Résumé
Les cellules souches embryonnaires (ES) sont capables de reproduire en culture les étapes majeures du développement précoce et sont donc un modèle de choix pour l’étude in vitro des mécanismes moléculaires mis en jeu lors des étapes successives d’une différenciation cellulaire et tissulaire. Nous avons récemment déterminé des conditions expérimentales permettant la différenciation de cellules ES murines en kératinocytes, éclairant le rôle du morphogène BMP-4 dans l’orientation binaire neuroectodermale, et permettant aussi de récapituler en culture les principales étapes du développement embryonnaire de l’épiderme et de reconstruire in vitro un épithélium cutané fonctionnel. Ce modèle cellulaire unique permettra de comprendre la morphogenèse cutanée, d’identifier les évènements moléculaires mis en jeu au cours de l’embryogenèse lors du dialogue épithélio-mésenchymateux et pour le maintien de la multipotence des cellules souches épidermiques adultes. Son potentiel en thérapie cutanée et dermato-cosmétologie est discuté.
Summary
Embryonic stem (ES) cells can be cultured indefinitely, differentiated into many cell types
in vitro , thus providing a potentially unlimited supply of cells for cell-based therapy. We recently reported the efficient derivation of ectodermal and epidermal cells from murine ES cells. These differentiated ES cells are able to form, in culture, a multilayered epidermis coupled with an underlying dermal compartment, similar to native skin. This model demons-
trates that ES cells have the potential to recapitulate the reciprocal instructive ectodermalmesodermal commitments, characteristic of embryonic skin formation, clarifies the role of the morphogen BMP-4 in the binary neuroectodermal choice and provides a powerful tool for the study of molecular mechanisms controlling skin development and multipotent epidermal stem cell properties. Its potential for cutaneous cell therapy and dermatocosmetological applications is discussed.
DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DE L’ÉPIDERME
L’épiderme participe à la fonction principale de la peau, qui est de résister à l’environnement et de s’en protéger. C’est un épithélium stratifié squameux en perpétuel renouvellement, grâce à la présence de cellules souches épidermiques multipotentes, localisées principalement dans le bulge folliculaire mais présentes également dans les espaces inter folliculaires et dans la glande sébacée. Malgré d’intenses efforts, aucun marqueur de surface spécifique des cellules souches épidermiques (ou de leurs précurseurs) n’a été à ce jour identifié et les bases moléculaires de leur multipotence restent inconnues [1].
L’épiderme embryonnaire provient du feuillet ectodermique alors que le derme sous-jacent est issu du mésoderme. Au cours de l’embryogenèse, les interactions entre les cellules issues du mésoderme et celles provenant de l’ectoderme sont capitales pour la mise en place des différents tissus [2]. Les études sur l’embryogenèse de Xénope ont prouvé l’effet inducteur ou répresseur de différents facteurs de croissance, facteurs nucléaires ou morphogènes [3]. Au stade de gastrula précoce, deux zones se démarquent au niveau de l’ectoderme, une première qui va donner le périderme puis l’épiderme et une deuxième qui va donner le neuroectoderme. Cette séparation se fait sous l’influence d’un gradient entre les différents facteurs dorsalisant (comme la noggine, la chordine et la follistatine) et le principal facteur ventralisant qui est le Bone Morphogenetic Protein-4 (BMP-4). Le BMP-4 est un morphogène de la superfamille du TGF-β. Il induit au niveau de l’ectoderme ventral la formation du tissu épidermique et sa neutralisation par ses antagonistes au niveau de l’ectoderme dorsal, induit donc par « défaut » la formation du tissu neuronal [3].
Chez la souris, l’ébauche épidermique est unicellulaire jusqu’au jour 8.5 postcoïtum (pc) et les cellules qui la composent produisent les cytokératines K8 et K18, couple caractéristique des épithélia simples chez l’adulte [4]. Par contre, dès le lendemain (9.5 pc), les cellules épidermiques modifient leur cytosquelette en remplaçant la paire K8/K18 par les cytokératines K5 et K14, spécifiques de la couche basale proliférative de l’épiderme.
