Communication scientifique
Séance du 14 janvier 2003

Du fibrinogène à la fibrine et sa dissolution

MOTS-CLÉS : arteriosclerose. carboxypeptidase u. facteur risque.. fibrine. fibrinogène. fibrinolyse. inhibiteur activateur plasminogene 1. thrombose
From fibrinogen to fibrin and its dissolution
KEY-WORDS : arteriosclarosis. carboxypeptidase u. fibrin. fibrinogen. fibrinolysis. plasminogen activator inhibitor 1. risk factors.. thrombosis

I. Juhan-Vague, M. Hanss

Résumé

Le fibrinogène est une protéine plasmatique d’origine hépatique qui sous l’action de la thrombine est transformée en fibrine insoluble pour assurer, avec les agrégats plaquettaires, l’hémostase au niveau d’une brèche vasculaire. Cette transformation a lieu en plusieurs étapes et implique l’action du facteur XIII. Les propriétés moléculaires de la fibrine lui confèrent un rôle important dans l’hémostase qui dépasse celui d’un simple produit final inerte de la coagulation. En effet la fibrine régule l’activité de la thrombine et du facteur XIII et sa propre destruction ou fibrinolyse. Les multiples domaines du fibrinogène et de la fibrine leur permettent de jouer un rôle non seulement dans l’hémostase mais aussi dans la cicatrisation, la migration et la prolifération cellulaire grâce à des interactions avec les cellules endothéliales, les leucocytes, les composants de la matrice extracellulaire. La fibrine doit être détruite une fois qu’elle a cessé d’être utile à l’hémostase. Le processus fibrinolytique prend place dans la lumière vasculaire, il est fortement régulé par la concentration plasmatique d’un inhibiteur, le PAI-1 dont la synthèse est très augmentée chez les sujets obèses résistants à l’insuline et diabétiques. Des données animales montrent que l’augmentation de la production de PAI-1 représente une situation prothrombotique. La fibrinolyse intervient aussi dans le remodelage tissulaire (paroi vasculaire, placenta, tissu adipeux….) en dégradant la matrice extracellulaire, en activant des facteurs de croissance et en modifiant les propriétés d’adhésion et de migration cellulaire. Il a été proposé que le PAI-1 en excès pourrait être directement responsable du développement de l’athérosclérose chez les sujets présentant une résistance à l’insuline ; de plus des résultats récents obtenus à partir d’animaux transgéniques indiquent que l’excès de PAI-1 interfère aussi avec la prise de poids. Ces données témoignent de l’importance du système hémostatique dans les phénomè- nes extravasculaires de remodelage tissulaire.

Summary

Fibrinogen is a protein synthesised by the liver. It is converted by thrombin to an insoluble fibrin network to induce, together with platelet aggregates, haemostasis in response to rupture of endothelium. This change includes several steps and implied factor XIII. Molecular properties of fibrin are responsible for its important role in hemostasis which goes beyond the one of a simple final inert product of coagulation. In fact, fibrin regulates thrombin and factor XIII activities and its own destruction also called fibrinolysis. The multiple domains of fibrinogen and fibrin confer a role not only in haemostasis but also in wound healing, cellular migration and proliferation, due to interactions with endothelial cells, leukocytes and components of the extracellular matrix. Fibrin must be removed once its haemostatic role has been reached. The fibrinolytic process takes place in the vessel lumen. It is strongly regulated by the plasma concentration of an inhibitor called plasminogen activator inhibitor-1 (PAI-1) which synthesis strongly increases in obese insulin resistant and diabetic patients. Data from animal models show that increased PAI-1 production represents a prothrombotic state. Fibrinolysis plays also a role in tissue remodeling (vascular wall, placenta, adipose tissue….) by degrading the extracellular matrix, by activating growth factors or modifying cellular adhesion and migration properties. It has been proposed that PAI-1 in excess could be directly responsible for the development of atherothrombosis in insulin resistant subjects. Moreover recent results from transgenic mice indicate that PAI-1 in excess interferes also with weight gain. These data point out the importance of the haemostatic system in the extra vascular phenomenon of tissue remodeling.

