Bilan à réaliser avant le début de la grossesse

Si la grossesse ne modifie pas le pronostic du cancer, la coexistence d’une grossesse avec une maladie cancéreuse évolutive n’est pas de bon pronostic spontané et rend complexe la prise en charge thérapeutique. L’éventualité d’une maladie évolutive doit donc bien être réévaluée avant le début d’une éventuelle grossesse. Le bilan d’évolutivité est classique, comportant en particulier un examen clinique, une mammographie, une radiographie de poumons, une échographie hépatique et un dosage des marqueurs tumoraux (ACE et CA 15-3).

Suivi de la grossesse après cancer du sein

Le suivi de la grossesse proprement dit ne pose pas de problème particulier. Le risque d’anomalie chromosomique lié à la chimiothérapie a été largement évoqué depuis longtemps mais a été finalement exclu par les études cytogénétiques [13]. De même, il n’a jamais été mis en évidence d’effet mutagène des traitements sur la descendance des femmes qui ont eu des grossesses après cancer. Enfin, aucune augmentation des fausses couches spontanées ou des malformations fœtales n’a été mise en évidence.

Il n’y a donc aucune indication à la réalisation systématique d’un caryotype fœtal ou d’autres examens génétiques au cours de la grossesse. L’âge moyen des patientes enceintes ayant eu un cancer du sein est néanmoins plus élevé que celui des femmes indemnes de la maladie et l’évaluation du risque d’aneuploïdie par le dépistage combiné (intégrant l’âge maternel, la mesure échographique de la clarté nucale fœtale et les marqueurs sériques du premier ou du deuxième trimestre de la grossesse) peut parfaitement s’appliquer dans cette situation. Le reste de la surveillance, notamment échographique, du fœtus est aspécifique.

A part, les cas de cancer du sein liés à une mutation génétique familiale identifiée type BRCA-1 ou 2, la réalisation d’un diagnostic prénatal pour recherche de la mutation chez le fœtus n’est pas actuellement réalisée de manière systématique [14].

Bien que la discussion concernant le risque de cancer dans la descendance soit nécessaire, l’indication d’une interruption médicale de grossesse dans cette indication reste aujourd’hui fortement débattue. La possibilité d’un diagnostic pré- implantatoire (DPI) est de plus en plus fréquemment discutée avec les couples [15] mais les difficultés d’accès et les délais importants nécessaires à la réalisation pratique du DPI restent des obstacles majeurs en France aujourd’hui.

Les modalités de l’accouchement ne sont pas influencées par la maladie.

Allaitement

L’allaitement après cancer du sein n’est pas contre-indiqué sur le sein controlatéral.

Lorsqu’un traitement comportant une chirurgie conservatrice et une irradiation externe a été réalisé, le sein traité est généralement non-fonctionnel. Certaines interventions de chirurgie réparatrice sont compatibles avec un allaitement maternel. Cette possibilité doit être évaluée avec le chirurgien plasticien en fonction de la technique utilisée. Le risque important de dégradation du résultat esthétique doit être bien connu de la patiente [8, 16, 17].

GROSSESSE APRÈS CANCER DU COL DE L’UTÉRUS

La difficulté particulière de la grossesse après cancer du col de l’utérus tient à sa localisation et aux modalités thérapeutiques qui peuvent comporter une exérèse chirurgicale emportant une partie limitée ou non du col (conisation ; amputation du col) du paramètre (trachélectomie élargie) ou de l’utérus (colpo-hystérectomie élargie).

Sauf cas particulier, le cancer du col utérin ne justifie pas l’ablation des ovaires.

Naturellement, lorsque le traitement a nécessité la réalisation d’une hystérectomie, la grossesse n’est plus possible pour la patiente mais la conservation des ovaires a permis, dans les pays où cette pratique et autorisée, l’obtention de gestations pour autrui.

