Résumé
Dans la lutte pour l’amélioration de la santé en France, l’école a pris, au cours de cette dernière décennie, une place prioritaire depuis qu’il est apparu que la France est le pays de l’UE où la mortalité due aux comportements est la plus élevée (accidents, imprudences, suicides, alcool, tabac, insuffisance d’exercice physique). Ces comportements nocifs débutent pendant l’adolescence, mais sont conditionnés par l’état mental qui a été construit pendant la petite enfance. La situation actuelle de l’éducation pour la santé à l’école est préoccupante pour deux raisons : — l’absence d’une doctrine cohérente. Les concepts qui l’inspirent ont grandement évolué depuis 1975 (notamment avec la charte d’Ottawa introduisant la promotion de la santé en 1986). On s’est contenté d’additionner les approches au lieu de redéfinir les buts et d’adapter les moyens ; — l’absence de suivi des actions entreprises. De nombreuses circulaires et directives ont été rédigées, des études ont été faites, mais on n’a tiré aucun enseignement des échecs et des réussites. En 2010, au moment où l’on reconsidère la formation des maîtres, donc le contenu des enseignements, il est impératif de préciser les objectifs et de rechercher comment adapter les moyens à la réalité du terrain. Une série d’études françaises et internationales, notamment le rapport de l’OCDE (2009) jugent de façon extrêmement critique la situation en France et montrent la nécessité d’un effort. Alors que la France consacre des moyens notables aux actions visant l’adolescence, ceux consacrés à la petite enfance sont très insuffisants. Or, les données sociologiques, et les enseignements que l’on peut tirer du progrès des neurosciences, montrent que si de la vie in utero jusqu’à l’âge adulte, le développement physique et mental est continu, les premières années de la vie ont une importance cruciale. C’était autrefois le domaine des familles. Il faut, hélas, constater que dans la France contemporaine celles-ci sont souvent défaillantes. Certains parents n’ont pas conscience de leur responsabilité éducative envers leurs enfants ou manquent de repères. Par ailleurs, la France est devenue un pays hétérogène. La précarité et la marginalisation de certaines familles retentissent sur l’équilibre psychique des parents et, par voie de conséquence, sur celui et de leurs enfants. Les différences de culture et de mode de vie introduisent des problèmes sanitaires et rendent difficile l’élaboration d’une stratégie globale. Ceci montre la nécessité d’un effort considérable. Il faut sensibiliser les parents et les informer dès la grossesse en profitant, par exemple, des consultations prénatales obligatoires pour enseigner aux futures mères, et si possible à leurs conjoints, les axes de leur action auprès de leurs enfants dès la naissance (l’éveil et la stimulation des activités intellectuelles doivent débuter dès les premières semaines de la vie). Le rapport de l’OCDE montre que les parents français sont parmi ceux qui consacrent le moins de temps à leurs enfants ; de nombreuses raisons peuvent expliquer cette situation préoccupante, il convient de les analyser et d’agir ; notamment en renforçant le partenariat entre parents et les responsables des écoles maternelles et des crèches. Des réticences doivent être surmontées et des structures mises en place. La place de la santé pendant la prime enfance a beaucoup évolué. Autrefois, on considérait que chez les petits enfants, elle était essentiellement liée à des problèmes somatiques (malvoyance, mal entendance, difficultés motrices, etc.). Aujourd’hui, les problèmes psycho-sociologiques apparaissent particulièrement importants. Les acteurs des crèches ou des écoles maternelles, l’instituteur, sont devenus ceux qui repèrent le plus efficacement les enfants ayant des problèmes psychiques et ont des difficultés à établir des relations avec les autres enfants, à jouer avec eux. L’efficacité des interventions est d’autant plus grande qu’elle commence plus tôt. Le bilan psychosomatique fait à l’occasion de cette alerte par le pédiatre et le pédopsychiatre (ou le psychologue) doit inclure l’analyse des conditions de vie ainsi que l’étude de l’aide à apporter aux petits enfants présentant des problèmes de santé physique ou mentale. Les comparaisons internationales montrent que les jeunes français sont parmi ceux qui sont les plus pessimistes quant à leur avenir, ont le plus la sensation de ne pas être intégrés dans la société et de n’avoir que peu de moyens d’influencer leur avenir dont ils pensent qu’il dépend des autres ; ils estiment que la société est bloquée et ne leur laisse que peu de possibilités de promotion. Il est tentant de supposer que ces attitudes ont été marquées par le vécu de la petite enfance. Le contenu de l’enseignement doit être adapté à l’âge des enfants, en ayant pour principal objectif de donner aux petits enfants confiance en eux et en leurs capacités à améliorer leur épanouissement. Il doit être centré sur les fonctions et activités les plus simples : le sommeil, l’alimentation, l’éducation physique (parmi les pays étudiés dans le rapport de l’OCDE, la France est celui où l’éducation physique et le sport sont le moins développés). Il doit aider l’acquisition de la sociabilité, la reconnaissance des émotions siennes mais aussi celles des autres avec leurs différences ; la pratique des jeux de rôle au sein de l’école pouvant être un moyen simple d’aide à cette prise de conscience. Pour progresser, il convient de s’appuyer sur des expériences pédagogiques, fondées sur le volontariat des écoles et enseignants (comme cela a été fait avec succès pour « La main à la pâte »), mais aussi donner à ces études les moyens nécessaires et suivre leurs résultats pour en tirer des enseignements. La formation des enseignants a un rôle clé avec un double aspect : formation initiale dans les masters des universités où un module sur l’enseignement pour la santé est indispensable et dont les contenus doivent être harmonisés et formation continue dont l’impact est très grand, qui dépend elle du ministère de l’éducation nationale. Une cohérence entre ces deux formations est indispensable. Il faut de plus veiller à l’adéquation entre les objectifs et les moyens. Rappelons à l’occasion du e XX anniversaire de la signature de la Convention internationale des Droits de l’Enfant que les buts de l’éducation pour la santé, comme pour l’éducation en général, doivent s’appliquer à tous. Il faut pour y parvenir introduire à la fois souplesse et rigueur dans les méthodes pédagogiques et le contenu des enseignements. Il faut associer au partenariat parents-enseignants, les acteurs de la protection maternelle et infantile (PMI), ainsi que les pédiatres. La répartition des responsabilités concernant les nourrissons et les jeunes enfants, entre instances relevant de l’Etat, des autorités locales, des structures sanitaires, médicosociales et des professionnels de santé incluant les médecins et infirmières scolaires devrait permettre une coordination indispensable dans les situations difficiles.
