Résumé
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est fréquente et grave, responsable d’environ 10 000 décès annuels en France. La fréquence des séquelles post-thrombotiques est également un problème majeur de santé publique. L’épidémiologie des causes acquises et génétiques de la MTEV est mieux connue et a récemment permis de montrer que cette maladie est multifactorielle. La conjonction de plusieurs facteurs de risques environnementaux et/ou constitutionnels et leur analyse dans le déterminisme de la maladie et de ses récidives est donc devenue indispensable afin de mieux appréhender la prévention, mais aussi le traitement et le risque de récidive de la MTEV après la survenue d’un premier épisode.
Summary
Venous thrombo-embolic disease (VTE) is a frequent pathology, responsible for around 10.000 deaths each year in France. Post-thrombotic sequellae is also a main problem related to the disease. The epidemiology of acquired and genetic risk factors of VTE is better understood and has allowed to show that in many cases it is a multifactorial disease. The association of several environmental or genetic and their analysis in the physiopathology of the disease and in the risk of recurrency is important in order to allow a better prevention of the disease and of its recurrencies.
INTRODUCTION
La maladie thromboembolique veineuse (MTEV), c’est-à-dire la thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire (EP), est fréquente et potentiellement mortelle. Son incidence annuelle est supérieure à 1 pour 1 000 en Europe ou en Amérique du Nord où plus de 200 000 nouveaux cas surviennent chaque année aux Etats-Unis [1, 2]. Cette incidence, pour comparaison, est identique à l’incidence des accidents vasculaires cérébraux. En France, l’incidence des TVP et des EP est respectivement de 1,2 et 0,6 pour 1 000 par an [3]. L’âge moyen de la maladie est de 60 fi 20 ans, mais l’incidence augmente de façon importante avec l’âge, aussi bien pour les femmes que les hommes ; après l’âge de 75 ans l’incidence annuelle de la maladie atteint 1 %. L’incidence augmente chez la femme durant la période génitale, alors qu’après l’âge de 45 ans l’incidence est supérieure chez les hommes [1]. Ces données épidémiologiques sont importantes à considérer dans une perspective de santé publique : compte tenu du vieillissement, le nombre absolu de MTEV ira probablement en augmentant. Depuis 1980, la fréquence de la maladie n’a pas diminué en dépit de l’introduction d’outils diagnostiques plus efficaces et de l’extension des mesures de prophylaxie de la maladie [1]. La MTEV reste une cause majeure de décès ; par exemple, en France, environ 10 000 morts sont attribuables à l’EP chaque année. Une étude autopsique réalisée entre 1957 et 1997 a montré qu’un tiers des patients qui décédaient avaient soit une EP, soit une TVP, sans diminution de cette prévalence au cours des années [4]. La maladie post-thrombotique est également un problème majeur de santé publique, puisqu’elle survient chez environ 25 % des patients après 5 ans de suivi, 30 % après 10 ans, conduisant à des séquelles sévères chez 5 à 10 % des cas [5]. De plus, l’incidence des récidives est de 5 à 7 % par an ; ces dernières étant plus fréquentes lorsque l’épisode thrombotique initial est idiopathique [6-10].
Les facteurs de risque d’athérosclérose tels que le tabac, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le diabète ne sont pas associés à la survenue de thrombose veineuse. Parmi les trois mécanismes de la thrombose définis par Virchow durant le XIXe siècle — la stase sanguine, l’hypercoagulabilité et la lésion pariétale — les risques de thrombose veineuse se regroupent majoritairement au sein des deux premières catégories. On classifie maintenant les facteurs de risque de TVP en trois catégories : les facteurs de risque acquis, génétiques et mixtes (Tableau 1) [11-13].
En dépit des avancées majeures concernant les bases génétiques de la MTEV, la cause de la maladie reste largement inexpliquée dans de nombreux cas. En fait, la combinaison de plusieurs facteurs de risque joue probablement un rôle important dans la survenue de la maladie, mais la confirmation de cette hypothèse requiert d’importantes études.