Grossesse après conisation ou amputation du col utérin

Risques pour la grossesse liés aux néoplasies intra-épithéliales et à leur traitement

Cette situation est devenue très fréquente et a fait l’objet de publications très contradictoires en termes de pronostic. Les principaux risques décrits sont l’infertilité par atteinte de l’endocol (que nous ne discuterons pas ici), le risque de fausse couche tardive et d’accouchement prématuré liés à la perte de capacité fonctionnelle du col en rapport avec son raccourcissement.

Les techniques de conisation, voire d’amputation, chirurgicale du col ont laissé place à l’électrorésection du col à l’anse diathermique, beaucoup plus économe de tissu cervical fonctionnel et à risque réputé moins élevé de perte de la fonction de « verrou » du col utérin pendant la grossesse.

Une équipe écossaise [18] retrouve un lien entre l’existence d’une lésion épithéliale de haut grade (CIN3) et le risque de prématurité, indépendamment de la réalisation ou non d’une électrorésection. À partir des données du registre national, les femmes porteuses d’un CIN3 avaient un risque de prématurité de 11 % contre 6 % chez les femmes sans CIN (OR 1,52, IC95 % : 1,29-1,80, p<0,001) et de rupture prématurée des membranes avant terme de 8 % contre 6 %, respectivement (OR 1,27, IC95 % 1,09-1,48, p=0,001). En revanche, dans la population des CIN3, le risque était indépendant de la réalisation ou non d’une électrorésection. La conclusion de cette étude est que le CIN3 prédispose à l’accouchement prématuré et que ce risque n’est pas majoré par la conisation par électrorésection.

Plusieurs autres publications récentes sur de grands effectifs montrent néanmoins que le risque de prématurité persiste. Sur une série de 624 grossesses après électro- résection, Jakobsson et al . [19] ont montré un risque relatif d’accouchement avant 37 SA de pratiquement trois fois (RR 2,61, [IC95 %] 2,02-3,20) par rapport au risque de base de 4,6 % dans leur population, ce qui correspond à un accouchement prématuré pour 14 conisations réalisées. En cas de réintervention pour complément de résection, le risque relatif est de plus de cinq fois (RR 5,15, IC95 % 2,45-7,84), soit un accouchement prématuré pour cinq interventions itératives, ce qui suggère que l’importance de la résection est corrélée au risque de prématurité.

De même, une équipe danoise [20] montre un lien entre la profondeur de l’électrorésection et le risque de prématurité. Les informations concernant la profondeur du cône de résection étaient disponibles pour 3605 femmes qui avaient accouché, dont 223 prématurément (6,2 %). Après ajustement pour les principaux facteurs confondants, le risque d’accouchement prématuré était significativement associé à la profondeur de la conisation, avec un augmentation d’environ 6 % du risque de prématurité pour chaque millimètre de résection supplémentaire (OR 1,06, IC95 % 1,03-1,09). La sévérité de la lésion histologique n’était pas corrélée au risque de prématurité dans cette étude. La notion de reprise de conisation était associée à un risque de pratiquement quatre fois par rapport à l’absence de résection avant l’accouchement.

Les conclusions que l’on peut tirer de ces études sont que le pronostic des grossesses après conisation reste le plus souvent excellent, mais qu’une résection « économe », réduite au strict nécessaire sur le plan carcinologique, doit être préconisée afin de limiter l’augmentation du risque de prématurité liée à ce geste.

Suivi de la grossesse après conisation

Il n’y a actuellement aucun consensus concernant la conduite à tenir pendant la grossesse après une conisation cervicale. La réalisation d’un cerclage a longtemps été préconisée mais elle s’avère inutile dans la majorité des cas. Les risques de prématurité et de rupture prématurée des membranes, discutés au chapitre précédent, restent modérés après conisation unique. L’obstétricien doit récupérer les comptes-rendus opératoires et anatomo-pathologiques afin d’évaluer l’importance de la résection.

Un cerclage pourrait être proposé de manière élective aux patientes ayant eu une reprise de conisation ou une résection d’emblée signalée comme profonde.

