Communication scientifique
Séance du 15 juin 2004

Dépression et vieillissement

MOTS-CLÉS : dépression. deuil.. maladies cérébrovasculaires. vieillissement
Depression and aging
KEY-WORDS : aging. bereavement.. cerebrovascular disorders. dépression

Henri Lôo *, Thierry Gallarda *, Isabelle Fabre **, Jean-Pierre Olié *

Résumé

La dépression constitue l’un des problèmes de santé publique les plus fréquents chez le sujet âgé. Elle reste souvent considérée comme une conséquence légitime du vieillissement, survenant en réaction à une affection médicale, lors du déclin cognitif et fonctionnel ou accompagnant les pertes affectives et sociales. De nombreuses études récentes soulignent son faible taux de détection et de traitement, particulièrement en soins primaires. Chez le sujet âgé, l’épisode dépressif majeur présente les mêmes symptômes qu’aux autres âges de la vie. Néanmoins, le vieillissement peut accentuer certaines caractéristiques symptomatiques ou en atténuer d’autres. Des plaintes somatiques, une anxiété marquée, des troubles de la mémoire, des éléments psychotiques et des pensées récurrentes de mort peuvent masquer la tristesse ou l’anhédonie. Des facteurs existentiels et des facteurs organiques sont le plus souvent intriqués dans la génèse des états dépressifs du sujet âgé. La contribution des lésions cérébro-vasculaires a pu être établie, notamment dans les dépressions d’installation tardive. Comme chez l’adulte plus jeune, la prise en charge de la dépression conjugue des moyens pharmacologiques et psychologiques. L’électroconvulsivo-thérapie peut être indiquée dans certaines situations. L’intérêt de la stimulation magnétique trans-crânienne est en cours d’évaluation.

Summary

Depression is one of the most common health disorders in elderly people. It is still often considered as a natural consequence of aging, arising in reaction to a medical disease, cognitive or functional decline, or a loss of social fabric. Many studies have highlighted the low rates of diagnosis and treatment of depression, especially in the primary care setting. Major depression in old age is characterized by the same core symptoms as in other periods of life. However, aging may accentuate some symptoms and alleviate others. Somatic concern, marked anxiety, poor subjective memory, psychotic ideation, and recurrent thoughts of death can mask sadness and anhedonia. Organic factors and adverse life events are often intricately linked with the pathogenesis of depressive states in the elderly. The role of cerebrovascular lesions has also been established, particularly in late-onset depressive disorders. The management of depressive disorders in older people, as in younger adults, involves pharmacological and psychological treatments. Electroconvulsive therapy can be beneficial in some cases. Transcranial magnetic stimulation is being evaluated in this setting.

Dépression et vieillissement sont deux notions étroitement liées qui entretiennent d’intimes connivences. La dépression et le vieillissement cérébral pathologique ou la démence constituent deux grands problèmes de santé publique.

La dépression est une entité pathologique : c’est un trouble de l’humeur qui retentit sur les fonctions cognitives, affectives et instinctives.

Elle représente une cassure par rapport au fonctionnement antérieur qui ne peut et ne doit être confondue avec les états émotionnels de morosité et les vécus de tristesse imprimés par les réalités parfois difficiles, voire blessantes de l’existence, particuliè- rement au cours du vieillissement.

Le vieillissement est un phénomène naturel, inscrit inéluctablement dans la destinée humaine : « la matière s’use, la fleur se fane et l’homme vieillit ». La vieillesse n’est que l’aboutissement du processus de vieillissement qui commence bien avant elle.

L’évolution biologique de l’homme est permanente et il n’y a pratiquement pas de plateau : le vieillissement commence lorsque la maturation se termine.

Les modalités du vieillissement varient considérablement selon les sujets tant sur le plan psychique que somatique et la vieillesse n’est jamais réellement définie ou délimitée. Au delà des réalités biologiques, le comportement peut atténuer ou accentuer les stigmates du vieillissement : l’individu jovial, empathique, hyperactif apparaît plus jeune que celui du même âge, réservé, austère voire taciturne.