TABLEAU 1. — Principaux facteurs de risque de maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) LES FACTEURS DE RISQUE ACQUIS
Les facteurs de risque acquis de thrombophilie ont été beaucoup et anciennement étudiés [14]. Ils sont résumés dans le Tableau 2.
Chirurgie et traumatismes majeurs
Avec les cancers, il s’agit d’un facteur de risque important et fréquent de MTEV. Le risque est plus élevé en chirurgie orthopédique qu’en chirurgie générale. En chirurgie orthopédique, en l’absence de prophylaxie, la phlébographie systématique montrerait 45 à 60 % de TVP et la survenue d’EP mortelles est comprise entre 1 et 3 %.
Le risque de MTEV n’est pas confiné à la période opératoire immédiate, mais continue plusieurs semaines après la chirurgie. Près de 60 % des patients polytraumatisés ont une TVP, asymptomatique dans la plupart des cas. L’EP est une cause importante de décès chez ces patients.
Cancer et syndromes myéloprolifératifs
L’association entre MTEV et cancer est reconnue depuis plus d’un siècle avec la description de cette association par Armand Trousseau. Chez les patients ayant une TVP idiopathique, le risque de découvrir un cancer dans les 6 mois à un an qui suivent l’épisode de TVP est augmenté 4 à 5 fois. De plus, les patients chez qui un cancer est diagnostiqué dans l’année suivant un épisode de thrombose veineuse ont plus souvent un cancer avancé, de plus mauvais pronostic par rapport aux cancers décelés lors d’autres circonstances.
Contraception orale et traitement hormonal substitutif
Le risque de MTEV chez les femmes utilisant une contraception orale est multiplié par 3, avec un risque absolu de la maladie qui reste cependant très bas, autour de 3 pour 10 000 femmes par an. D’un autre côté, puisque la contraception orale est
TABLEAU 2. — Principaux facteurs de risque acquis et fréquence de leur association avec la MTEV [16] (++++ essais randomisés, +++ cohortes, ++ étude cas-témoins, + cas).
largement utilisée, elle est impliquée dans de nombreux cas de MTEV, chez la femme jeune.
Dans l’étude randomisée HERS, le traitement hormonal substitutif a été associé à un risque de MTEV multiplié par 2,9, soit identique au risque observé avec les contraceptifs oraux et du même ordre de grandeur que les études cas-témoins préalables concernant le traitement hormonal substitutif [15].
Grossesse et accouchement
L’incidence de la MTEV durant la grossesse est autour de 1 pour 1 000, soit approximativement 5 à 10 fois plus élevé que l’incidence chez des femmes appariées du même âge (incidence 1-2/10 000) [16].
Le risque relatif de MTEV durant le post partum (défini comme les 6 semaines suivant la délivrance) est 10 à 15 fois supérieur à celui observé durant le reste de la
grossesse [17]. L’incidence de complications durant la grossesse augmente en cas d’antécédents personnels de MTEV et de césarienne. La grande majorité des TVP survenant durant la grossesse touche la jambe gauche (85 % des cas).
Immobilisation prolongée
Toutes les situations au cours desquelles la pompe musculaire dépendant de la marche est altérée sont associées à un risque augmenté de MTEV. Ceci s’observe principalement en cas d’immobilisation plâtrée, de repos forcé au lit, de paralysie d’un membre inférieur. Les séries autopsiques de patients confinés au lit pour une longue période trouvent une prévalence de MTEV allant de 15 à 80 %. Dans une étude randomisée récente réalisée chez des patients hospitalisés pour une raison médicale (non chirurgicale), la prévalence de TVP à la phlébographie systématique, en l’absence de prophylaxie, était de 15 % [18].
Maladies inflammatoires digestives
Les patients ayant une affection digestive inflammatoire (Maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique) ont un risque de MTEV multiplié par 3, comme cela a été montré dans une large étude de cohorte [19].