Summary
In the ongoing effort to improve public health in France, schools have become a priority in recent years, after it emerged that France is the EU country where behavior-related mortality is highest (accidents, risk-taking, suicide, alcohol, smoking, lack of exercise). These harmful behaviors begin during adolescence but are conditioned by mental construction during early childhood. The current situation of health education in schools is worrying, for two reasons. First, there is no coherent doctrine. The concepts on which it is based have greatly evolved since 1975 (especially with the introduction of the Ottawa Charter for health promotion in 1986). We have simply accumulated different approaches rather than redefining our goals and adapting the available means accordingly. Second, the impact of health programs is not sufficiently evaluated. Circulars and guidelines have been written, studies have been conducted, but we have learned next to nothing from our failures and successes. In 2010, at a time when teacher training is being reconsidered — and thus also the school curriculum — it is crucial to clarify our objectives and to seek how to adapt to the current situation ‘‘ on the ground ’’. A series of French and international studies, including the OECD report (2009), are highly critical of the situation in France and show that further efforts are needed. While France devotes substantial resources to adolescent programs, those set aside for early childhood are totally inadequate. Yet sociological research, and advances in neuroscience, show that while physical and mental development is a continuous process from the womb to adulthood, the early years of life are critical. Intellectual stimulation during infancy used to be a role assumed by the family. Unfortunately, in contemporary France, many parents are unaware of their necessary contribution to their children’s education, or are simply confused. Furthermore, France has become a heterogeneous country. The insecurity and marginalization of certain families can undermine the parents’ mental health and thus that of their children. Differences in culture and lifestyle introduce specific health problems and make it difficult to develop a comprehensive strategy. A considerable effort is needed. We must educate and inform parents, starting from pregnancy, for example through obligatory antenatal courses to teach expectant mothers, and possibly their partners, that they must provide intellectual stimulation for their children, starting in the first weeks of life. The OECD report shows that French parents are among those who spend the least time with their children. There are multiple reasons for this alarming situation, which must be analyzed and remedied, notably by strengthening the partnership between parents and the directors of kindergartens and nurseries. Resistance must be overcome and the necessary structures created. The place of health during early childhood has considerably evolved. It used to be considered that, for small children, the main issue was physical health (vision, hearing, mobility, etc.). Today, the accent is increasingly placed on their psychosocial well-being. Nursery and kindergarten staff and teachers are best-placed to identify children with psychological problems, such as those who find it difficult to establish relationships with other children and to find playmates. Interventions are all the more effective the earlier they begin. Psychosomatic evaluation of children thus identified, by a pediatrician and child psychiatrist (or psychologist), must include an assessment of living conditions and individual needs. International comparisons show that French young people are among those most pessimistic about their future, those most likely to feel they are not integrated into society, and those who feel they have little way of influencing their future, thinking it depends above all on other people ; they feel that society is frozen, leaving them little opportunity for advancement. It is tempting to think that these attitudes are shaped by informy and early childhood experiences. The school curriculum must be appropriate for age, with the main objective of giving small children confidence in themselves and in their capacity to improve their own well-being. It must focus on the simplest functions and activities, such as sleep, diet, and physical education (among the countries included in the OECD survey, France is the country where physical education and sport are the least developed). Education must help young people to acquire social skills, to become aware of their emotions and those of other people, with all their differences. Role-play exercises in schools may be one way of developing this awareness. Teaching experience must be taken into account, through voluntary participation by schools and teachers (as successfully implemented in the ‘‘ Hands-on ’’ (Main à la Pâte ’’) program) ; these studies must be backed up by the necessary means, and their results must be monitored and analyzed. Teacher education has a key role to play, in two respects: i) initial training in universities should include a Masters module in health education, whose contents should be harmonized ; and ii) continuous training, which has a major impact and is the responsibility of the Ministry of Education. These two training courses must be coherent with each other, and the available resources must be compatible with the objectives. It should be recalled, as we celebrate the 20th anniversary of the Convention on the Rights of the Child, that the goals of health education, and of education in general, should apply to all. This implies a need to bring both flexibility and rigor to teaching methods and the school curriculum. It will require a partnership between parents and teachers, mother-child health structures, and pediatricians. Rational division of responsibilities for infants and young children between the State, local authorities, health facilities, medicosocial structures, and health professionals, including school physicians and nurses, should be able to provide the coordination necessary to deal with the more difficult situations.