Une autre approche, préférée actuellement, consiste à évaluer la longueur cervicale restante par échographie endovaginale au début de la grossesse et éventuellement de répéter cette mesure au début du deuxième trimestre afin de préciser le risque de prématurité et éventuellement de réaliser un cerclage préventif lorsque la longueur efficace du col est faible (moins de 30 mm).

Grossesse après trachélectomie élargie

Cette intervention, décrite par Daniel Dargent [21], est réservée aux petits cancers invasifs du col utérin sans envahissement ganglionnaire, chez des femmes en âge de mener une grossesse.

 

A partir de tous les cas isolés ou des séries publiés, il a été montré que 40 % des femmes ayant eu une trachélectomie élargie avaient pu être enceintes. Le taux de prématurité est élevé puisqu’il concerne 25 % de ces grossesses. Les naissances vivantes à terme représentent 42 % de l’ensemble des grossesses. La majorité des naissances vivantes sont survenues chez les patientes ayant un cerclage cervical systématique. Au total, les grossesses sont possibles après cette intervention et aboutissent à des taux de naissance vivantes d’environ deux tiers. La surveillance de ces grossesses doit donc prévoir la possibilité d’une naissance prématurée et se dérouler dans un milieu obstétrical spécialisé. Le pronostic carcinologique de cette intervention n’étant pas différent de celui de la colpo-hystérectomie élargie dans une population correctement sélectionnée, sa réalisation pourrait sans doute être plus fréquemment proposée aujourd’hui [22].

Grossesse après colpo-hystérectomie élargie

Ce paragraphe peut paraître très incongru mais les discussions récentes en France à propos de la « gestation pour autrui » ne permettent pas de l’éluder. Des naissances après grossesses chez des mères porteuses ont été obtenues dans les pays où cela est autorisé après des traitements chirurgicaux conservateurs des ovaires et de leur fonction [23].

Indépendamment du désir éventuel de grossesse, le traitement du cancer invasif du col utérin chez la femme jeune devrait viser à maintenir la fonction endocrine et donc comporter une transposition ovarienne afin d’éloigner les gonades du champ d’irradiation lié à la curiethérapie et à l’éventuelle irradiation pelvienne.

Grossesse après cancer de l’ovaire

Cette situation est beaucoup plus rare que celles abordées aux chapitres précédents.

En effet, la conservation ovarienne ne s’envisage ici que pour les tumeurs borderline chez la femme jeune ou encore, chez des patientes très rigoureusement sélectionnées, en cas de micro-invasion stromale.

Dans une série récente de 360 tumeurs border-line de l’ovaire, comparant le devenir de 176 patientes ayant eu une chirurgie radicale à 184 dont le traitement avait été conservateur de l’utérus et de l’ovaire contro-latéral, les auteurs n’ont observé aucune différence dans le taux de récidives (4,9 % vs 5,1 % respectivement). Le site le plus courant des récidives était néanmoins l’ovaire restant. Il n’y avait pas de différence de survie indemne de la maladie entre les deux groupes et trente quatre grossesses à terme avaient été obtenues dans le groupe conservateur. Le taux de grossesses obtenu semble donc limité mais le pronostic apparemment favorable de cette approche conservatrice doit rendre cette option envisageable chez les femmes jeunes désireuses d’une grossesse éventuelle [24].

Sur dix femmes ayant eu un traitement conservateur de l’utérus et de l’ovaire controlatéral pour un cancer borderline avec micro-invasion stromale, de stade I à IIIb, six grossesses ont été obtenues dont trois naturelles et trois par fécondation in vitro [25]. Après un suivi de 7 à 117 mois, la moitié des patientes a récidivé sur un mode borderline localisé à l’ovaire controlatéral sauf un cas avec implants péritonéaux. L’absence de maladie évolutive chez la totalité des patientes traitées, avec ou sans récidive fait dire aux auteurs que cette prise en charge est sûre. Naturellement, devant la rareté de telles observations, le rapport bénéfices/risques de ce type de traitement conservateur doit être particulièrement discuté avec la patiente.