Voyages
L’association entre voyage et MTEV reste controversée. Une étude a mis en évidence un risque relatif multiplié par 4, mais dans une autre étude aucune association significative n’a pu être démontrée [20]. Un voyage en avion de plus de 5 heures semble indiscutablement augmenter le risque de thrombose veineuse, bien qu’en nombre absolu le risque demeure très faible.
Syndrome des antiphospholipides
Le syndrome des antiphospholipides est défini par l’association de thromboses veineuses ou artérielles avec un anticorps antiphospholipides (anticoagulant circulant lupique et/ou anticardiolipines) [20]. Des fausses couches récidivantes sont une manifestation fréquente de ce syndrome chez la femme ayant ou n’ayant pas d’antécédents thrombotiques. Cette maladie reste hétérogène, à la fois en ce qui concerne les manifestations cliniques que le profil biologique des anticorps. La prévalence du syndrome des antiphospholipides dans la population générale n’est pas bien connue, mais augmente avec l’âge. Chez les patients avec MTEV, la prévalence du syndrome des antiphospholipides est de 5 % environ.
Autres
D’autres facteurs de risque acquis ont été décrits, comme par exemple l’utilisation de drogues anti-psychotiques [21]. Récemment nous avons décrit une association
forte entre des taux élevés d’anticorps anti-
Chlamydia pneumoniae et la MTEV [22].
FACTEURS DE RISQUE GÉNÉTIQUES DE MTEV
Principaux facteurs de risques génétiques De nombreux facteurs de risque génétiques ont été découverts durant la dernière décennie [13, 23]. Avec le syndrome des antiphospholipides, les facteurs génétiques expliquent, à l’heure actuelle, la majorité des cas de thrombophilie. Ce terme de thrombophilie est utilisé principalement pour la thrombose veineuse et définit un groupe de patients ayant une MTEV survenant avant 45 ans, des épisodes récidivants de la maladie, des antécédents familiaux importants de la maladie, ou encore une thrombose veineuse survenant dans un site inhabituel [23]. La notion de thrombose veineuse familiale est née au début du siècle, mais le terme de ‘‘ thrombophilie héréditaire ’’ a été utilisé pour la première fois en 1965 par Egeberg, qui a décrit le premier cas de déficit en antithrombine associé à la MTEV. D’autres déficits en inhibiteurs de la coagulation, comme les déficits en protéine C (PC) et protéine S (PS), sont également impliqués dans la thrombophilie, mais la cause génétique de thrombophilie la plus fréquente est la résistance à l’action de la protéine C activée (RPCa) décrite dans des familles thrombophiliques par Dahlbäck en 1993. La RPCa est due à une mutation du facteur V (FV), qui transforme l’Arg 506 en Gln (ou FV Leiden). Cette mutation explique parfaitement bien le phénotype plasmatique observé (la RPCa), puisque l’Arg 506 est un des deux sites de clivage du FV activé par la protéine C activée. Plus récemment, Poort et al ont également décrit une mutation (G20210A) dans la région en 3′ de la séquence codante du gène de la prothrombine, qui est également associée à la MTEV. La conséquence de cette mutation, qui implique une région non codante de la protéine, semble liée à une augmentation de la concentration circulante de la protéine et donc du risque de thrombose.
L’épidémiologie des facteurs de risque génétique de MTEV a été étudiée dans plusieurs études cas-témoins de relativement petite taille [24]. La fréquence de ces principaux facteurs de risques génétiques dans la population générale et chez des patients avec MTEV, ainsi que le risque relatif propre à chacun de ces facteurs sont indiqués dans le Tableau 3. On peut ainsi distinguer les déficits en inhibiteur de la coagulation (dus à des mutations privées rares) et qui sont associés à un risque relatif élevé de MTEV (environ 10), de la mutation Leiden du facteur V ou de la mutation G20210A du gène de la prothrombine qui sont plus fréquents dans la population générale mais qui portent un risque relatif plus faible de MTEV.