L’ÉDUCATION POUR LA SANTÉ À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE, UNE NÉCESSITÉ 1
Le but de ce rapport est de répondre à deux questions : — l’éducation pour la santé à l’école peut-elle contribuer à améliorer la santé et le bien-être des Français ? Et si oui, — comment doit-elle être faite ? Ces interrogations appellent des réponses d’autant plus urgentes qu’en 2010 la responsabilité de la formation des maîtres sera transférée aux universités dans le cadre des masters. On se trouve donc à un moment crucial pour reconsidérer les objectifs et les moyens de l’éducation pour la santé. En effet, si le taux de mortalité des enfants français est parmi le plus bas, à partir de quinze ans chez les garçons, mais aussi chez les filles, ce taux de mortalité devient parmi les plus élevés. Or, cette surmortalité n’est pas due à des maladies, mais à des comportements à risque (imprudences, accidents, suicides, tabagisme, alcoolisme). Il est donc légitime d’espérer que l’analyse des facteurs psychologiques et sociologiques qui sont à l’origine de ces comportements puissent conduire à une prévention plus efficace, elle doit s’interroger, en particulier sur l’éducation pour la santé à l’école élémentaire telle qu’elle est actuellement mise en œuvre. D’autant que parallèlement l’enseignement des sciences à l’école élémentaire, telle qu’elle est effectuée dans le cadre de la « La main à la pâte » obtient des succès remarquables et montre la possibilité de renouveaux pédagogiques. Les récentes comparaisons internationales, en particulier celles de l’OCDE (Doing better for children, 2009) montrent que malgré le niveau élevé des dépenses consacrées à la santé et à l’éducation, la France est relativement mal classée, parmi les pays développés en matière de gestion pour la santé. Ceci souligne la nécessité d’une réflexion critique sans idées préconçues.
La santé n’est pas l’absence de maladie, mais une ressource que chaque individu doit s’approprier, le rôle des parents demeurant fondamental, mais étant malheureusement insuffisant dans une proportion non négligeable des familles. Il est admis qu’en plus de son rôle d’instruction, l’Ecole a une mission d’éducation en appui de celle des familles : l’adage réducteur « l’école instruit, les parents éduquent » étant mort, au moins dans les textes 2. L’éducation pour la santé en milieu scolaire est un maillon de la prise en charge globale de l’enfant. Elle a, à l’école élémentaire, deux aspects : — l’éducation sanitaire avec la préservation de la santé et la prévention de troubles sanitaires, sensoriels, psychiques, comportementaux ; — la promotion de la santé physique, mentale et sociale, telle que définie par l’OMS.
1. Ceci depuis la circulaire Fontanet de 1973 instituant une éducation sexuelle à l’école ; la loi d’orientation de 1989 est venue renforcer ce rôle éducatif de l’École.
2. Voir notamment la circulaire 98237 du 24.11.1998 « orientation pour l’éducation à la santé dans les collèges et écoles ».
Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’une réflexion qui a pour objet — de favoriser l’épanouissement et le bien-être des enfants en alliant le soin et les efforts de la famille, de l’école et de la collectivité, et — susciter, dès le plus jeune âge, chez chaque enfant une prise de conscience, de sa responsabilité envers son propre organisme et celui des autres, mais aussi lui donner le désir de devenir l’acteur d’une bonne santé physique et d’une confiance en soi. Ceci peut lui conférer la capacité d’influencer son destin et de faciliter l’évitement de comportements responsables de mortalité prématurée.
La nécessité d’une éducation pour la santé, dès l’école élémentaire a été soulignée dans de nombreux rapports, notamment du Haut Comité de Santé publique (1994), des Ministères de la santé et de l’éducation nationale (1998, 2001, 2003) et de l’Académie nationale de médecine (2002). Mais, cette tâche se heurte aux difficultés résultant des inégalités individuelles et sociales face à la santé, des situations de vulnérabilité physique et mentale d’une proportion significative des familles. Il s’y ajoute un manque de coordination des nombreux professionnels impliqués, un défaut de lisibilité de leurs missions respectives, un cloisonnement entre les domaines sanitaire et social, l’isolement des milieux associatifs. L’évolution de la société, travail des mères, précarité pour les uns, exigences de loisirs pour d’autres, perte des liens transgénérationnels, favorisent aussi le manque de repères et l’insuffisant développement d’une autorégulation pendant la prime enfance, avec fréquemment, désarroi des parents face à des discours contradictoires et/ou marginalisation, dans une ambiance de violence et d’exclusion…
Rappelons que nous faisons ce constat alors même qu’a été célébré en 2009 le e XX anniversaire de la signature à New York de la Convention internationale des Droits de l’Enfant et alors que des institutions internationales (UNICEF, OCDE) ont signalé que les efforts faits en France dans ce domaine n’étaient pas à la hauteur de ceux effectués dans d’autres pays.