INTRODUCTION

Le fibrinogène est à l’origine du réseau de fibrine structurant le caillot . Il a longtemps été considéré comme un substrat inerte soumis à l’action de la thrombine. Sa structure moléculaire et les fonctions multiples qui en résultent ont été largement étudiées ces dernières années. La fibrinolyse permet la destruction du caillot . C est un système complexe dont le dérèglement peut favoriser le développement de thrombose intravasculaire et modifier la migration cellulaire et le remodelage tissulaire. L’identification chez des patients victimes d’hémorragie ou de thrombose d’anomalies qualitatives et quantitatives des molécules impliquées dans les processus de fibrinoformation et de fibrinolyse permet de progresser dans la compréhension de ces mécanismes.

LE FIBRINOGÈNE

Le fibrinogène est une glycoprotéine de 340 kDa. Sa concentration plasmatique est comprise entre 2 et 4 g/l. Il est composé de 3 paires de chaînes polypeptidiques Aα, Bβ et γ, liées par des ponts disulfures. La molécule est organisée sous la forme d’un
dimère symétrique allongé avec 3 domaines globulaires . Le domaine central E réunit les régions N-terminales des 6 chaînes et contient les séquences FPA et FPB (fibrinopeptides A et B). Les domaines D sont situés aux extrémités et contiennent les portions C-terminales des chaînes Bβ et γ, et une partie des chaînes Aα [1].

Le fibrinogène comporte une série de sites de liaison exposés en surface (site de liaison pour la thrombine, le facteur XIII, la glycoprotéine plaquettaire GPIIbIIIa, l’intégrine leucocytaire MAC I) ou démasqués lors de l’hydrolyse par la thrombine (site de polymérisation) ou démasqués après polymérisation (site de liaison du plasminogène et du t-PA).

Conversion du fibrinogène en fibrine par la thrombine — Rôle du facteur XIII

Lorsque la concentration de thrombine formée atteint un certain seuil, la thrombine convertit le fibrinogène soluble en fibrine insoluble ; celle-ci constitue le squelette, la clef de voûte du caillot. La thrombine clive l’extrémité N terminale des chaînes Aα et Bβ et sépare ainsi les FPA et FPB des monomères de fibrine. Ces derniers s’apparient linéairement entre eux sous la forme de protofibrilles qui vont ensuite s’associer latéralement en formant un réseau fibrillaire tridimensionnel (Fig. 1).

Ce polymère de fibrine est stabilisé par le facteur XIII. Cette transglutamidase est activée en facteur XIIIa par la thrombine en présence de calcium et de fibrine [2]. Le facteur XIIIa crée des liaisons covalentes entre les résidus lysine et glutamine localisés sur 2 monomères de fibrine adjacents. Il peut aussi intervenir en amarrant le caillot de fibrine à des protéines du sous endothélium, comme la fibronectine et en liant l’α2 antiplasmine aux chaînes α de la fibrine ; il retarde ainsi sa destruction jusqu’à la réparation des tissus [3].

De par sa structure moléculaire, la fibrine possède des propriétés cofacteurs qui s’exercent à différents niveaux. Elle lie la thrombine [4] et cette liaison n’entraîne pas de perte des propriétés catalytiques de l’enzyme mais protège la thrombine de son inactivation par l’antithrombine physiologique ou le complexe héparineantithrombine, alors que des antithrombines directes, comme le mélagatran, sont capables d’inhiber la thrombine fixée au caillot [5]. Cette propriété permet à la fibrine de limiter la diffusion de la thrombine et ainsi de réguler la propagation du caillot. Certaines dysfibrinogénémies (fibrinogènes anormaux) donnent lieu à des thromboses récidivantes. Pour le fibrinogène New York, elles sont attribuées au fait que la fibrine est incapable de lier la thrombine et de réguler sa diffusion.