Néanmoins, l’impact d’un facteur de risque au sein d’une population dépend à la fois de sa prévalence et de son risque relatif. Ceci explique pourquoi le risque attribuable (ou l’impact épidémiologique) du FV Leiden et de la mutation G20210A du facteur II (prothrombine) est très supérieur à celui des déficits en inhibiteurs de la coagulation.
TABLEAU 3. — Prévalence et risque relatif des principaux facteurs génétiques de MTEV.
Nouveaux polymorphismes impliqués dans la MTEV
D’autres polymorphismes, ayant un effet délétère ou protecteur, ont également été décrits dans une étude française que nous coordonnons, l’étude PATHROS (Paris Thrombosis Study), dont le but est l’étude des facteurs de risque génétique de thrombose. Cette étude a commencé en 1995 ; elle inclut des patients de moins de 61 ans ayant eu au moins un épisode de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire [25-32]. Nous avons pu analyser dans cette étude des polymorphismes dont la fréquence allélique était supérieure à 5 % et qui peuvent être impliqués dans la variabilité de la concentration ou de l’activité de protéines impliquées dans l’hémostase. La conséquence pratique, en terme de traitement de ces polymorphismes associé à une risque relatif de MTEV inférieur à 2, reste à analyser.
Autres polymorphismes parmi les gènes candidats [23]
D’autres polymorphismes ont été mis en évidence, au sein de gènes candidats impliqués dans la coagulation, sans association démontrée avec la MTEV. Ces polymorphismes sont résumés dans le Tableau 4.
FACTEURS DE RISQUE ‘‘ MIXTE ’’ DE MTEV
Plusieurs de ces facteurs de risque dits mixtes, sont associés à une anomalie responsable d’un ‘‘ gain de fonction ’’ avec une augmentation de la concentration circulante des protéines de la coagulation impliquées, comme les facteurs VII, IX ou XI.
La fréquence de ces facteurs de risque dans la population générale et chez les patients avec MTEV, ainsi que leur risque relatif de MTEV, sont indiqués dans le Tableau 5. En dépit de l’observation d’un contrôle génétique des taux de ces protéines (très récemment confirmé), les bases moléculaires associées à une augmentation de leurs taux ne sont pas encore identifiées [33-35].
La plupart des études cas-témoins ont démontré une association positive entre hyperhomocystéinémie et MTEV [36], même si cette association est moins convaincante dans les études prospectives de cohortes. L’hyperhomocystéinémie peut être
TABLEAU 4. — Polymorphismes au sein de gènes-candidats potentiellement impliqués dans la MTEV secondaire à des anomalies génétiques ou à une carence en folates, vitamine B6 ou vitamine B12 qui sont d’importants cofacteurs des enzymes impliquées dans cette voie métabolique complexe. Une mutation fréquente de la MTHFR (methylenetetrahydrofolate reductase), une mutation de C en T au niveau du nucléotide 677 (variant thermolabile), est associée à une hyperhomocystéinémie modérée chez les sujets homozygotes ayant une carence en folates. Cependant, en dépit de la fré- quence des homozygotes pour cette mutation chez les Caucasiens (12 %) le rôle de cette mutation dans la MTEV n’a pas été confirmé.