UN CONSTAT D’INSUFFISANCE
La santé physique des jeunes Français (0-18 ans) est globalement satisfaisante, mais la qualité de leur santé mentale et de leur insertion sociale devenue très inégalitaire est insuffisante. Dans le classement des vingt-et-un pays les plus industrialisés publié en 2007 par l’UNICEF sur le bien-être des enfants (fondé sur six groupes de critères), la France n’occupait que la seizième place.
Le rapport de l’OCDE confirme la mauvaise position de la France et souligne qu’elle est le pays où statistiquement les parents consacrent le moins de temps à leurs enfants et où la collectivité fait le moins d’efforts pour les très jeunes enfants, alors qu’elle se préoccupe mieux des adolescents et des jeunes adultes. Les jeunes français sont parmi ceux qui sont les plus pessimistes quant à leur avenir et qui se sentent le moins intégrés dans une société qu’ils ressentent comme bloquée, car elle ne leur offre que peu de possibilités de promotion. Ils ont le sentiment que leur destin dépend des autres et non d’eux-mêmes (voir annexe II). La France est, avec la Finlande, le pays de l’Union Européenne où chez les hommes, la mortalité prématurée (entre 15 et 65 ans) est la plus élevée, ce qui est, pour l’essentiel, dû à un taux élevé de mortalité évitable (accidents, suicides, tabac, alcool) qui n’a d’égal ailleurs en Europe que dans certaines régions de l’ex-Allemagne de l’Est et le sud de l’Espagne 3. Malgré les progrès récents, les Français à 18 ans restent parmi ceux qui fument le plus, boivent le plus d’alcool, fument le plus de cannabis, consomment le plus d’antidépresseurs et de tranquillisants ainsi que de somnifères, se suicident le plus (entre 15 et 35 ans), deviennent le plus souvent HIV séropositifs et où les interruptions volontaires de grossesse sont parmi les plus fréquentes.
Signalons le nombre élevé de plaintes pour violences familiales (environ 40 000 plaintes /an), de viols (environ 600 qui sont souvent des incestes) et de décès dûs aux violences familiales (environ 600 par an). En France, 22 % des femmes fument pendant leur grossesse, ce pourcentage est le plus élevé des pays développés.
LES CAUSES DE CETTE SITUATION : beaucoup de textes peu d’actions, manque de cohérence
La prévention a deux aspects. D’une part des actions spécifiques (par exemple l’éducation physique et la lutte contre le grignotage pour combattre le surpoids) et la promotion de la santé telle que proposée par l’OMS, fondée sur une approche globale et positive de la santé 4. Elle est constituée par l’ensemble des actions susceptibles de mobiliser les forces sociales en faveur de la santé, en incluant les conditions de vie des jeunes enfants, une prise de conscience par les parents des difficultés de leur tâche et de son importance et de l’importance de l’épanouissement des enfants. A côté des parents, l’éducation pour la santé à l’école a un rôle plus grand si les parents s’impliquent peu.
Celle-ci comprend notamment des interventions éducatives visant à inciter les individus et les groupes à adopter des attitudes et des comportements favorables à la santé. Elle s’appuie sur l’information, des actes médicaux, des actions sur l’environnement, des mesures légales et socio-économiques et la lutte contre les handicaps somatiques et intellectuels. Elle veut conférer aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé 3. Voir enquête Eurostat et carte du CIRC.
4. La première conférence internationale pour la promotion de la santé réunie à Ottawa a adopté le 21 novembre 1986 une charte en vue de contribuer à la réalisation de l’objectif de l’OMS dans le cadre de la santé pour tous (voir texte intégral dans Traité de Prévention , sous la direction de François Bourdillon, Médecine-Science Flammarion Paris, 2009, pp. 403-5).
et de l’améliorer. Elle fait appel à la notion de bien-être et non d’interdits et va au-delà de l’action éducative. Elle est partagée entre de multiples acteurs :
individus et groupes communautaires, professionnels de santé, responsables institutionnels et ministériels. Le but n’est pas de faire peur, il est de donner envie de vivre, de s’épanouir et de procurer à tous ceux impliqués dans cette entreprise la compétence permettant d’y parvenir grâce à un environnement familial et social adéquat. La prévention doit reposer sur une vision globale de la santé à l’exclusion de projets ponctuels, trop souvent déconnectés des bénéficiaires.
Sur le plan historique, des textes officiels 5 définissent les conditions d’une éducation à la santé impliquant toute l’école, centrée d’abord sur les enseignements apportant les bases scientifiques nécessaires, mais conduisant aussi à développer chez les jeunes des compétences psycho-sociales qui permettent aux élèves d’opérer des choix, et pas seulement d’acquérir des savoirs. Ces textes, toutefois, traduisent les évolutions successives des conceptions en matière d’éducation à la santé. Quatre étapes ont jalonné les dernières décennies.
— L’éducation pour la santé s’est d’abord limitée (des lois J. Ferry aux années 1970) à des prescriptions hygiénistes pour éviter les maladies infectieuses, cause majeure de mortalité et d’épidémies. On agit sur les causes pour prévenir les maladies.