La fibrine régule aussi l’initiation et la propagation de la fibrinolyse. Elle représente une surface d’ancrage pour les intervenants du système fibrinolytique (t-PA et plasminogène), créant un environnement favorable à la formation de la plasmine [6] .

La structure physique de la fibrine conditionne sa susceptibilité à la fibrinolyse. Le mode d’association entre les fibrilles induit la formation de fibres plus ou moins épaisses et un réseau plus ou moins dense.

FIG. 1 Des dysfibrinogènes comme le fibrinogène Dusart (anomalie de la chaîne Aα en position 554) décrit par l’équipe du Professeur Caen, s’accompagnent également de thromboses récidivantes : ils fixent mal le plasminogène et sont donc résistants à la fibrinolyse [7]. De plus, dans le cas de la dysfibrinogénémie Dusart, le caillot de fibrine est très peu perméable car formé de fibres fines qui forment un réseau très serré, peu poreux. L’addition de dextran in vitro corrige l’anomalie de structure du caillot et les désordres de la fibrinolyse [7]. Selon le type d’anomalie moléculaire rencontrée, la traduction clinique des dysfibrinogènes peut être thrombotique, hémorragique, inexistante, ou consister en une maladie de surcharge (amylose rénale, insuffisance hépatique à inclusions). L’ensemble des variants moléculaires
rapportés est colligé dans une base accessible sur le site internet du Geht http :

//www.geht.org/pages/database-ang.html [8]. A ce jour 301 variants ont été répertoriés.

Chez les patients diabétiques, l’hyperglycosylation du fibrinogène et de la fibrine entraîne des anomalies qualitatives avec anomalie de structure du caillot et hypofibrinolyse [9,10]. Chez les patients avec syndrome néphrotique, on retrouve aussi un caillot de fibrine plus rigide avec une lyse retardée ; ces anomalies ont été rattachées à une hypoalbuminémie et sont réversibles in vitro par l’ajout d’albumine [11].

Des anomalies quantitatives du fibrinogène peuvent entraîner un risque hémorragique ou thrombotique. La concentration du fibrinogène influe fortement sur la viscosité sanguine. Le fibrinogène est une protéine de l’inflammation. De nombreuses études épidémiologiques ont montré qu’une concentration plasmatique de fibrinogène située dans le tertile supérieur des valeurs contrôles constitue un facteur de risque indépendant d’athérothrombose (coronaires, carotides, artères périphériques), et la valeur prédictive du fibrinogène est considérée comme aussi importante que celle du cholestérol [12]. Par ailleurs, des déficits quantitatifs constitutionnels s’accompagnent d’un risque hémorragique à partir d’une concentration inférieure à 0,5 g/l. Des déficits quantitatifs acquis sont décrits lors de l’insuffisance hépatique ou de coagulation intravasculaire disséminée.

De nombreux polymorphismes ont été identifiés sur les gènes du fibrinogène et du facteur XIII. Un polymorphisme Val 34 Leu sur le gène du facteur XIII paraît spécialement intéressant. Il a été montré, dans plusieurs études épidémiologiques, que les porteurs homozygotes de la forme Leu 34 sont protégés de la survenue d’un infarctus du myocarde [13]. Le mode d’action de cet effet protecteur est mal connu.

D’autres interactions de la fibrine avec des protéines plasmatiques (fibronectine) ou des composants de la matrice extracellulaire lui confèrent des fonctions dans l’inflammation et la réparation tissulaire, dans l’adhésion et la migration cellulaire à l’intérieur du caillot.