Grossesse après cancer de l’endomètre

Un traitement conservateur de l’utérus a été proposé chez des femmes jeunes désireuses de grossesse et atteintes d’un cancer de l’endomètre au stade IA ou d’une hyperplasie atypique de l’endomètre [26].

Il s’agit le plus souvent de cancers découverts fortuitement après résection hystéroscopique ou biopsie d’endomètre. Un traitement progestatif per os complète la résection hystéroscopique. Dans la littérature l’acétate de médroxyprogestérone a été le plus souvent utilisé. Une réponse histologique complète est obtenue chez environ trois-quarts des femmes après une moyenne de douze semaines de traitement. Le risque de récidive est cependant élevé, observée chez un tiers de ces femmes à vingt mois [27]. Ce risque est croissant avec le recul et est plus élevé en cas de cancer de l’endomètre que d’hyperplasie atypique : dans une étude multicentrique japonaise 57 % des cancers de l’endomètre et 38 % des hyperplasies atypiques ont récidivé après une médiane de suivi de cinquante mois [28].

Environ deux tiers des femmes ayant bénéficié de ce traitement conservateur obtiennent une grossesse. Compte tenu du risque de récidive dans des délais relativement courts, il est préconisé de ne pas tarder avant de concrétiser le projet de grossesse. De ce fait, plus de la moitié de ces patientes ont été enceintes en ayant recours à l’aide médicale à la procréation, qui n’est donc pas formellement contre indiquée dans cette situation [27].

L’opportunité d’une hystérectomie après la grossesse fait partie des questions débattues. Les séries rapportées ont cependant des effectifs faibles (habituellement moins de dix patientes) et des reculs modérés. Les risques ne doivent pas être sous-estimés. Des cas de carcinose péritonéale ont été rapportés parfois après plusieurs récidives histologiques que l’on a persisté à vouloir traiter de façon conservative [28], ou pour certaines formes histologiques comme les sarcomes [29].

Les échecs sont d’autant plus douloureux que le traitement classique offre près de 100 % de survie dans les stades débutants du cancer de l’endomètre.

CONCLUSION

La grossesse est une situation fréquente après un cancer mammaire qui touche fréquemment la femme en âge de procréer. Elle n’a pas d’influence sur le pronostic de la maladie et le délai à respecter après un cancer du sein pour démarrer une grossesse doit tenir compte essentiellement des risques de récidive et de localisations secondaires. La grossesse par elle même ne présente pas de particularité.

Après un cancer gynécologique, les difficultés prévisibles sont importantes car le traitement de la maladie peut comporter des risques pour la grossesse, en particulier de prématurité ou de fausse couche après cancer du col utérin opéré.

Le maintien de la possibilité de grossesse après cancer de l’ovaire ou de l’endomètre nécessite une sélection rigoureuse des cas car il existe un risque non négligeable de récidive au cours ou au décours de la grossesse.

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DISCUSSION

M. Jacques ROUËSSÉ

La durée demandée de cinq ans avant la grossesse après traitement du cancer du sein est plus liée au fait de la prescription de Tamoxifène (cinq ans) qu’à la gravité elle-même. Le Tamoxifène étant présent de plus en plus fréquemment. La prescription de la LHRH pratiquée par beaucoup, au début du traitement par le Tamoxifène, a-t-elle un impact sur la fécondité ?

Les agonistes de la LHRH ont été utilisés conjointement à la chimiothérapie par certaines équipes dans un but de protection ovarienne. Les données semblent montrer une diminution des insuffisances ovariennes précoces chez les femmes ayant reçu un co-traitement par analogues de LHRH avec la chimiothérapie. La majorité des données provient d’études non-randomisées et ce traitement n’est pas encore utilisé de manière systématique.

M. Yves VILLE

Outre la fertilité, on pourrait penser que la chimiothérapie et la radiothérapie pourraient affecter durablement la qualité du myomètre et de l’endomètre. Qu’en est-il de l’incidence des anomalies de l’implantation placentaire : prééclampsie et retard de croissance ultra utérin ?