Un des facteurs qui joue un rôle clé dans l’établissement et le devenir des cellules souches épidermiques à partir de cellules ectodermales est le facteur de transcription p63, membre de la famille p53 [5]. Dans les souris déficientes en Trp63 , l’absence de p63 ne perturbe pas la formation de l’ébauche ectodermique unicellulaire mais de profonds défauts surgissent lors de la différenciation. En effet, l’épiderme de ces souris reste un épithélium simple dépourvu de stratification et de
différenciation terminale [6]. Des travaux récents suggèrent que la différenciation et l’homéostasie épidermiques dépendent d’une balance subtile entre deux isoformes de p63, TAp63 et ∆Np63, codées par le même gène Trp63 [7]. TAp63 est nécessaire à l’engagement embryonnaire des cellules ectodermiques vers le lignage kératinocytaire alors que l’expression de l’oncogène ∆Np63 est nécessaire au maintien du pouvoir prolifératif des cellules souches et paradoxalement à la stratification épidermique [7].
La production de souris transgéniques a permis d’identifier d’autres gènes directement impliqués dans la formation et le renouvellement de l’épithélium cutané, dans son maintien et dans l’engagement folliculaire et sébocytaire. Par exemple, l’activation transitoire de c-myc dans la couche basale provoque l’engagement massif des cellules souches épidermiques en cellules progénitrices à amplification transitoire et leur différenciation ciblée en kératinocytes épidermiques et sébocytaires au détriment du follicule pileux [8]. Le résultat est un appauvrissement en cellules souches, une réparation cutanée défectueuse et une perte progressive des poils. Il semble donc que les niveaux d’expression de c-Myc pourraient influencer le devenir des cellules souches épidermiques et également la multipotence de ces cellules. L’expression constitutive de la bêta-caténine (voie de wnt activée) accélère la production massive de poils, aboutissant à la formation de pilocarcinomes, trichofolliculomes et pilomatricomes [9]. À l’inverse, en absence de bêta-caténine dans la couche basale cutanée, les cellules souches épidermiques ne se différencient plus en kératinocytes folliculaires [10]. De même, lorsque LEF1, le partenaire nucléaire de la bêtacaténine, est muté dans son domaine d’interaction avec la beta-caténine, la production et le maintien des poils sont abolis, au profit des glandes sébacées et éventuellement de la formation de tumeurs sébocytaires [11]. Les autres gènes impliqués dans la morphogenèse cutanée sont p63, hairless et les membres des voies de signalisation de Shh [12], Notch [13] et TGF-β [14].
Malgré une accumulation importante de données sur l’engagement et la différenciation cutanée in vivo , en grande partie grâce à la technologie de la transgenèse, l’absence d’un modèle cellulaire approprié ne permet toujours pas l’étude des évènements moléculaires précoces responsables des engagements épidermique et dermique et du maintien de la multipotence des cellules souches adultes.
CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES ET ENGAGEMENT ÉPIDERMIQUE
Les cellules souches embryonnaires (ES), issues de l’embryon préimplantatoire, sont capables de reproduire en culture les étapes majeures du développement précoce.
Ces cellules sont pluripotentes, c’est-à-dire capables de produire tous les types cellulaires issus des trois feuillets embryonnaires (ectoderme, mésoderme et endoderme). Leur plasticité et auto renouvellement exceptionnels en font un modèle de choix pour l’étude des mécanismes moléculaires mis en jeu lors des étapes successives d’une différenciation cellulaire et tissulaire [15].
En 1996, le groupe de F. Watt a démontré que les corps embryonnaires (CE), agrégats formés à partir de cellules ES cultivées en gouttes pendantes, récapitulent spontanément la différenciation cutanée embryonnaire avec l’apparition séquentielle des marqueurs épidermiques [16]. Après 15 jours de culture, la paire K8/K18 est exprimée par quelques cellules des CE, suivie quelques jours plus tard de la détection de colonies de kératinocytes positifs pour la cytokératine K14. L’absence d’intégrine β1 perturbe totalement cet engagement kératinocytaire in vitro mais ce défaut peut être efficacement corrigé par l’ajout du KGF et du FGF-10, deux facteurs solubles sécrétés par les fibroblastes dermiques [17]. Ceci confirme parfaitement la fonction inductrice du mésoderme sur la destinée ectodermale au cours du développement de la peau embryonnaire et chez l’adulte. Enfin, H. Green et collaborateurs ont montré récemment qu’un CE issu de cellules ES humaines reproduit la même succession de marqueurs spécifiques de l’engagement épidermique [18]. Cependant, ces différents travaux se basent sur une différenciation spontanée des cellules ES, sans tentative de déterminer la nature des stimuli nécessaires à un tel engagement Dans un effort d’optimiser l’engagement kératinocytaire des cellules ES, nous avons testé l’influence éventuelle de matrices extracellulaires sur l’engagement kératinocytaire. Ces matrices sont produites par la culture sur lamelles de verre de lignées cellulaires ou de cultures primaires d’origine embryonnaire et/ou tissulaire différentes. À confluence, les cellules sont décollées par un traitement doux à l’EDTA/EGTA, ce qui permet de conserver sur la lamelle les protéines matricielles sécrétées ainsi que les facteurs (de croissance et cytokines) piégés dans cette matrice.