— Est apparu ensuite un modèle bio-médical d’éducation pour la santé ayant pour objet la lutte contre les comportements nocifs en soulignant les conséquences possibles (par exemple celles des relations sexuelles non protégées). Cette prévention est souvent limitée à des actions ponctuelles :
les actions anti-tabac, anti-SIDA, etc. Malgré leur caractère médiatique, elles n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité quand elles sont isolées, surtout, si elles font appel à des partenaires extérieurs. Cette faible efficacité a jeté le discrédit sur la prévention fondée sur la peur, par exemple dans le cas du tabagisme (voir le rapport sur le tabagisme de l’Académie nationale de médecine, 2009).
— Ce modèle a, ici et là, évolué vers une approche centrée davantage sur l’élève avec des actions de prévention , conduisant non à fuir le danger, mais à s’armer pour affronter les réalités de la vie, donc à renforcer la confiance en soi.
— En 1986 l’adoption par l’OMS de la charte d’Ottawa a fait réexaminer objectifs et moyens. Celle-ci préconise la surveillance de l’environnement familial, le renforcement de l’action communautaire associé à l’acquisition d’aptitudes individuelles, le recentrage des soins de santé sur la totalité des besoins de l’individu considéré dans son intégralité. Elle conduit à un 5. Voir notamment la circulaire 98237 du 24 novembre 1998 « Orientations pour l’éducation pour la santé dans les collèges et les écoles ».
programme élaboré par l’école qui s’implique toute entière, elle a gagné la France à la faveur de séminaires européens dans le cadre des deux plans « Europe contre le cancer » 6. Elle s’est lentement imposée dans les textes (circulaire du 24 novembre 1998) mais, faute de relais de terrain suffisamment formés, elle n’a réussi son entrée que dans de rares écoles.
Ces quatre étapes se sont succédées dans le temps, mais aucune n’a vraiment été abandonnée et elles continuent à cohabiter. Il n’est que de lire les quelques lignes qui concernent l’éducation pour la santé à l’école primaire sur le site officiel EDUSCOL : « dans chaque école doit figurer un programme d’éducation à la santé et à la citoyenneté (étape 4). Ce programme comporte en priorité des actions de prévention des conduites addictives, d’éducation à la sexualité, d’éducation nutritionnelle ainsi que de formation aux premiers secours (étapes 2 et 3) . Il est défini par le Conseil Educatif Social et Civil (étape 4) ».
Une ligne politique cohérente et un suivi de terrain ont manqué . On s’est limité à publier, pour l’enseignement, plus de vingt textes en 20 ans, dont beaucoup, notamment dans les années 90, révèlent des conceptions dépassées : les décideurs comme les acteurs de terrain ayant eu du mal à suivre l’évolution de l’éducation pour la santé, de la simple prévention vers la promotion globale et positive de la santé. Certains textes définissent les missions des acteurs sans établir de lien entre eux, comme si chacun, médecin et infirmière scolaire, personnels social, enseignant, etc., était seul chargé d’éduquer pour la santé.
D’autres s’emparent d’une thématique exclusive (tabagisme, alcoolisme, SIDA, éducation sexuelle) comme si elle était la clé unique d’une éducation efficace.
Quelques textes s’efforcent de mettre une cohérence dans les objectifs et les priorités 7. Mais la part définissant l’enseignement dans ces textes reste minime, et dans les programmes scolaires de l’ensemble de l’école élémentaire, les contenus identifiables comme consacrés à l’éducation pour la santé se limitent à quelques lignes. Par ailleurs, on a souvent considéré qu’il suffit de publier un texte pour que les pratiques suivent. L’éducation pour la santé à l’école en France apparaît mal définie, non testée par de vraies expériences sur des groupes d’élèves. Peu pilotée, insuffisamment mise en œuvre ; elle n’est ni suivie, ni évaluée. Elle souffre de la multiplicité des intervenants et d’une insuffisance de coordination, source de redondances et parfois de rivalités.
Elle est handicapée par un manque de disponibilité et par l’insuffisance numérique de ces personnels. Elle souffre de l’hétérogénéité des outils utilisés (notamment, une méconnaissance des documents de l’INPES) et de l’insuffisance de la coordination entre les diverses structures impliquées qui relèvent tantôt de l’Etat, tantôt des autorités locales ou des instances médicosociales 6. Conférences de Dublin 1990 et 1994 « Promoting the health of young people in Europe », et université d’été de Southampton, 1990.
7. Circulaire 98-237 déjà citée, et circulaire 2003-210 du 1-12-2003 « programme quinquennal de prévention et d’éducation ».
(PMI). Des liaisons structurelles semblent indispensables dans le cadre d’une politique globale interministérielle de la santé de l’enfant et de l’adolescent.