DESTRUCTION DE LA FIBRINE. LE SYSTÈME FIBRINOLYTIQUE

La fibrinolyse est un système protéolytique multifonctionnel [6] (Fig. 2). On lui reconnaît 2 implications principales : la dégradation des dépôts de fibrine intra et extra vasculaire, et la dégradation de la matrice extracellulaire, qui a des conséquences importantes dans les phénomènes de migration cellulaire et de remodelage tissulaire. Ce système se déroule en 2 étapes : le plasminogène est transformé en plasmine sous l’action d’activateurs, l’activateur du plasminogène de type tissulaire ( t-PA) et l’activateur de type urokinase (u-PA), puis les substrats sont dégradés par la plasmine. Il est contrôlé par plusieurs cofacteurs (fibrine, récepteurs cellulaires) et des inhibiteurs . Les inhibiteurs principaux sont l’α2 antiplasmine (α2 AP) et l’inhibiteur des activateurs du plasminogène de type 1 (PAI-1).

FIG. 2. — Système fibrinolytique FIBRINOLYSE INTRAVASCULAIRE. RÔLE DU T-PA

La plasmine ne se forme qu’en cas de nécessité absolue, selon un processus très précisément contrôlé, sa génération devant rester localisée au thrombus [14]. Des interactions moléculaires complexes sont responsables de la régulation de la fibrinolyse à la surface du thrombus [6] (Fig. 3).

La fibrine fixe le t-PA produit par les cellules endothéliales et libéré en permanence dans la circulation, et le plasminogène au niveau de sites ‘‘ lysine ’’ ; l’efficacité du t-PA est alors multipliée par 100 et des traces de plasmine vont apparaître et commencent à protéolyser la fibrine . L’activité fibrinolytique locale est alors amplifiée car la fibrine partiellement dégradée expose de nouveaux groupements lysine et fixe un nombre plus important de molécules de plasminogène et de t-PA. Une lyse prématurée est cependant prévenue par l’incorporation d’inhibiteurs (PAI-1, α2 AP) dans le caillot. Ces inhibiteurs vont aussi éviter la dissémination systémique du

FIG. 3. — Fibrinolyse Intravasculaire processus en inhibant rapidement la plasmine ou les activateurs du plasminogène libérés du thrombus.

L’inhibiteur de la fibrinolyse activé par la thrombine ou TAFI, de description récente, inhibe la fibrinolyse en éliminant les sites lysine carboxyterminaux à la surface de la fibrine qui apparaissent au cours de sa dégradation [15, 16] . Ceci diminue la fixation du plasminogène et ralentit la fibrinolyse [17]. Cet inhibiteur est une procarboxypeptidase dont l’activation met en jeu le complexe thrombine/thrombomoduline. Ainsi ce complexe se caractérise par deux propriétés opposées : actions anticoagulantes par le biais de l’activation de la protéine C et antifibrinolytique par le biais de l’activation du TAFI [18].

En l’absence de fibrine, le t-PA se complexe rapidement au PAI-1 circulant ; il est éliminé par le foie. Dans certaines circonstances pathologiques où le t-PA est libéré en grande quantité, de même qu’après l’administration de thrombolytiques sans affinité pour la fibrine comme la streptokinase ou l’urokinase, tout le plasminogène circulant se transforme en plasmine. Les capacités inhibitrices de l’α2AP sont
dépassées, il y a donc de la plasmine libre en excès capable de protéolyser de nombreuses protéines circulantes, essentiellement le fibrinogène [6, 14]. Il y a alors fibrinogénolyse.

La protéolyse du fibrinogène en produits de dégradation (PDF) s’effectue en plusieurs étapes entraînant la formation de PDF précoces, les produits X et Y, et tardifs , les produits D et E. Lors de la digestion de la fibrine stabilisée par le facteur XIIIa, on obtient les produits stabilisés ‘‘ cross-linkés », appelés D-Dimères. Le taux plasmatique des D-Dimères est un bon reflet de la présence de fibrine dans l’organisme et de sa lyse. Il est actuellement proposé qu’un taux plasmatique normal de D-Dimères exclue la présence d’un dépôt de fibrine évolutif et donc l’existence d’une phlébite ou d’une embolie pulmonaire [19].