La dépression survient à tous les âges de la vie, mais plus souvent après 60 ans. Chez le sujet âgé où les souffrances somatiques sont légion, la dépression est souvent méconnue et les signes qui l’expriment orientent plutôt vers une maladie physique.

D’après Clément et Léger [1], la dépression ne serait pas repérée chez 40 % des déprimés de plus de 60 ans. Une autre raison provient de la représentation sociale du vieillissement : la perte d’initiative, l’altération des fonctions cognitives, le déclin physique apparaissent volontiers légitimes avec l’avance en âge sans souci de discerner le physiologique du pathologique [2].

QUELQUES DONNÉES D’ÉPIDÉMIOLOGIE

Quelques données épidémiologiques justifient l’intérêt porté à la dépression du sujet âgé. En Europe comme aux Etats-Unis, environ 20 % de la population est âgée de plus de 65 ans.

Il persiste des interrogations sur la définition du sujet âgé. Les auteurs anglo-saxons effectuent une répartition entre trois catégories : ‘‘ young old ’’ (jeunes vieux) (65- 74 ans), ‘‘ middle old ’’ (vieux d’âge intermédiaire) (75-84 ans) et ‘‘ old old ’’ (plus de 85 ans) (in [3]).

D’après Bair [4], le taux de prévalence de la dépression chez le sujet âgé varie considérablement en fonction de plusieurs paramètres : les critères diagnostiques de dépression, les méthodes d’évaluation, le seuil d’âge, les sites de recrutement (population générale, médecine générale, hospitalisation, institution) (tableau 1).

La plupart des études ne stratifient pas les tranches d’âge et les sujets de plus de 65 ans sont globalement considérés comme âgés. A l’évidence, la situation psychique, organique et existentielle d’un sujet de 65 ans apparaît rarement superposable à celle d’un sujet de plus de 85 ans.

De plus, lorsque des instruments spécifiques de la dépression du sujet âgé sont utilisés tels que l’échelle de dépression gériatrique de Yesavage, les taux de prévalence de la dépression augmentent de façon nette [5]. 15 à 30 % des sujets âgés de plus de 65 ans consultant en médecine générale présentent des symptômes dépressifs. Les chiffres sont encore plus élevés en institution.

Il existe une sur-représentation du sexe féminin aux âges avancés, mais les femmes se dépriment plus que les hommes à tous les âges. La différence persiste donc avec l’âge.

LES SPÉCIFICITÉS CLINIQUES

Certaines dépressions du sujet âgé peuvent ressembler en tous points à celles de l’adulte plus jeune. Cependant, certaines expressions symptomatiques semblent plus fréquentes après 65 ans.

Les troubles cognitifs marqués existent chez plus de 25 % des déprimés de plus de 65 ans, portant essentiellement sur les capacités attentionnelles et les performances mnésiques. Des difficultés à planifier les actions complexes sont également signalées.

Parfois, l’ampleur du ralentissement cognitif vient simuler la démence qui peut rétrocéder avec la guérison de l’état dépressif. On parlait autrefois de ‘‘ pseudodémence dépressive ’’ qui était authentifiée rétrospectivement par cette guérison.

Mais cette expression cognitive prévalente de l’état dépressif apparaît souvent comme le prélude d’une évolution démentielle à plus long terme.

TABLEAU 1. — Taux de prévalence de la dépression chez le sujet âgé en fonction du site de recrutement (d’après Bair, 1998).

Site de recrutement Taux de prévalence (variables selon les études) Population générale 1-4 Patients ambulatoires 7-36 Patients hospitalisés 15-43 Patients en institution*

42-51 * les taux les plus élevés sont observés au décours immédiat de l’admission Les atteintes esthétiques et physiques liées au vieillissement et les incapacités qui en découlent peuvent sculpter l’expression de la dépression : les plaintes somatiques intenses sont au premier rang et concernent principalement les sphères digestives, cardiaques et génito-urinaires. Leur ampleur, cachant la tristesse, la perte d’initiative, l’émoussement des désirs peut occulter le noyau dépressif : on a parlé de ‘‘ dépression masquée ’’.