Les cellules ES sont alors ensemencées sur ces « matrices acellulaires ». Nos résultats ont permis d’identifier des matrices à fort pouvoir inducteur d’origine mésenchymateuse, confirmant le pouvoir instructeur du mésoderme. L’ajout au 4ème jour de culture du morphogène BMP-4 synergise l’effet inducteur de la matrice mésenchymateuse, l’action conjuguée des deux inducteurs permet la différenciation efficace des cellules ES en kératinocytes dès le 8ème jour de culture [19, 20]. De plus, nous démontrons un effet double du BMP-4 sur la population hétérogène : le morphogène induit la mort par apoptose des précurseurs neuronaux (sox1 positifs) issus de la différenciation des cellules ES tout en stimulant l’engagement ectodermal et épidermique des cellules survivantes. Cette mort neuronale dépend de l’activation de la voie des Smads et de ses gènes cibles, tels msx1/2 et Id-3, et passe par une atteinte mitochondriale conduisant à l’activation de la caspase-3 (Gambaro, Aberdam, Rouleau ; manuscrit soumis). Ces résultats apportent un éclairage nouveau sur le mécanisme qui permettrait au neuroectoderme de choisir, lors de la gastrulation tardive, entre engagement épidermique et neuronal : le BMP-4 (a) induirait efficacement l’engagement épidermique et (b) empêcherait l’engagement neuronal, par apoptose des cellules prédestinées vers ce lignage.
Au cours de cette différenciation in vitro , et à l’image du développement embryonnaire de l’ectoderme, une fraction des cellules exprime d’abord les cytokératines 8 et 18 (K8/K18), remplacées ensuite par les cytokératines 5 et 14, spécifiques des
kératinocytes basaux [19, 20]. Deux lignées stables de cellules précurseurs des kératinocytes, caractérisées par une expression des cytokératines 8 et 18 et une absence des cytokératines 5 et 14, ont ainsi pu être isolées. Ces lignées n’expriment aucun marqueur d’ épithélia simples (hépatoblastique, pancréatique ou intestinal) connus pour exprimer, chez l’adulte, les cytokératines 8 et 18. Elles n’expriment plus les marqueurs spécifiques de cellules ES indifférenciées et elles ne forment pas de tumeurs lorsqu’elles sont injectées dans des souris nude . Leur caractère de cellules souches précurseurs épidermiques est mis en évidence par la présence, de manière sporadique, de quelques kératinocytes basaux K5/K14-positifs après culture à confluence de ces lignées. De plus, à l’instar du développement embryonnaire [4], nous montrons que l’expression exogène de l’isoforme TAp63 dans ces cellules les engage dans un processus de différenciation en kératinocytes K5/K14 (données non publiées). Ce modèle cellulaire unique qui reproduit des étapes embryonnaires autrement inaccessibles permettra d’identifier les évènements moléculaires mis en jeu au cours de la morphogenèse cutanée et pour le maintien de la multipotence.
