Résumé
Depuis l’année 2000 et la publication de l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, la lutte contre les violences conjugales a fait de constants progrès. La connaissance du phénomène est nettement meilleure. Une étude nationale des décès au sein du couple recensant, sur tout le territoire, les assassinats, les meurtres, les violences suivies de mort sans intention de la donner, commis par l’un des deux partenaires, paraît chaque année depuis 2006. On sait ainsi qu’en 2012, ces violences ont entraîné 314 décès : 166 femmes, 31 hommes, 25 enfants, 9 victimes collatérales, 14 homicides de rivaux, 2 ex-conjoints tués par leur ex-beaux-pères. Par ailleurs, 67 auteurs se sont suicidés (51 hommes et 3 femmes). Le nombre de femmes décédées fluctue d’une année sur l’autre mais reste assez stable puisqu’il était de 168 en 2006. La législation a été considérablement améliorée. Depuis 2004, huit lois se sont enchaînées et complétées. Elles ont toutes eu pour objet de protéger les femmes, d’éloigner les hommes violents et de les soigner. De nouveaux dispositifs d’information et de protection des femmes sont apparus tandis que d’autres ont été perfectionnés, tel le numéro d’appel anonyme, le 3919 violences conjugales info. Une Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a été créée le 3 janvier 2013. Un site Web intitulé « Stop violences faites aux femmes » peut être consulté. Un dispositif de télé protection, « Téléphone Portable Grand Danger » (TGD), permettant d’alerter les forces de l’ordre en cas de violation des obligations imposées au mis en examen ou au condamné sera généralisé à l’ensemble du territoire à partir de janvier 2014. Des postes de « référents » ayant pour mission de coordonner la prise en charge globale et dans la durée des femmes victimes ont été déployés dans les départements. Les Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) forment désormais un réseau national de proximité. Une consultation au quatrième mois de grossesse, faite par une sage-femme qui s’enquiert des conditions économiques, sociales, affectives dans lesquelles vit la femme, a été mise en place dans 21 % des maternités et devrait se généraliser progressivement. Les professionnels qui appliquent les lois ont modifié leur comportement ainsi que les victimes, mais ces dernières à un moindre degré. Les agresseurs sont plus souvent éloignés du domicile conjugal et sont tenus à des obligations de soins et à des stages de responsabilisation. Les victimes porteraient plus souvent plainte. Des intervenants sociaux, des associations d’aide et, depuis 2006, des psychologues, se tiennent à la disposition des victimes dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie. La prise en charge des agresseurs est désormais mieux assurée. Malgré la réticence persistante de nombreux médecins, une évolution se dessine parmi les plus jeunes. Une enquête réalisée récemment auprès de 1472 étudiants en médecine a montré que si 90 % disent n’avoir reçu aucune formation à ce sujet, 93 % pensent que le médecin doit jouer un rôle et 95 % se disent très intéressés. Des Diplômes d’université ont été créés. L’étude des violences conjugales a été insérée dans le programme d’étude des sages-femmes. Reste la délicate question de la prévention qui, pour le moment, n’est pas encore résolue. Un programme est en cours d’expérimentation.
Summary
Since the publication of the French national survey of violence against women in 2000, the fight against domestic violence has made steady progress. Knowledge of the phenomenon has significantly improved. A nationwide study of murders and manslaughters perpetrated by one partner of a couple against the other has been published annually since 2006. In 2012, domestic violence resulted in the deaths of 314 persons: 166 women, 31 men, 25 children, 9 collateral victims, 14 rivals, and two former spouses killed by their ex-fathers in law. In addition, 67 perpetrators committed suicide (51 men and 3 women). The number of women victims fluctuates from year to year but has remained fairly stable since 2006 (n=168). Legislation has improved significantly: eight new laws have been passed since 2004, all designed to protect women and to ensure that violent men are restrained and treated. New measures to inform and protect women have been implemented and others have been improved, such as the anonymous helpline (phone no 3919, ‘‘ domestic violence information ’’). An inter-ministerial committee on the protection of women from violence and the prevention of human trafficking (MIPROF) was created on 3 January 2013. A website entitled ‘‘ Stop violence against women ’’ (Stop violences faites aux femmes) is now available. The ‘‘ Imminent Danger ’’ mobile phone system, designed to alert police if a suspected or known perpetrator breaches restraint conditions, will be extended to the entire country from January 2014. Referees charged with coordinating comprehensive long-term care of women victims have been deployed at the county level. Information centers on the rights of women and families (CIDFF) now form a local nationwide network. Routine interviews with a midwife during the fourth month of pregnancy, focusing on the woman’s emotional, economic and social conditions, have been implemented in 21 % of maternity units and should gradually be generalized. The authorities who have enforced the law have modified their behavior, as have the victims, although for a lesser extent. Perpetrators are increasingly subject to restraining orders, with an obligation to undergo treatment and to attend awareness sessions. Victims are also more likely to go to the police. Social workers, self-help groups and, since 2006, psychologists are now available for victim support in police stations. Management of perpetrators has improved. Finally, despite the continuing reluctance of many physicians, an encouraging trend is emerging among younger members of the profession. A recent survey of 1472 French medical students showed that, while 90 % of them said they had received no training in this area, 93 % considered that doctors should play a role and 95 % said they felt highly concerned. Specific university diplomas have been created and domestic violence is now included in the midwifery curriculum. The delicate question of prevention remains to be resolved ; a program is currently being tested.
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Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, nos 4-5, 893-903, séance du 8 avril 2014