La fatigue est un autre constituant fondamental de la dépression du sujet âgé avec une palette infinie d’intensités : lassitude, épuisement, accablement, exténuation.

Cette sidération de l’énergie est manifestement du registre dépressif alors que certains états d’apathie non douloureuse renvoient à un processus organique céré- bral, plutôt de localisation frontale.

L’anxiété généralisée est très souvent associée, intriquée à la dépression du sujet âgé et peut en constituer également un masque symptomatique. Ceci est particulièrement fréquent chez les femmes âgées. Ces tableaux d’anxiété sévère entraînent des prescriptions itératives de tranquillisants qui peuvent atténuer l’intensité du tableau dépressif en apaisant la note anxieuse mais sans soigner véritablement l’épisode dépressif [6]. Une étude scandinave cherche à identifier pour le généraliste les moyens de dépister la dépression du sujet âgé : la consommation de benzodiazépines constitue un de ces moyens avec la fréquence des consultations auprès des centres de soins.

Les troubles du caractère seraient plus souvent présents dans la dépression du sujet âgé, comme chez l’adolescent : irritabilité, agacement, réactions agressives, colères ou autres manifestations inhabituelles signant la rupture psychopathologique.

Des modifications du comportement peuvent aussi exprimer la dépression chez le sujet âgé : la survenue de chutes à répétition pourrait constituer un équivalent dépressif qui vient entraver ou aggraver l’autonomie du sujet. Elles constituent une cause fréquente d’hospitalisation chez le sujet âgé qui vit seul.

Les symptômes psychotiques seraient plus fréquents chez le déprimé âgé que chez l’adulte plus jeune : idées de jalousie, de préjudice, de persécution, mal structurées,
pouvant suggérer une composante paranoïaque de la personnalité alors que les idées de culpabilité, de ruine, d’indignité sont plus dans la résonance mélancolique.

Les symptômes psychotiques lors des ruptures dépressives émergeraient plus volontiers chez les sujets présentant des déficiences sensorielles ou des atteintes vasculaires cérébrales.

Chez le sujet âgé, des idéations suicidaires prégnantes peuvent accompagner la rupture dépressive, mais c’est plus souvent une sorte de renoncement passif à la vie qui exprimerait celle-ci. Les tentatives de suicides peuvent néanmoins inaugurer la prise en charge psychiatrique chez l’âgé car les propensions suicidaires sont souvent ignorées et non recherchées par le praticien alors qu’il s’en enquiert plus volontiers chez l’adolescent et l’adulte jeune [8]. Un sentiment intense de désespoir peut persister chez les déprimés âgés ayant commis un geste suicidaire, malgré la rémission des autres symptômes dépressifs [9].

LES SPÉCIFICITÉS ÉTIOPATHOGÉNIQUES

Dans la genèse des états dépressifs du sujet âgé s’intriquent fortement les facteurs existentiels et les facteurs organiques : il est souvent difficile d’évaluer, de délimiter, de pondérer les responsabilités de chacun.

La notion de perte vient infiltrer tout le vécu du sujet âgé : perte des aptitudes, perte de l’estime de soi, perte des responsabilités socio-professionnelles, perte des facultés sensorielles, particulièrement la vision et l’audition et surtout, perte réelle des sujets chers où le veuvage inattendu et brutal serait particulièrement dévastateur. La régression des sollicitations sociales, le désœuvrement, l’ennui, parfois la solitude viennent ternir les propensions aux plaisirs de la vie. C’est l’abandon, le renoncement, la morosité, le dégoût voire la tristesse, à l’extrême la dépression. Les personnalités narcissiques seraient particulièrement vulnérables à ces échéances inexorables [3].