Pour tester la fonctionnalité des kératinocytes néo-formés à partir des cellules ES, les cellules ES cultivées 8 jours sur une matrice inductrice en présence de BMP-4 ont été ensemencées sur une membrane inerte acellulaire constituée de polyester de cellulose. Après 8 jours en immersion suivis de 15 jours en interface air-liquide, des coupes en cryostat ont été préparées et révélées par coloration HES. L’histologie de cet épiderme montre une architecture très similaire à celle obtenue à partir de peau fœtale de souris [19, 20]. L’étude par immunofluorescence confirme les données histologiques : on identifie parfaitement la couche basale positive pour la cytokératine 14 alors que les autres couches granuleuses et cornées expriment comme attendu la cytokératine 10, la profilagrine et la cornéodesmine. De plus les partenaires constituant les structures d’ancrage des kératinocytes basaux à la membrane basale sont présents et la présence d’hémidesmosomes est confirmée par microscopie électronique. De manière remarquable, on retrouve sous l’épiderme une assise de cellules différenciées qui produit et dépose dans la lame basale des constituants typiques du fibroblaste, tels que la laminine-1 et le nidogène [19, 20]. Le dépôt de cellules ES engagées dans la voie kératinocytaire permet ainsi de reproduire, sur membrane inerte, une architecture proche d’une peau physiologique avec un épiderme stratifié reposant sur un derme sous-jacent. Puisque seules des cellules ES en cours de différenciation ont été déposées sur la membrane de polyester de cellulose, nos résultats démontrent que les conditions de culture utilisées ont été favorables non seulement à l’engagement épidermique mais également à la différenciation fibroblastique. Ce résultat confirme la conservation in vitro de l’étroit dialogue entre l’ectoderme et le derme pour la formation, au cours de l’embryogenèse, de ces deux tissus. Ce modèle permettra, par l’utilisation de lignées ES génétiquement modifiées, d’identifier in vitro les gènes et voies de signalisation impliqués dans ce double processus.
PERSPECTIVES
Depuis des années, un énorme investissement dans la reconstitution de peau humaine en laboratoire a été entrepris, afin de soigner les grands brûlés, les ulcères chroniques ou encore les pathologies liées à des défauts de cicatrisation. Cependant, leur utilisation dans le domaine de la chirurgie est insatisfaisante du fait des problèmes de rejet de ces allogreffes. L’autogreffe d’épiderme consiste à effectuer une biopsie cutanée sur le brûlé, cultiver ensuite les kératinocytes et regreffer l’épiderme reconstitué sur le patient. Cette reconstitution d’épiderme est une solution idéale, car tout rejet immunologique est dans ce cas évité ; cependant, la réalisation de ces autogreffes reste un processus lent (il faut plus de trois semaines de culture pour obtenir un épiderme reconstitué de taille raisonnable) et coûteux. De plus, une des limitations des autogreffes est l’absence d’annexes cutanées. Or, la présence de follicules pileux et de glandes sébacées et sudoripares est nécessaire pour obtenir une peau fonctionnelle, souple et thermorégulée. Il est donc nécessaire d’intensifier les recherches sur la mise au point de substituts de peau plus efficaces afin de pouvoir remplacer les allogreffes de peaux de cadavres qui sont actuellement les meilleurs substituts cutanés. Cela permettrait d’éviter les risques de contamination virale et de résoudre le problème de manque de donneurs.
De par leurs caractéristiques, les cellules ES représentent un énorme potentiel en médecine régénératrice tel que la réparation d’organes ou de tissus endommagés. La détermination des conditions permettant d’engager la cellule ES à se différencier en kératinocyte, pourrait fournir une culture de kératinocytes à partir de ces cellules indifférenciées et cela de manière illimitée. En effet, les cellules sont facilement manipulables génétiquement et semblent capables d’induire in vivo une immunotolérance exceptionnelle [21]. Pour obtenir des kératinocytes tolérés par un patient receveur, il est également envisagé de créer une banque de cellules ES humaines immunotypées ou de les rendre « immunoneutres » en modifiant, par recombinaison homologue, l’expression des gènes qui codent pour les complexes majeurs d’histocompatibilité.
Par ailleurs, la peau constitue un tissu accessible à la thérapie génique, et il existe des espoirs raisonnables de soigner certaines maladies héréditaires de la peau, les troubles de la cicatrisation, les désordres systémiques et les cancers de la peau par ces techniques. Le transfert de gène dans ces cellules souches est donc une voie de recherche très prometteuse. Une meilleure utilisation des propriétés des cellules souches adultes et embryonnaires concerne non seulement la thérapie cellulaire des grands brûlés, des ulcères chroniques mais également la thérapie génique des génodermatoses et la dermato-cosmétologie (alopécie, pousse excessive du poil et acné).
REMERCIEMENTS
Les travaux de notre laboratoire décrits ici sont subventionnés par l’INSERM et l’ACIBiotherapie « cellules souches à visées thérapeutiques », l’Association pour la Recherche sur le Cancer (3460) et la Société de Recherche Dermatologique.