TABLEAU 5. — Prévalence et risque relatif des principaux facteurs de risque mixtes de MTEV L’INTERACTION DES FACTEURS DE RISQUE
La pénétrance incomplète ainsi que les conséquences cliniques extrêmement variables des facteurs de risque génétiques suggèrent que la MTEV est une maladie plurigénique [37]. Cette hypothèse est supportée par l’observation que la résistance
à l’action de la protéine C activée est un facteur de risque additionnel fréquent au sein des familles thrombophiliques ayant un déficit en protéine C ou en protéine S [38-41]. De plus, au sein de familles ayant la mutation Leiden du FV, les apparentés non porteurs de la mutation ont une fréquence de MTEV supérieure à celle attendue dans la population générale [42-43]. Puisque de nombreux facteurs de risque sont fréquents dans la population générale, comme la mutation Leiden du FV, la mutation G20210A de la prothrombine, des taux élevés de FVIII, FIX ou FXI, une hyperhomocystéinémie, etc… ils peuvent être associés chez le même individu. Par ailleurs, des facteurs de risque acquis comme la grossesse, la contraception orale, un traitement hormonal substitutif, une immobilisation ou une chirurgie, sont également très fréquents et peuvent se combiner entre eux et/ou avec des facteurs de risque génétiques [11]. Il est donc devenu évident que la survenue d’un épisode thrombotique veineux est souvent multifactorielle, c’est-à-dire que les facteurs de risque acquis interagissent avec des facteurs génétiques ou encore que des interactions gène-gène sont impliquées chez une majorité de patients [11,44,45]. Dans le but d’estimer ces interactions de facteurs de risque nous avons récemment regroupé les données individuelles de 8 études cas-témoins internationales [24]. Cinquante et un cas (2,2 %), mais aucun des témoins étaient double hétérozygotes pour la mutation Leiden du FV et la mutation G20210A de la prothrombine. L’odds ratio pour la MTEV chez les double hétérozygotes était de 20.0 (IC 95 % : 11.1-36.1).
Douze pour cent des hétérozygotes pour le FV Leiden étaient également hétérozygotes pour la mutation G20210A de la prothrombine et inversement 23 % des patients hétérozygotes pour la mutation de la prothrombine étaient également hétérozygotes pour le FV Leiden. Nous avons analysé, dans cette importante population, l’effet de la contraception orale (CO) chez les femmes porteuses de ces mutations. L’odds ratio pour la MTEV associé à la CO était de 2,29 (1.72-3.04).
Chez les porteuses du FV Leiden utilisant une CO, l’odds ratio était de 10,25 (5.69-18.45). L’odds ratio de l’association de la mutation de la prothrombine avec la CO était de 7,14 (3.39-15.04).
RISQUE DE RÉCIDIVE
Le risque de récidive après un premier épisode de MTEV est situé entre 5 et 10 % par an [6,46]. Dans une étude prospective, la fréquence des récidives était de 4,9 % après 3 mois, 8,6 % après 6 mois, 17,5 % après 2 ans, 24,5 % après 5 ans et 30,3 % après 8 ans de suivi [46]. Des résultats similaires ont été trouvés récemment dans une autre étude prospective, avec 7 % de récidives après un an, et 21,5 % après 5 ans de suivi, en cas de premier épisode de MTEV [47]. Après un deuxième épisode thrombotique, l’incidence cumulée des récidives à 5 ans est de 27,9 %.
Six études récentes, résumées dans le Tableau 6, ont comparé une durée de traitement anticoagulant courte à une durée de traitement longue sur la fréquence des récidives. A partir de ces données il reste difficile de conclure sur la durée optimale du traitement anticoagulant oral après un premier épisode de MTEV. Par ailleurs,
TABLEAU 6. — Récidives de MTEV dans 6 études récentes randomisée qui ont comparé un traitementantticoagulant oral long à un traitement court. (* TVP distale, ** TVP proximale) les données concernant le risque de récidive chez les patients ayant un facteur de risque génétique sont controversées. Par exemple, chez les patients hétérozygotes pour la mutation Leiden du facteur V une étude a trouvé un risque de récidive multiplié par 2 [50], mais trois autres études n’ont pas confirmé cette association [8,51,52]. Ceci est principalement dû à un manque de puissance des études actuellement disponibles (petit nombre de patients et trop courte durée de suivi).