La contribution de certaines altérations organiques cérébrales a pu être établie, notamment dans les dépressions d’installation tardive, après la soixantaine (‘‘ lateonset dépressive disorders ’’). La fréquence des affections cardiaques et cérébrales croît avec le vieillissement La traduction des lésions cérébro-vasculaires en IRM cérébrale sont des hyperintensités. L’accumulation des lésions cérébro-vasculaires semble favoriser la survenue d’une dépression tardive. C’est l’hypothèse de la ‘‘ dépression vasculaire ’’ [10]. Son tableau associe un ralentissement psychomoteur et une apathie marqués avec un certain degré d’anhédonie. La culpabilité, l’autodévalorisation ou les idéations suicidaires sont plus inhabituelles dans ces dépressions vasculaires. Des symptômes psychotiques peuvent être observés mais sont différents de ceux rencontrés dans les mélancolies délirantes. Ils sont de type oniroïde et s’apparentent aux manifestations de certains états mentaux organiques.

Des troubles cognitifs, d’intensité variable, sont la règle. Ils sont d’autant plus sévères que les hyperintensités visibles à l’IRM sont plus étendues ; elles formeraient

TABLEAU 2. — Critères de dépression vasculaire (d’après Steffens et al, 1998).

A

Dépression majeure B

Manifestations cliniques 1 — antécédents de maladie cérébro-vasculaire — signes neurologiques focalisés B

Signes neuro-radiologiques 2 — hyperintensités de la substance blanche ou grise — infarctus B

Déficits cognitifs 3 — fonctions exécutives — mémoire — vitesse de traitement de l’information A + B 1 ou A + B 1 + B 2 ou A + B 1 + B 3 ou A + B 1 + B 2 + B 3 le lit de la démence vasculaire. Dépression et démence vasculaire appartiendraient alors à un spectre pathologique commun [12] . Actuellement, il n’existe pas de consensus pour le diagnostic de dépression vasculaire. On peut néanmoins retenir les critères proposés par Steffens et al [13].

LES SPÉCIFICITÉS LIÉES AU PRONOSTIC

L’évolution d’une maladie dépressive reste imprévisible, particulièrement chez la personne âgée.

Classiquement, la durée des épisodes dépressifs et leur sévérité s’accroissent avec les récurrences : un âge de début précoce d’une dépression récidivante constituerait donc un facteur de mauvais pronostic lorsque le sujet devient âgé.

Une évolution chronique , définie par la persistance des symptômes dépressifs pendant une durée d’au moins deux années, sans rémission, serait plus fré- quemment rencontrée avec l’avance en âge. Une mauvaise compliance thérapeutique, la poursuite de prescriptions inefficaces (tranquillisants, ‘‘ stimulants ’’ divers, posologies infra-thérapeutiques d’antidépresseurs …) majorent ce danger de chronicité.

Le risque de récidive dépressive, définie par la survenue d’un nouvel épisode dépressif après guérison de l’épisode précédent, apparaît plus élevé chez les déprimés âgés que chez les sujets plus jeunes [14].

Le délai d’action des antidépresseurs serait retardé chez le sujet âgé. Mais les taux de guérison à distance des déprimés âgés sous antidépresseurs semblent équivalents à ceux de l’adulte plus jeune. Les sujets âgés se montrent plus sensibles aux effets indésirables des antidépresseurs [15].

Dans les dépressions vasculaires, l’étendue des hyperintensités de la substance blanche prédit une moins bonne réponse au traitement antidépresseur et une durée d’hospitalisation plus longue. Les patients déprimés présentant des lésions des ganglions de la base sont en outre particulièrement exposés au risque d’effets indésirables, notamment confusionnels, sous antidépresseurs.

A plus long terme, les lésions de la substance blanche sous-corticale sont associées à des rechutes précoces et une évolution plus chronique. Le déclin cognitif progressif combiné à la dépression chronique majore l’incapacité fonctionnelle et donc le risque d’institutionnalisation chez ces déprimés vasculaires [16].

LES SPÉCIFICITÉS THÉRAPEUTIQUES

Les sujets âgés ont une demande médicamenteuse importante. Ils cherchent souvent à remédier à leurs difficultés avec des médicaments plutôt qu’avec des aides psychologiques. Il est vrai que, chez le déprimé âgé, les médicaments antidépresseurs sont souvent nécessaires et tiennent une place importante, mais non exclusive, dans la prise en charge.

Malgré sa ‘‘ déplorable image dans le public ’’, l’électro-convulsivothérapie (ECT) a fait la preuve d’une remarquable efficacité dans cette population. Elle constitue l’un des traitements médicaux administrés sous anesthésie parmi les plus sûrs [17, 18].