Les produits de dégradation du fibrinogène ou de la fibrine exercent des effets propres, notamment une action anti agrégante qui aggrave le risque hémorragique en cas de fibrinogénolyse, et une activité chimiotactique vis-à-vis des monocytes.

Afin d’accélérer le processus fibrinolytique pour éliminer rapidement un caillot intravasculaire et minimiser l’ischémie, des composés thrombolytiques comme le t-PA recombinant ont été développés par l’industrie. Ils ont montré leur efficacité dans le traitement de l’infarctus du myocarde en réduisant significativement la mortalité. Le bénéfice de ces traitements est cependant limité par une absence de désobstruction coronaire dans environ la moitié des cas, un risque d’hémorragie cérébrale et de récidive. Le développement de nouveaux médicaments s’est orienté vers des produits à demi-vie prolongée, administrés en bolus, visant à réduire le délai d’instauration du traitement, ou encore à des composés insensibles au PAI-1. Les efforts se sont axés sur la manipulation génétique du t-PA. D’autres molécules naturelles ont été produites par recombinaison comme un analogue de l’urokinase ou la staphylokinase, d’origine bactérienne, qui présente une forte spécificité pour la fibrine, mais qui est immunogène. L’amélioration des performances de ces traitements implique une bonne utilisation de molécules adjuvantes à potentiel antithrombotique.

FIBRINOLYSE EXTRAVASCULAIRE. RÔLE DE L’UROKINASE

Ce système protéolytique est essentiellement sous la dépendance de la Prourokinase/ Urokinase. La Prourokinase est synthétisée par de nombreuses cellules normales (monocytes et macrophages, polynucléaires neutrophiles) ou anormales (cellules cancéreuses, cellules en état de migration). Le système de le Prourokinase exerce une action fibrinolytique localisée au niveau des surfaces cellulaires qui possèdent des récepteurs pour le plasminogène et pour l’urokinase (uPAR) (cellules endothéliales, monocytes macrophages, fibroblastes, cellules tumorales) [20]. La plasmine ainsi générée à la périphérie des cellules est alors protégée de l’inactivation par l’α2 antiplasmine. Elle est susceptible d’activer des métalloprotéases ou de protéolyser directement certains composants matriciels, ce qui a des conséquences au niveau de

FIG. 4 — Fibrinolyse Extravasculaire la migration cellulaire, du remodelage tissulaire et de l’angiogenèse. Elle est par ailleurs capable d’activer et de libérer de la matrice extracellulaire des facteurs de croissance, comme le TGFβ, le βFGF ou le VEGF.

Au cours de l’angiogenèse, les cellules endothéliales des microvaisseaux dégradent localement leur membrane basale, et envahissent la matrice extracellulaire environnante pour former l’ébauche de nouveaux capillaires [21]. Ceci ne s’effectue qu’en présence d’urokinase, sécrétée par les cellules endothéliales, et de son récepteur. La protéolyse se trouve alors confinée dans l’environnement immédiat de la cellule. Un mécanisme identique a été décrit au niveau de cellules tumorales ou des monocytes macrophages, favorisant leur infiltration dans la paroi athéromateuse.

De nombreuses interactions existent entre le système fibrinolytique et le système des métalloprotéases (MMP) (Fig. 4) [22]. Les MMP constituent une famille d’enzymes (une vingtaine environ) dont certaines sont sécrétées et d’autres membranaires. Leur fonction essentielle est de dégrader les protéines de la matrice extracellulaire, notamment l’élastine et le collagène fibrillaire non dégradés par la plasmine. Elles sont sécrétées sous forme d’un zymogène qui est activé par différentes protéases, dont la plasmine et l’urokinase. L’activité des MMP est contrôlée par des inhibiteurs
tissulaires (TIMP : tissue inhibitor of metalloproteases ). L’éventail fonctionnel des

MMP est, du fait de leur action protéolytique, très large. Elles sont impliquées dans la migration cellulaire (monocytes, cellules musculaires lisses) et pourraient contrô- ler l’angiogenèse en convertissant le plasminogène en angiostatine qui est un inhibiteur de l’angiogenèse, mais également le processus de dissémination tumorale [23].

