Communication scientifique
Séance du 24 octobre 2006

Conclusion

Charles-Joël Menkès*

Conclusion

Charles-Joël MENKÈS*

L’arthrose a longtemps été le parent pauvre de la rhumatologie, l’attention étant plutôt focalisée sur les maladies inflammatoires systémiques et sur la pathologie auto-immune.

Les exposés que nous venons d’entendre démontrent à l’évidence que les choses ont bien changé. L’arthrose n’est pas seulement une maladie du cartilage, elle touche l’ensemble des structures articulaires, l’os, la synoviale et le cartilage selon un mécanisme complexe qui commence à être élucidé. Maladie plurifactorielle, son expression clinique est très variable d’un malade à l’autre et son évolution faite de poussés et de rémissions est souvent imprévisible et très lente. C’est dire la difficulté de reconnaître l’efficacité d’un traitement préventif ou curatif.

Il faut d’emblée insister sur l’intérêt, la qualité et le côté novateur, reconnu, des travaux de l’équipe de Nancy, dirigée par Patrick Netter, dont une partie vient d’être présentée.

La perte de l’homéostasie du cartilage, de la synoviale et de l’os sous-chondral est provoquée principalement par une production locale de cytokines inflammatoires comme l’IL-1β, par les chondrocytes et les synoviocytes qui favorisent à la fois la dégradation des constituants matriciels par les métalloprotéases et l’inhibition de leur biosynthèse. Pour tenter de maintenir ou de rétablir l’homéostasie du cartilage, Jacques Magdalou et coll . ont privilégié l’étude des enzymes de biosynthèse des constituants matriciels dont les glycosyltransférases chondrocytaires qui réalisent l’assemblage étape par étape et de façon coordonnée des glycosaminoglycanes, macromolécules polysaccharidiques constituant des protéoglycanes. Parmi les multiples glycosyltransférases, la glucuronosyltransférase-1 (GlcAT-1) est capable de s’opposer à la déplétion en protéoglycanes provoquée par IL-1β dans le cartilage.

Des expériences de répression ou au contraire de surexpression de l’enzyme dans des chondrocytes et des explants de cartilage de rat ont montré son importance physiologique dans la biosynthèse des glycosaminoglycanes. Ces travaux ouvrent la voie à la mise au point de substances capables de restaurer la matrice cartilagineuse.

Daniel Herbage a rappelé qu’en 1994, Lars Peterson et Mats Britberg ont suscité un immense intérêt en proposant de traiter certaines lésions du cartilage par une greffe
de chondrocytes autologues, prélevés chirurgicalement, permettant le développement d’un néo tissu hyalin. En fait cette technique est réservée à des lésions très limitées, chez des sujets jeunes, conséquence d’accidents sportifs ou d’ostéochondrite. De nouvelles techniques ont été développées basées sur les principes de « l’Ingénierie tissulaire ». On utilise, à la fois, des biomatériaux divers comme matrices tridimensionnelles de support de cellules à implanter qui peuvent être des chondrocytes ou des cellules souches mésenchymateuses et des facteurs de croissance. L’emploi conjoint de ces deux facteurs favorise l’expression du phénotype différencié des chondrocytes qui peuvent, ainsi, retrouver toute leur activité.

L’application de cette méthode au traitement de lésions arthrosiques diffuses est encore du domaine de la recherche.

L’arthrose n’est pas une maladie inflammatoire mais des cytokines de l’inflammation, comme l’IL-1β et le TNFα sont impliquées à côté des écosanoïdes et des radicaux libres dérivés de l’oxygène. Xavier Chevalier et coll. ont fait le point sur l’utilisation possible d’anti-TNFα dans de situations cliniques très particulières et surtout sur les premiers résultats, nuancés, de l’injection intra-articulaire de l’antagoniste de l’IL-1β (IL-1ra). Ils ont évoqué également la thérapie génique, qui comme la thérapie cellulaire est encore du domaine expérimental, mais laisse espérer un progrès thérapeutique.

Pour Bernard Terlain et coll. , l’arthrose pourrait être une maladie systémique liée à des anomalies lipidiques entraînant un dysfonctionnement articulaire. Cette atteinte est attribuée à la leptine qui en synergie avec les cytokines pro-inflammatoires a une action néfaste sur les chondrocytes par la libération d’oxyde nitrique (NO). La leptine et les adipokines, secrétées par les adipocytes, permettent de faire le lien entre obésité et arthrose. Les produits capables de moduler les adipokines pourraient avoir un rôle thérapeutique intéressant.

