Communication scientifique
Séance du 14 juin 2011

Conclusion

Daniel Couturier *

 

CONCLUSION

Daniel COUTURIER *

La biologie moléculaire a renouvelé nos conceptions et ouvert un vaste champ de connaissances sur la richesse et le rôle de la flore microbienne intestinale.

Chaque individu est caractérisé par son patrimoine génétique mais interviennent aussi les caractéristiques et les particularités de sa flore intestinale. La fraction stable de la flore intestinale ou plutôt les gènes qui la caractérisent est qualifiée de métagènome ; les données déjà disponibles laissent prévoir des relations entre métagènome et phénotype de l’individu qui le porte. Plus directement en rapport avec la physiopathologie, des études en plein développement, font apparaître la responsabilité, parfois inattendue, de « dysbioses » intestinales dans la survenue de certaines pathologies.

Plusieurs exemples nous ont été proposés. Dans les maladies inflammatoires de l’intestin, maladie de Crohn et recto-colite ulcéro-hémorragique, les bactéries du groupe Clostridium Leptum sont sous représentées. Ces bactéries, en bloquant le NFKB et IL8 ont des propriétés anti-inflammatoires. Ce manque bactérien ou « trou philogènique », peut être considéré comme l’un des mécanismes contribuant au développement des maladies inflammatoires de l’intestin.

Les cancers colorectaux se développent progressivement depuis une tumeur bénigne, l’adénome, jusqu’au cancer étendu voire métastatique, sous l’effet de l’accumulation de mutations et/ou de remaniements chromosomiques dans les cellules de la muqueuse intestinale. Des anomalies constitutionnelles peuvent expliquer ou faciliter le processus, elles expliquent les prédispositions génétiques à ces cancers, mais la très grande majorité de ces tumeurs en formes sporadiques sont en rapport avec des facteurs d’environnement et plus précisément avec certaines caractéristiques de l’alimentation. Considérant le rôle du régime alimentaire dans les modifications de la flore intestinale, l’identification dans la flore intestinale de souches bactériennes d’ E Coli qui libèrent des gènotoxines capables d’induire des cassures de l’ADN ainsi qu’une instabilité chromosomique apportent une explication décisive au développement des formes sporadiques du cancer du colon.

Au premier abord, l’idée que l’obésité puisse être associée, voire expliquée par des particularités du microbiote intestinal pouvait apparaître sans avenir. Certes, on pouvait envisager que la flore microbienne, en facilitant l’absorption des glucides complexes puisse indirectement augmenter l’apport calorique, mais pouvait-on imaginer aller plus loin ? Une série de résultats laisse penser que les relations obésité-flore intestinale sont beaucoup plus complexes et porteuses de conséquences utiles dans la prise en charge de ce grave problème de Santé Publique. Le xénobiote de souris obèse greffé à des souris axéniques leur transmet l’obésité, et c’est l’opposé qui se produit avec le xénobiote de souris maigre. Certains antibiotiques (la vancomycine notamment) et des probiotiques (lactobacillus) en intervenant sur la flore intestinale entraînent l’obésité. Finalement on tend vers l’individualisation de souches qui protègent de l’obésité et de souches qui font grossir. Ces données ouvrent des perspectives inattendues pour la prise en charge de ce problème d’actualité.

Au-delà de ces exemples, on conçoit que l’approfondissement des connaissances sur le microbiote intestinal puisse ouvrir des perspectives prometteuses notamment dans les domaines du diagnostic prédictif, de la prévention et aussi dans le renouvellement des moyens de traitement de nombreuses maladies.

Au terme de cette séance, l’hépato-gastroentérologue ne peut pas manquer de faire remarquer les apports spectaculaires de la microbiologie à sa spécialité intervenus depuis ces dernières décennies :

— la découverte du rôle pathogène d’ Hélico-Bacter-Pylori responsable des ulcères gastro-duodénaux, des cancers gastriques et aussi des lymphomes ;

— l’action cancérogène des virus des hépatites B et C, leur rôle essentiel dans la survenue des hépatocarcinomes ;

— et maintenant la flore microbienne intestinale.

Dans le domaine médical comme dans celui de la chirurgie, la microbiologie a transformé la prise en charge des maladies de l’appareil digestif. Tout laisse à penser qu’une telle évolution va se poursuivre.

 

<p>* Membre de l’Académie national de médecine ; e-mail : d.couturier@academie-medecine.fr</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 6, 1307-1308, séance du 14 juin 2011