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DISCUSSION
M. Michel BOUREL
Quel type de matrice extra cellulaire ? Industrielle ou home made ? Quelle place aux cocultures dans les reconstitutions thérapeutiques de la peau des brûlés ?
Nous fabriquons notre propre matrice extra cellulaire qui provient de cultures de cellules primaires fibroblastiques de biopsies cutanées humaines. En bref, les cellules mésenchymateuses sont cultivées sur une lamelle de verre jusqu’à confluence pour permettre aux molécules sécrétées par les fibroblastes de se déposer sue la lamelle. Cette matrice contient non seulement les protéines d’adhérence (laminines, collagènes) mais également les facteurs solubles (de croissance et cytokines) sécrétés par les fibroblastes et piégés dans la matrice. À confluence, les cellules sont décollées par un traitement doux qui conserve parfaitement la matrice secrétée. Les cellules souches embryonnaires (ES) sont alors déposées sur la lame matricielle en présence d’acide ascorbique et de BMP-4. Un traitement efficace des grands brûlés doit inclure non seulement l’épiderme mais naturellement le derme. Nous avons démontré (Coraux, 2003 ; Aberdam, 2004) que l’engagement épidermique des cellules souches embryonnaires induit de manière concomitante une différenciation fibroblastiques, mimant ainsi le dialogue réciproque entre l’ectoderme et le mésoderme. La population ainsi obtenue est hétérogène, contient des kératinocytes et des fibroblastes, tous issus des mêmes cellules ES, ce qui nous a permis par reconstitution organotypique in vitro de reproduire une peau (épiderme et derme sousjacent). Cependant, d’autres types cellulaires sont également présents dans la culture, et ne permettent pas de greffer le tissu ainsi obtenu. Dans l’approche que nous proposons d’évaluer en thérapie, il est nécessaire d’obtenir au préalable des lignées homogènes de kératinocytes et de fibroblastes issues des cellules souches embryonnaires. Nous pourrons alors produire, par reconstitution organotypique, une peau homogène et greffable.
M. Claude-Henri CHOUARD
Votre nouvelle peau comprend-elle des organes de Pacini ? Le développement de cellules souches du follicule pileux de la souris n’est-il pas une voie plus « simple » pour tenter de régénérer des (illisible) chez l’homme ?
Nous n’avons pas d’éléments pour déterminer la présence éventuelle des recepteurs tactiles cutanés que sont les corpuscules de Pacini. Pour des approches expérimentales
chez l’animal, les cellules du bulge pileux sont idéales pour conserver en thérapie la multipotence des cellules souches épidermiques. Il n’est cependant pas envisageable d’utiliser en xénogreffe de telles cellules chez l’homme. Notre approche consiste à déterminer expérimentalement si des cellules souches épidermiques issues de cellules embryonnaires ont conservé la multipotence des cellules du bulge, condition nécessaire à une thérapie cutanée efficace.
M. Jacques BAZEX
Le kératinocyte peut faire beaucoup de choses, c’est une superbe glande endocrine. Il est donc possible d’orienter la différenciation cellulaire, mais peut-on suivre ce qui se passe lorsque le kératinocyte transformé est amené à secréter par exemple de la PTH RP ?
Peut-on et sait-on diriger ce kératinocyte ? Quels commentaires vous inspirent les travaux de l’équipe de L. Degos qui ont montré que des cellules néoplasiques pouvaient sous l’effet de certains rétinoïdes reprendre leur état initial de cellules basales ? D’ailleurs, on peut constater en clinique que sous l’influence d’un rétinoïde, le tazarotène, le kératinocyte en voie de dégénérescence pouvait reprendre une structure normale.
L’effet des rétinoïdes sur les cellules épidermiques est particulièrement complexe et variable selon l’état de la cellule et du tissu. Les rétinoïdes sont bénéfiques dans le traitement de certaines tumeurs, en stimulant p53 et l’entrée en apoptose des cellules cancéreuses. En même temps, leur effet est paradoxal sur la prolifération et la différenciation kératinocytaire, induisant l’hyperplasie cutanée.
* INSERM U634, Faculté de médecine, Avenue de Valombrose, 06107 Nice Cedex 2. Tirés-à-part : Professeur Daniel ABERDAM, même adresse. Article reçu et accepté le 21 mars 2005.
Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 4, 645-653, séance du 5 avril 2005