Communication scientifique
Séance du 17 juin 2008

Echinococcose alvéolaire : comment affirme-t-on le diagnostic ?

MOTS-CLÉS : echinococcose alvéolaire,
Alveolar echinococcosis : how to confirm the diagnosis ?
KEY-WORDS : alveolar echinococcosis,

Solange Bresson-Hadni *, Eric Delabrousse*, Frédéric Grenouillet*, Georges Mantion*, Dominique-Angèle Vuitton*.

Résumé

L’échographie est l’examen morphologique de base pour établir le diagnostic d’échinococcose alvéolaire. L’aspect échographique habituel de cette cestodose larvaire est celui, très évocateur, d’une lésion d’échostructure hétérogène, à prédominance hyperéchogènes, correspondant au tissu fibreux, de contour irrégulier, mal défini, d’aspect nodulaire ou infiltratif. Des zones hypoéchogènes traduisant des foyers de nécrose centro-parasitaire s’associent à des foyers de calcification. Dans 25 % des cas, le diagnostic est moins aisé, du fait d’aspects atypiques vis-à-vis desquels les radiologues des zones d’endémie doivent être sensibilisés. Les tests sérologiques spécifiques, ELISA et western blot en particulier, confirment habituellement le diagnostic. La ponction transcutanée des lésions à visée diagnostique n’est de ce fait qu’exceptionnellement indiquée. D’autres techniques d’imagerie sont indispensables pour, d’une part affiner la démarche diagnostique, et, d’autre part, apprécier l’extension des lésions, en particulier au niveau des axes vasculo-biliaires, permettant de guider au mieux le choix thérapeutique. La tomodensitométrie peut repérer d’autres localisations parasitaires de petite taille non repérées en échographie. Elle permet une étude précise des lésions surtout en cas de calcifications importantes ayant pu gêner l’examen échographique. L’imagerie par résonnance magnétique est intéressant en cas de doute diagnostique : les multiples vésicules parasitaires peuvent être visualisées au sein des lésions florides d’échinococcose alvéolaire, apparaissant en hypersignal en pondération T2. C’est une excellente technique pour appré- cier les envahissements vasculaires en particulier cave et sus-hépatique et l’extension de contiguité. Elle peut être couplée à une bili-IRM pour préciser au mieux l’envahissement des voies biliaires, notamment au niveau de la convergence.

Summary

Ultrasonography is the first-step exam for the diagnosis of alveolar echinococcosis. Liver involvement commonly appears as an ill-defined infiltration of the liver parenchyma. Lesions are heterogeneous and in most cases hyperechoic, related to fibro-parasitic tissue associated to scattered calcifications. Hypoechoic foci can also be observed, related to necrosis. In 25 % of the cases, ultrasonography discovers atypical aspects that must be known by radiologists working in endemic region for alveolar echinococcosis. Specific serological tests, particularly ELISA and western blot, usually confirm the diagnosis. Therefore, per-cutaneous punction is exceptionally needed to assess the diagnosis. Other imaging techniques are very useful to complete the diagnosis step and to specify vascular and biliary extension, a crucial information for the therapeutic choice. Computed tomography may show small additional parasitic foci, non visualized by ultrasonography. It allows an accurate examination of the lesions particularly in case of very calcified images that could have made ultrasonographic analysis more difficult. Magnetic resonance imaging may be useful for diagnosis showing on T2 weighted images, in cases of fertile lesions, numerous clustered small cysts. Moreover, it is an excellent technique to analyse vascular involvement, particularly for vena cava and hepatic veins, and to diagnose involvement of adjacent organs. Coupled to cholangio-MR, it allows a precise examination of the biliary tree invasion, particularly in the hilum area.

UN EXAMEN CLE POUR LE DIAGNOSTIC : L’ECHOGRAPHIE ABDOMINALE

L’échographie permet de repérer la lésion parasitaire et d’identifier ses différents constituants. Dans la majorité des cas, les aspects échographiques sont très caractéristiques et ne posent pas de difficultés diagnostiques. La séméiologie échographique est polymorphe et reflète la complexité du contenu des lésions, où s’associent, de façon très variable, vésicules parasitaires, nécrose, micro- et macro-calcifications plus ou moins confluentes et fibrose [1-3].

Aspects typiques : l’aspect habituel, rencontré trois fois sur quatre, est celui d’un processus expansif intra-hépatique pseudo-néoplasique, d’échostructure hétérogène, à prédominance hyperéchogène, de contours irréguliers, mal définis, d’aspect nodulaire ou infiltratif (figure 1). Le tissu fibro-parasitaire est hyperéchogène, en raison de très nombreuses interfaces dues aux travées fibreuses, aux fragments cuticulaires, aux parois des alvéoles, généralement de trop petite taille pour être distinguées. Les plages de nécrose sont de contours irréguliers, anfractueux, plus ou moins confluentes, de siège central, d’aspect transsonore pseudoliquidien. Les calcifications se présentent soit sous forme d’amas nodulaires, avec

Fig. 1. — examen échotomographique d’une lésion d’échinococcose alvéolaire. Aspect typique sous la forme d’une plage hétérogène aux contours mal définis. Semis de foyers hyper-échogènes correspondant aux amas de calcifications au sein du tissu parasitaire.

cône d’ombre acoustique postérieur net, soit sous forme de semis de microcalcifications se traduisant par une absorption rapide du faisceau ultrasonore.

