Communication scientifique
Séance du 19 février 2002

Discussion générale

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Claude-Henri CHOUARD

Peut-on ajouter une recommandation concernant la prévention par l’information ?

— Madame Nicole MAESTRACCI

Je voudrais répondre sur la question de l’information car je suis chargée de mettre en œuvre la politique du gouvernement dans ce domaine. Lorsque le plan triennal du gouvernement a été adopté en 1999, il n’y avait eu aucune communication sur les drogues illicites depuis 1994. Depuis 1999, nous avons cherché à diffuser largement des informations, scientifiquement validées, en disant ce que nous savons et aussi ce que nous ne savons pas. Le petit livre « drogues, savoir plus, risquer moins », diffusé à 5 millions d’exemplaires, n’a fait l’objet d’aucune critique de la part des scientifiques et des professionnels. En disant la vérité, même lorsqu’elle est complexe, nous faisons appel à la responsabilité des jeunes, mais aussi des adultes qui les entourent. Nous savons en effet que tous les discours trop simplistes ou binaires ne sont pas crédibles parce que les jeunes savent qu’ils ne correspondent pas à la réalité. La dangerosité d’une situation résulte du produit consommé, mais aussi de l’intensité et du contexte de la consommation.

M. Louis AUQUIER

Pourquoi ne pas faire allusion, de façon directe ou indirecte, au rapport Bernard Roques dans les recommandations de l’Académie ?

— M. Roger NORDMANN

Il est fait allusion de façon indirecte à ce rapport dans les recommandations de l’Académie sur l’information concernant le cannabis et sa contribution à sa banalisation. Dans la conclusion de ce rapport figure, en effet, une affirmation surprenante selon laquelle le cannabis est dénué de neurotoxicité. Or il suffit de se reporter à deux chapitres de ce même rapport définissant l’un le terme de « neurotoxicité », l’autre les effets du cannabis pour affirmer que le cannabis est bien une substance neurotoxique.

Bien que cette contradiction ait été signalée à maintes reprises, il est hautement regrettable que des messages diffusés par des chaînes de radio ou de télévision continuent à prétendre que le cannabis est dénué de neurotoxicité. De plus, le fait que la classification de la dangerosité des drogues soit établie dans ce rapport en se basant exclusivement sur le produit sans tenir compte des modalités de sa consommation et de la vulnérabilité individuelle du consommateur aboutit au message selon lequel le cannabis est « moins dangereux » que l’alcool ou le tabac. Ce message contribue, de toute évidence à la banalisation du cannabis, alors que sa consommation est très souvent associée à celle d’alcool et/ou de tabac et qu’il conviendrait, au contraire, d’insister sur ses effets délétères sur la santé, effets qui ont été largement développés au cours de la présente séance.

M. Maurice CARA

Le terme d’illicite ne me paraît pas bien adapté pour caractériser les drogues psychoactives. En effet, il s’agit d’un terme juridique qui dépend d’une décision législative : telle drogue peut être illicite un jour puis rendue licite. D’autre part, les médicaments anesthésiques cités sont parfaitement licites, ainsi que l’alcool, mais ils sont évidemment psychoactifs. C’est pourquoi je souhaiterais que l’on parle de drogues ou de substances psychoactives et non de drogues illicites.

— M. Roger NORDMANN

Nous sommes d’accord sur le fait que le terme « illicite » devrait appartenir exclusivement au domaine législatif. Nous l’avons utilisé faute d’avoir trouvé un autre adjectif incluant l’ensemble des drogues considérées au cours de la séance d’aujourd’hui, à savoir les substances psychoactives autres que l’alcool et le tabac.

M. Etienne FOURNIER

Le « paysage » français de consommation de drogues s’est complètement transformé en trente ans. Il est essentiel de privilégier la notion de dangerosité du consommateur, dangerosité due aux troubles aigus recherchés au titre du plaisir espéré, obtenu au prix d’une levée des inhibitions et d’un relâchement des conduites de sécurité.

— M. Roger NORDMANN

Il est, en effet, tout à fait souhaitable de développer la notion de dangerosité du consommateur et de rejeter la classification de la dangerosité des drogues en considérant exclusivement le produit.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 2, 359-360, séance du 19 février 2002