FACTEURS DE RISQUE EN RELATION AVEC LA TROMBOSE VEINEUSE OU L’EMBOLIE PULMONAIRE
La TVP et l’EP ont été considérées comme étant les deux pôles cliniques d’une même entité : la maladie thrombo-embolique veineuse, mais des données récentes ont montré que les facteurs de risque ne sont pas toujours répartis de façon similaire selon l’expression clinique de la maladie. En effet, plusieurs études ont montré que si la mutation Leiden du facteur V est un facteur de risque important de TVP, elle n’est que faiblement associée à la survenue d’embolie pulmonaire [53]. D’un autre côté, nous avons pu montrer que la mutation G20210A de la prothrombine était équitablement répartie dans la TVP ou l’EP [54]. Il apparaît donc important de mieux étudier la répartition clinique des facteurs de risque environnementaux et génétiques dans l’expression clinique de la thrombose veineuse, puisque cela peut avoir des conséquences thérapeutiques importantes. Par exemple, le fait que le facteur V Leiden soit plus associé à la TVP qu’à l’EP suggère que le risque de décès associé à une éventuelle récidive de la maladie est probablement plus faible que celle attendue. A ce jour, quelques études seulement se sont intéressées à une répartition différente des facteurs de risque entre TVP et EP.
CONCLUSION
La thrombose veineuse est une maladie plurifactorielle, impliquant à la fois des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux. Les facteurs de risque actuels de MTEV ont impliqué principalement des gènes candidats de la coagulation et de la fibrinolyse. Cependant, il ne fait pas de doute que d’autres voies physiologiques, telles que celles impliquées dans l’inflammation ou jouant un rôle au sein de la paroi vasculaire, pourraient être impliquées dans la génétique et la physiopathologie de la MTEV.
REMERCIEMENTS
L’auteur adresse ses remerciements chaleureux à Monsieur le professeur Jean-Noël Fiessinger, membre de l’Académie nationale de médecine et Madame le professeur Martine Aiach, membre de l’Académie nationale de pharmacie, pour leur soutien et conseils constants durant ces travaux de recherche communs.
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DISCUSSION
M. André VACHERON
La mutation du gène de la glycoprotéine plaquettaire III a été évoquée comme facteur de ses applicabilités à la thrombose coronaire. Joue-t-elle un rôle dans la thrombose veineuse ?
Cette mutation a été recherchée dans la thrombose veineuse ; elle n’est pas associée à sa survenue.
M. Claude JAFFIOL
Le tabagisme chronique peut-il être un facteur thrombogène ? Par quels mécanismes le tabac peut-il accroître l’effet thrombogène des oestro-progestatifs ?
Le tabac, de façon isolée, ne paraît pas associé à la thrombose veineuse. En revanche, l’association pilule oestro-progestative au tabac est indiscutablement liée à un risque accru d’accidents thrombotiques artériels ou veineux graves, bien qu’en risque absolu l’incidence reste faible.
M. Jacques BATTIN
Le risque thrombo-embolique des voyages en avion dépassant quelques heures est connu chez des sujets jeunes. Les compagnies aériennes ont été lentes à prôner une prévention facile et peu coûteuse. A-t-on des données épidémiologiques précises sur ce risque conjoncturel et des données génétiques concernant les patients et les victimes de cet accident qui peut être fatal ?
On dispose de données épidémiologiques récentes qui montrent une augmentation du risque relatif par 4. Ceci dit, en risque absolu, les accidents graves (embolie pulmonaire
sévère à la sortie de l’avion) sont inférieurs à 10 par million de voyageurs. Dans cette étude française menée par Lapostolle, 75 % de ces accidents graves sont survenus chez des femmes ; ceci suggère un rôle potentiel d’une association avec d’autres facteurs de risque (pilule, traitement hormonal substitutif…)
* Service de Médecine Vasculaire — HEGP et Unité INSERM U428, 20-40 rue Leblanc — 75908 Paris cedex 15. Tél : 01 56 09 30 51 / 37 51 — Fax : 01 56 09 30 65. E-mail : joseph.emmerich @egp.ap-hop-paris.fr Tirés-à-part : Professeur Joseph EMMERICH, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 20 novembre 2002, accepté le 2 décembre 2002.
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 1, 19-33, séance du 14 janvier 2003