L’échographie permet une première évaluation de la lésion. Elle montre une extension hilaire, une éventuelle dilatation des voies biliaires intra-hépatiques et une extension extra-hépatique de contiguïté, en particulier rétropéritonéale. Couplée au Doppler pulsé et couleur, elle permet de rechercher la compression, l’engainement ou l’envahissement des structures portes, des veines sus-hépatiques et de la veine cave inférieure, et de mettre en évidence des signes d’hypertension portale, d’abcès, d’obstacle biliaire. Cependant, en raison du caractère très absorbant de la masse parasitaire et du contingent calcifié, l’échographie ne permet généralement pas une délimitation précise des lésions, dont les contours posté- rieurs sont mal appréciés. Elle sous-estime les calcifications et méconnaît souvent les extensions extra-hépatiques de contiguïté.

Aspects atypiques [4] : dans un quart des cas, l’échographie repère des formes atypiques d’échinococcose alvéolaire. Afin de ne pas retarder ou méconnaître le diagnostic, ces autres aspects de l’EA doivent absolumment être connus des radiologues :

Fig. 2. — examen échotomographique d’une lésion d’échinococcose alvéolaire atypique. Forme pseudo-kystique très largement nécrosée • Formes focales homogènes qui correspondent à des lésions débutantes de la maladie. Il s’agit d’un nodule de petite taille, inférieur à 2 cm, soit hypoéchogène, soit hyperéchogène, pouvant être pris à tort pour un angiome du foie.

Formes pseudo-kystiques ou cavitaires (figure 2) dues à une nécrose centrale massive, ne laissant en périphérie qu’une fine couronne de tissu péri-lésionnel partiellement calcifié. Elles peuvent faire suspecter à tort un cystadénome ou un cystadénocarcinome [5]. Cet aspect est également fréquemment rencontré lors des récidives après chirurgie palliative, laissant en place les reliquats parasitaires au contact des gros vaisseaux.

Formes massivement calcifiées habituellement de petites tailles, quelquefois limitées à une calcification punctiforme, souvent plus volumineuses, pouvant mesurer jusqu’à 3 cm, et alors volontiers associées à des phénomènes de rétraction. Elles peuvent correspondre à des foyers abortifs d’échinococcose alvéolaire.

UNE DEUXIEME ETAPE POUR AFFIRMER LE DIAGNOSTIC : LA REALISATION DES TESTS SEROLOGIQUES SPECIFIQUES

La sensibilité de la sérologie (ELISA et western blot, en particulier) dans l’EA est, dans les circonstances habituelles du diagnostic, en France, excellente, mais pas tout à fait parfaite [6-8]. Environ 5 % des cas dans les grandes séries d’EA ont une sérologie négative.

En dehors de la sérologie, les examens biologiques apportent peu au diagnostic [1-4].

Une cholestase anictèrique, manifestée par des valeurs parfois très élevées de la gammaglutamyl transpeptidase (GGT) et de phosphatases alcalines, peut précéder l’ictère de plusieurs mois, voire années. Les transaminases peuvent être modérément élevées, mais aussi tout à fait normales. La quasi-normalité des tests hépatiques, contrastant avec des lésions parfois volumineuses, est également un élément d’orientation. La GGT et les phosphatases alcalines n’augmentent habituellement qu’en cas d’extension du processus parasitaire au niveau de la convergence biliaire, annonçant, avec l’élévation de la protéine-C-réactive, la survenue de complications obstructives biliaires. L’accélération de la vitesse de sédimentation est très habituelle au cours de l’EA, liée à une hyperimmunoglobulinémie polyclonale, en dehors de tout épisode de surinfection bactérienne. L’hyperéosinophilie est exceptionnelle et ne s’observe réellement que dans de rares cas de migration hématogène de fragments parasitaires. Leuconeutropénie et thrombopénie accompagnent l’hypertension portale. Enfin, les signes biologiques d’insuffisance hépatocellulaire sont exceptionnels en dehors de très rares cas de cirrhose biliaire secondaire à un stade avancé.