La détérioration ostéo-articulaire peut-être telle que seul le remplacement de ces structures est envisageable. Yves Tropet et coll. ont obtenu de bons résultats chirurgicaux grâce à une technique de greffe ostéocartilagineuse costale qu’ils ont mis au point, pour le traitement de la rhizarthrose, de l’arthrose du poignet, des cals vicieux du radius distal et de certaines pertes de substance des doigts.

L’imagerie radiologique a une importance capitale pour le diagnostic et le suivi de l’arthrose. Jean-Denis Laredo a montré tout l’intérêt de l’IRM qui permet non seulement d’évaluer l’état du cartilage et son volume mais aussi de préciser l’état de l’ensemble des structures articulaires. Pour le rhumatologue, l’IRM est devenue un outil indispensable et il serait hautement souhaitable que les services hospitaliers puissent avoir un accès facile aux appareils à bas champ magnétique, peu encombrants et bien adaptés aux articulations périphériques.

L’arthrose est bien caractérisée par une atteinte du cartilage, mais on accorde un rôle de plus en plus important à l’os, notamment à l’os sous-chondral dont les ostéoblastes stimulent la production de métalloprotéases par les chondrocytes et inhibent la synthèse des aggrécanes.

Actuellement, à côté du traitement symptomatique de la douleur ou des médicaments à action lente dont l’intérêt clinique est encore discuté, on fait une large place au traitement non-médicamenteux basé sur l’exercice physique, la perte de poids et les orthèses. Certains facteurs de risque ne peuvent guère être modifiés comme la génétique, l’âge, le sexe féminin, l’état osseux. Une prévention efficace, par contre, peut-être faite en luttant contre l’obésité, en faisant régulièrement des exercices physiques et en entretenant la force musculaire tout en évitant le surmenage articulaire lié au travail ou à certaines activités sportives. L’éducation du malade permet d’appliquer au mieux ces directives. Malheureusement, malgré les progrès déjà réalisés et en attendant ceux qui sont à venir, le traitement ultime de l’arthrose reste chirurgical. Le remplacement prothétique d’une articulation portante détériorée peut être indiqué jusqu’à un âge avancé en raison de l’amélioration extraordinaire de la qualité de vie qu’elle peut apporter et des progrès de la chirurgie.

DISCUSSION

M. Bernard PESSAC

Quel est l’effet de l’acide hyaluronique « cross-linked » tel que la hyaluro, sur les douleurs et la symptomatologie des arthroses et conditions similaires. ?

L’acide hyaluronique injecté dans l’articulation, est efficace sur les symptômes de l’arthrose. Il est indiqué à un stade où la détérioration articulaire est encore limitée. Sa durée d’action est variable, mais plus longue que celle des simples infiltrations de corticoïdes.

L’indication de ce traitement a été récemment étendue du genou aux autres articulations.

M. Jean-Baptiste PAOLAGGI

Y a-t-il un trouble spécifique du cartilage dans les maladies primitives du cartilage comme la polychondrite atrophiante ou la chondrocalcinose primitive ?

La polychondrite atrophiante atteint essentiellement les cartilages de l’oreille, du nez et de l’arbre trachéo bronchique. L’examen du cartilage après biopsie montre une infiltration de cellules inflammatoires, au début, avec des dépôts d’immunoglobulines. Dans certains cas on peut mettre en évidence des anticorps anti- collagène II et antimatrilline-1. La chondrocalcinose est liée à un dysfonctionnement du chondrocyte. Dans certains cas, une anomalie du gène ANK a été mise en évidence. Elle est responsable de l’accumulation du pyrophosphate inorganique avec formation, dans le cartilage, de cristaux de pyrophosphate de calcium. Cette calcification cartilagineuse est souvent bien tolérée, notamment chez les sujets âgés. Elle peut être responsable d’accès inflammatoires aigus articulaires (pseudo-goutte) et s’associer à des lésions arthrosiques extensives et à évolution rapide.

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 7, 1475-1477, séance du 24 octobre 2006