L’effet des traitements est sans doute beaucoup moins important sur le myomètre ou l’endomètre que sur les ovaires. Il a été mis en évidence une augmentation des risques d’accouchement prématuré et de retard de croissance fœtale chez les femmes ayant reçu une irradiation pelvienne pour des cancers au cours de l’enfance et de l’adolescence mais il s’agit sans doute d’un effet essentiellement « mécanique » par diminution de la compliance utérine que d’un effet sur la vascularisation utérine. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’augmentation des risques de pré-éclampsie ou d’autre pathologie vasculaire placentaire après traitement pour cancer.

M. Charles-Joël MENKÉS

Dans les formes débutantes du cancer du col, vous avez évoqué les inconvénients possibles de la conisation. Le traitement au laser sous colposcopie est-il indiqué dans ce cas ?

Le laser est un instrument parmi d’autres pour la réalisation d’une conisation. Le risque de prématurité ne semble pas tant lié à l’instrument utilisé qu’à la hauteur de la pièce de conisation. De ce point de vue, la conisation à l’anse diathermique, qui est la plus fréquemment réalisée actuellement, semble bien être celle qui comporte le risque le moins élevé de conséquences obstétricales.

M. Gilles CREPIN

Dans les cancers du sein liés à une mutation génétique familiale type BRCA 1 ou 2, n’y-a-t-il pas un risque médico-légal à ne pas répondre à une demande de diagnostic prénatal ?

Il s’agit d’une question délicate car la réalisation d’un diagnostic prénatal n’a de sens que s’il influence la prise en charge de la grossesse et en particulier s’il ouvre la possibilité d’une interruption médicale de grossesse. Selon les termes de la loi, la décision d’interruption de grossesse s’applique « lorsque l’enfant à venir est porteur d’une maladie d’une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». Dans le cas des gènes de prédisposition au cancer, il existe des possibilités de traitements préventifs, essentiellement chirurgicaux. Donc en pratique, le diagnostic prénatal n’est pas la solution privilégiée car une éventuelle demande d’interruption médicale de grossesse de la part des parents ne serait pas systématiquement acceptée. Néanmoins, ces traitements sont pour certains mutilants et une demande d’interruption de grossesse devient dans ce cas plus recevable pour les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal. Une alternative au diagnostic prénatal est représentée aujourd’hui par le diagnostic pré- implantatoire qui permet de ne transférer dans l’utérus que des embryons indemnes de la maladie.

M. Jacques MILLIEZ

Le refus de diagnostic prénatal pour cancer du sein (BRCA 1-2) ne serait-il pas critiquable que s’il n’avait pas été conseillé voire organisé la quête d’un second avis ?

En effet, lorsqu’un Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal (CPDPN) répond défavorablement à une demande d’interruption médicale de grossesse formulée par les parents, il doit informer les parents de la possibilité de prendre un autre avis dans un autre centre. Nous avons l’habitude d’orienter les patientes vers un autre CPDPN qui peut confirmer l’avis défavorable du premier centre mais qui peut aussi parfois avoir un avis différent et répondre favorablement à la demande des parents.

M. Jean NATALI

A la lumière de ce que nous venons d’entendre, quelle est votre position sur la GPA ?

La GPA n’est pas la seule réponse au désir inassouvi de maternité, cependant dans certains cas de cancer utérin où une hystérectomie a été nécessaire mais où les ovaires ont été préservés, la GPA pourrait permettre aux parents d’obtenir un enfant qui soit génétiquement le leur. Ces cas sont très particuliers et ne suffisent sans doute pas à peser en faveur d’une acceptation plus générale la GPA.

 

<p>* Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Saint Antoine, 184, rue du Faubourg Saint Antoine, 75012 Paris., e-mail : bruno.carbonne@sat.aphp. fr Tirés à Part : Professeur Bruno Carbonne, même adresse Article reçu le 11 février 2010, accepté le 15 mars 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 509-520, séance du 23 mars 2010