D’autres thérapeutiques biologiques, telles que la stimulation magnétique transcrânienne répétée (ou ‘‘ r-TMS ’’ — repeated Transcranial Magnetic Stimulation) sont en cours d’évaluation chez le sujet âgé dans différents centres spécialisés [19].

Le principe de cette technique repose sur une stimulation cérébrale non invasive par application répétée d’une impulsion magnétique brève. Peu d’effets indésirables ont été rapportés. La prise en compte des variations morphologiques cérébrales dues au vieillissement seraient importantes à considérer chez le déprimé âgé : plusieurs études ont montré que les déprimés âgés répondeurs à la rTMS avaient un volume frontal significativement plus élevé que les non répondeurs. Le champ magnétique de la rTMS décroît exponentiellement avec la distance entre le point de stimulation et le cortex pré-frontal Une atrophie pré-frontale marquée nécessite donc d’augmenter les intensités de stimulation.

Comme chez le sujet plus jeune, la prise en charge thérapeutique de la dépression doit toujours être abordée sous son triple aspect, biologique, psychothérapique et psychosocial. Contrairement à une opinion trop répandue, les antidépresseurs ne gênent aucunement le travail psychothérapique et antidépresseurs et psychothérapies sont parfaitement complémentaires. Les problèmes abordés au cours des psychothérapies doivent être circonscrits : ils concernent la nécessité d’assumer de nouveaux rôles familiaux et sociaux, de s’adapter aux pertes successives et d’aménager ses conditions de vie à ses possibilités. L’objectif de la psychothérapie consiste à
aider le sujet à faire face à ces nouvelles aptitudes et aux bouleversements émotionnels qu’elles suscitent inévitablement [3].

L’entrée en institution , si elle s’avère nécessaire, a lieu de plus en plus tard, généralement à plus de 90 ans. La perte de son domicile préfigure, pour certaines personnes âgées, la perte de la vie. L’institution peut alors être vécue comme ‘‘ l’antichambre de la mort ’’. Au sein même de l’institution, la dépression favorise le désinvestissement progressif de toute interaction sociale, la dégradation de l’autonomie et l’émergence de troubles du comportement. Son diagnostic peut s’avérer difficile chez des patients repliés sur eux-mêmes et peu sollicités par de trop rares visites. La formation du personnel à la psychopathologie du sujet âgé est essentielle.

Mais en amont des réflexions thérapeutiques peut-être convient-il de savoir discerner les éléments qui pourraient concourir à la prévention des ruptures dépressives :

savoir reconnaître la dépression chez l’âgé et savoir la traiter.

’’Seuls les sots se lamentent de vieillir ’’ (De Senectute, Cicéron). Chacun doit prendre conscience du vieillissement inéluctable et en accepter le plus possible ses corollaires d’aléas, de régression, de perte, de deuil voire d’isolement et de solitude.

Chacun doit se préparer aux pénibles échéances, manière d’en atténuer la violence destrutrice, de dépasser les caps douloureux, de valoriser de nouveaux investissements et de réaménager ses conditions existentielles en fonction de ses capacités, en essayant de convertir, autant que faire se peut, une fin de jour en aube nouvelle.

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DISCUSSION

M. René KÜSS

Très intéressé par votre communication sur la dépression des sujets âgés dont je fais partie et qui est le résultat de la régression anatomique et physiologique de tous nos organes. Alors pensez-vous qu’une thérapie agissant seulement sur le cortex cérébral puisse arrêter ou diminuer cette régression naturelle de toutes nos fonctions organiques ?

Il n’est pas certain qu’une thérapeutique antidépressive puisse s’opposer à l’involution des organes au sens le plus organique mais elle peut aider à mieux en assumer les conséquences néfastes.La manière de se sentir bien ou mal peut peut-être participer au processus de vieillissement car il n’y a pas de dichotomie nette du corps et de l’esprit mais de permanentes interrelations et probablement des influences réciproques Par ailleurs certains antidépresseurs semblent favoriser la production des facteurs trophiques céré- braux comme le BDNF (Brain Derivated Neurotrophic Factor).