DES RÉUSSITES ET DES PISTES VERS LA RÉUSSITE
Pourtant, des réussites existent, telles que celles de l’Association « La main à la pâte » et de quelques autres 8. Elles reposent sur des équipes d’enseignants motivés, disposant des bases scientifiques nécessaires pour conduire leurs élèves à une compréhension du fonctionnement de leur corps et des enjeux de leurs comportements. Elles intègrent l’information objective, le travail sur les compétences psycho-sociales et un fonctionnement de l’école elle-même en tant que promoteur de la santé. Par exemple, en complément d’un travail sur la nutrition dans le cadre des programmes scolaires, la possibilité de se laver les mains avant les repas (et après de se laver les dents), l’équilibre alimentaire dans la restauration scolaire, les conditions et horaires d’accueil des élèves, etc., sont des éléments participant à une éducation à la santé bien comprise et qui pourraient faire de l’école un lieu de promotion de la santé où l’élève acquiert progressivement un mode de vie propice au développement d’une santé physique et mentale.
Les interventions éventuelles de partenaires extérieurs compétents doivent s’effectuer non sur la base d’une offre de service d’une association, mais sur celle de la recherche d’une compétence dont l’école ne dispose pas. C’est ainsi qu’elles trouvent leur place dans un projet orchestré par les maîtres et par l’école.
Les réussites doivent être analysées et diffusées car elles soulignent l’existence d’expérimentations faites par des écoles ou des classes volontaires. Une innovation ne peut être introduite partout et de façon obligatoire. Elle doit faire l’objet d’expérimentations et d’évaluations, elle doit s’adapter au terrain et laisser place aux initiatives, tout en étant constamment suivie. Il existe une insuffisance des actions concernant les très jeunes enfants, la plupart de celles-ci concerne les adolescents, alors qu’il faut intervenir très tôt.
LA FORMATION DES MAÎTRES
Nous avons en France des enseignants motivés qui le plus souvent ne demandent qu’à mettre en œuvre une éducation pour la santé. Mais, ils ont besoin d’une formation pour maîtriser les bases scientifiques nécessaires, mieux connaître le développement psycho-cognitif de leurs élèves et percevoir que l’éducation pour la santé est un tout cohérent et non une somme d’actions.
8. G. Charpak, P. Léna, Y. Queré. L’enfant et la science. L’aventure de « La main à la pâte ».
Ed. O. Jacob, 2005. Site internet : http://lama.inrp.fr
D’excellents outils sont développés. Les guides « Repères » du SCEREN 9 (éducation à la sexualité, conduites addictives) sont bien connus et utilisés.
L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) a récemment publié un guide d’« éducation à la santé un milieu scolaire » 10. Le réseau « Éducation à la santé et prévention des conduites addictives » 11, avec l’appui de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et de l’INPES, publiera un guide de formation des maîtres en éducation à la santé. Ces outils sont performants ; ils sont complémentaires de la formation des maîtres.
Celle-ci constitue l’élément-clé de cette entreprise. La formation initiale s’effectuera dorénavant dans les universités, elle devrait intégrer les éléments permettant aux maîtres de connaître les modalités du développement cognitif des jeunes et donner un minimum de connaissances sur la santé en France. La formation continue doit être développée et viser les mêmes objectifs, en s’appuyant sur les réussites de terrain pour en comprendre les facteurs et les caractéristiques.
Les missions des médecins de l’Éducation Nationale et des infirmières scolaires doivent être comprises comme étant complémentaires de celles des autres acteurs. Elles ont été définies dans la Circulaire du 12 janvier 2001.
Depuis les années 1990, une circulaire de l’Éducation nationale demande aux établissements scolaires de construire un projet éducatif. Ceux-ci sont très variables. Il serait bon que ce Projet Éducatif soit revu périodiquement par les représentants des enseignants, du personnel de santé scolaire et des parents d’élèves. Ce projet devrait analyser les buts poursuivis par l’éducation globale des enfants, les moyens proposés pour les atteindre.
POURQUOI UNE ÉDUCATION À LA SANTÉ LA PLUS PRÉCOCE POSSIBLE ?
Les parents, l’entourage familial et social pendant la prime enfance, influencent le profil psychologique et la santé physique du futur adolescent. L’école maternelle et les premières années de l’école élémentaire ont un rôle crucial notamment quand les parents et l’entourage n’ont pas rassuré le bébé et le jeune enfant face aux stress émotionnels et contribué à la formation de cette autorégulation qui l’aidera à faire face aux autres et aux événements extérieurs.
C’est pendant le très jeune âge que les professionnels de santé et d’action sociale doivent intervenir en liaison étroite avec les parents, cette action est particulièrement importante quand le comportement de l’enfant donne à penser 9. Services Culture, Editions, Ressources pour l’Éducation Nationale. http://www.sceren.
fr/produits 10. http://www.inpes.sante.fr/esms/pdf/esms.pdf 11. http://www.iufm.education.fr/applis/actualites/article.php3?id_article=192 qu’il a du mal à s’intégrer dans le groupe, à jouer avec les autres, qu’il s’isole.
Les responsables des crèches et des écoles maternelles et les instituteurs sont souvent ceux qui donnent l’alerte qui permet de déceler l’existence d’un trouble.