L’exacerbation de l’activité des MMP à l’épaulement de la plaque athéromateuse est un élément de risque de rupture de la plaque.

Le PAI-1 joue aussi un rôle dans l’adhésion et la migration cellulaire, indépendamment de son effet inhibiteur de l’urokinase : l’uPAR associé à l’intégrine αvβ3 lie la vitronectine et favorise l’adhésion cellulaire [20]. Le PAI-1, en liant le même domaine que l’αvβ3 sur la vitronectine, entre ainsi en compétition avec l’uPAR et déplace la liaison établie par ce dernier (Fig. 4) [24].

L’ensemble de ces données témoigne de la forte implication du système fibrinolytique dans le remodelage tissulaire et plus spécifiquement celui de la paroi athéromateuse.

HYPOFIBRINOLYSE ET THROMBOSE — RÔLE DU PAI-1

Il a été clairement montré dans des modèles expérimentaux d’animaux génétiquement modifiés que l’augmentation des taux plasmatiques de PAI-1 entraîne un risque de thrombose et influence aussi le remodelage de la paroi vasculaire et le développement des lésions athéroscléreuses. L’excès de PAI-1 majore dans des modèles de lésions vasculaires, le dépôt de fibrine pariétal et le développement de la néointima [26].

Chez l’homme nous avons décrit une forte association entre les taux circulants de PAI-1 et l’état de résistance à l’insuline [27]. Chez les diabétiques il existe une augmentation de l’expression du PAI-1 dans la paroi vasculaire et il a été proposé que l’excès de PAI-1 plasmatique et pariétal pourrait contribuer à l’augmentation du risque athérothrombotique que présentent les sujets obèses résistants à l’insuline [28, 29].

Nous avons cherché à expliquer ces relations. Les taux de PAI-1 plasmatiques sont corrélés aux différents paramètres qui caractérisent le syndrome d’insulinorésistance encore appelé syndrome pluri-métabolique : index pondéral, tour de taille/tour de hanche (témoin de l’obésité viscérale, encore appellée androïde), insulinémie, triglycéridémie, HDL cholestérol (corrélation négative), tension arté- rielle. La modulation de l’insulinorésistance par un régime hypocalorique avec perte de poids, l’exercice physique régulier ou l’utilisation de drogue antidiabétique comme la Metformine, entraînent une diminution du PAI-1 plasmatique qui est corrélée à la perte de poids et aux modifications des paramètres métaboliques [30].

L’identification du lieu de synthèse de l’excès de PAI-1 dans l’insulinorésistance à fait l’objet de nombreuses études ces dernières années. Le tissu adipeux qui est un
tissu en remaniement constant pourrait être une source importante de PAI-1 plasmatique. Nous avons montré qu’il existe une spécificité territoriale en terme de production de PAI-1, le tissu adipeux viscéral produisant plus de PAI-1 que le tissu adipeux sous-cutané, et que le PAI-1 au sein du tissu adipeux diminue avec la perte de poids [31]. Ce sont les cellules stromales et non pas les adipocytes matures qui synthétisent le PAI-1 [32].

La synthèse de PAI-1 étant essentiellement induite et peu constitutive, l’hypothèse d’une expression accrue d’inducteur du PAI-1 comme le TNF ou le TGFβ par le tissu adipeux de sujet obèse a été formulée, et ce d’autant que la participation du TNF et de ses récepteurs au développement de la résistance à l’insuline a été proposée [33, 34]. De plus, l’insuline, les glucocorticoïdes, les VLDL, les acides gras libres, le glucose, l’angiotensine augmentent la production de PAI-1 par les cellules en culture. Ainsi le tissu adipeux pourrait représenter un réservoir de PAI-1.