M. Jean-Paul GIROUD

Quels sont les anti-dépresseurs que l’on doit utiliser préférentiellement chez les sujets âgés ?

Y-a-t-il des indications particulières pour recourir aux inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine ou aux antidépresseurs non spécifiques qui agissent sur les deux voies 5-HT et NA ? Les dépressions délirantes étant plus fréquentes chez le sujet âgé, certains anti-dépresseurs semblent-ils plus efficaces dans cette médication ?

Chez les sujets âgés il faut de préférence prescrire les antidépresseurs de nouvelle génération qui sont dépourvus d’activité anticholinergique et d’incidence cardiovasculaire néfastes. Ainsi il convient d’éviter les antidépresseurs tricycliques à l’exception de la tianeptine qui n’a pas ces inconvénients et les IMAO non réversibles dont il ne reste que le Marsilid. Les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine seraient plutôt indiqués dans les dépressions où existent des troubles marqués du sommeil et de l’appétit et des dimensions agressives (troubles caractériels, comportements autoagressifs) car la sérotonine semble jouer un rôle important dans la régulation du sommeil et de l’appétit et dans l’agressivité. Les antidépresseurs non spécifiques semblent légèrement plus efficaces dans les dépressions graves bien que les études ne soient pas totalement explicites à ce niveau. Dans les dépressions délirantes il parait donc plus approprié de recourir aux antidépresseurs non spécifiques Mais ceux-ci ne seraient efficaces que dans 30 à 40 % des cas. Associés à un neuroleptique ils seraient efficaces dans 50 %, c’est dire que dans les dépressions délirantes du sujet âgé il semble préférable de recourir à l’électroconvulsivothérapie.

M. Claude JAFFIOL

Place des hypothyroïdies chez le sujet âgé : leur fréquence est grande, leur symptomatologie larvée et leur rôle dans le déterminisme de troubles cognitifs et dépressifs reconnus. Leur prescription peut être bénéfique chez ces patients. Quelle est votre expérience ?

Vous avez totalement raison de rappeler la fréquence des hypothyroïdies frustres dans le déterminisme de certaines dépressions chez le sujet âgé. Il est systématique de doser chez le déprimé âgé les hormones T3, T4 et TSH. Par ailleurs les antidépresseurs sont inefficaces si l’hypothyroïdie n’est pas corrigée. D’autre part les hormones thyroïdiennes pourraient potentialiser l’action des antidépresseurs chez le déprimé en dehors de toute hypothyroïdie. C’est dire l’importance du système thyroïdien dans cette pathologie.

Mme Marie-Odile RÉTHORÉ

Chez les déficients mentaux, en particulier chez ceux qui souffrent d’une maladie par aberration chromosomique, le vieillissement peut s’accélérer très vite. Dès 35 ans, certains de ces patients sont plus vieux que leurs parents. Ils n’ont plus aucun intérêt, s’isolent, deviennent apathiques, inexpressifs. Les antidépresseurs ne font rien… ils entraînent une augmentation de poids et, donc, des complications. Je n’ai jamais osé proposer un ‘‘ électrochoc… ’’ Avez-vous une expérience dans ce domaine ?

Notre équipe n’a aucune expérience en ce domaine mais nous savons que sur les cerveaux avec altérations organiques, les antidépresseurs s’avèrent souvent inefficaces. Si vos
malades présentent des états dépressifs caractérisés, il me semblerait éthique de recourir à l’électroconvulsivothérapie.

M. André VACHERON

Dans votre excellente communication, vous n’avez pas évoqué le rôle du lithium pour prévenir les récidives. Est-il utilisable chez les sujets âgés en dépit de la réduction habituelle de la fonction rénale ?

Je vous remercie de combler une lacune de notre travail. Le lithium ou un autre régulateur de l’humeur peut parfaitement être prescrit chez le sujet âgé pour prévenir les récidives dépressives. Il faut veiller à avoir des lithiémies plutôt dans le bas de la fourchette thérapeutique.