L’éducation à l’école a l’avantage d’impliquer une pluralité d’adultes et de s’adresser à l’ensemble des enfants présents. Elle atténue le rapport de force individuel, et rend plus acceptable l’apprentissage qui peut se faire de manière plus interactive et plus ludique avec l’ensemble de la classe. Le petit enfant est ainsi immergé dans un processus d’apprentissage, concernant son corps et l’image qu’il a de lui-même, son développement cognitif et émotionnel. Le rôle des adultes est crucial, mais l’enfant doit avoir le sentiment d’en faire la découverte et de se l’approprier activement. C’est dès le début de la vie que l’enfant doit être suffisamment stimulé pour prendre plaisir à l’échange avec les autres mais aussi à mieux connaître son corps, ses potentialités d’expression et de jeu. Ainsi, il peut maîtriser ses acquis et élaborer des réactions où le langage prend la place de la réponse émotionnelle et des « agirs de décharge ».
Plus l’éducation se fait tôt, dès la maternelle, plus l’enfant se l’approprie, plus il comprend que la santé n’est pas un don de la nature mais une conquête. Il lui sera ainsi plus facile d’y adhérer à l’adolescence. Commencer tôt ne prend tout son sens que si le travail éducatif du respect de soi et de l’autre se poursuit durant toute la scolarité en l’adaptant à la maturation de l’enfant au cours de son développement.
Le suivi de la santé physique et mentale des enfants est handicapé par l’insuffisance de coordination entre les diverses structures impliquées qui relèvent tantôt de l’Etat, tantôt des autorités locales ou des instances médicosociales (PMI) ; des liaisons structurelles semblent indispensables dans le cadre d’une politique globale interministérielle de la santé de l’enfant et de l’adolescent.
LE RÔLE DES PARENTS — INTERACTIONS AVEC L’ENFANT
Si l’école constitue un complément à l’éducation des parents celle-ci est, elle aussi, insuffisamment développée en France et doit faire l’objet d’un effort considérable. De nombreux couples, par immaturité ou manque de prise de conscience de l’importance de leur rôle, ne font pas face à leur responsabilité et sous-estiment l’importance de leur action. L’objectif est double. D’une part, leur montrer par des exemples concrets les troubles causés chez l’enfant par l’impression qu’on ne lui accorde pas une attention suffisante. Ainsi, certaines données suggèrent qu’une des sources de l’obésité des jeunes enfants (de 3 à 5 ans) est la compensation cherchée dans la nourriture aux frustrations affectives. On devrait profiter des consultations prénatales pour rappeler à la mère, et si possible à son conjoint, la nécessité et la modalité de leur fonction éducative. Il faut inciter par tous les moyens les mères à y participer et les services d’obstétrique à faciliter ces réunions. Les parents qui souhaiteraient s’investir davantage dans leur fonction éducative manquent de repères et sont désorientés par les conseils catégoriques et contradictoires trouvés dans la presse. Il faut les guider et renforcer leur compétence. Ils croient souvent bien faire en faisant confiance à l’intelligence de leurs enfants et hésitent à donner des directives. Or, les enfants en ont besoin et, si les parents n’en donnent pas, ils iront chercher des modèles chez les pairs ou dans la littérature enfantine, les films et la télévision et seront influencés par les jeux vidéo qui les font vivre dans un monde artificiel et violent. L’objectif, aujourd’hui, de ces livres et jeux n’est pas d’éduquer, il est de plaire et de distraire, et tendent à flatter les instincts au lieu d’apprendre à les maîtriser. Ces rappels montrent la nécessité d’une coopération étroite entre parents et enseignants qui peut être renforcée, si besoin, grâce à l’aide des milieux associatifs et des médecins, infirmières de l’Éducation nationale et des PMI afin de mieux connaître les conditions de vie des enfants à problème. Ainsi, pourrait-on réduire les inégalités devant la santé, étudier leurs causes sociales et familiales, et rechercher comment mieux insérer tous les enfants dans le processus d’instruction et d’éducation, les écoles maternelles et élémentaires ne pouvant être isolées du contexte (famille, milieu culturel, quartier) lequel varie grandement selon les écoles.
L’importance de l’éducation et du rôle stimulant de modèles des adultes est connue de longue date et a été confirmé par les recherches en neurobiologie.
Les connaissances sur le développement cognitif et émotionnel de l’enfant montrent l’importance des stimulations précoces sur le développement céré- bral, sur leur rôle dans le processus de contrôle d’apprentissages complexes et d’activités réflexives 12.
Comme le montre l’expérimentation, c’est l’apprentissage qui permet d’inhiber, après une stimulation, les réponses automatiques, souvent violentes et de donner le temps à l’élaboration d’une réponse adaptée avec maîtrise émotionnelle et réflexion (voir annexe 1).
L’ACTION SOCIO-CULTURELLE
Comme le fait l’OMS, soulignons le rôle majeur des conditions de vie et la nécessité d’une attention particulière pour les plus démunis. L’anxiété, le mal-être des parents se transmettent à leurs descendants, chez l’homme comme chez l’animal.