LES AUTRES EXAMENS MORPHOLOGIQUES PERMETTENT UNE ÉVALUATION PRÉ-THÉRAPEUTIQUE DES LÉSIONS

La tomodensitométrie permet de mieux apprécier le nombre, la taille et la topographie exacte des lésions, surtout quand les calcifications de la lésion sont importantes et nuisent à l’analyse échographique. La tomodensitométrie montre particulièrement bien les calcifications (figure 3 A-B, 4A), et le discret renforcement périlésionnel après opacification vasculaire, qui traduit la réaction granulomateuse périparasitaire [9,10].

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est la meilleure technique pour analyser les contenus des foyers parasitaires, mais elle montre mal les calcifications (figure 4B). C’est une excellente technique pour apprécier les envahissements vasculaires, en particulier cave et sus-hépatiques et l’extension de contiguïté. La biliIRM qui peut être réalisée dans le même temps, va permettre d’étudier les extensions biliaires, particulièrement au niveau de la convergence [9, 10] (figure 5).

Ces techniques d’imagerie ont détrôné l’artériographie coeliomésentérique, la cavographie et l’opacification des voies biliaires par ponction percutanée qui n’ont plus que des indications limitées.

Les tomodensitométries thoraciques et cérébrales sont réalisées dans l’évaluation pré-opératoire.

 

Fig. 3 A-B. — examen tomo-densitométrique de lésions d’échinococcose alvéolaire. 3A : lésion présentant un important contingent calcifié, bien analysable par cette technique d’imagerie. 3B :

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Fig. 5. — Bili-IRM permettant d’étudier l’extension du processus parasitaire aux voies biliaires. La lésion du foie droit s’étend le long du pédicule hépatique avec infiltration de la partie haute de la voie biliaire principale (flèches).

L’IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE PEUT ETRE UTILE EN CAS DE DOUTE DIAGNOSTIQUE

C’est en effet la meilleure technique pour analyser le contenu des foyers parasitaires.

Elle méconnait par contre les calcifications. Les multiples vésicules parasitaires, de moins d’un centimètre, peuvent être visualisées, apparaissant en hypersignal en pondération T2 : cette image en « rayon de miel » est pathognomonique de l’affection et peut permettre d’identifier des formes florides d’EA [8] (figure 4C).

LES PONCTIONS A VISEE DIAGNOSTIQUE NE DOIVENT PAS ETRE SYSTEMATIQUES

La ponction transcutanée des lésions d’EA n’a jamais été suivie de choc anaphylactique. Cependant, elle est n’est pas indiquée car les données d’imagerie et les tests sérologiques apportent désormais suffisamment d’arguments pour établir le dia- gnostic et la preuve anatomo-pathologique est généralement fournie à l’occasion d’une intervention chirurgicale.

Dans les exceptionnels autres cas, une ponction per-cutanée sous guidage ultrasonographique permet l’analyse histopathologique des lésions et confirme le diagnostic [11]. Pour ces formes hépatiques atypiques, et surtout pour les localisations extra-hépatiques, un diagnostic par amplification génique est actuellement possible (PCR) [12,13].

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

Quel est l’intérêt du pet scan : pour la différenciation entre lésions actives et abortives ? Et pour le dépistage des lésions métastatiques ?

L’évaluation des lésions d’échinococcose alvéolaire par la tomographie par émission de positrons après incorporation [18F] Fluoro-Deoxyglucose (Tep-scan) peut permettre d’avoir une approche morpho-fonctionnelle des lésions d’échinococcose alvéolaire en appréciant indirectement la viabilité parasitaire : en effet, dans les formes florides d’échinococcose alvéolaire, le Fluoro-Deoxyglucose est incorporé dans la couronne inflammatoire périparasitaire du fait d’une intense activité métabolique des cellules immunitaires. L’intérêt de cet examen se situe plus dans le cadre du suivi des patients atteints de lésions d’échinococcose alvéolaire inopérables, qui vont poursuivre un traitement parasitostatique par albendazole au long cours : il est possible d’observer une diminution et parfois une extinction du signal d’hyperactivité périlésionnelle au fil du temps, traduisant manifestement une efficacité du traitement. Cet examen peut effectivement permettre de repérer des localisations métastatiques, mais à l’heure actuelle, à l’étape diagnostique, la tomodensitométrie thoracique et une exploration morphologique cérébrale classique (tomodensitométrie ou IRM) restent les examens de référence dans le cadre de la recherche de ces éventuelles localisations métastatiques parasitaires.

 

<p>* Centre Collaborateur OMS pour la Prévention et le Traitement des Echinococcoses humaines. C.H.U Jean Minjoz et Université de Franche-Comté-25030 Besançon. ** Unité de Transplantation hépatique, CHU Jean Minjoz *** Service de Radiologie Viscérale. CHU Jean Minjoz **** Laboratoire de Parasitologie. CHU jean Minjoz Tirés à part : Professeur Solange Bresson-Hadni, même adresse Article reçu et accepté le 25 mai 2008</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 6, 1141-1150, séance du 17 juin 2008