Cependant, ces résultats n’excluent par la contribution d’autres tissus à la production du PAI-1 plasmatique. Le foie est aussi un bon candidat puisqu’il existe une association très forte entre les taux de PAI-1 plasmatique et le degré de stéatose hépatique [35]. Ceci permet de proposer que le foie stéatosé, tel qu’il se rencontre dans l’insulino-résistance, synthétise du PAI-1 en grande quantité et qu’il est à l’origine des taux plasmatiques élevés de PAI-1.

Le PAI-1 produit au sein du tissu adipeux pourrait interférer localement dans le remodelage tissulaire qui accompagne les variations de poids. Cette hypothèse est confortée par les résultats obtenus avec des souris génétiquement modifiées. En effet, la manipulation génétique du PAI-1 chez la souris soumise à un régime hypercalorique a des conséquences sur la prise de poids : chez les souris avec gène de PAI-1 éteint, la prise de poids est plus forte, chez les souris surexprimant du PAI-1, la prise de poids est moins forte, et des résultats similaires sont obtenus avec les souris déficientes en plasminogène [36, 37]. Ainsi la surexpression de PAI-1 dans l’insulinorésistance pourrait contrôler le développement du tissu adipeux. Ces résultats nécessitent d’autres analyses dans des modèles plus physiologiques. Il a été récemment montré, dans une large cohorte de sujets sains non diabétiques, que les patients qui présentent un diabète incident pendant les 5 années de suivi avaient à l’inclusion des taux de PAI-1 plus élevés que les autres et que le PAI-1 prédisait l’apparition du diabète de type 2, indépendamment de l’état de résistance à l’insuline [38].

Le PAI-1 pourrait donc jouer un rôle dans le développement des maladies cardiovasculaires et l’apparition d’un diabète de type 2. Ces propriétés indiquent que le PAI-1 représente une cible idéale pour des interventions thérapeutiques ayant pour but de diminuer le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète. Des molécules à activité anti-PAI-1 sont actuellement en cours d’évaluation.

RÔLE DU TAFI

De par ses propriétés particulières on pourrait supposer que le TAFI joue un rôle important dans les phénomènes thrombotiques, mais peu de résultats sont actuel-
lement disponibles. Des études épidémiologiques ont montré que les patients qui ont présenté des thromboses veineuses ou qui ont des lésions coronaires ont des taux plasmatiques de TAFI plus élevés que ceux des groupes contrôles. Cependant les taux élevés de TAFI sont aussi protecteurs de la survenue d’infarctus du myocarde [39-41]. Ces résultats contradictoires pourraient s’expliquer par la présence de différentes isoformes circulantes de TAFI, réagissant différemment en présence des anticorps utilisés dans les dosages, et dont le rôle physiopathologique est encore inconnu. Le TAFI pourrait aussi être impliqué dans les phénomènes hémorragiques des hémophiles. La quantité de thrombine générée par ces patients est insuffisante ;

il en résulte un défaut de coagulation mais aussi une activation par la thrombine du TAFI insuffisante, ce qui entraîne une hyperfibrinolyse, avec destruction prématurée du caillot d’hémostase [42].

Cette voie physiopathologique est probablement très importante. Il en est pour preuve l’efficacité antihémorragique chez les hémophiles des thérapeutiques antifibrinolytiques tel que l’acide µ amino caproïque. Le développement de la production de TAFI recombinant à visée thérapeutique peut être une voie à explorer.

CONCLUSION

Les phénomènes d’hémostase, agrégation plaquettaire, coagulation et fibrinolyse sont étroitement intriqués et présentent des mécanismes de régulation complexe. Ils sont destinés à arrêter un saignement et favoriser le processus de cicatrisation.

L’identification des dérèglements de ces phénomènes subtils permet l’élaboration de nouveaux produits antithrombotiques et anti-hémorragiques, dont on peut imaginer que les indications dépasseront les pathologies de l’hémostase.