La France est devenue un pays hétérogène, c’est une réalité qu’il faut accepter et dont il faut en tirer les conséquences. La France a besoin de tous ses enfants, les échecs coûtent très cher et il faut en limiter le nombre. L’école maternelle et l’école élémentaire peuvent en apportant un complément à 12. Pierre Buser . Cerveau de soi, cerveau de l’autre. Ed. O. Jacob Paris.
l’environnement familial et social donner un fond culturel à tous les enfants qui les fréquentent. JP.Changeux dans un article (Cerveau et apprentissage. Les Cahiers du MURS no 14, 1988) souligne « l’importance cruciale de l’environnement socio-culturel dans l’élaboration de l’organisation cérébrale. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de cette « éducation », non seulement pour le développement de nos fonctions psycho-linguistiques, mais bien entendu pour celui de l’organisation des réseaux de neurones qui déterminent ces fonctions.
Le cerveau de chaque individu va être imprégné, non seulement par le langage mais par les traditions, les pratiques du milieu culturel dans lequel il aura vécu.
On peut presque dire qu’il n’y a pas un libre choix de l’enfant face à cet environnement socio-culturel dans lequel il aura vécu. Il est soumis à une sorte de « totalitarisme » de cet environnement qui lui impose sa langue dite maternelle et tout un arsenal de croyances qui orienteront beaucoup de ses actes ulté- rieurement dans sa vie. Je crois qu’il faut être très attentif à ce que l’on met dans la tête des enfants. Leurs traces neurales peuvent être d’une stabilité extrême et déterminer de manière cruciale le devenir de l’individu. » Cette citation confirme l’importance du rôle des écoles maternelles et élémentaires non seulement pour l’éducation pour la santé, mais aussi pour donner des repères aux enfants.
RECOMMANDATIONS
Après avoir pris connaissance des insuffisances dans l’éducation pour la santé à l’école élémentaire et de certains indicateurs montrant que la situation sanitaire des enfants, des adolescents et des jeunes adultes français n’est pas satisfaisante en comparaison avec d’autres pays développés, les Académies nationale de médecine et des sciences font les recommandations suivantes :
— La promotion de la santé physique, mentale et sociale, doit être l’objet d’une approche individuelle et collective dès le très jeune âge, à l’école maternelle et élémentaire, ceci en lien étroit avec les parents, d’autant plus qu’un rapport de l’OCDE souligne dans ce domaine l’action dans cette tranche d’âge est moindre en France que dans d’autres pays développés.
— Au-delà des textes réglementaires portant essentiellement sur le transfert de connaissances théoriques des recherches, des actions doivent être proposées, soutenues et évaluées à l’aide d’indicateurs définis dans des protocoles. Elles doivent tenir compte de la population cible et des enseignements fournis par l’expérience d’institutions actives dans ce domaine, dans un esprit d’acquisition des compétences. Plus l’éducation se fera tôt, dès la maternelle, plus l’enfant se l’appropriera et plus il lui sera facile d’y adhérer à l’adolescence, et plus il comprend que la santé n’est pas un don de la nature mais une conquête. Commencer tôt ne prend tout son sens que si le travail éducatif du respect de soi et de l’autre se poursuit durant toute la scolarité en l’adaptant à la maturation de l’enfant au cours de son développement. L’exemple de la Main à la pâte a prouvé son efficacité due notamment au volontariat, au suivi et à l’évaluation des démarches pédagogiques. L’impact de tels programmes doit être l’objet d’indicateurs permettant de les évaluer. Parmi ces indicateurs, il importe de situer le partenariat entre parents et enseignants.
— La promotion de la santé doit donner une plus grande place à l’éducation physique et au sport permettant, ainsi de développer le respect de son corps et celui des autres.
— Dès le très jeune âge, l’accent doit être mis sur le rôle de l’enfant dans son épanouissement et son bien être en prenant des exemples simples comme le sommeil, l’alimentation et la propreté. Il importe de détecter, dès la prime enfance ceux qui ont des difficultés à s’intégrer dans leur milieu scolaire.
— Une politique globale, interministérielle de santé de l’enfant et de l’adolescent devrait présider à l’organisation de liaisons structurelles entre l’État (Éducation Nationale), les autorités locales et les instances médico-sociales (PMI…). Elle devrait apporter une aide à l’ensemble des personnels de l’Education Nationale.
Cette politique devrait servir de base à l’élaboration des programmes de formation des enseignants que ce soit dans les masters des universités ou dans les sessions de formation continue, ainsi que pour la définition des missions des médecins et personnels de santé scolaire.
— Le partenariat avec des personnalités extérieures à l’école doit résulter de la demande de l’institution et n’être mis en œuvre que dans la mesure où il apporte des compétences complémentaires à celles des personnels de l’Éducation Nationale.
— Le développement de l’éducation parentale est hautement souhaitable.
L’information des familles déjà portée par des structures telles que l’Ecole des parents pourrait être renforcée par la mise en place d’une université des parents où les programmes de prévention feraient intervenir des partenaires venus de disciplines complémentaires (sociologues, médecins, enseignants, psychologues…). Malheureusement, il est vraisemblable que les parents qui en bénéficieraient le plus n’y viendront pas. C’est pourquoi il faut introduire un enseignement systématique de la femme pendant la grossesse (ainsi que, si possible, son conjoint) en profitant des consultations médicales obligatoires pendant cette période.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 30 mars 2010, a adopté le texte de ce rapport moins six non et huit abstentions.
Ce rapport, dans son intégralité, peut-être consulté sur le site www.academie-medecine.fr
Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 647-661, séance du 30 mars 2010