M. Pierre GODEAU

Le concept de neuroplasticité actuellement à la mode et dont on souligne volontiers les rapports avec la dépression et les traitements antidépresseurs, reste-t-il valable chez le sujet âgé et, si oui, jusqu’à quel âge ?

Le concept de neuroplasticité semble maintenant bien étayé mais je ne saurai pas dire s’il s’applique particulièrement aux sujets âgés. On insiste beaucoup sur la capacité des antidépresseurs à favoriser la prolifération dendritique par l’intermédiaire d’une stimulation de la production des facteurs de croissance qui sont de plusieurs types pour le cerveau.

M. Jean NATALI

Ne croyez-vous pas que la mise à la retraite précoce, telle qu’elle est prônée actuellement en France, sans qu’elle soit relayée par d’autres activités, soit un des facteurs importants de l’augmentation des dépressions ?

La retraite est considérée comme un possible facteur dépressogène et certains qui se sentent actifs et ont bien investi dans leurs responsabilités professionnelles supportent mal la retraite surtout s’ils n’ont pas d’alternative à cette inactivité. Mais on ne peut en faire une généralisation et pour d’autres la retraite est un bienfait.

M. Pierre JUILLET

Lorsque se pose le problème de l’indication d’une sismothérapie, dans quelles conditions optez-vous pour ce traitement dans les états dépressifs du sujet âgé ?

Nous optons pour ce traitement d’emblée dans les formes graves et en cas de résistance à un antidépresseur bien prescrit à doses suffisantes et assez longtemps. Le vrai problème est effectivement celui des modalités d’application. On dit traditionnellement qu’une cure d’électrochocs doit comporter trois séances hebdomadaires pour être efficace.Dans le service nous avons tendance à ne pratiquer que deux séances par semaine pour éviter
les effets de confusion qui pourraient masquer les améliorations de la dépression, même si cette modalité pourrait légèrement différer l’amélioration. Cela nous semble plus prudent sauf si l’état somatique ou psychiatrique nécessite une amélioration très rapide.

M. Raymond HOUDART

Il existe, semble-t-il, des dépressions d’origine vasculaire. Ont-elles une symptomatologie particulière ?

Les dépressions d’origine vasculaire se caractériseraient par une inhibition, une apathie majeures, des troubles cognitifs marqués et peu d’autodévalorisation et de culpabilité.

Mais les dépressions dites vasculaires existent-elles vraiment ?

M. Pierre PENE

Y a-t-il des différences de prévalence de la dépression chez les personnes âgées en fonction de leur habitat urbain ou rural, de leur mode de vie, de la classe sociale ? Est-il vrai que la permanence d’activités sociales, conviviales, sportives chez des sujets âgés diminue l’incidence des dépressions des personnes âgées ? Enfin, la détresse morale des personnes âgées est-elle un facteur favorisant l’AVC comme cela a été dit ?

Il ne semble pas y avoir de vraie différence de prévalence de la dépression selon l’habitat citadin ou rural. Le mode de vie peut influencer la prévalence et la solitude est particulièrement retenue notamment si les sujets n’étaient pas habitués à la solitude. En ce sens les veufs ou veuves se dépriment plus que les célibataires. Le bas niveau social semble plutôt influencer l’accès aux soins. Les activités sociales de quelque nature qu’elles soient constituent probablement un facteur de protection : elles atténuent le sentiment d’inutilité et de solitude. Je ne saurai pas vous dire si la détresse morale favorise les AVC ni s’il existe des études épidémiologiques en ce domaine. Un élément pourrait aller dans ce sens à savoir que les stress favorisent l’agrégation plaquettaire.


* Service Hospitalo-Universitaire de Santé Mentale et de Thérapeutique, CH Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75674 Paris cédex 14. ** Service Hospitalo-Universitaire, Centre Hospitalier Esquirol, 15, rue du Docteur Marchand, 87000 Limoges. Tirés à part : Monsieur le Professeur Henri LÔO, adresse ci-dessus. Article reçu le 12 février 2004 et accepté le 3 mai 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 6, 999-1010, séance du 15 juin 2004