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

Vous avez rappelé l’intérêt prédictif de l’élévation du fibrinogène quant à la survenue d’accidents coronariens. Il s’agit de données statistiques non utilisables en pratique quotidienne à titre individuel. En revanche une forte élévation du fibrinogène (états inflammatoires) comporte un risque thrombotique immédiat et nécessite éventuellement une adaptation des doses d’héparine. Qu’en est-il des doses d’oligosaccharides ?

En effet malgré les nombreuses données épidémiologiques disponibles, le dosage du fibrinogène n’est pas proposé pour évaluer le risque coronarien, car il est mal standardisé.

Il est avantageusement remplacé par le dosage de la CRPus (Protéine C Réactive, dosage ultra sensible) qui peut maintenant être utilisé en pratique quotidienne à titre individuel et qui est très sensible à l’effet de certains traitements (statines par exemple). En ce qui concerne les fortes hyperfibrinogénémies, alors qu’elles nécessitent l’utilisation de doses d’héparine plus fortes du fait de l’interaction de l’héparine avec le fibrinogène, il n’est pas nécessaire d’augmenter les doses d’oligosaccharides puisqu’ils n’interréagissent pas avec le fibrinogène.

M. Jean-Daniel SRAER

Tous les éléments menant à la formation d’un thrombus sont extrêmement importants à connaître. Mais finalement, si dans toutes les circonstances, les enzymes fibrinolytiques étaient actifs et le PAI-1 inactif, n’y aurait-il pas là une voie thérapeutique tout aussi efficace que celles actuellement très étudiées (en particulier inhiber la synthèse du PAI-1 lors des hypoxies cellulaires ?)

La modulation de la synthèse du PAI-1 est possible. On peut en effet, en améliorant le syndrome d’insulino-résistance, normaliser la concentration plasmatique du PAI-1. On peut aussi bloquer l’activité du PAI-1 circulant en utilisant des composés antiPAI-1, ces derniers sont actuellement en cours de développement par plusieurs industries pharmaceutiques et peuvent représenter une nouvelle voie thérapeutique prometteuse. Par ailleurs le t-PA recombinant insensible au PAI-1 a été évalué dans le traitement de l’infarctus du myocarde et les résultats ont été décevants car ce produit n’a pas montré de supériorité par rapport au t-PA recombinant standard.

M. Alain LARCAN

Il est exact que l’hyperfibrinogénémie peut être un facteur rhéologique de thrombose par le biais d’une hyperviscosité, mais il ne s’agit pas uniquement de l’effet direct de la molécule mais aussi et surtout de ses effets proagrégants sur les globules rouges (et les plaquettes). Il faudrait privilégier les dispersants ou antiagrégants (Dextran surtout). Puisque vous avez évoqué la résistance à la fibrinolyse dans le syndrome de Reaven (obésité — hypertension — diabète non insulinodépendant), pouvez-vous dire s’il existe une relation entre la fibrinolyse
et la lipoprotéine (a) et si cette relation doit être prise en compte dans les études épidémiologique ?

La lipoprotéine (a), de par son homologie de structure avec le plasminogène, entre en compétition avec ce dernier, pour se fixer sur la fibrine. La quantité de lipoprotéine (a) circulante est génétiquement déterminée et présente une grande variabilité interindividuelle. Il serait en effet intéressant d’étudier les éventuelles interrelations existant entre la concentration de lipoprotéine (a) et le degré d’insulinorésistance dans l’évaluation du risque prédictif de thrombose. À ma connaissance, ceci n’a pas été fait.


* Laboratoire d’Hématologie, CHU Timone, INSERM EPI 9936 — 13385 Marseille cedex 5. * Laboratoire d’Hématologie, Hôpital Louis Pradel — 69394 Lyon cedex 3. Tirés-à-part : Professeur Irène JUHAN-VAGUE, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 14 novembre 2002, accepté le 2 décembre 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 1, 69-84, séance du 14 janvier 2003